ROCK POP … (02) … 45 mn … Face A - confirmation.
ROCK POP … (02) … 45 mn … Face A - confirmation.
LED ZEPPELIN « Communication Breakdown » - Album « I » -
Atlantic 1969.
Le premier Zep que j’ai écouté était le IV, impossible de décoller de
« Black Dog » que j’allais écouter chaque samedi matin chez mon
oncle.
Puis ce fut le II et enfin le I, compte à presque rebours.
Led Zeppelin ça a été mon modèle rock avec Purple pendant de très nombreuses
années.
Leur musique évidemment mais pas que.
La presse s’en donnait à cœur joie et ça faisait étincelle dans les yeux
d’adolescents que cette vision rock de l’attitude.
Et puis chaque sortie d’un album de Led Zeppelin était un événement que je
fêtais dignement, je le trimballais partout en soirées, je l’écoutais à n’en
jamais finir.
Je suis même monté spécialement à Paris avec un pote pour voir la sortie du
film « The Song Remains the Same » avant qu’il ne passe en
« province ».
Avec ce titre, tout est dit et présenté.
Robert est et restera le plus grand chanteur rock de tous les temps.
Une voix unique, des aigus rageurs qui forcent l’admiration et auront fait se
briser les cordes vocales à bien des pseudos imitateurs passant ainsi de Plant
à Tom Waits en l’espace de trois envolées…
Robert c’est la profondeur du blues et la hargne du rock, c’est le pouvoir par
la voix et le charisme surdimensionné. C’est l’expression ultime du rock-blues,
du cri chanté qui sort des tripes pour l’expression la plus dense, la plus
intense, la plus vivante.
La preuve dans ce titre, mais en fait la preuve dans tous les titres de Led
Zeppelin ce même dans le côté bucolique ou la lenteur appuyée.
Et puis Robert c’est le double vocal de Jimmy, c’est le devant de la scène et
de la déferlante sonique, c’est le partage du pouvoir absolu de la première
ligne de front.
Jimmy…
C’est là encore certainement l’un des plus grands guitaristes, inventeurs,
producteurs, créateurs et flambeau du rock.
Tout est génial chez lui, dès qu’il place un accord, dès qu’il entre en lice
pour des solos ravageurs, sa gestion du son tant en studio que sur scène et pas
seulement pour ses guitares, sa vision musicale qui fait que chaque album de
Led Zeppelin est un monument en soi.
C’est la tête créatrice et certainement pensante (un hydre à deux tête qu’il
partage avec un autre membre du Zep, on y vient juste après) du quartet solide,
indestructible, unique dans l’histoire du rock.
Jimmy Page c’est ce professionnel de sommet de podium, hyper compétent, hyper
lucide, hyper visionnaire, chef de file des quatre lascars en lesquels une
confiance absolue est évidente et avec lesquels une fois en scène il est juste
l’extraterrestre guitariste dont il faut avoir conscience.
John Paul.
C’est pour moi la seconde tête pensante du groupe et également le second gars
le plus professionnel.
Il joue la basse comme nul autre auparavant, lui prêtant des lignes, des
sinusoïdes, des assises, des possibilités inouïes qui marqueront à jamais le
jeu du bassiste dans le rock.
Il est un magicien des claviers, pas spécialement un technicien au sens où les
claviéristes aiment la surenchère, mais John Paul aux claviers c’est
l’efficacité absolue, c’est aussi le choix de l’univers sonore approprié pour
embellir l’attraction musicale de Jimmy et Robert, c’est l’arrangeur du groupe.
La gars est discret, à l’écoute, collé à Bonzo à un point semblant inconcevable
et incitateur de Jimmy qui, grâce à lui, peut s’envoler en toute quiétude.
John Paul prend aussi diverses mandolines, guitares et alors il joue la basse
avec un pédalier d’orgue portable.
Un autre alien quoi…
John dit Bonzo.
Là on passe dans le stratosphérique si l’on veut parler instrument.
Et d’ailleurs avec Bonham il ne s’agit que de batterie…
Il a influencé la terre entière se voulant batterie rock, il est certainement
le point de référence de l’instrument incontournable, indiscutable,
indéboulonnable.
Certes l’instrument en lui-même et son jeu ont évolué de façon spectaculaire
(et il y a fort à penser qu’il a contribué largement à cette évolution) et
malgré tout ce constat, il suffira de revenir à la case Bonham pour finalement
se dire que…
Alors en vrac, Bonham c’est une révolution dans le jeu de batterie.
Une frappe de Viking, une gestion rythmique tant créative que forte d’une
pensée innovante, des breaks qui font encore date et qui s’inscrivent dans les
« obligato(s) » du langage de la batterie rock, un socle
indéboulonnable sur lequel les trois autres s’appuient sans vergogne.
Bonham c’est aussi un musicien incitatif, un booster d’idées qui sait ce qu’est
l’efficacité tant que la sollicitation et Jimmy lui doit énormément pour ses
états seconds (voir plus).
John Bonham compte encore et comptera toujours parmi les plus grands batteurs
de l’histoire du rock et de la batterie elle-même.
Et ce n’est pas rien…
Alors avec de telles personnalités il eut été imaginable de craindre le pire,
la friction des egos, la volonté de pouvoir…
Et pourtant, sans changer en rien le personnel (chose excessivement rare) ils
ont parcouru un sacré paquet d’années avec une forme d’unanimité et des fans
sur la terre entière.
Chez Zeppelin le respect fait loi, chez Zeppelin chacun élément du puzzle est à
sa parfaite place, impeccablement ajusté et tient sa part du résultat alchimique
global.
Chez Zeppelin la perfection et le perfectionnisme côtoient le délire, la folie
contrôlée ou débridée.
Chez Zeppelin il y a un mec qui chapeaute, il s’appelle Grant et ce n’est pas
un Whisky de bas de gamme.
Alors on va ouvrir cette face de K7 avec ce titre, sorte de truc inimaginable
(1969), impensable au riff tapageur, aux interventions solistes de guitare
hallucinantes, à la voix qui t’embarque et te prend aux tripes, au drumming
massif et inventif, à la basse qui avance, pousse, oblige…
Un titre d’une rare écriture tant formelle que de détails, de points d’appuis,
d’unissons et de combinaisons et d’organisation des protagonistes.
Avec ça ils entraient directement et sans discussion dans la sphère des plus
grands et ils le sont restés…
02
DEEP PURPLE « Black Night » - Album « Deepest Purple 30th
anniversary edition » - Warner 2010.
Après le Zep ma logique c’est le pourpre.
Et même s’il n’y en a peut-être pas, c’est inscrit ainsi dans ma mémoire rock.
« Black Night c’est « vieux », ça date pas d’hier…
« Black Night » ça ravive un tas de souvenirs comme passer des heures
à essayer tant mal que bien à choper ce rythme shuffle à la batterie et surtout
ces breaks de relance qui restent toujours fabuleux à ce jour.
Second batteur en lice sur mes mains rock ce sera Ian Paice (arrivera très vite
Keith Moon), ce gaucher non contrarié (vous avais-je dit que quand je
donnais des cours de batterie, face à l’impossibilité de progression d’un élève
avec de réelles capacités j’étais dans l’impasse, jusqu’au jour où, n’ayant pas
de temps pour lui écrire son boulot à faire dans la semaine, je lui ai demandé
de le faire… j’ai alors découvert qu’il était gaucher et que son ancien prof
que je venais de remplacer, par flemme de mettre la batterie « à
l’envers » lui avait imposé de se contrarier… il m’a fallu alors bcp de
pédagogie pour lui faire accepter de reprendre son instrument avec la logique
de gaucher et je salue sa volonté à l’époque d’y arriver).
« Black Night », tout Purple est estampillé là.
L’inventivité côté riff (qui revient ici de façon obsessionnelle permettant à
Paice de s’insérer habilement) dont ils restent à mon sens les plus grands
dépositaires (ce n’est pas « Smoke on the Water » qui dira le
contraire).
Le mélange savant guitare saturée/orgue saturé qui porte quasi à confusion
tellement Blackmore et Lord sont en symbiose.
La voix de Gillan (premier véritable sceau du groupe dont on saluera l’arrivée
et qui mettra Coverdale en post concurrence faisant oublier les prédécesseurs,
ceux des débuts) nasillarde, perchée, rauque quand nécessaire et digne de
voltiges performantes dignes de ses comparses instrumentistes.
Les solos inspirés de Blackmore, avec déjà cette pâte qui lui est propre (le
vibrato, les aigus frémissants, le détournement du blues pour un jeu
radicalement british, la circulation sur les tessitures du manche…) et je le
réitère, cette capacité à installer le riff dans tous ses états ce qui induit
immédiatement la personnalité du morceau.
Le tandem Glover/Paice, ici en shuffle, un truc issu du blues que le pourpre a
l’habitude, là encore de se réapproprier pour cette invention à laquelle ils
ont contribué appelée Heavy Metal, puis/ou Hard Rock.
Si le Zep est un hydre à quatre têtes, le Pourpre en a une de plus et l’ajout
du clavier permanent (chez Zeppelin c’est John Paul qui lâche la basse pour ce
faire) de Lord, très influencé par deux axiomes, dont Jimmy Smith pour le jazz
et Jean Sébastien Bach pour le classique modifie considérablement l’approche
tant au niveau des compositions que de la répartition instrumentale.
Côté composition les singles de Deep Purple sont des brûlots extrêmement
efficaces, « Black Night » en est une preuve tangible.
Côté instrumental – les live en attestent – Deep Purple ne résistera pas à
allonger ces/ses titres pour un côté démonstratif qui fera certainement son
déclin, sa perte aussi même si ce « cirque » contribuera à placer ses
musiciens comme références sur leurs instruments respectifs.
Alors qu’un live de Zeppelin c’est une gestion en développement des solos même
interminables afin d’inscrire cela dans la progression musicale, un live de
Deep Purple c’est la prise de pouvoir egocentrique de chacun pour sa
« parole » de façon presque équitable, mais souvent dénué du sens
initial du morceau, chacun balançant son bout de culture, son bout d’idées et
d’inspirations du moment…
J’aimais cela… mais cela fit très vite débat après le « Made in
Japan ».
Deep Purple c’est ma réelle première plongée dans le rock.
D’ailleurs mon premier vinyle c’est « In Rock », et ce titre d’emblée
impose le sujet – sujet dont il est presque question ici.
03
ROBIN TROWER « The Fool And Me » - Album « Bridge of
Sighs » - Chrysalis 1974
Même s’il semble chargé de bagages hendrixiens, Robin Trower a réussi à assumer
cette « appréciation » effectivement flatteuse (on le serait à moins)
et en faire le meilleur des usages.
Si le schéma du power trio semble celui qui qui lui convient au mieux, un
rapprochement aura pu logiquement être fait.
On joutera son jeu fondamentalement bluesy, une parfaite gestion de nombre
d’effets « naturels » de la guitare électrique sans trop d’artefacts
– voilà qui est dit.
Mais Robin Trower c’est avant tout avec ses comparses (ici Reg Isidore est
encore le batteur, viendra ensuite la formule définitive avec Bill Lordan,
James Dewar inchangé au chant et à la basse) une bouffée d’électricité grand
angle, un espace rock surchauffé où l’on passe de la flamme à la braise ardente
quel que soit l’album.
Des titres ramassés, des solos envoyés qui mettent au tapis directement, une
assise rythmique impeccable et un chanteur non hurleur, presque crooner (ce qui
dans ce contexte détonne et contraste de façon saisissante), avec ces
ingrédients la formule Robin Trower est en place pour conquérir le monde du
rock, un peu du hard rock, aujourd’hui c’est devenu classic rock… sans
commentaires.
On remarque ici son jeu enveloppant, même sous le chant où il cherche des
rythmiques plus funky qu’on y penserait et qui ne déplairaient pas à, par
exemple, un certain Lenny Kravitz.
Environ deux minutes que le titre est en route et le voici qui éructe un solo
dense, chargé à souhait de pouvoir guitaristique.
Il ne lui prend même pas l’envie ou l’idée de changer de son au retour du
chant… ils sont au studio comme au live, pas de détours, droit devant, face au
public, qu’il soit celui qui écoute l’album, ou celui en transe devant eux, au
club-pub-stade…
Robin Trower c’est toujours un moment d’excitation intense, une entrée sans
filtre dans un flash musical éblouissant qui s’embrase à chaque étincelle.
Un album de Robin Trower se dévore avec appétit, gourmandise même et on en
redemande toujours, encore et encore.
Celui-ci, son second, ne fait pas exception.
04
JIMI HENDRIX « Red House » - Album « Are you Experienced »
- Polydor 1967
Un alien, un extraterrestre, sa guitare, un OVNI…
On aura tout dit et n’importe quoi sur Hendrix.
C’est avec ce titre que je l’ai découvert puis jamais vraiment quitté.
C’est avec ce titre que j’ai mis le blues dans ma musette.
C’est avec ce titre qu’enfin, la batterie a pris un autre sens pour moi.
Ça fait beaucoup et c’est bien peu…
Christian, un peu plus âgé que moi, me propose de monter un groupe avec lui.
J’ai peu de matos mais il sait que cela va venir, j’ai eu mon brevet et la
promesse d’une batterie pointe son nez.
Je suis en seconde, il est en term’.
Il vit déjà en couple dans un studio et cette émancipation me fait rêver – je
ne tarderais pas à en faire autant et me barrer du nid familial pour aller
zoner à droite et gauche. Je m’enfuis du bahut chaque midi pour aller les voir,
après la cantine, et profiter de leur espace de ce que je considère candidement
comme une forme de liberté.
J’ai laissé chez eux ma caisse claire, une charley et une cymbale… on en use et
abuse.
On jam la première fois sur un titre de Santana avec Buddy Miles,
« Marbles », je le connais encore par cœur… puis il me file un album
de Hendrix qu’il a en double, pochette Moebius (du coup je deviendrais
également addict des BD de Moebius) et me dit qu’il faut que j’arrive à jouer
le blues comme dans « Red House ».
Le blues ? vraiment ?
Et me voilà parti à installer pendant des heures sur l’instrument et
virtuellement en cours (ce qui me vaudra des sorties en couloirs régulières) les
détours subtils de Mitch Mitchell, intégrant au passage le jeu de Noel Redding,
sans vraiment le comprendre…
J’y viens.
La basse électrique est passée de la guitare basse où l’instrumentiste jouait
finalement des positions de guitare mais sur un instrument à quatre cordes, à
la basse électrique instrument où l’idée de lignes, donc d’horizontalité (comme
pour la contrebasse jazz en fait) a finalement primé.
Les premiers bassistes électriques étaient en fait souvent des guitaristes
jouant de la guitare basse ( McCartney, Bruce, Redding… pour ne citer que les
plus célèbres… ou encore Entwistle à ses débuts puis qui deviendra un soliste
de la basse comme un guitariste peut l’être).
Donc ce qui m’a fasciné au fil du temps dans ce titre qui reste ancré dans mon
Adn musical, c’est cette basse en chords et non en ligne que j’ai fini par
identifier en jeu mais aussi en culture, en histoire…
Puis il y a ce drumming au son Gretch, ouvert, venu du jazz, inventif à souhait
de Mitchell. Charley ouverte tel qu’Al Foster (lui aurait-il piqué
l’astuce ? – Al…) en abusera chez Miles électrique, appuis de grosse
caisse en triolets et jet sur la caisse claire appuyant allègrement l’after
beat.
Jimmy comme à l’accoutumée chante permanent, c’est-à-dire qu’il ne s’accompagne
pas en chantant avec des accords, non, il poursuit son chant par la guitare qui
apparait comme un soliste permanent alors que dans son esprit chant et guitare
ne sont qu’un et cet apparent tuilage de l’un à l’autre n’est en fait qu’un
chant continu qu’il fait passer de la corde vocale à la corde guitare,
indissociable dans son esprit car pour lui les deux sont intrinsèquement liés.
Puis il y a son solo et comme tous ses solos, c’est juste inégalable, mais ça
tout le monde le sait, pas la peine d’en ajouter si ce n’est le rappeler car
même aujourd’hui avec la pléthore de guitare-héros qui sort encore du chapeau,
pas un seul ne lui arrive à la ceinture – il est l’origine de tout ça et sans
lui…
Je savoure donc une énième fois ce « Red house », les souvenirs qu’il
induit, l’ouverture qu’il m’a apporté, le plaisir qu’il me procure encore et à
jamais et je sais que très vite je vais me réécouter « Are you
experienced », car plus qu’un simple expérimentateur, Jimmy était d’abord un
pur créateur.
05
CREAM « Sunshine of your love » - Album « Disraeli Gears »
- Polydor 1967
Une sorte de logique d’enchainer Hendrix/Cream.
Les deux dépositaires précurseurs du power trio.
Une échappée de virtuoses, débridés, capables de jammer sur un titre pendant
plus de 20 mn sur un fond obligatoire de blues.
D’un côté le créateur Hendrix, de l’autre le génial récupérateur.
L’un cherche à – tel que Miles le fit avec « Kind of Blue » pour le
jazz – explorer le blues et le faire évoluer.
L’autre s’en sert comme unique creuset et veut lui redonner, voir donner, un
anoblissement, une profonde légitimité avec un respect et une admiration sans
faille.
A chacun sa démarche, à chacun le choix d’un sens, d’une direction…
Une question de personnalité, de goût, d’envie, de culture aussi car il s’agit
également de cela.
Un américain nourri au et par le blues et le rock’n’roll (guitariste de Little
Richards), l’autre adorateur de ce même blues pour en faire sa vie, son crédo,
son absolu.
Cream c’est Clapton, dont je viens de dire tout le bien que je pense.
Guitariste habile et doué, inspiré et à sa façon, chercheur lui aussi.
Il fera carrière solo, il tentera d’autres groupes avant de faire ce choix
définitif et certainement salutaire tant pour lui personnellement que pour sa
carrière, un tel monument ne peut rester seconde main d’une entité collective.
Clapton c’est le gars éminemment sympathique, voué entièrement à la musique, sa
raison d’être, sa vie, son sang. Un artiste humble, respectueux, posé en
équilibre par un rock star système dont il a été plus victime que bénéficiaire
(sur le plan personnel) mais qu’il a su gérer avec pragmatisme.
Clapton c’est une relativité rapport à la vie, car le drame, il l’a vécu et ne
s’en est forcément pas vraiment remis alors, la musique, le blues sont devenus
encore plus important, exutoires, expression ultime et cela s’entend au fil des
décennies ayant suivi ce drame.
Clapton c’est l’un des plus grands musiciens de cette sphère appelée rock.
Cream c’est aussi Jack Bruce, ce brillant joueur de guitare basse, ce touche à
tout musical qui a su passer du rock pur et certainement dur (c’était du moins
ainsi en ces années-là avant que le réel durcissement par le Hard puis le Métal
n’embarque cette idée) au jazz rock, débauché par Tony Williams qui avait eu du
flair en engageant sous son premier Lifetime McLaughlin et Bruce, ces anglais
pluriels, biberonnés au rock et lorgnant vers un « autre » jazz par
une Canterbury School.
Puis Jack Bruce a été invité dans nombre d’albums cultes, pour son jeu de
basse, pour sa voix aussi. Il aura fait du « Escalator over the
Hill » de Carla Bley un succès dépassant l’estime, par sa seule présence.
Il aura également fait passer les albums de Kip Hanrahan au degré de cultes.
Et que dire de sa carrière solo…
Des albums en pagaille qu’il faut absolument découvrir tant ce gars regorge
d’idées, de pluralisme.
Jack Bruce c’est l’anti-enfermement musical.
Cream pour finir c’est le tellurique et possédé Ginger Baker, incontrôlable
disait-on, imbus de lui-même affirmait-on.
Un batteur là encore hors étiquette qui l’aura d’ailleurs prouvé par la suite
en s’accoquinant avec les plus grands de l’instrument en jazz.
Ginger c’est un jeu puissant et imaginatif (peu de cymbales, beaucoup de toms
pour un fond jungle (une idée que Peter Gabriel récupérera pour son album III,
où il imposa aux batteurs de ne jouer que peaux, sans métaux).
C’est une force de caractère, de celle qui fera la légende de Stewart Copeland.
Ginger a un jeu qui emporte tout sur son passage, il pousse, force, fédère,
incite.
Il n’accompagne pas – il est participant permanent et se taille sa part mettant
la batterie au même degré que ses comparses.
Cream c’est donc un trio sans leader, avec joute permanente disait-on,
pouvait-on entendre… je dirais plutôt avec une ligne de front tenue à part
égale par trois personnalités.
Le « genre », l’époque permettaient ce type d’actif musical.
Chez Cream je ne perçois finalement pas réellement de prise d’égo, mais une
addition de très fortes personnalités avec une réelle parité musicale et de jeu
collectif.
Cream c’est dont un trio collectif qui fonce droit devant.
Ce devait être épuisant.
Mais bienfaisant.
Que d’en être.
« Sunshine of your love » résume cela à pas mal de points.
Il faut écouter Ginger qui est en jungle total, il faut admirer la mise en
place du riff sous le chant avec une guitare et une guitare basse tellement
imbriquées, il faut chercher qui chante tant Clapton et Bruce s’emboitent
littéralement comme un seul.
Et puis il y a ce solo de Clapton qui colle sans réellement décoller, emmêlé
dans le son plus que au-dessus de la mêlée, brouillé dans le riff initial – au
demeurant riff incontournable de l’histoire du rock.
A l’écoute de ce titre, pas de réel leader, mais trois têtes qui avancent de
front, ensemble, bien rangées et orchestrées, une légion qui marche au tempo
des « tambours » de Ginger.
Il faut parfois réécouter les sources.
Cela permet de mieux comprendre ce qui se passera par la suite, et… si l’on y
pense, Police a suivi le même tracé.
06
JANIS JOPLIN « Try just a Little Beat Harder » - Album « I Got
Dem Ol’ Kozmic Blues Again Mama ! » - Columbia 1969.
J’ai loupé le coche Janis Joplin.
Carrément passé à côté, c’est vraiment crétin !
Et presque par peur de m’en rendre vraiment compte, j’ai continué à l’ignorer.
Mais il faut savoir se botter le c… et s’y mettre, un beau jour.
Franchement, je ne suis pas du tout un véritable « connaisseur » de
l’immense artiste et chanteuse qu’elle fut, mais quand j’écoute un titre comme
celui-ci, tellement imbibé de blues, de rythm’n’blues, de charisme gospélisant
(car ici ce n’est, finalement pas grand-chose d’autre, ce qui certainement
ajoute à cet engagement complet), alors je prends immédiatement le ticket.
Il y a la voix et la façon dont Janis empoigne littéralement le sujet (un peu
comme Aretha dans un registre carrément similaire) et cette façon de tourner en
vocalisant, rugissant, hurlant blues etc.
Mais il y a aussi le groupe et cette section cuivres d’une présence et d’une
écriture inouïes.
Et que dire de la prise de son d’une qualité exceptionnelle permettant une
entrée au sentiment live immédiate et accrocheuse.
J’ai donc poussé, au hasard et surtout à côté des éternels tubes comptables sur
une main qu’on veut bien nous rabâcher, à côté également de ce qu’on a bien
voulu nous raconter sur elle.
Et j’ai mis ce titre en haut, certainement pour la vie qui l’anime.
06
ROXY MUSIC « Out of the Blue » - Album « Country Life » -
Island 1974.
Ce titre d’abord adulé dans sa version live « Viva… » avec Eddie
Jobson en violoniste déjà virtuose, touche à tout et qui fera les belles heures
de Zappa puis créera UK, ce dernier déchargement qui a bien failli remettre le
prog en avant.
Eddie est justement ici, dans l’album.
Et sa présence n’est en rien anecdotique, musicalement parlant… son solo final se
démarque de tout, sur son passage, concluant l’ensemble sur ces aigus somptueux
et célestes.
Bon, j’ai toujours eu du mal avec cette manie de passer le mix global et final
via un phasing afin de « faire moderne et expérimental », ça date les
titres…
Mais en dépassant cette remarque et finalement en la prenant tout de même en
compte, en s’accrochant au rythme lourd et syncopé de Thompson, en restant
soudé à la guitare rythmique, qui partira subrepticement en solo sur le refrain,
de Manzanera (quel musicien celui-là !), en focalisant sur la ligne de
basse (et son plan central) et en acceptant Brian comme commençant enfin à
chanter presque juste avec ce chevrotement se voulant crooner… j’ai tout ce qui
me fait me rappeler que j’ai beaucoup écouté, aimé et collectionné Roxy Music.
C’était une jolie collec’ de pochette également, de celles qu’on ne laissait
pas traîner sur la table du séjour en écoutant le disque sur la platine
familiale, sinon on y avait droit…
Finalement à y bien réfléchir, ce mix…
Comment envisager ce titre désormais, autrement…
Il fait partie intrinsèque du truc et cette « idée » de noyer le tout
(sauf quand Brian chante) instrumental dans cet effet de phasing est peut être
bien… un coup de génie post Eno…
07
IGGY POP « China Girl » - Album « The Idiot » - Virgin
1977.
Album parallèle d’une trilogie berlinoise là encore vilipendée par un sourd
malheureusement pas muet, mais en tout cas ayant besoin d’un réajustement
visuel pour déceler un éventuel daltonisme, cet album de Iggy a remis le lascar
en selle sous la houlette amicale de David en ras le bol de vie médiatique et
addictive.
Au-delà de ce que tout le monde pourra lire, du meilleur comme du pire
concernant cette période d’évasions réelles ou substantielles, cet album brut,
âpre, nauséeux, noir et tortueux est tout simplement nécessaire.
Il arrive à temps pour remettre certaines pendules à l’heure du rock et
certaines attitudes à la même heure.
David reprendra ce titre pour le rendre plus commercial diront certains (et ils
n’ont certainement pas vraiment tort), je dirais personnellement plus
« universel », usant de son charisme, de sa célébrité indéniable pour
mettre à l’évidence en grand public, donc ouvrir à un plus large panel
planétaire la réalité créatrice d’Iggy.
Il n’est question certainement ici que d’amitié et même si le pognon est entré
en ligne de compte(s) de façon logique cela a été bénéfique à eux deux.
J’ai mis depuis peu cette chanson dans la longue liste du répertoire que nous
jouons et à chaque fois, non seulement elle remporte le succès qui n’a jamais
été démenti ce dès sa sortie en mode Bowie, mais qui plus est je me fais un
réel plaisir à prendre en compte cette version primaire et primale. Elle est
certes plus dépouillée, plus directe, plus brute – mais c’est justement bien
cela qui m’attire ici, même si celle de Bowie (avec ce solo de Stevie Ray
Vaughan, le genre d’artiste dont on se demande ce qu’il fiche ici tant encore
une étiquette lui a été accolé – mais c’est aussi cela le génie visionnaire de
Bowie que de savoir « qui » pour « quoi » dans ses albums)
est et reste miraculeuse, permettant d’exhiber réellement la musique du titre.
Shhh… now.
Ecoutons…
08
TALKING HEADS « Crosseyed and Painless » - Album « Remain in
Light » - Sire 1980.
Je sais qu’à sa sortie cet album acheté avec relative conviction m’a dévasté.
J’y revenais sans cesse, cherchant la raison du bienfait qu’il me procurait, je
l’emmenais partout, l’avais en vinyle, sur K7 (je l’ai aussi en CD), en
écouteurs et chaque détail, je dis bien chaque détail obsédait mon envie de
plaisir et de compréhension.
Aujourd’hui j’écoute encore souvent les Talking Heads, en vrac, mais je reste
cependant accro à ce « Remain in Light ».
Un accord, un empilement de fonctionnalités minimales obsessionnelles (cet
orgue, cette basse, ces guitares infimes), comme si l’école répétitive
américaine rencontrait Fela pour en faire du rock et passer sur le pont JB.
Absolument démentiel.
Ce titre pourrait s’étaler sur un temps illimité que je me laisserais encore faire
et emporter.
Adrian Belew y est magistral, il auréole de son jeu unique et inimitable si ce
n’est toujours pas imité l’affaire teintée de chœurs de pacotille, plombée par
les solides Chris et Tina.
Byrne et Harrison s’occupent du reste et tout ce(ux) qui passe(nt) dans le
studio est/sont invité(s) par la prod (Eno en tête pensante) à s’insérer et
jammer sur cette hypnose transcendantale.
L’avant Talking Heads fait d’albums magnifiques nous a amené à ce sommet.
L’après sera tout aussi intéressant à partir de là.
Car à partir de là, la grande question qu’ils durent se poser aura été vers
où partir désormais…
J’ai découvert là Jon Hassell.
J’ai suivi depuis là Adrian Belew, chez KC of course, chez Bowie il va de soi,
avec Zappa, chez Sakamoto et en solo – et partout en fait où il pouvait
intervenir.
Toujours la même fascination.
J’ai creusé réellement le mystère prod Eno.
Tout ce que ce gars touche, il en fait « autre chose » et le
transforme en or.
J’ai tenté Byrne en solo, mais une tête pensante et causante sans son corps
reste un cerveau démembré.
J’ai poussé le bouchon Tom Tom et ce fut jovial.
Puis il y a eu la tournée et l’album live …
Mais chaque fois c’est le retour à « Remain in Light », comme une
sorte de correspondance obligée avant de prendre de nouvelles directions.
09
THE WHO « Magic Bus » - Album « Live at Leeds » - Decca
1970.
On terminera cette face par les Who.
On se dira que c’est pas spécialement original – peu importe.
On se remémorera que ce « Live at Leeds » est considéré comme l’un
des albums rock majeurs de l’histoire de cette musique – et effectivement, pour
une fois, je pense que c’est une vérité incontestable.
Je réécoute encore et encore ce déferlement sonore, je regarde avide le montage
sommaire mais représentatif sur YouTube.
Pete qui saute, tournoie, s’emmêle dans son jack accordéon, en salopette
totale, habité par le démon du rock.
J’observe le placide John en squelette d’halloween, pilier que même Moonie en fracassement
éruptif total ne pourra jamais faire bouger d’un poil.
Moonie, justement, écoutez avec quelle conviction il entame le titre de claves
en baguettes, permettant à Pete d’entrer en continu, d’installer « LE »
truc qui va nous avaler, nous happer…
Ecoutez ses seuls coups de grosse caisse puissants massifs qui vont faire
espérer et le faire entrer plus tard comme un véritable tsunami.
Puis il y a Roger, crevé, en fin de concert qui pousse sur son restant de
cordes vocales qu’il a sollicité à l’excès. Il profite des potes jouant les choristes
pour s’appuyer et puis impulsé par Moonie, il va choper son harmonica et une
réelle folie dévastatrice va nous/les prendre aux tripes.
Les Who, pour conclure cette face commencée avec Zep et Purple, ça achève l’idée
réelle de ce que le mot rock, avec ses plus grands représentants peut faire
hurler de bonheur et de puissance viscérale.
Conclusion en multiples phases, ils vont tout casser, seule option pour évacuer
cette énergie déferlante à laquelle ils ont fait participer ce 14 février 1970
des étudiants massés et incrédules face à ce volcan en éruption.
Et tu te dis que ce soir-là, t’aurais vraiment tout donné pour y être.
ça s'encrasse et c'est pas pour me déplaire. Zep, Trower, Hendrix, Deep... et je me souviens de mon entrée en matière qd j'écoutais le Zégut le dimanche soir. Il m'a fait découvrir ce blues trempé alors que je pataugeais dans le Floyd, Fleetwood et BJH.. "Stairway to heaven".. celle qui m'a embarqué du folk vers le heavy... Sinon je voulais aller voir le Deep début novembre..mais moyen le nouveau et la voix commence à plonger :O
RépondreSupprimerSalut,
SupprimerOui de temps à autre j'aime bien me remettre dans de la zic qui dépote.
Stairway est un de mes grands souvenirs de préado, j'écoutais le 4 en boucle tous les dimanches matins chez mon oncle avec in rock de purple et meedle du floyd - de là tout est finalement parti...
et c'est resté ancré.
oui, les groupes de seniors (j'en fais partie maintenant...) qui ont leur répertoire et qui ne lâchent rien. je ne sais vraiment plus s'il faut être admiratif ou nostalgique ou pire y voir du pathétisme... quand je dis ça je pense au lamentable renaud...
alors sûr, un vieux, en jazz, c'est ancré dans les mœurs, pour le rock, c'est encore trop récent pour arriver à sembler normal et pourtant ça l'est...
juste que le répertoire de purple c'est tellement perché vocalement que... si les instrus continueront sans dommages, là faut un jeunot avec de l'organe... ça court pas les rues un coverdale remplaçant gillan... ça se saurait...
à +