ROCK – POP 01 (Face B)

 

ROCK – POP 01 (Face B)

Allez, il est temps de tourner la K7 et d’engager la face B.
Là encore, rien de bien nouveau, de bien opaque ou obscur, juste des titres, des souvenirs et les remarques qui vont avec.

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01
QUEEN « Don’t Stop me Now » - Album « Jazz » - EMI 1978.

Un aveu, je n’ai jamais réellement accroché totalement à Queen, c’était bien parti pourtant mais très vite ces déliriums burlesques ont fini par me saturer.
Pourtant je leur ai toujours reconnu plus qu’un talent mais de véritables coups de génie, mais qu’y faire quand on ne « vibre » pas.
A en faire beaucoup si ce n’est trop (voix chevrotante mi opéra de Freddie, solos de guitares tordus, chœurs pompeux et lourdingues de surenchère, rythmique basique et rarement inventive, juste là pour…), cela m’a au fil d’albums que je me suis procuré, que j’ai largement écouté et dont j’ai pu tout de même tirer une substance musicale et pédagogique… détourné.

Malgré tout, quand une élève m’a proposé de faire le « Bohemian Rhapsody » seule au piano et chant, en l’arrangeant de façon à en faire sa version acoustique du titre, incluant toutes les parties monumentales, j’ai d’abord hésité en lui demandant si elle avait conscience du travail que cela représenterait et de ce à quoi elle s’attaquait…
Sur ce et face à son inébranlable conviction, le « marché » fut passé et comme ce défi réel était de présenter le titre pour le passage de son examen de cycle au conservatoire, je peux dire qu’elle s’est donné des moyens phénoménaux et que l’année de travail (d’autant qu’elle devait présenter d’autres titres, en groupe et sous couvert d’electro) fut tant intense pour elle que pour moi en encadrement.
Résultat, la mention TB unanimité et la preuve que tout peut être possible avec la détermination, la conviction, la motivation et bien entendu le travail, mais pas que… avec les capacités et l’intelligence aussi (on y revient).

De là, ces grandes fresques de Queen ont recommencé à m’intriguer.
Pour moi, bien souvent, quand un manque d’intérêt pour une musique qui m’apparait cependant de « substance » n’arrive pas à s’évanouir (généralement à cause de sa « présentation » initiale dont il faut arriver à se détacher), rien de tel que l’entrée dans la musique en question par l’approche directement instrumentale, analytique, musicale, bref… la déformation professionnelle.

Vient alors ce titre « Don’t Stop me Now » dont la télé matinale nous rabat les oreilles chaque jour jusqu’à pouvoir ne le plus supporter, jusqu’à l’indigestion qui va te faire avaler ton café rapidos et embarquer le croissant pour plus tard, sous forme d’un jingle franchement mal découpé, juste pour faire fun après un biopic qui là aussi a redoré un certain blason Queen à mes avis désabusés.
Encore et toujours l’inintelligence télévisuelle qui emplit les têtes et détruit les neurones des volontaires de l’abreuvoir du tout prêt, servi sur un plateau.


Ce titre agit finalement un peu comme le syndrome de refaire « Bohemian Rhapsody », mais en plus concentré, direct, efficace peut être.
On y trouve à peu près les mêmes recettes avec peut-être une plus grande maturité d’organisation des (moins) multiples sections pour un format plus réellement « chanson ».
Le piano mène la danse, les chœurs, toujours aussi pompeux n’arrivent définitivement pas à me convaincre, mais c’est ainsi (quand je repense à ceux de Yes… et dans un tout autre registre ceux de C.S & N…) et la rythmique plombée et sans aucune substance (ici on assiste tout de même au break de batterie le plus lamentable de l’histoire du rock), si ce n’est de suivre basiquement le leader, n’arrangent apparemment rien à l’affaire qui me turlupine.

Mais voilà, si je dépasse cet argumentaire de base, je me laisse convaincre par Brian au solo ravageur, par la puissance du piano et cet accord de fausse modulation transitoire qui apparait pour faire croire à une sortie, un ailleurs.
Pas que…
Je me laisse aussi avoir par la forme générale, magistralement organisée qui tient en haleine, suspendue justement à la voix de Mercury, restée sur ce chevrotement à apprécier ou rejeter, mais qui est, de toutes façons, sa pâte identitaire.

Au-delà, intituler « Jazz » un album qui n’en a aucun reflet ni apparente substance (mais l’on pourrait très bien reporter ce titre aux, justement, excès de certaines comédies musicales et burlesques qu’un film tel que New York, New York et son titre ont mis en avant et revoir sensiblement cette copie) est là aussi un mystère provocateur ou indigent, pour lequel je n’ai guère l’envie d’enquêter.

Et encore… au-delà, ouvrir une face de playlist (revenons à l’essentiel) par un titre enlevé, fun et fédérateur, après tout, c’est encourageant et augure bien la suite.
Chantez en chœur, avec eux… vous verrez, très vite vous y parviendrez.

02
WISHBONE ASH « Sometime Word » - Album « Argus » - UMG 1972.

Penchant rock ? Ou pop ?
Wishbone Ash c’est avant tout une affaire de guitares parfaitement agencées, d’écriture pointilleuse, de précision métrique…
Ces gars devaient passer des heures à improviser pour ensuite garder des éléments, reconstruire les solos pour enfin se les administrer en duettistes.
Idem pour les voix d’ailleurs, traitées avec le même souci du dessin absolu.
Ici, année oblige, ils n’échappent pas à ces structurations quasi-prog qui organisent la chanson en parties additionnées.
Peu importe si le sujet semble un tantinet sous Yes influence, le titre avec cette basse au médiator qui circule en toute liberté sous ces guitares imposantes entre folk, prog et hard et avec ce drumming presque féroce – ça décolle grave.
Et une prise de son de ce niveau, mix et prod, ça laisse plutôt rêveur (1972…).

Cet album, leur troisième est quelque peu oublié, ou du moins mis sur le côté, pourtant il réunit là nombre d’influences en synthèse, parfaitement exposées et finalement je me mets à penser là aussi au terme de fusion, mais dans le rock.
Prog, Hard, Folk, Blues… tout cela réuni sous la maitrise de tels musicos, ça incite à faire plus qu’un tour.

03
POLICE « When the World is Running Down, you make the best of What’s Still Around » - Album « Zenyatta Mondatta » - A&M 1980.

J’ouvre la pochette souvenirs.

Jacky me fait rencontrer Thierry.
Son projet, monter un groupe cover Beatles – on répétera dans une salle des fêtes un week end entier et puis tour des clubs. En fin de parcours des concerts du projet, Thierry décide de changer de cap – Jacky décline - et qu’on repart en trio Chant/Basse, Guitare et Batterie pour un nouveau projet « Third ».
L’idée, covers Police et Sting.
Puis on enregistrera une K7 studio de ses compositions.

Ce titre joué tant de fois…, cette intro et l’obsession de « régler » ma caisse claire à l’identique. Ce son mat, sec, punchy, énergique avec cette frappe due à la tenue en prise tambour qui permet de circuler sur la batterie comme un batteur de jazz.

Un élève de batterie arrive en cours.
Nous sommes à l’approche de Noël et c’est parfois (plus fréquemment à cette époque) le moment où l’élève (et les parents…) offrent le cadeau. Il me glisse le CD (je l’avais en vinyle) …
Heureusement que le CD était réputé indestructible, car sinon je l’aurais eu à l’usure.

Ici, titre-texte à rallonge, pas idéal pour titrer la pochette d’un 45 tours, mais les trois-là ont toujours aimé brouiller les pistes.
Ici Stewart avance et Sting retient, c’est ça la grandeur d’une rythmique – en tout cas de ces deux-là, jamais vraiment d’accord, ensemble sans l’être toujours, chat-souris musicaux et pas que…
Ici Andy est le maestro Canterbury façon Holdworth et use de voicings uniques, ces voicings uniques qui font le son Police, le son Summers, bref, l’entrée intelligente et inventive du jeu jazz et jazz rock fusion dans un espace commercial, new wave, punky sans l’être vraiment trop, mais au sortir bien rock c’est sûr.
Police, un des power trios majeurs de ce rock…
Revenons à Andy, on met au placard les chord Majeurs ou mineurs ou encore les 7e issus du blues et on va ouvrir le champ avec des voicings de suspendus additionnés de 9e. Et alors ça interloque, ça fait féérie, ça fait réfléchir le quidam guitariste de base, ça révolutionne… tout.
Et puis le leader, haut perché, excité comme une puce, boosté à l’adrénaline de la caisse claire, surmené par sa propre ligne de basse.

Voilà, c’est un peu tout ça Police et ce fut l’un des groupes les plus excitants que je compte sur mon maximum des deux mains.

04
DAVID LINDLEY « She Took of my Romeos » - Album « El Rayo X » - Elektra Asylum  1981

J’en ai dit le meilleur de David Lindley, de sa musique cajun-festive de métissage total où chacun trouvera un truc qui l’enthousiasme, comme ici avec ce titre.
On pense directement reggae, mais juste à côté, et à côté d’à côté si on creuse …
Alors cet orgue coincé dans l’aigu qui mène la danse, cette basse qui joue les reptiles, ces guitares enivrantes, cette voix nasillarde à souhait, ces chœurs kitch, ce son indéboulonnable de facture roots…
Le soleil, la chaleur musicale, humaine, festive.
Il y a tout cela dans ce Rayo X brûlant … normal ...

Alors c’est sûr le sombrero est de mise, le poncho aussi, car danser dans le désert impose des précautions …
Mais danser, ça c’est sûr et dès l’intro, on a compris qu’il ne s’agit que de fête.
Désinvolte pour autant ? Hmm… pas si sûr.
Et pas si sûr qu’ils s’hydratent seulement à l’eau.

05
XTC « Ball and Chain » - Album « English Settlement » - Virgin 1982.

Dès que j’ai découvert de groupe, un peu comme avec les Talking Heads, je n’ai eu de cesse de les suivre. Et puis j’ai même retenu leurs noms alors qu’en ces années eighties, les seuls qui entraient dans ma mémoire étaient ceux des requins de studios qui m’impressionnaient et ceux des jazzmen.
Les années sont passées et XTC, resté dans l’étagère à vinyles a bien failli y moisir…
Puis me voilà, comme toujours en quête d’un « programme » pour l’exam collectif de mes élèves.
Je liste les critères, je fouille dans mes cd puis… mes vinyles…
Et là !
Alors d’un coup ce titre, cette énergie et puis finalement cet axe qui, rythmiquement et curieusement n’est finalement que du jazz façon jungle…
Le drumming étant un mix entre G.Baker et Gene Krupa, les guitares sur cet axe ternaire qui insistent en pompe (Freddie Green) et la basse sur les temps qui appuie et trace la route…
Et d’un coup ce miracle, cette petite phrase synthétique aérienne, hors du temps, qu’on va se surprendre à chanter sans paroles là où la chanson ne l’impose guère en elle-même.
Oui un coup de génie…
Et un titre qui avait ravi le groupe d’adolescentes (que des filles cette année-là), incapables de se lasser de le jouer.

06
JOE JACKSON « Right or Wrong » - Album « Big World » - A&M 1986.

Je suis et reste un grand adorateur de Joe Jackson, ce gars est créatif à souhait, sympathique et touchant, une véritable machine à générer la musique.
Ses albums, j’en ai un paquet et à chaque sortie je m’y attarde (son dernier est extra d’ailleurs) et c’est tellement… divers et varié qu’on y trouve toujours une profonde substance quel que soit le « genre » qu’il aborde.

Cet album présentant un nouveau répertoire mais joué « live » (Michel Jonasz nous avait fait le coup avec « Mr Swing » et c’était – en France – très risqué) est carrément jouissif de bout en bout.
Et ce titre qui fut le « tube » extrait de ces concerts aura certainement réuni à nouveau les adorateurs du Joe Jackson rock-new wave des débuts.
La section basse batterie est d’une pugnacité et d’une rigueur absolues.
La guitare, devenue anecdotique au profit du piano chez Joe, a repris son pouvoir pour un riff sans demi-mesure.
Joe est en grande forme, éructe, bouge plus que ne danse, certainement… et il ira vite fait se caler au piano pour un solo en octaves bien pêchu. Et puis à la toute fin, cette suspension pour cet accord complètement hors cadre.
Un de mes albums de musique fétiche.

07
TODD RUNDGREN « Love in Action » - Album « Back to the Bars » - Bearsville 1978.

Allez, Todd embarque ses amis d’Utopia pour des vacances pur rock et ils partent en tournée faire la, justement, tournée des bars à travers les Etats Unis.
Un retour à la normale rock, quoi.
Une grosse bouffée d’air pas frais, de fumées de tous genres, de sueur collante … la bière coule à flots et les canettes s’entrechoquent, les groupies se dandinent, le billard est à son comble, le flipper siffle ses points, il y a même les fléchettes, là-bas, au fond, près des chiottes… et enfin ce sera le motel sordide, au coin de la rue, à deux pas du club.
Allez sortons donc toute l’imagerie US qui émane dans n’importe quelle série quand il s’agit d’un pub/club (rock il va de soi) …
(bon aujourd’hui Todd a été remplacé par des karaokés, mais du moment qu’ils chantent ses chansons…).

John Wilcox (batterie) s’en donne à cœur joie, talonné au corps et aux coups par Kasim Sulton (basse) – ça devait envoyer dur dans le club…
Todd, maitre du jeu, chante, hurle, vocifère (mais tout le monde ici chante) et surtout balance quelques monstrueux solos de guitare – de ceux qu’il faudrait faire entrer dans un lexique du savoir faire live débridé.
Reste le phénoménal Roger Powell, claviériste de la plus grande valeur qui tombe dans ce « Love in Action » un solo qui m’a réellement laissé sur le c… et obligé à tenter l’affaire en mimétisme tant de traits que de sonorité.
Il en faut peu et seulement quelques mesures parfois pour savoir où partir.
Il fut d’ailleurs repéré par Bowie (encore lui) pour la tournée avec l’album « Stage » et il y a tissé des toiles synthétiques semblant impossible sans Eno … et pourtant …

Un album live indispensable, sans retouches, sans fards, une poussée d’adrénaline, d’énergie bienfaitrice.
Ce titre en atteste, et tout l’album est sur cette longueur d’ondes.
Bonheur, bière-barbecue et tapage du pied assurés.

08
HALL and OATES « She’s Gone » - Album « Abandoned Luncheonette » - Atlantic 1973.

Mais qu’est ce que ces deux brillants génies de la pop américaine ont-ils bien pu faire et être pour être tant décriés ? Un mystère de plus…
Perso, je les place à ce plus haut degré d’écriture du pop song et de son agencement, avec en parfait duettistes leurs voix magiquement imbriquées.
Certes ils ont cédé à la mode eighties et y ont trouvé un joli pactole financier, mais comme ce sont des faiseurs de tubes et de mélodies parfaites, rien de plus naturel en fait.
Daryl chant-claviers, voix funny haut perchée cherchant le soul system, John, chant-guitares, discret accompagnateur, soliste mélodiste qui renforce le trait dans les graves.
Presque le pur album de rock Calif’ avec des zicos de sessions habitués à Steely Dan et autres...
Le grand jeu est sorti, jusqu’aux cordes féériques, la pop pur jus à l’américaine.
Plus tard ou plutôt juste après Todd, justement, ira les produire, pour « War Babies », un pur chef d’œuvre.
Là c’est leur second opus et déjà leur recette de base est là.
Ce titre, même Dee Dee Bridgewater dans ses débuts hésitants entre jazz-pop et jazz l’a repris, fort élégamment d’ailleurs.
Ce titre possède le pouvoir de ces mélodies qui jamais ne sortent de la tête, c’est peut être bien pour ça, alors… eh oui, les faiseurs de tubes pas tordus et qui réussissent, on les regarde de traviole …
En tout cas, nous en duo avec Jean Marc, on les joue souvent ces Hall & Oates et à chaque fois côté public, la même question : « je connais ce titre-là, mais… impossible de mettre un nom sur le … chanteur ? » - « c’est le duo Daryl Hall and John Oates » - « Daryl quoi ? » - « Hall » - « Ah non, vraiment, connais pas, mais la chanson, oui… vous pouvez me l’écrire… le nom ? ».

09
STEELY DAN « Night by Night » - Album « Pretzel logic » - Geffen 1974.

On avait l’habitude d’aller chez T.
On frappait à la porte, l’un de ses parents nous ouvrait, on grommelait un vague bonjour M’sieur ou M’dame et on filait rapidos dans la piaule du fond du couloir, à gauche.
On entrait sans toquer et on allait se caler dans le canap’, sur le plumard ou le tapis.
Par terre des cendars emplis de mégots de joints et à peine entrés direct, le bécot arrivait vers toi.
Puis selon le temps, selon l’envie, selon la vie, on restait, on planait, on buvait une bière ou deux, ou plus… on ne venait jamais les mains vides… et toujours avec un disque.
On se connaissait à peine, le passage incessant de nouvelles têtes avait même fini par l’envoyer en taule, Mr T., les flics étaient trop contents d’avoir repéré chez lui un… « trafic ».
En fait sa piaule c’était juste… un lieu de rencontre et lui un mec hyper sympa et simple, aimant la zic et voulant découvrir et faire partager.

Je me cale… et là, une sorte de bombe musicale m’explose en pleine tronche.
Il me tend la pochette, habitué aux fantasy de Yes/Roger Dean je réprime un beurk de base.
J’oublie ce vendeur de hot-dog et me concentre sur la déferlante musicale avec sa multitude d’idées, d’arrangements… je crois reconnaitre un truc que mon père écoute – genre vieux jazz – mais non, ça peut pas être ça !...
Mais si…

On a surement repassé le disque plusieurs fois.
Ce que je sais c’est que le lendemain j’ai filé directos à la FNAC et que sa découverte au rayon rock a été le bonheur des semaines suivantes où je n’ai écouté que ça, qu’eux, à en devenir ce que je suis aujourd’hui, leur fan absolu.

« Night by Night » -  ces cuivres/bois nuageux, et… ce clavinet obsédant…, cette adéquation chant lead et chœurs, le truc magistral et cette guitare qui jaillit à chaque intersection…
Ouais, carrément génial !

10
LITTLE FEAT « Mercenary Territory » - Album « The Last Record Album » - Warner 1975

Little Feat, ça a été le hasard.
Tu passes vite fait à la médiathèque, tu mets vite fait sur K7 les albums dont le « Dixie Chicken », tu fais rapidos ton sac à dos et tu cavales au point de rendez vous pour monter s’entasser à cinq dans la Volkswagen Coccinelle orange pour filer zoner en camping sauvage sur les bords de l’Ardèche.
Tu savais bien que le stock de K7 embarquées serait comme à chaque escapade, le même…
Alors au bout de deux heures de trajet, avec déjà moultes pauses, tu tentes la proposition, « tiens les gars (et les filles) essayez cette K7, c’est nouveau, j’ai découvert ça cette semaine » (Faux, j’ai même pas encore écouté – c’est une prise de risque)…
Suspicieux le conducteur insère la K7 Agfa 60 mn orangée dans le lecteur et là, c’est comme si tout le monde s’était d’un coup, détendu, comme si d’un voyage vers l’Ardèche on prenait la Route 66 pour cheminer dans un environnement mythique.
Je ne crois pas que la K7 ait par la suite été sortie du lecteur, je suis même certain d’avoir un peu bataillé pour la récupérer au retour.

Little Feat ça a donc commencé ainsi puis je me suis intéressé à ce groupe, me suis procuré leurs albums pas toujours simples à trouver à cette époque et je les ai additionnés sur l’étagère.
Lowell, sa voix, son jeu de guitare sudiste estampillé.
Bill Payne, ce claviériste étonnant, chargé de jazz, de soul de rock, véritable pendant du leader et allant parfois chercher des trucs dignes de… Joe Zawinul.
Richie Hayward, ce batteur solide, soudé à la basse de Sam Clayton.
Et Paul Barrère, le complémentaire guitariste, bluesy, rauque en voix, roots à souhait.

Des albums en non pagaille mais tout de même une belle production… avant le décès de Lowell.
L’album solo, justement, hautement recommandable de Lowell George.
Et un live (« Waiting for Colombus ») désormais disponible avec une multitude d’ajouts et de prises de tournée, un petit miracle.
Et des sessions retrouvées, oubliées, mises de côté, comme un héritage zappaien, qui sait.

Ce titre pourrait quelque part représenter typiquement l’espace Little Feat.
Le puzzle des guitares et du clavier qui s’entrecroisent pour un tissu unique, la section basse/drums qui oscille entre la base à fixer, la ligne à inventer, le suivi du chant et d’une écriture à appuyer.
Une modulation toujours surprenante.
Le solo caractéristique de bottleneck, le chant rauque et rock de Lowell.
Le truc entêtant de piano piqué au reggae.
Little Feat étaient des inventifs, leur vision trop facilement estampillée sudiste du rock les a peut être bien catégorisés un peu rapidement… même si nombre de couleurs de jeu et ce fond racines blues sud est discernable partout dans leurs chansons.
Car il s’agit bien là de toute façon de chansons.

11
DR.FEELGOOD « She Does It Right » - Album « Down By The Jetty » - Warner 1975.

On va conclure avec ce brûlot électrifié et électrisant…
Pub rock nous disait-on.
Débarqués en plein mouvement punk, Dr.Feelgood que j’ai eu le bol d’aller voir en concert m’a de suite botté le c… et les aprioris.
Du direct, sans fioriture, du rock et quelque part cette idée de « vrai », entendons par là de proximité et de cette vie qui n’est pas celle que vivaient désormais les stars du genre, mais celle courante, commune, réelle et quotidienne des « petits » groupes de rock.
En 75, je commençais à avoir une minuscule idée de ce que pouvait d’abord être ça, le groupe du lycée, les concerts de bahuts en bahuts, acceptés mais sous contrôle de l’administration de chaque lieu, le matos, les sonos de fortune, la batterie neuve et rangée, transportée avec un soin méticuleux, le partage des quelques francs récoltés à l’entrée pour le pot commun du matos, du local de répétition…
Au-delà de la rébellion médiatiquement surenchérie par la poignée de revues rock de l’époque prônant des groupes m’apparaissant insipides et m’obligeant à chercher l’opinion « autrement » que par les Manoeuvre naissants, les Eudeline suspects, c’est par des Clash, Dr.Feelgood et quelques Patti que j’ai réellement non seulement « accepté » cette efficacité simple, basique mais tellement jouissive, mais également totalement adoré cette poussée d’énergie qui nous fédérait autour de la zic.

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La K7 a été tournée.
Rien n’empêche l’autoreverse pour refaire un tour ou peut être bien aller écouter les albums, après tout…
La suite va venir.

Bonne semaine.












Commentaires

  1. Merci pour ses petites madeleines occasions d’échanges un brin rétroviseurique. J’ai oublié Supertramp face A, crois-moi je ne l’avais pas vu.
    Supertramp : vite fait, anecdote de cour de récré, nous étions en manque de prog, nous avions digéré à l’usure Genesis/Lambs… un jour un copain nous parle de « Crime Of The Century » que nous voulions absolument être un clone prog de Genesis. Le final de « Hide In Your Shell » aurait pu être du Peter Gabriel. Ensuite, la suite est connue.
    Queen : je retrouve ta lecture spectromètrale « ici on assiste tout de même au break de batterie le plus lamentable de l’histoire du rock » j’ai tenté cette écoute, mais trop tard c’est totalement intégré à l’énergie du titre. Et ce sont ce type de chœur qui m’ont fait aussi adorer Meat Loaf. Lourd lourd comme une grace à la crème trop riche. J’aime me diabétiser.
    Wishbone Ash : Tu as raison, album un peu oublié, un groupe un peu oublié aussi. ARGUS et sa superbe pochette. Comme je souhaite qu’un de tes lecteurs de passage découvre et creuse. Élégance, mélodie et tu confirmes la qualité musicale et de production. À quand la sortie du désert. (Dire qu’ils étaient associés à Status Quo comme groupe de Boogie Rock)
    Police « …on va ouvrir le champ avec des voicings de suspendus additionnés de 9e. Et alors ça interloque, ça fait féérie, ça fait réfléchir le quidam » et moi j’avoue que ce type de commentaire je le lis avec gourmandise, je ne comprends pas et ça ajoute au mystère de la musique. Un titre de Police que j’ajute à mes écoutes ****
    David Lindley : découvert dans un de tes papier en 2013. Et j’avais de suite mis un **** sur « Mercury Blues » pas celui qui me demandait de nombreuses écoutes. Et je n’oublierai pas ta sortie « Cet album est irrésistible, il ferait se lever un bataillon d’intellos coincés dans les arias wagnériens »
    XTC : L’album qui m’a demandé un effort d’écoutes, récompensé l’effort. Débat entre pote, dans notre bulle : Partridge la tête, Moulding le cœur.

    J’ai vu la suite et je pense qu’à m’étaler je vais lasser. Alors Joe Jackson époque ou je relie Costello, Jackson, Parker et Springsteen. Todd je l’ai en vinyle sans jamais accrocher, je le note pour une autre chance … pour moi. Hall & Oates mes chouchou Pop song (je te pique la tiquette). « Abandoned Luncheonette » je le connais peu, autre sur ma liste. « Pretzel logic » pas encore creusé mais déjà sur ma liste, Steely je les aurai un jour. Et merci pour l’intro.Little Feat, trop négligé et pas encore trouvé l’entrée. Je te lis et… je découvre cet album, jamais écouté celui-là.
    Dr Feelgood : Je t’ai lu et je pensais ajouter que Dr FeelGood precurse le mouvement punk qui n’arrivera qu’en 77. Ils étaient en reconnaissance. Moi à l’époque c’était la prog, Santana, Vangelis… Alors tu penses Feelgood pour nous ouvrait une période de rock sans être obligé de plonger dans le passé
    Désolé des longueurs mais lecture + QOBUZ fut un plaisir de Lundi

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    Réponses
    1. Merci pour ce copieux retour, bcp de points communs, c'est certain.
      Et comme pour moi des artistes écoutés beaucoup passionnément énormément...
      Et d'autres ajoutés au fil du temps en ayant loupé le premier coche (le meilleur, bien souvent...)
      Et puis des loupés ...
      De ceux qu'on découvre sur le très tard ... (et là on se dit...)
      En tout cas réhabilitation nécessaire Hall & Oates et pourquoi pas Wishbone Ash.
      Reessaye le Todd, là aussi, pourquoi pas.
      Moi, faut que je me décide à plus de Costello...
      à chacun sa route à poursuivre ;)

      Bon lundi donc.

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