CANDEUR : "SCHOOL" - Supertramp



Candeur : La chanson parfaite que l’on écoute le mercredi après-midi, telle une madeleine de Proust, lorsque la présence d’enfants dans les rues nous rappelle quelques souvenirs de jeunesse.


"SCHOOL" - Supertramp "Crime of the Century" - 1974.

School - Supertramp

Quand j'ai lu les thèmes de suite j'ai eu cette chanson en tête en me disant que je m'étais peut être laissé aller à l'évidence, au titre, à ce souvenir des bruits de la cour de récré...
J'ai failli laisser courir et chercher plus loin, trouver du plus approchant, une fantaisie Beatles, par exemple, une déviance Cooper, pourquoi pas, des boites à musique côté Bjork, après tout...
Et puis, comme il faut toujours garder en mémoire l'idée initiale (ça c'est la vie qui me l'a appris et pas qu'en musique...), j'ai évité de me torturer l'esprit et suis revenu à cette merveilleuse chanson, posée en plein milieu de mes premières années lycéennes comme un îlot bienfaiteur au milieu d'un hard devenu métal et d'un prog se métallisant.

"Supertramp, les gars, ça nous rajeunit pas, hein !"
J'en vois qui déjà se gaussent...
" -'tain le papy - oh les vieux - bon on peut passer un peu d'actu stp - sup... connais pas, c'est un film Marvel ?"


Roland.
"On entre chez Ken Scott, hall immense, luxueux et le choc, "Crime of the century" qui sonne partout, prend l'espace, se réverbère dans chaque angle, dans chaque espace de la pièce... le champagne était excellent, l'accueil confiant, on était surs de signer..."
confidence...

Pour ma part, "Crime of the Century" ça a été l'album décortiqué, aimé, usé, détaillé en priorité au casque, sorte de porte ouverte sur un univers qui, tel cette pochette spatiale l'était tout autant.
Une cage, une musique prisonnière à l'intérieur de celle ci mais qui arrive par les grilles à se redimensionner dans l'espace temps, dans l'univers, partout, en chaque recoin, dans chaque angle, en chaque lieu, moment, incroyable performance de production...

"School" - première écoute d'ado pourtant le quasi rejet...
- "Non, svp, pas de cet harmonica à la Morricone, le western spaghetti dans la pop ?... "
D'emblée, rejet... ça a failli...
Mais bon le lit-canap' zone fumette étant trop loin de la platine, les quelques mesures s'évadèrent comme un trait de fumée et... ce soutien morbide en background suivi de cette gratte arpégée, de cette clarinette en contre chant, cette voix hésitant puis prenant place, ces points d'arrêt, ces gamins qui jouent...
Ça y est, j'était foutu, je savais que je devrais maintenant et ce, en une poignée de mesures, compter avec Supertramp dans ma vie - ça tient à peu et l'album l'a confirmé.
J'en ai encore réellement "besoin" aujourd’hui.

Alors on attend, on hésite, les gamins restent en filigrane, les grattes se bourrent d'effets et le drumming entre, tant léger que massif, belle basse, qui colle au drums, cocotte grattée se funkisant un tantinet, gros break et là...
Un petit miracle, une sorte d'arc en ciel musical, de délice sucré, de surprise auditive addictive, un dépucelage auditif...
Le wurtlizer installe ce petit arpège magique, les grattes pleurent et gémissent de concert irisant l'espace temporel, les drums se réverbèrent, marimbas et vibes se joignent à la fête contre-chantent avec la basse qui se précise, s'impose, densifie le propos qui s'égare, veut s'éloigner...
Une caisse claire martiale ramène toute cette rêverie à la maison du tempo, on va la bourrer d'effets fla-isants.
Le piano, l'acoustique des guitares va prendre l'impérieuse place, rappeler que Supertramp est une affaire touches, parfois de cordes pas que grattées mais aussi surtout vocales.
Déjà plus de cinq minutes, à peine deux phrases chantées qui pourtant sont restées là, en mémoire, imprégnant dès l'ouverture du titre l'espace et l'on a assisté à un développement minimaliste digne des grands.
Coup de génie de la mise en haleine, en forme...
La musique a surgit en surprises de part et d'autre, elle a été le continuo de ces bribes vocales et les a emportées avec elle, comme ça, simplement avec juste une intelligence aiguë, une sensorialité unique et essentielle, une cohésion compositionnelle inédite dans ce domaine popisé.

Voix unies, ils reviennent pour une coda épique, les double croches des claviers, marque de fabrique gimmick du groupe ont retrouvé leur place, ça se symphonise, ça enveloppe tout et frise l'insoutenable du souvenir d'enfance à fleur de peau... le mot nostalgie peut prendre sa place réelle sur l'échiquier des sensations.
Le dernier clou s'enfonce et ne (me)-nous laissera aucune alternative - cette dernière phrase, chantée seule, après ce déluge contrôlé qui va amener cet accord de m6/9 à la couleur sensible insistante va rester là, à jamais...

Rare...






































Commentaires

  1. Oh la la.. la grosse madeleine..il était ds mes hésitaions, mais comme j'ai choisi le fransh.. Alors pour le coup, c'est pil poil mon truc gamin aussi..et comme point commun à "Dites-moi", il y a la cour de récréation et le cri des enfants ;D On aurait pu faire coup double Pax. Ceci dit, cette chanson là est absolument sublime, un poil prog, lyrique, avec un bon son 70's comme j'aime.. et le piano de Davis... et le jeu de basse et la voix de Roger.... arrfff je m'associe avec toi 100%

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    1. je savais bien qu'un tel choix ne pourrait te laisser insensible - tu les encenses largement chez toi...
      THX

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  2. Hello Pascal

    Années lycée aussi mais c'était surtout une certaine bande de copains qui écoutait Supertramp. J'avais suivi un temps parce que c'était les copains mais sans plus.
    Par contre côté thème rien à dire, ça colle évidemment parfaitement.

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    1. Avec ce jeu on ouvre les pochettes souvenirs, les albums de collège/lycées, bref, souvent l'adolescence...
      parfois l'enfance (l'effet classique..; vas t'en savoir...).
      comme toujours, souvenirs avec musique ne rime pas forcément avec subjectivité...
      mais pour ce thème, c'est venu d'emblée, alors pas lutter...
      THX

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  3. Ouh là là. ..mais oui, moi ça me rappelle mon enfance, mon père aimait ce groupe alors ça passait à la maison, du coup c'est très nostalgique pour moi . ..
    Et tu dis qu'il y a de la clarinette ! Il faut que je réécoute d'urgence !

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    1. Comme juste plus haut, enfance, souvenirs, carnets de...
      (le carnet à spirales de sheller tellement basé sur la pompe supertramp, à en être mimétisme...)
      et puis effectivement les anches chez eux, jouées quasi jazzy dans ce contexte post prog qui se la récup' pop chanson...
      un entre deux que j'aime bien, encore aujourd'hui (cette prod me laisse encore pantois, mais là aussi souvenirs subjectifs).
      THX

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    2. Resultat des courses, l'album m'a accompagné en voiture aujourd'hui et j'y ai retrouvé la petite perle "Hide in your shell "...:)

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  4. J'associe, sans trop savoir pourquoi d'ailleurs, Supertramp à Eagles. Dans les deux cas, j'ai l'impression de groupes qui en font trop. Mais quand ils baissent la garde ou qu'ils trouvent le truc qu'eux seuls auraient pu trouver, alors ils touchent aux sublimes (peut-être plus Eagles que Supertramp à mon goût mais c'est sans doute l'une des limites de mon parallèle).
    Supertramp, c'est effectivement le souvenir de mon enfance avec Breakfast in America avec Logical Song qui caronne et qui avait ce petit truc bizarre et tordu qui me séduisait. 2 ans après, je suis revenu vers Supertramp, mais je n'y ai pas retouvé cette alchimie que j'aimais à part sur 2 ou 3 chansons. School se situe entre les deux, j'aime et je n'aime pas en même temps, notamment parce que la construction du titre est fuyante et me donne l'impression qu'ils oublient le morceau en route. C'est sans doute volontaire de leur part, mais je préfère une écriture plus concise, moins démonstrative.

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    1. Étrange association d'idées mais à y bien réfléchir, je me dis que c'est pas si incongru que ça.

      Supertramp pour moi cet album est et reste "fétiche", c'est ainsi... pas forcément dû aux souvenirs d'ailleurs si ce n'est ceux qui plus tard m'ont mis en lien direct avec ce son, cette production, ce souci d'espace... ça ne m'a jamais quitté.
      Après, écouter breakfast et celui ci plus un autre sorti vers les années 90 (pas le temps de chercher le titre) avec une intro mimétisant Miles, c'est un peu ma réduction du groupe... ce sont les seuls albums que j'arrive à tenir jusqu'au bout.
      parce que je les connais par cœur et les ai aimé pour le plaisir ?
      parce qu'ils sont les meilleurs à mon sens ?
      je ne sais te répondre, mais voilà une piste que je m'octroie en réflexion de base, comme ce qui m'a fait choisir directement ce titre.

      quant à l'impression qu'ils s'égarent c'est un peu celle de tout le post prog... on réduit le format car commerce oblige, mais on tente de développer en minima de temps là où auparavant on prenait (Floyd Echoes... Genesis Supers ready... Yes Topographics etc...) là encore le temps de... alors on regroupe les idées, on les synthétise sur format minimal et elles peinent à s'installer dans l'auditeur...
      mais bon pour moi, ici, le coup d'idée c'est tout de même quasi rien de chant pour une chanson qui reste en mémoire... avec cette sensation d'espace infini du son...
      un cas d'espèce... à étudier encore plus avant à mon sens.
      merci du passage.

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  5. impecablement regressif et nostalgique, j'adhère.

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  6. La grosse partie musicale est vraiment géniale. Très beau choix. En y réfléchissant bien, c'est quasiment toute la discographie de Supertramp qui est une méga-madeleine !!!

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    1. je ne suis pas sur d'aller jusqu'à aduler tous leurs albums (cf comm plus haut), mais là, ils ont (avaient) fait fort...
      à +

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  7. Grosse maeleine pour moi aussi, entre les cassettes best-of Supertramp de mon père et les CDs de mon oncle "Crime Of The Century" et "Even In The Quietest Moments", je les ai usés de 13 à 16 ans on va dire. Et régulièrement depuis. J'ai récemment fait découvrir ce groupe à ma copine (amusant comme les gens en général connaissent au moins 5 chansons du groupe sans même savoir qu'il existe).
    En termes d'arrangement, et de composition, c'est un superbe groupe, malheureusement sous-estimé suite au punk et jamais assez réévalué depuis. Dans le genre, The Move et ses extensions (Roy Wood solo ou avec Wizzard, Jeff Lynne solo ou avec Electric Light Orchestra) ont porté une musique finalement assez cousine de celle de Supertramp, et qui a fait son chemin... Dans les sphères électroniques (solos de Moog sur le Discovery de Daft Punk, cathédrales électro-pop symphoniques comme "Solitude" sur le dernier M83). Dédaignés, ces groupes ont largement eu leur revanche, et c'est tant mieux, ils le méritent.

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    1. là aussi c'est cyclique.
      et curieux même.
      tu me cites E.L.O, une de mes élèves 17 ans a écrit un arrangement sur un titre d'E.L.O pour son pjt d'exam fin Conservatoire.
      j'ai été le premier surpris de son choix, genre : "ah bon ? tu connais ?" et c'est justement cette ouverture vers l'orchestration qui l'a de suite attiré.
      M83 n'est pas le département du Var en faute de frappe... donc, comme ça m'est totalement inconnu et que tu en parles comme il se doit pour attiser l'intérêt, je vais creuser.
      décidément cette semaine je sors la pelle...
      THX

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    2. Eh ben si Pascal ! M83 se référe bien au Var d'où le groupe est originaire. ..;)

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  8. Ca me parle aussi beaucoup, car c'est la madelaine de Prouste de mes parents, je me souvients encore de ces dimanches après midi ou mes parents sortaient le tourne disque et les galettes de supertrampes que moi et mes frangins regardions inlassablement tourner comme si c'était le dernier bidul de chez Apple.
    Et puis c'est aussi un concert de Roger Hodgson avec eux il y a 2 ans, dont je me demande d'ailleurs si ce n'étais pas School qui ouvrait le concert ! ( je vous le conseils, il respire la gentillesse sur scène, un très bon moment ! )
    Tout comme Alexandre je ne peux plus écouter du Supertramp sans penser à M83 (merci Chris pour l'explication !! ).

    Belle madelaine qui parle à beaucoup de monde !

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    1. THX,
      Bon, je vais tout de même me renseigner sur M83 (surement des associés de Tandem - l'asso Musiques actuelles du Var, ça ne m'étonnerait pas ou de l'Arcade, autre incontournable mais sur Aix)...
      les concerts de Hodgson je les ai visionnés dès leur apparition Youtube... de très beaux moments.
      à +

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  9. Hey hey... Ce regard d'adulte qui revient sur ce qu'il l'a touché gamin. Marrante ta grille de lecture, comme pour dire que finalement il y avait de belles raisons musicales de tomber sous le charme. Touché!! Bravo. Gamin nous étions en "manque" de GENESIS - bizarre d'écrire ça aujourd'hui - et l'arrivée du copain avec ce disque sous le bras. heureux nous fûmes, il y avait une suite. Bon, il me semble que SUPERTRAMP à bien négocié son temps et virage musicale. Mais j'y ai cru à l'époque.

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    1. Moi aussi j'y ai cru...
      Bon j'ai tout de même été paresseux à les suivre et les ai redécouverts par cet album années 90 de "retour"...
      Conférence fac Lyon sur l'arrangement et exemple clarinette avec insert à la Miles puis blindtest...
      Et là... m... Supertramp ?...
      Donc de suite l’achat de l'album puis de la tournée qui suivit (un live assez moyen, mais sympa pour le souvenir)...
      Mais je reste à Crime of Century et Breakfast, même si ça fait "facile"...
      Après tous, quand c'est bon...

      à +

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