(PRAHA – Noël 2024) ...
(PRAHA – Noël 2024) ...
Ce n’est pas nouveau, quelques petits jours (2 en tout) dans notre ville
fétiche, avec mon épouse, Prague.
Quatrième escapade tchèque en capitale, la première en visites des points
phares, la seconde en visite des musées et autres lieux plus symboliques
(Kafka, Quartier juif et son cimetière séculaire où les familles du monde
entier viennent chercher un ancêtre, une filiation et se recueillent),
troisième ciblé quartier où Mozart composa son grandiose Don Giovanni, donc un séjour
axé sur la musique, principalement.
Et tout cela se fit en été.
Cette fois, on a opté pour l’hiver.
Noël s’espérait à Prague sous la neige, mais - sans accuser un réchauffement
climatique dont tout à chacun ne cesse de parler pour ne rien dire ni faire et
qui est récupéré chez nous par un penchant gauche afin de politiser une
profonde alerte qui n’est d’aucun bord mais de simple sens commun – nous avons
eu un temps ensoleillé et les pulls et autres gants sont restés en valises.
Noël à Prague comme tout à Prague, quelle que soit l’époque de l’année, c’est
toujours et systématiquement- même si la ville en plusieurs années a muté et
s’est concrètement européanisé (en gardant tout de même sa monnaie, la couronne
tchèque – diviser le prix affiché en Cr par 21 pour obtenir le montant en
Euros, excellent pour le calcul mental) – une plongée dans la tradition, l’attachement
aux valeurs, la représentation délibérément nationale mais aussi la ferveur
religieuse inébranlable.
En deux jours pas eu le temps d’aller au concert, mais de toute façon à Prague
la musique est partout, il suffit de se laisser guider.
Prague c’est aussi la ville européenne où l’on consomme le plus de bière (en
général la Pilsner) et, puisqu’on parle boissons sans déraison, le vin de
Bohème est particulièrement dense et fruité, idéal pour accompagner les plats
traditionnels qui, copieux, permettent en peu de jours d’augmenter sensiblement
le chiffre de votre balance vers des sommets inattendus.
Goulash, Choux Rouge, Canards et autre Jarrets de Porc sans parler du célèbre
Trdelni’k qui est à la ville ce que la crêpe est à la Bretagne.
Quant au chocolats…
Bon j’arrête là, ça me donne faim.
Noël à Prague c’est aussi l’occasion de montrer aux enfants des écoles, tous
affublés de gilets jaunes ou oranges (mais ils ne manifestent pas – ça c’était
plus violent et avant, certaines traces de ce passé sont encore vivaces
d’ailleurs), les métiers artisanaux et manuels encore en vérité.
Comme l’atelier du maréchal ferrant, où chacun y va de son marteau sur enclume.
Des classes sages, disciplinées, organisées et attentives à l’interlocuteur …
sans commentaire supplémentaire …
Prague est une ville paisible, peu de voitures (un peu plus qu’auparavant mais
avant tout des taxis et autres Uber locaux comme chez nous peu scrupuleux…) et
une infrastructure de transports en commun qui laisse pensif tant elle est au
service des praguois.
Bon, Prague, en une bonne décennie de visites au nombre de quatre a évolué mais
n’a pas profondément muté comme d’autres cités européennes.
Cette ville reste une destination dépaysante, reposante et captivante tant
humainement que culturellement.
On apprend beaucoup des praguois et des tchèques en général.
On est confrontés à la courtoisie, le respect, l’accueil, l’organisation et la
discipline et en même temps ville truffée de jeunesse, on y fait la fête à
longueur de temps.
Les seuls fêtards exubérants ne sont pas praguois, ce sont des touristes.
Le praguois est fêtard mais sait rester discret.
L’hiver on part , pour Prague, côté aéroport, dans le sud, depuis Marseille.
Cet aéroport est le plus bordélique, sale et désorganisé qui soit.
Mon épouse a besoin d’une assistance médicale pour se déplacer.
A Marseille on l’oublie dans les couloirs, on la trimballe avec un matériel médical digne d’un achat à 5 € dans une brocante de village, etc. ce malgré un
personnel attitré des plus sympas et gêné de la situation qui pourrit leur
quotidien professionnel.
Ne nous leurrons pas, c'est toujours le personnel qui trinque ...
A Prague, aéroport reluisant, service immédiat dès la sortie de l’avion, bref,
le jour … la nuit …
Départ de Nice, différent, mais l’été seulement.
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Prague ou tout autre voyage d'ailleurs, s’accompagne forcément de musique en ce qui me
concerne.
Aussi je vais vous partager, simplement, la B.O qui m’a accompagné pendant ce court séjour.
...
HAYDN 2032 – VOL 16 – « The Surprise ».
Symphonies 98, 94, 90 par Il Giardino Armonico ou le Kammerorchestra Basel dir.
Giovanni Antonini.
+ La Scala di Seta – Sinfonia de Rossini.
J’ai déjà chroniqué cette formidable initiative du chef Giovanni Antonini
consistant à mettre en catalogue, d’année en année et d’œuvre en œuvre,
jusqu’en 2032 le patrimoine musical de Haydn.
Ce nouvel opus avec l’emblématique Symphonie dite « La Surprise » au
célèbre coup de timbales qui éveillait les assoupis des concerts londoniens,
s’avère tout aussi remarquable que les autres.
Giovanni Antonini, arrivé à un 16e volume connait à la perfection le
sujet musical (et forcément biographique) du compositeur qui a tant apporté
pour réformer structurellement la musique et sa forme.
Chacune de ces trois symphonies est à écouter soit dans l’enchaînement proposé
qui s’organise avec une grande logique, soit pour elle-même dans le cadre d’une
plongée plus spécifique, un choix à faire qui, pour le premier se conclura par
cette Sinfonia de Rossini issue de son opéra « L’échelle de Soie »
afin certainement d’engendrer une réflexion quant à une influence certaine, une
forme de filiation, etc.
Direction, prise de son, qualité et précision de l’interprétation sont au
rendez-vous – d’autant que j’ai écouté la musique pendant ce séjour, au casque.
Bref, avec l’ambiance, l’architecture, la vie de Prague, ce répertoire du viennois
(bien que certaines appartiennent au cycle londonien) s’assimile parfaitement à
la vie praguoise et plus généralement à l’idée sociale de l’époque du
compositeur.
L’album s’ouvre avec la Symphonie N° 98
en Si bémol Majeur et son introduction Adagio en unissons dramatiques
qui ensuite va jouer sur les contrastes avec ce jeu de clair/obscur en vogue,
suivie d’un superbe second mouvement Adagio, oscillant entre écriture choral et
balancier harmonique qui va se dramatiser en mode mineur…
Puis ce sera le Minuet au pas marqué, renforcé et presque martial, avec là
encore ce jeu de contrastes de nuances mais pas que avant de conclure par un
Finale/Presto enlevé à souhait jouant sur les pupitres et s’imposant à grand
renfort de cors.
En second la fameuse Symphonie N°94 en Sol Majeur dite « La
Surprise » qui va jouer elle aussi des contrastes, mais de nuances avec de
forts accents, de souples mélodies à évocation champêtre, tout cela joué avec
un caractère enlevé, tonique, vivifiant. Et comme toujours un second mouvement,
cette fois Andante, somptueux et à l’écriture où les contre chants ont le part
belle – chez Haydn a musique est un tableau aux multiples plans et détails.
La Symphonie N°90 en Do Majeur, quant à elle s’ouvre de façon quasi martiale,
imposante, pour s’alléger rapidement en toute dentelle puis l’Allegro Assai
entre en lice progressivement là encore en jeu de contrastes, ce mode
d’écriture suscitant l’attention et le jeu d’interprétation récurent chez le
compositeur. Cordes détachées qui s’arrêtent sur un point d’appui, le phrasé
suffisant à lui seul pour l’expression, ruptures avec courts arrêts afin de
« respirer », soutien en accents toniques, jeu de pupitres et de
timbres (les cors et les flûtes, chez Haydn, tout un modèle d’école). Tout
l’orchestre a « la parole », une équité qui, là encore sous couvert
d’usages qui aujourd’hui semblent acquis, n’était pas spécifiquement fréquente
alors.
J’aime toujours les seconds mouvements de symphonies, celui-ci n’échappera pas
à cette règle d’appréciation personnelle, c’est là que l’émotion s’invite, que
les sentiments s’expriment, que la beauté intérieure de l’œuvre transparait.
La symphonie va s’achever comme il se doit par un mouvement rapide – Allegro
Assai. Un moment volubile où là encore les timbres se répondent allègrement sur
fond de puissantes timbales, le tout auréolé d’accents permettant des
diversions rythmiques et des contrastes d’accompagnements fulgurants.
Puis il faudrait presque oublier Haydn pour Rossini, lui aussi véritable joueur
du contraste.
Pour cette Sinfonia les bois auront la part belle, souples, délicats, élégants
… soyeux…
Puis vient le festival de ces cordes véloces qui vont jouer avec le hautbois et
alors les contrastes, tel qu’en l’école du grand maitre viennois vont faire
figure de résurgence, avec l’humour et l’humeur en sus…
Quoiqu’il en soit cette Sinfonia s’intègre parfaitement dans ce programme, même
si elle offre d’autres perspectives.
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MOZART – Piano Concertos N° 20 et 23 / Piano Sonata N°16 – Katia Buniatishvili.
J’ai dit tout le bien à propos de cet album dans une précédente chronique piano
pianissimo… je n’y reviendrais donc pas, même si la plongée, au casque, dans
cet univers mozartien subliment interprété prend une dimension inédite et
surtout une place dans le mental d’auditeur absolument envahissante d’émotions.
Le génie mozartien où vont se mêler buffa et seria sous l’égide du drama
giocoso s’expriment et s’épanchent là dans un jeu de rôles théatro-musical-instrumental
où le rire, le sourire et l’humour côtoient sur la même échelle, les larmes, la
détresse et le soupir affable anticipant ainsi ses futurs grands opéras où le
jeu des sentiments se mêle avec élégance, sensibilité et galanterie.
Par ces ouvrages, auxquels Mozart attachait une importance et un soin tout
particuliers, le compositeur étant adulé et reconnu comme pianiste était
désireux d’inonder la scène viennoise de la reconnaissance à la fois de ce
trait instrumentiste, mais surtout, il voulait conquérir par-là et par eux,
Vienne, comme compositeur.
Une B.O praguoise impérieuse et impérative avec laquelle la ville s’auréole de
toute sa féérie – en plus, de Noël …
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MOZART « Die Zauberflöte – Highlights » - Claudio Abbado/Mahler
Chamber Orchestra.
Le décryptage symbolique de cet opéra, le dernier du grand compositeur, a fait
couler beaucoup d’encre, soulevé bien des énigmes et des polémiques sous son
apparente simplicité quasi naïve et fantasmagorique.
Une nuit et ses forces obscures et la lumière, révélatrice …
Un oiseleur et son double féminin …
Un prince et, forcément, une princesse …
Un univers fantastique peuplé de créatures …
Un mage …
Une symbolique franc maçonnique émergeante …
Et puis, et surtout … il y a la musique de Mozart qui en a réellement bavé pour
composer cet ouvrage considérable, aux arias, duos et autres moments absolument
somptueux, sommets de son art mélodiste et de la maitrise de l’art vocal, sans
parler de ces chœurs d’une telle profondeur d’écriture et d’une écriture
orchestrale à un tel niveau de service du sujet que c’en est, Mozart oblige,
génial.
Karajan, Boehm, Nezet Seguin et puis, voici Claudio Abbado, parmi d’autres et tant d’autres
interprétations.
Celle-ci propulsée par le regretté Claudio Abbado possède une approche d’une
rare finesse, d’une rare délicatesse et élégance, ce qu’il ne faut jamais
oublier quand l’on pense Mozart.
Alors elle irait presque vers mes préférences que ce soit pour la formidable
tenue orchestrale du grand chef, toute en subtilité de précision des timbres
comme en souci de chaque détail de la partition qui ici s’inscrit dans
l’audition, d’une façon extraordinairement lisible, méticuleuse, subtile.
Quant aux solistes les voici dans une légèreté de jeu vocal qui tranche avec
les interprétations souvent imposantes, lourdes, appuyées et puissantes dont
l’œuvre a été enrobée par d’autres de leurs confrères. Ici la finesse est un rendez-vous
qui permet au texte musical mais aussi à cette langue allemande si difficile à
musicaliser vocalement (ne parlons pas du français…) de mettre en lumière
chaque partie de cet opéra essentiel et grandiose.
La version réduite en highlights permet une vision – avec une organisation des
plus pédagogiques – globale, synthétique, résumée … des plus attachantes et
l’album va défiler comme un chapelet de merveilles et d’émerveillements à
chaque plage.
Dès l’entrée de Papageno et en attendant bien évidemment la performance tant
que l’infinie beauté d’une Reine de la Nuit là encore simplement légère, délicate
et réellement /follement émouvante, avec au passage le jeu aérien de Tamino ainsi que la
puissance sans lourdeur de rôle et de voix de Zarastro, cette version réduite
(il faut également écouter celle complète) de cet incontournable monument de
l’histoire de la musique et de l’opéra est en tous points … enchantement.
On croit, on imagine, on pourrait penser procéder par étapes dans ce voyage au
gré des actes et au sortir il est impossible de s’en détacher et on est surpris
d’avoir écouté l’album dans son entier avec curiosité, avidité et passion tant
cette interprétation attire l’auditeur.
1h15 environ de pure magie musicale.
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« Qui a assassiné Mozart ? et autres énigmes musicales – E.W. Heine –
les éditions du sonneur.
Lire et prendre ce temps pour le faire est malheureusement chose rare et
luxueuse.
J’envie encore cette époque d’études et d’enfance parisienne où, pendant mes
heures de métro je faisais mes devoirs, apprenais mes partitions, développant
ainsi cette fameuse « oreille absolue » avec la seule aide du
diapason et surtout, où, tout en fredonnant mentalement ces mélodies acquises, je lisais…
Le futur walkman n’existait pas encore, la K7 en était à ses balbutiements, la
musique était comme ce livre intéressant, une « partition
intérieure » et la lecture… c’était l’évasion garantie.
Alors en voyage, je lis, détaché de la responsabilité de conduire qui, par
contre permet la musique à outrance.
Je lis, avec la non envie de film (inexistants d’ailleurs sur les trajets
courts et dans certaines Cie-s), on a ça maintenant quand on veut à la maison.
Je lis,
pas forcément musique, tout dépend de l’envie, de l’humeur, et du contexte.
C’est bien tombé, Jean Marc m’a filé ce livre, sorte de fascicule en mode
essayiste, avant de partir.
« Tu liras, ça doit être sympa »…
Voici que je termine les trois symphonies de Haydn, zappe pour plus tard
Rossini, désireux de rester avec le maestro viennois et je me décide à sortir
le/ce livre.
Là, ce premier chapitre : « qui a assassiné Mozart ? »
vient immédiatement me captiver, happer ma curiosité suscitant l’envie d’aller
au bout, d’en savoir et imaginer d’avantage.
Dès lors, j’ai su que ces chapitres seraient lus rapidement et avidement avant
la fin du séjour, ce qui fut fait.
Au gré de ces énigmes presque révélées et parfois restées en suspens on va –
tiens donc – se pencher sur une face cachée post mortem de Haydn, découvrir un
très austère et mystérieux tant que charismatique Paganini, se plonger dans une
anecdote concernant un Berlioz désespéré bien au-delà de sa profondeur
romantique et puis on terminera par la face secrète de Tchaïkovski sous B.O de
sa « Pathétique ».
Cela se lit en un rien de temps, cela laisse sur une faim envieuse d’en savoir,
qui sait, plus sur tant d’autres compositeurs (et généralement artistes de tous
bords) et cela éclaire d’un jour nouveau - au-delà des biographies pesantes -
ceux-là mêmes.
Donc prendre ce temps de lecture et lire cet ouvrage.
On en ressort frais, ému … souvent, éclairé et nourri de curiosité enquêtrice
policière, pour sûr.
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TONY BENNETT & LADY GAGA – Live at Lincoln Center – 2014.
Hôtel, télé, langues tchèque, allemand, anglais et dans le coin de l'écran, là, YouYube.
Une pause, un concert exceptionnel où le swing, l’art du show, l’émotion et la
perfection « à l’américaine » sont réunis.
Big Band, section rythmique de rêve, solistes pile dans le « ton »
qui envoient du lourd, tapis de cordes aux arrangements somptueux, public en
standing ovation quasi permanent.
Une Lady Gaga qui se surpasse en paillettes, tenues, art du cabaret show mais
aussi qui transmet une rare émotion vocale.
Et puis « How do you keep the music playing », signé Michel Legrand
et va laisser seul, sur scène Tony.
Il va me faire trembler, pleurer presque, vibrer pour sûr, aimer encore et
d’avantage mon crooner favori pour ce qu’il transmet, donne, insuffle et
exprime au plus fort.
Il va faire de cette chanson aux connotations et ficelles de composition
truffée d’usages de notre Michel Legrand (entre récitatif et apparence
mélodique) un immense moment de don musical et là on se sent pris à la gorge,
happé, hypnotisé et complètement « avec lui ».
S’il est un grand show, doublé de fantastiques performances tant des deux
protagonistes mais également des musiciens, à dévorer sur ce YouTube, c’est
bien celui-là.
---
Puis la cheminement de la lecture m’a amené au dernier chapitre.
Tchaïkovski…
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TCHAÏKOVSKI – « Symphonie N°6 en Si mineur « pathétique » /
Marche Slave » - Chicago Symphony Orchestra / Claudio Abbado.
Je suis donc resté sur Claudio Abbado qui a enregistré tant d’ œuvres du
répertoire symphonique afin de compléter cette lecture, rester dans la pâte de
sa direction et me pencher sur cette symphonie cette fois éclairée d’un jour
nouveau par ma lecture.
J’avais toujours gardé en tête la version de Bernstein, un chef que j’adule en
tant que compositeur mais qui en tant qu’interprète me soulève toujours des
questionnements quant à ses « choix ».
Abbado m’a indiqué un autre chemin, moins théâtral, certainement plus
véritablement romantique et reflétant les affres, les désespoirs et les
profonds tourments de Tchaïkovski.
Il conviendra de revenir brièvement sur le terme « pathétique »,
utilisé désormais fréquemment dans son sens d’extension (cf Petit
Robert) : « qui inspire une pitié méprisante » ;
mais qui à la base signifie, comme adjectif : « qui suscite une
émotion intense (douleur, pitié, horreur, terreur, tristesse) » et
comme nom : « caractère de ce qui est propre à émouvoir fortement ».
Face à cette définition qu’il faut absolument prendre en considération (de même
que l’éclairage qu’en donne le livre), l’écoute de cette œuvre imposante si ce
n’est énorme, chargée de fortes tensions musicales tant qu’instrumentales, de
contrastes saisissants et poignants, d’élargissements de tempos, de jeu de
timbres accentuant les sentiments qui s’exacerbent et tourmentent, etc, prend
tout son sens et impose sa plus poignante vérité.
Cuivres insoutenables, bois inquiétants, cordes tourbillonnantes, intenses,
lyriques… dignes d’une inquiétude et de tourments qui feront bon ménage chez
Herrmann/Hitchcock, timbales fracassantes.
Le drame dans sa puissance romantique la plus intense.
Le lyrisme mélodique cherchant les plus grands espaces de douleur intime.
Des élans, orchestraux, des chutes inattendues, des contrastes de nuances qui
imposent une écoute recueillie, au calme afin d’en écouter les infimes
subtilités.
Un compositeur tourmenté à l’extrême, et les raisons de ce tourment menant très
rapidement à la mort sont véritablement révélées dans ce livre …
Un premier mouvement qui s’ouvre sur un lugubre basson, un second mouvement qui
brise les codes de la valse en étant à cinq temps, un troisième mouvement
intense tel une marche véritablement funèbre et funeste, éprouvant,
insoutenable et un dernier qui agit comme un requiem et prend littéralement
l’auditeur dès son entrée chargée de sentiments cherchés au plus lointain de
l’âme.
Un bien funeste programme pour une symphonie globalement « à
programme ».
On aura dit que le compositeur avait la peur de la mort, cette
« destinée » à laquelle personne n’échappe et que cette symphonie en
exprime la vérité, le sentiment et le désespoir qu’il éprouvait face à cette
fatalité.
Et…
Deux mois après l’achèvement de celle-ci, il disparaissait.
Funeste destinée ?
Que s’est-il passé ?
Puis, l’album se clôt par cette marche slave qui semble indissociable de la
« pathétique » qui s’installe sur ce rythme sourd et inquiétant et
prend ainsi des allures, là encore, funèbres.
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Je me suis réservé Paganini et Berlioz pour des moments ultérieurs.
Submergé par l’épreuve de cette « pathétique » et de la « marche
slave » lourde, massive et imposante, je suis passé à une autre réalité,
le retour effaçant les emboitements image, ambiance, sensations et musique avec
Prague.
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LENNY WHITE « Venusian Summer » - Nemperor 1975
BRIAN BROMBERG « Jaco » - Artistry Music 2006.
Quel batteur dans les années seventies, nourri au jazz-rock et au prog-rock
aurait pu passer à côté de Lenny White ?
Souvent accolé à l’idée de binaire exemplaire associé d’une technique
innovante, Lenny White, en 1975 s’échappe en solo des Return to Forever et part
en Heroïc Fantasy pour un programme qui nous embarque sur Venus (la
planète ? la déesse tel qu’en atteste la pochette ?).
J’avais déjà largement chroniqué cet album dans mon tout premier blog et mis en
évidence la formidable complexité de richesse d’idées qu’il contient.
De longues plages synthétiques orchestrales très modernistes, bien plus proches
de la musique américaine contemporaine que d’un rock-prog cependant tendancieux ou
d’une ambient sous titrante.
Un jeu de batterie qui n’est en aucun cas – même s’il est central – l’axe
prioritaire d’écoute, mais qui est le chef d’orchestre de ce fatras
instrumental nébuleux et ésotérique.
Une aire de jeu pour guitaristes (Ray Gomez, Al Di Meola, Larry Coryell)
installés confortablement dans le spectre stéréo.
Une piste à suivre pour les bassistes.
Et au sortir des compositions jouant avec le temps et les mesures afin de
s’épancher sur des durées soutenues par des riffs d’une rare originalité, entre
funk et rock, jouant sur les ambiances les plus nébuleuses possibles, auréolées
des mains des maitres Pat Gleeson, l’un des pionniers du synthétiseur et Jerry
Goodman (violon).
« Venusian Summer » au-dessus de la mer de nuages… une bien sublime B.O aérienne.
Puis, j’ai eu envie de redescendre (et la réalité m’a rattrapé) sur terre avec
l’album de ce bassiste que mon ami Thierry m’a hautement recommandé, Mr Brian
Bromberg.
Le choix de l’album « Jaco » était dirigé par l’axe Big Band, pour
lequel nous avons commencé à travailler des titres du Jaco Pastorius Big Band,
afin de me renseigner sur une vision autre rapport au génie de Jaco lui-même.
Il faut que je rappelle que le Big Band de Pastorius m’a vraiment traumatisé
quand il a sorti « World of Mouth » - ce n’est pas Bob Mintzer qui
dirait le contraire…
Et là…
J’ai été littéralement scotché par à la fois le jeu phénoménal de ce bassiste,
contrebassiste, mais également par les arrangements à partir d’un matériau déjà
des plus délicats à transcender.
Comme ce « Teen Town » au thème posé en contrebasse avec une lenteur
surprenante sur des nappes de synthèse tirées de feu Joe, jusqu’au moment où la
basse électrique entre en réponse en arrachant littéralement ledit thème en se
superposant sur un tempo de feu augmenté de slaps percutants.
Il y a aussi la remise en forme mesurée de « Three View of A Secret »
qui s’aborde ici d’une façon totalement impensable et tellement bien pensée.
Mintzer est là, tiens donc…
Et puis il y a cet inimitable et immense groover qu’est Jeff Lorber, au piano,
merveilleusement à sa place dans ce contexte.
Alors « Jaco », même posé sur la piste a déjà fait plusieurs tours de
piste et continue encore à tourner…
Replonger ainsi dans la musique de Jaco Pastorius, bien au-delà de son jeu de
bassiste est un détour que le vaut … le détour.
---
Voilà, j’ai atterri, je récupère mes valises, range mon casque dans le sac à
dos, je fouille dans mes affaires pour retrouver le ticket du parking.
Allez, Noël à Prague, même quelques jours ça a été comme à chaque fois un
bonheur dépaysant.
---
PS :
Je n’oublie jamais, à Prague de passer chez mon disquaire favori
« Musicland » et cette année j’avais décidé de faire jazz… et
praguois.
Aussi j’ai trouvé cette petite merveille : LALO SHIFRIN/VINCE MENDOZA
« Dedicated trumpet concertos to Hasenöhrl Jan » avec le Czech
National Symphony Orchestra conducted by Krystof Marek (Shifrin) and Tomas
Brauner (Mendoza) – Label Out of the Frame.
Deux superbes concertos pour trompette mêlant une écriture savante avec
l’arrangement jazz moderne, des œuvres tant captivantes que déconcertantes
exécutées de mains de maitres par tant le soliste (à découvrir d’autant que il
surfe – un peu comme Marsallis – jazz, classique etc…) que l’orchestre et ses
deux chefs.
Prague a inspiré beaucoup de compositeurs ce en tout temps et ces pièces ne
font pas exception à la règle.
Et puis, c’est le bicentenaire de la naissance de l’un des compositeurs
tchèques les plus emblématiques : Bedrich Smetana et cela doit être
l’occasion de découvrir au-delà de son œuvre phare « la Moldau »
d’autres pans de ce compositeur au romantisme exacerbé et lyrique.
Alors, c’est parfait pour vous parler de deux albums qui pourront compléter ce
voyage :
1/ « Ma Vlast » (cf Ma Patrie) avec le Prague Radio Symphony Orchestra
dirigé par le jeune et fringuant Petr Popelka – label Supraphon/2024.
Ce poème symphonique, « Ma Vlast », conclut admirablement le voyage
en bohème affirmé par Smetana, mais celui-ci se fait au gré de plusieurs poèmes
symphoniques permettant de découvrir ce compositeur riche en jeu orchestral et
lyrisme mélodique.
C’est dense, puissant, empreint de nationalisme, émouvant aussi.
2/ Et il faut aussi écouter Smetana en quatuor à cordes avec le Pavel Haas
Quartet, ce qui permet d’avoir une vision encore plus riche de la magie
musicale et créative de ce compositeur qui reste encore à réellement découvrir.
Là encore une musique d’une forte densité, d’une rare puissance que le
« format » quatuor peut à peine contenir et faite de saisissants
contrastes qui font s’exprimer des mélodies fortement imprégnées de lyrisme
populaire.
Avec un premier quatuor musicalement autobiographique.
SMETANA « String Quartets N° 1 & 2 » - Pavel Haas Quartet – label
Supraphon/2015.
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