ROCK POP (04) - A&B Sides.

 

ROCK POP 04.
K7 – Faces A & B.

Pour celles et ceux qui en souhaitent encore, montez le son !

FACE A.

01- « BEHIND BLUE EYES » / The Who – Album « Who’s Next » - polydor 1971

Commencer avec l’une des chansons des Who que je préfère, c’est presque la torture de n’être capable d’aller plus loin.
Ce serait presque indécent de réfléchir au nombre de fois où, en écoutant l’album – qui lui aussi a toutes mes attentions préférentielles – je me suis arrêté sur ce titre et ai remis le diamant à son départ.
Comme bien souvent quand cela replonge dans le passé, remet de l’affect, rappelle des souvenirs, on a été accroché par un titre qui a touché.
Puis le temps passe et cette émotion reste intacte et à chaque fois que ce titre s’échappe de la source sonore, c’est l’envie de se souvenir, de retrouver ou de se rappeler les sensations qu’il génère.

Gamin, pendant que nos parents refaisaient un monde post soixante-huitard autour d’un verre de je n’sais quoi, à coup de grandes idées, installés autour de la table de cuisine en formica – rêvant d’un monde social « meilleur » (s’ils voyaient aujourd’hui la débâcle dans laquelle nous nous trouvons et dont le creuset de leurs idéaux a été récupéré puis manipulé…) et vociférant sur fond de radio nasillarde – nous, les gosses, on était au garage, dans une petite pièce aménagée de matelas de récup’, de coussins divers, de loupiottes de couleurs piquées sur l’aire de destruction de l’usine Mazda, située plus bas et, calés en s’adonnant à des plaisirs enfumés, on mettait le son de l’électrophone à fond en écoutant des disques pointés du doigt par nos parents comme étant l’embrigadement par la musique du pouvoir capitaliste protectionniste anglosaxon.
Inutile de leur expliquer que ces mecs parlaient de liberté, de paix et d’amour – d’abord on pigeait pas un mot d’anglais et ce ne sont guère que les Poppies et autres Triangle, Ange ou même Johnny, qui permettaient d’apporter un peu de crédibilité à nos errances musicales.

« Who’s Next » m’est indissociable de cette époque où la camaraderie des samedis après-midi et des dimanches en mode barbecue, n’en déplaise à Sandrine Rousseau – ils étaient largement plus idéalistes et cocos qu’elle ne le sera jamais, et même déjà écologistes avant l’heure, pauvre d’elle – suggéraient immédiatement musique et surtout rock (bien que mon père n’ait jamais prononcé ce terme il lui préférait pop musique, signe pour lui d’une entrée suspecte d’un langage détourné du savant pour s’inviter « populaire » - ces cocos de l’époque c’était tout un programme…).
Donc pour situer…

Et puis au milieu du fatras pseudo celtique violoneux génial, des fracas de Keith et des incisions au scalpel guitaristique de Pete il y avait « Behind Blue Eyes », un îlot poétique (croyais-je car l’anglais…), un moment de pureté, de beauté, de stop du temps avant d’attendre frénétiquement l’implacable « Won’t Get Fooled Again » qui me provoque toujours et encore cette ultime sensation de d’emprise sous adrénaline. Certes, au milieu de cette tranquillité, un pont l’excite largement, mais l’atmosphère générale agissait sur mes neurones et sens enfumés comme une accalmie, un moment intemporel qui pénétrait jusqu’au plus profond de mon âme.
Et la voix de Roger…
J’avais 11ans et forcément tout cela s’est imprimé de façon durable et indélébile.
11 ans, bordel…
Que le rock est « vieux » !...
Que le rock aujourd’hui n’est plus qu’image, posture, business,


02- « COMFORTABLY NUMB » / Pink Floyd – Album « The Wall » - Harvest 1979.

J’aime les titres à débats et celui-ci en fait partie.
Sorte de chanson d’une regrettable simplicité et d’une inspiration semblant douteuse, « Comfortably Numb » est pourtant un incontournable du répertoire floydien.
Sûr que c’est- mais le contraire serait étonnant – très bien foutu.
J’écoute les cordes, puis tout l’orchestre de background (ces cors somptueux) et je remarque leur superbe écriture symphonique.
Je me penche sur basse et batterie collées comme siamoises.
Puis je ne peux que m’attarder sur cet immense solo que fit, encore une fois et comme toujours Gilmour, qui à lui seul vaut – bien au-delà de ce chant nauséeux – largement le détour, comme un de ces solos devant figurer dans l’anthologie, parmi tant d’autres de l’immense guitariste.
Waters roupille, Wright est déjà parti, Mason fait son possible pour tenir le bateau à flots, Gilmour prend le pouvoir, d’un trait, d’un solo, d’un éclat de génie – il fallait un capitaine de navire et pourtant c’était loin d’être … son projet que ce mur.
Comme quoi.

03- « HEAT OF THE MOMENT » / Asia – Album « Asia » - Geffen 1982.

« T’es au courant ? Un nouveau groupe avec les anciens de Yes, Crimson, ELP vient de se former ! ».
On est en voiture, on rentre d’un de mes ultimes concerts de tournée de choriste d’opéra.
Y. met la K7 dans la voiture, il vient de se le procurer et dans ses yeux il est fébrile à l’idée de me faire découvrir ce nouveau groupe de rock prog que nous ne savions pas encore ultime et définitif du genre.
Effectivement le souvenir immédiat du son et du jeu des personnalités (Howe, aigu, virtuose et incisif – Palmer, massif, précis, classique – Wetton, engagé, lyrique, efficace – Downes, symphoniste, sorcier claviériste, F1 digital) s’installe dès la première écoute, une synthèse affichée de tant de groupes écoutés dans ces années seventies. Manquait juste un ressortissant de Genesis, bien trop occupés certainement à gérer la suite de leur collectif et le succès d’agenda de Phil.
Le format de cette dernière tentative pour garder vivace le prog était commercialement et artistiquement bien vu : des chansons à la durée raisonnable voir calibrées FM, un son puissant, numérique, volontairement axé vers une certaine froideur synthétique, un reste de sérieux d’écriture avec des titres en multicouches et sections diverses de développements permettant aux protagonistes de faire montre de leur savoir-faire de créateurs tant que d’instrumentistes.

Et puis il y avait la pochette, cette merveilles animalière de Fantasy créée par Roger Dean, œuvre d’art peut être bien plus concrète que – à y réfléchir – la musique proposée en elle-même.
Un rappel qu’une pochette de vinyle pouvait être en elle-même une œuvre d’art qu’on affichait fièrement au-dessus de la platine, comme on arbore sous cadre, ou en tableau, ses goûts artistiques picturaux.

Bon, ce titre…
Riff de guitare inhabituel chez Howe doublé à l’orgue (quoique), entrée massive de Palmer et puis ces arpèges de synthé façon Europe, ce piano qui arpège en fond de cale. Un refrain too much mais taillé pour le gueuler en chœur dans les stades (public visé ?) et puis le miracle de ce pont japonisant – véritable réinjection du prog. Une fin en mode caisse militaire de Palmer qui récupère un bout de Howe et … ils ont tout de même un brin (volontaire je l’espère pour eux… accéléré le tempo les lascars.
Bon essai que de garder les composantes du prog et d’entrer dans le mode song / tube FM salutaire pour l’époque et pour leur porte-monnaie. Et Wetton met tout ce qu’il a là-dedans, et ce n’est déjà pas si mal.


04- « TALKIN TO THE SUN » / Steve Hillage – Album « Open » - Virgin 1979.

Un peu comme si Klaus Schulze venait se sampler avec les êtres vivants de la musique.
Basse – batterie funkysent comme la lourdeur du rock sait le faire sous ces arpeggio(s) absolument hypnotiques propulsés par Miquette.
Puis il entre en scène avec cette identité sonore reconnaissable entre mille pendant qu’en background Miquette tisse sa toile de nappes envoutantes.
Un long solo de guitare, puis … au sortir … la chanson, ou du moins ce qui s’y apparente avec des chœurs ajustés in extremis – pour une autre façon d’aborder le sujet « song ».
Les parties de guitares se succèdent, presque plus mélodiques que la chanson elle-même, la batterie semble tout droit sortie du dernier album de jazz-rock en vogue, Steve brouille les pistes et soudain d’un éclair synthétique … tout s’arrête et nous laisse sur notre faim.

On n’écoute plus assez Steve Hillage, et pourtant fut un temps lointain où il était considéré parmi les guitaristes qui comptent. Et il le reste.

05- « WORLD MACHINE / Level 42 – Album « World Machine » - Universal 1985.

Impossible de cacher mon admiration pour le groupe Level 42.
Ils ont bousculé tant de critères, se sont amusés avec élégance sur leurs virtuosités respectives, on dévié le jazz rock sans pour autant faire de la « fusion ».
Ils ont intégré de la façon la plus formidable l’environnement synthétique sous les doigts experts de Lindup (au passage un chanteur d’une rare finesse qui intervient toujours comme ici afin de romantiser le sujet d’une voix douce et aigue). Level 42 c’est bien évidemment Mark King destructeur de basse au jeu de slap dont on devrait encore se souvenir trop souvent oublié face à des Marcus Miller et autre Wooten et (écoutez cette formidable ligne de basse de la fin) allez donc chanter en jouant ensemble avec cet instrument des trucs aussi tarabiscotés…
Level 42 a forcé mon respect et j’en reste un profond fan.
Ils ont peut-être bien quelque part crée un truc qu’on pourrait s’inciter à nommer pop/fusion.
Ce titre, cet album !... pfff…

06- « WOMAN » / John Lennon – Album « Double Fantasy » - Geffen 1981.

Mais quelle belle chanson !
Lennon, tout de même, un sacré songwriter.
Tout y est pour foutre le frisson.
La progression harmonique, les accords M7-9 soutenus par les chœurs (ils sont géniaux ces chœurs) et la partie de guitare si simple mais pourtant essentielle sur laquelle la basse fait avancer le tout et à laquelle colle une batterie droite, presque rigide, au son pas encore envahissant.
Pas de solo inutile, juste le message chanté et puis cette modulation finale qui redore le tout.
Qui compose encore des chansons de ce niveau aujourd’hui ?...

07- « CROCODILE ROCK » / Elton John – Album « Don’t Shoot me I’m Only The Piano Player » - EMI 1973

Cela semble une petite amusette dérisoire et pourtant ça va très vite prendre, sous ses aspects pastiches de rock’n’roll, un tournant sérieux indéniable.
Comme toujours chez Elton, on est – surtout à cette époque de débauche musicale et d’inspiration due aux tournées, au succès et au fait d’une vie intégralement chargée de musique – face à la multitude d’inspirations cumulée de façon géniale.

On se récupère tous les clichés du genre et leur exposition se fait de sections en sections, comme un medley d’idées, comme un puzzle dont on assemble méticuleusement les éléments.
Alors bien sûr, ado, j’ai vraiment détesté ces chœurs ringards mais je n’avais pas du tout la conscience que derrière cet arbre nasillard et en forme de gaminerie se masquait une forêt luxueuse et luxuriante, emplie d’une végétation riche en vitamines pour danser et s’éclater, en toute simplicité  - sur un titre qui est tout … sauf simple.

08- « SULTANS OF SWING » / Dire Straits – Album « Dire Straits » - EMI 1978.

Je ne peux pas dire que j’ai – en  1978 – aimé plus que cela Dire Straits, ce serait malhonnête.
Puis, avec le temps, écouter Dire Straits étant devenu quelque part chose courante et commune, tant leur succès étaient large et populaire, je me suis habitué à ces titres à la guitare miraculeuse, au son d’un tel soin qu’on peut en pâlir et à Mark qui ne chante pas vraiment, qui parle à la Dylan, bref, totalement inimitable.

Ces titres on les jouait en bal – incontournables qu’ils étaient – et avec le recul je me rappelle les difficultés des chanteurs à tenter hors yaourt ces enchevêtrement de phrases à l’histoire racontée et, pendant ce débit souvent très approximatif je cantonnais un poum poum tchac à la batterie avec les repiquage de ces quelques breaks intéressants mais sommaires.
« Sultan of Swing » faisait partie de ces obligatoires puis il y eut tellement d’autres tubes du groupe que les citer serait un gros listing et à chaque fois c’était la joie des guitaristes que de bosser ça, de soigner les réglages amplis et pédales afin de trouver LE truc permettant de s’approcher au mieux de cette sonorité jazzy cristalline tout en restant ancrée dans un jeu country-rock. Tout un art…
Et enfin ce fut « Money For Nothing » et « Walk of Life » qui firent danser les foules des samedis soirs, mais c’est une toute autre histoire …
En tout cas, celle-ci de chanson, dès que le collier rutilant de ces notes en chapelets entre en scène, je ne peux m’empêcher d’un soupçon de nostalgie face à ce rock si pointu, si parfait, si précis et que je n’ai véritablement su apprécier à sa juste valeur – saturé de le voir se mélanger les samedis soirs avec tant de titres pas forcément captivants.
Parfois le boulot fait perdre la réelle notion de la juste valeur des choses.
Et c’est bien pour ça que j’ai fini par me détacher du bal, qui pourtant fut une école des plus formidables.

09- « AMERICAN ROULETTE » / Robbie Robertson – Album « Robbie Robertson » - Geffen 1987.

Je ne connaissais pas du tout Robbie Robertson avant cet album où il était remarquablement entouré (Manu Katché, Terry Bozzio – qui est le batteur dans ce titre - Tony Levin, Peter Gabriel, Daniel Lanois, quelques gars de U2, etc.).
C’est un pote qui me l’avait fait découvrir un soir de sa venue à la maison, pour un diner arrosé de musiques.
Je crois que finalement cet album avait tourné en boucle, tant  son éclat et son énergie nous avaient fascinés.
Je n’ai aucun album de Robertson, je ne me suis jamais intéressé à sa carrière, en fait … et même si j’ai quelque peu écouté au passage, un album de lui de temps à autre, je sais que celui-ci n’a pas bougé d’un poil dans ma setlist rock.


10- « MAN IN THE LONG BLACK COAT » / Bob Dylan – Album « Oh Mercy » - Columbia 1989.

Facile ou pas de passer à Dylan.
Mais finir une face par ce monument produit par Daniel Lanois (ce gars qui dès qu’il touche à la musique, produit un artiste, s’exprime avec le son et ses guitares sort de l’or en grosses pépites) c’est finir par une touche de magie.
Oui, on parle bien de Dylan ces derniers temps, ce serait peut-être bien l’occasion de se pencher à nouveau sur sa redoutable tant que fascinante carrière et de s’arrêter là, sur cette chanson mais surtout sur cet album rare, incontournable, inévitable … de sa discographie en forme de bibliothèque.
Je vais faire une longue pause silencieuse avant de tourner la K7 et passer à la face B.
Ce titre mérite qu’on le laisse flotter dans l’air.

FACE B.

01- « CAN’T SLEEP AT NIGHT » / Susan Tedeschi  - Album « Back to the River » - Verve Forecoast 2008

Rien de tel que d’attaquer une face par un bon gros blues.
Curieux, dès qu’une femme chante le blues – surtout version bien rock – immédiatement les gens font un comparatif Janis Joplin.
Certes, la grande Janis et sa voix, son charisme, ses convictions et son indépendance a marqué beaucoup d’esprits. Pour autant, avant de l’oublier et tout en continuant à considérer cette expression blues rock comme toujours prégnante, il serait temps de passer à, juste … autre chose.
Susan Tedeschi a été pour ma part, cet « autre chose », ce dès que je l’ai découverte avec cet album, en 2008.
Un album trempé dans le long fleuve de ce blues qui de toute façon ne pourra plus nous quitter, chargé de guitares à la saturation naturellement évidente, poussé par un orgue obligatoire et soutenu par une rythmique qui navigue au gré des méandres de ce long cours d’eau qui en a vu d’autres et qui, en passant, n’est pas si tranquille que cela.
La vie, la spiritualité dont l’évangélisme semble être guide ou tout proche - tout cela poussé avec la ferveur d’une voix qu’il fait bon savoir être encore possible d’exister, là où le gueulement superficiel est devenu mise, là où brailler voudrait dire que par ce simple fait, on en a une …  de voix.
Alors on se rue sur le buzzer rouge en croyant que …
Mais non, certaines pendules se doivent d’être remises à l’heure de la vérité, de l’authenticité et le blues, le vrai, celui installé dans cette culture profonde est, avec de telles artistes et chanteuses, là pour ça.

02- « HEARTBREAK HOTEL » / Lynyrd Skynyrd – Album « Endangered Species » - Volcano 1994.

Lynyrd Skynyrd, c’est une découverte télévisuelle nocturne.
Petite télé couleur, émission De Caunes, certainement, donc tardive, calé dans le canapé à fumer un truc conique …  et d’un coup ces gars … chanteur au Stetson rivé sur le chef, gratteux cheveux au vent, se mélangeant aux cordes de leurs guitares – trois guitaristes en parfaite union, un mec sorti droit de l’asile qui défonce sa batterie comme un forcené, des choristes comme sorties d’un épisode de Walker Texas Ranger ou de Dallas avec son univers impitoyable, un pianiste complètement honky et ce type, là devant, jouant nonchalamment avec son micro et haranguant une foule de Stadium …
Le rock sudiste/southern rock, jusque-là ça ne voulait pas dire grand-chose à mon « idée », les cowboys je les voyais plutôt spaghettis ou en mode John Wayne avec chevauchées, alors bon…
Mais d’un coup de tout petit écran cela prit un sens, une réalité et même si retenir un tel nom me demanda vite un effort, je savais qu’il ne me fallait pas louper un truc pareil.
J’ai donc suivi attentivement tout ce qui sortait de chez eux, ces bosseurs de chez MCA.
J’ai été très affecté par leur accident d’avion – un manque.
Mais Lynyrd Skynyrd a continué d’exister, comme on renait de cendres et j’ai continué à les écouter.

Quand cet album « à la mode unplugged » est sorti il a raflé le nombre de mes écoutes non hebdomadaires, mais mensuelles et je faisais toujours un arrêt nationale 7 pour remettre en boucle ce titre d’Elvis, ce bon vieux faux rock - faux blues, retransformé ici en vrai rock vrai blues pour l’occasion. Puis je reprenais la route et je pense que j’ai bien fait 66 aller retours avant de ranger cet album et le prêter à un ami qui ne connaissait pas le groupe.
Un fan de rock qui devint lui aussi fan de ces sudistes biberonnés au whiskey ou au bourbon, accrochés au zinc, motards bien évidemment tatoués jusqu’aux moindres replis de la peau et amourachés de leur sud profond comme le corse l’est de son île chez nous.
A ne pas mettre dans les mains de Sandrine Rousseau, elle ferait une attaque prématurée, mais à recommander à toutes celles et ceux pour qui le mot rock peut revêtir un sens minimal.

03- « I BELIEVE IN LOVE » / Lou Reed – Album « Rock and Roll Heart » - Arista 1976.

J’vais vous avouer…
Lou Reed j’ai tout essayé, j’ai été intéressé parfois, pris au truc forcément avec ses obligatoires albums. Je suis bien obligé de jouer « Walking on the Wide Side », c’est bien torché, c’est … éclairant et tout le monde connait.
Mais je n’arrive toujours pas à monter complètement dans son train et profiter, même à Berlin, de ses voyages.
Quand je dis que « Metal Machine » est certainement son album que j’aime le plus on me regarde comme si je devenais fou – mais après tout il a osé et ce bruitisme a été précurseur.
Et puis de temps à autre j’écoute un album, des extraits, bref, c’est du pointillé, comme là, avec ce titre au saxophone bien désaccordé (où l’ingé son était sous emprise où c’est vraiment volontaire pour attirer l’oreille), au Wurlitzer sautillant de presque rock’n’roll, au sax baryton qui se la pète avec la basse.
Un petit gimmick funny et c’est envoyé pesé.

Et …
Pour une fois que Lou Reed est presque enjoué on ne va pas se priver des 2.45 mn de son hommage au bon vieux rock’n’roll.
Puis, dans une playlist, c’est sympa d’ouvrir les rideaux, parfois … et de laisser entrer la lumière.

04- « GIMME SHELTER » / Patti Smith – Album « Twelve » - Columbia 2007.

Patti Smith, quand elle sortait / ou sort un album c’est souvent un évènement.
Celui-ci, chargé de « reprises », brandit plutôt fort le drapeau rock.
Il ne va pas forcément apporter grand-chose sur l’échiquier de cette musique, ce même jusqu’aux reprises qui, en soit, n’ont d’originalité que la voix de Patti et surtout une énergie bourrée de feeling qui s’impose, comme pour ce titre des Stones, véritablement transcendé.
Ceci étant, les Stones eux même livrent systématiquement quand ils le jouent en live des versions habitées quand il s’agit de lancer « Gimme Shelter ».
Il y a un truc dans ce titre qui oblige à cela, on le sait et le sent bien dès que le riff s’impose.

J’ai eu cette chance d’assister à un concert de Patti Smith, à Avignon, à ses débuts.
Il est des moments scéniques qui restent gravés dans la mémoire.
Elle en fait partie, d’autant que dans l’après-midi, on l’avait croisée dans la rue et qu’on a même fait un brin de causette avec elle après qu’elle ait vérifié qu’il n’y avait pas foule à la reconnaitre.

05- « CANDY PERFUME GIRL » / Madonna – Album « Ray of Light » - Warner 1998.

Dans la carrière de Madonna, mon faible, cet album « Ray of Light ».
Tant de trouvailles, la mise au grand jour de cette électro naissante d’une façon plus « grand public » (ce n’est pas un vilain mot) que – par exemple – Björk.

Madonna, je l’ai vue à Paris à l’Arena en Novembre 2023.
Allez, comme pour Céline Dion, ça aura relancé les débats, playblack, IA, automations et tutti quanti.
Bon… pourquoi pas… mais au-delà de ces préoccupations liées à une évolution technologique contre laquelle lutter m’apparait complètement crétin, car, de toute façon, on s’insurge toujours contre l’évolution technologique puis finalement, sans crier gare, on s’y fait puis on la trouve… bien pratique. En disant ça je pense à ce truc qui est passé de téléphone à smartphone, à … comment décrire un truc pareil aujourd’hui – je pilote même ma sono depuis ce petit truc glissé dans la poche intérieure de ma veste…
Alors arrêtons les débats stériles et concons et rappelons-nous Claude François et ses Claudettes, dansant chez les Carpentier sur le 45t qu’on nous resassait à la radio…
Madonna, à L’Arena, c’était juste un show époustouflant, rien à voir c’est sûr avec le groupe de blues coincé dans un club tel le Bus à Draguignan (oui il en existe encore des clubs pour du live), mais bon l’ingé son, Romain, gère tout avec … une table de mix numérique… et remarquablement d’ailleurs.
Lors de son concert où elle retraçait sa carrière elle nous a fait un « Ray of Light » qu’il me sera impossible d’oublier – d’autant que je suis un inconditionnel de l’album (ah oui, je l’ai déjà dit…).

« Candy Perfume Girl » je l’ai fait jouer à des élèves, il est, comme tout ce qui semble simple, particulièrement difficile à jouer.
Il faut choper le truc, ne pas insister pour alourdir et il faut vouloir (et pourvoir – donc se donner les moyens et en avoir conscience) décoller vers des contrées sphériques et spatiales que la chanson estampillée pop ne doit pas, pour autant, subir en inclinaison.
Cet art de rendre populaire tout en enrobant d’actualité, de modernisme, d’innovation et de mise en éclairage de l’underground musical émergeant – c’est cela Madonna. Et ce n’est pas Nile Rodgers qui dira – fut un temps précédent – le contraire…
Madonna, au-delà de l’image qu’on veut bien et selon ce que chacun veut bien en penser, c’est avant tout une grande artiste, une vraie star, là où ce mot ne veut plus dire grand-chose.
Le rouleau compresseur TF1 en a fait un objet de fabrication à la chaîne, consommé, jeté, oublié et maintenant où sont les vraies stars (?) …
Madonna, c’est aussi une femme engagée et qui, politiquement ne mâche pas ses mots – elle a la stature pour, elle reste fondamentalement rock attitude et tout cela n’est pas de la frime, c’est dans son ADN.
« Recherche Susan désespérément » … tiens faut absolument que je me revoie ce film.
 
06- « BLUES DELUXE « / Jeff Beck – Album « Truth » - EMI-EPIC 1968.

Tiens ... revoici le blues…
Nicky Hopkins est invité à se glisser bastringue au piano Honky et joue sur tous les clichés trémolos du genre et se prend un solo destructeur que nombre de pianistes rock devraient connaitre sur le bout des doigts.
La basse est presque aussi extraordinaire que celles que dessine John Paul Jones chez Zeppelin et elle est le fait d’un certain Ronnie Wood, avant qu’il ne se stonifie en guitariste.
Et puis il y a Rod Stewart, gueulard endiablé, harangueur de cette foule qui n’en peut plus de cette densité si forte propulsée lors de ce concert.
Ils sont en extase.
Mais ils attendent Jeff, le seul l’unique le grandiose et le font vite savoir dès qu’il prend sa place soliste.
Au passage c’est Micky Waller à la batterie – vous ne le connaissiez pas ? Moi non plus mais par contre je l’ai souvent pris comme modèle de ce jeu lourdaud, pesant et massif sur lequel tous s’enracinent.
Un bon vieux Jeff Beck, fait toujours du bien – c’est un peu comme ces bonnes vieilles bouteilles … plus elles ont d’âge …

07- « HEY JOE » / Jimi Hendrix – Album « Are you experienced » - Track Records 1967.

Il est passé sur terre, il a empoigné comme il le pouvait une guitare, il en a tiré ce qu’aucun n’aurait pu imaginer jusqu’alors et il est reparti, laissant incrédules des milliers de guitaristes qui auront tenté, de décennies en décennies suivantes d’en capter le minimum tant il reste inégalé.
Avec lui il a embarqué Mitch et Noel, prêts et ouverts à toutes ses expérimentations, à tous ses délires et ensemble collés à leur leader, ils ont posé une pierre dépassant le seul adage du power trio à cette musique appelée rock, dépassant le rock lui-même pour le faire entrer dans tout simplement l’histoire de la musique.
Tel une étoile filante, Jimi Hendrix a traversé avec une musique aussi fulgurante que sa vie l’espace planétaire et inondé de son approche sonique la sagesse dans laquelle il nous était difficile de sortir sans l’électrochoc qu’il fut.
Il a transcendé le blues en l’emmenant, comme le fit Miles (qui n’a jamais caché son admiration inconditionnelle pour Hendrix, allant jusqu’à l’imiter en électrifiant sa trompette et lui ajoutant des pédales de guitaristes), vers des nouvelles contrées, sans pour autant le détruire, l’insulter ou le modifier fondamentalement.
Il a changé radicalement l’instrument guitare en l’installant au centre réel du spectre du rock et il n’y a pas un guitariste qu’il soit rock, jazz, funk ou autre qui n’ait pas en ses doigts une part d’Hendrix, qu’il le veuille, le reconnaisse ou non.
Hendrix a trouvé dans le studio d’enregistrement, qui plus est, un outil complémentaire à ses expérimentations, usant en peu de temps, de lui comme d’une prolongation créative de son génie inventif. Avec lui, de balbutiant et de reproductif scénique, le studio a fait une avancée sans précédent et a été l’instrument, l’outil, l’aide mais également le partenaire obligatoire de cette nouvelle musique (et des autres).
On ne peut résumer l’apport de Jimi Hendrix à la musique en quelques lignes.
On ne peut que rester également pantois face à n’importe laquelle de ses performances live. Des performances où il pouvait tout se permettre et ce, sans la moindre limite, la seule restant peut être bien la sienne – mais avec sa visée infinie on peut dire que avant d’en atteindre la plus petite parcelle il faudrait encore, même aujourd’hui, avoir une pensée d’une telle dimension que cela dépasse l’entendement commun.

« Hey Joe » … semble bien précurseur de ce qu’Hendrix va en un temps record oser à la face du monde et ce titre emblématique va très vite évoluer jusqu’à devenir l’ombre de lui-même, effacé par la lumière saturée avec laquelle Jimi va, d’un éclair de gaucher, nous aveugler.

08- « SO LONELY » / Sting – Album « My Songs » - A&M 2019.

Peu importe le choix de cette « nouvelle » version de ce tube de Police, via Sting … ça reste toujours aussi punchy, frais, (presque) juvénile et trempé dans le rock.
Le mix rythmique rock et guitares reggae fonctionne inaltérablement à merveille et même si l’ensemble sonne plus « sage », plus policé qu’avec Police, bien moins fou et débridé, Sting en a encore sous le capot et ses acolytes le suivent … Josh Freeze (batterie) – Jerry Fuentes (basse et guitare) et il y a même une touche d’orgue avec Martin Kierzenbaum pour rehausser le ton.

Pour cet album, Sting s’est entouré des amis et ils s’offrent (pour notre grand plaisir) une petite replongée dans ses belles années où il a composé pour Police. Cela a dû lui et leur faire un grand bien, un peu comme on convoque à une fête ses vieux potes et qu’au passage on a dressé en plus de la table, une scène avec tout le matos histoire de voir si on n’est pas rouillés sur un bon vieux répertoire.
Curieux, je devrais peut être faire ça … on avait ce groupe en reprises (on ne disait pas encore covers) Police intitulé Third … en Savoie. J’y tenais la batterie. C’était de belles années et j’avais pas besoin d’aller à la salle de muscu pour m’entretenir – il suffisait d’entrer dans le et par « Next to You » et d’enchainer, tiens donc, par « So Lonely » et d’emblée on se sentait en pleine forme.
Ces soirs là les pubs étaient pleins, la bière sentait bon le rock et on fumait encore dans l’espace clôt …

Je n’écoute plus trop Sting maintenant, j’y jette une oreille, m’enthousiasme peu ou plus comme avant, même si je reste admiratif du bonhomme, de sa carrière, de son génie de compositeur et de son ouverture à toutes, mais vraiment toutes les musiques. Le streaming a définitivement sabré l’idée d’album, de concept, de « matière » et ces artistes sortent désormais des LP, des titres au compte-goutte, invitent ça et là et il n’y a plus cette idée de l’événement.
Plus ou presque personne n’échappe à ce phénomène.
Dommage et dommageable.

09- « STILL MY BLEEDING HEART » / Steve Vai – Album « Sex and Religion » - Epic 1993.

Il fut un temps lointain où j’avais décidé d’initier mon aîné à un rock métal, hard, bien lourdingue.
Je tentais d’éviter – malgré une forte inclinaison à ces écoutes de façon répétitive – de trop le saturer de Pourpre, de Dirigeables, de Serpents Blancs et même de gauchers.
Vint la chronique de cet album (que du coup je lui ai acheté), au leader qui, comme son frère de manche Satriani, deviendrait très et de toute évidence  … un alien.
Oui, il y a de fortes chances que ces gars soient venus sur notre planète pour mettre face à nous des barres si hautes qu’on a de quoi bosser et être occupés à faire autre chose, pourquoi pas et ce serait heureux, que la guerre. Beethoven le fit, Mozart, n’en parlons pas, Schubert, Monk, Miles, Michael Jackson … la liste est très longue mais ces extraterrestres ont bel et bien existé et continuent à nous montrer la voie.

Steve Vai, disons que … faut vraiment rentrer dedans.
Normal, un mec nourri au sein Zappa (je pense aussi à Adrian Belew en disant ça) a une folie musicale associée d’une technique incomparable dans le sang. Et il sera un compositeur génial, mais pas forcément compréhensible pour tous, c’est aussi ça le génie et en prendre conscience c’est certes, pas mal, maintenant le suivre et comprendre ce qu’il vous balance à la face … c’est tout autre chose.
Il suffit juste de se prendre ici le solo de guitare – ça se passe de commentaires, mais ça va forcément en susciter, car face à l’aisance virtuose (un peu comme face à une œuvre de Liszt), soit on est jaloux, soit on est admiratif – l’entre deux visant à simplement considérer la musique qui sort de cela est rare.

En plus, ici c’est un autre transfuge de chez Zappa qui est venu s’accoquiner pour démarrer tous ensemble une plongée dans les lames de rasoirs métalliques, sans se couper, Mr Terry Bozzio himself.

 Vai aurait pu se contenter de ce seul album, il en aura bien sûr fait tant d’autres… mais avec celui-ci il sort de chez Zappa grandi et, paré à poser ses armes créatives au grand monde, il entre définitivement dans la catégorie des plus grands (et pas que guitariste, car à côté de lui, les compositions, pourtant largement ficelées de Dream Theater ressemblent à des essais virtuoses d’étudiants ayant enfin réussi leur exercice noyé dans des déluges de notes pas toujours bien utiles).

« Still my bleeding heart » …

C’est taillé comme un tube pop au refrain immédiat, ensorcelé de voicings de guitare acoustique comme sortis d’un vieux Yes, c’est soutenu par une basse lourde et profonde, Bozzio ouvre le festival et cartonne en tous sens (il aime à fracasser sa China), les vocaux surgissent de toutes part et on attend le solo qui tire sur toutes les cordes comme des ficelles apparaissant comme ceux du maestro Zappa, éclairé plein projo puis on assistera à un duo chant/batterie inédit, oui, absolument.
Explosif !

10- « I FOUND THE SUN AGAIN » / Steve Lukather – Album « I found the sun again » - Players Club 2021.

Cet album de Steve Lukather, je l’écoute encore beaucoup, il est représentatif de ce que reste le rock joué par les pointures américaines du genre.
Steve a l’étiquette Toto qui lui colle aux Santiags.
On lui ajoute celle du requin des studios Calif’ avec un nombre de sessions impressionnant.
Pause délicate mais au gros son de l’album, cette chanson est éclairée de touches synthétiques et d’orgues en nappes somptueuses.
La basse et la batterie élargissent le champ et on terminera cette playlist par ce sublime et magistral solo – le rock a pour emblème la guitare et ce solo est là pour qu’on s’en rappelle avant de repartir vers une autre série de titres, prochainement.

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Bonne fin de semaine.
à très bientôt pour une suite probable.

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