FELIX DRAESEKE (Cobourg.1835 / Dresde.1913) – à réhabiliter ?
FELIX DRAESEKE (Cobourg.1835 / Dresde.1913) – à
réhabiliter ?
Il suffit parfois de partir à la recherche d’un-e artiste, d’un-e
compositeur-trice, cela peut prendre des formes multiples que cette quête
Indiana Jones… alors elle nous mène là où le hasard et la curiosité (ah… la
curiosité…), si l’on est patient, qu’on a envie, qu’on se bouge un peu… ont
fait leur indomptable travail.
Cette fois, je suis allé par le biais de la découverte d’une compositrice (ce
bienheureux engouement de ces quelques minuscules dernières années qui rappelle
que l’histoire a oublié les femmes compositrices, interprètes, cheffe
d’orchestre …) à nouveau au cœur du label CPO (rappelez-vous ma chronique sur
ma collègue Stéphanie Varnerin) et de fil en aiguilles j’ai remarqué que Felix
Draeseke y était largement en catalogue.
Dans mes études musicales on n’a jamais parlé de ce compositeur.
Donc énigme…
Donc intérêt que vous me connaissez…
L’éternelle question face à l’oubli, d’autant que Felix, partons sur son prénom
qui vient devant Mendelssohn pour celles
et ceux qui ont un minima de culture classique, ou encore se sont mariés en
ayant son nom pour l’entrée en cérémonie religieuse avec sa célèbre Marche
Nuptiale.
Felix (Draeseke) semble avoir eu, de son temps, l’heure glorieuse…
Est-ce pour cela que l’histoire l’aura fait sombrer dans l’oubli le quasi plus
total ?
Est-ce du fait que son écriture musicale et orchestrale, coincée entre le
romantisme et le renouveau moderniste, n’a même pas franchi le cap de la seule
reconnaissance de l’histoire ?...
Cela est fort probable, d’autant que le compositeur jouissant d’une forte
popularité n’avait pas la langue dans sa poche face à la montée du modernisme
dont Strauss (Richard) duquel il critiqua avec fougue le « Salomé »,
Schoenberg ou encore Stravinsky firent les frais…
Ancré dans une éducation, une écriture, une conception reposant sur un langage
assumé et en parfaite maitrise de modes passéistes, bien installé avec cette
proposition auditive en continuité de ce patrimoine en son temps, Felix n’a pas
spécialement cherché à distordre, à bouger les lignes, à non oser, mais juste
faire autrement ou davantage.
Fort de son savoir et de ses connaissance il a simplement continué là où
d’autres ont cherché ailleurs et voulu délibérément modifier le sens de cette histoire.
Question de tempérament, de personnalité, de situation sociale et
professionnelle, d’envie peut être bien, de non envie certainement, de zone de
confort diraient certains car vivre comme lui, connu et reconnu en son temps,
impliquait forcément un certain confort social et sans pour autant s’en
contenter (l’écoute de sa musique atteste d’une recherche, d’une perfection,
d’une maitrise indéniables prouvant qu’il avait largement les outils et le
savoir qui auraient pu l’inciter à, au lieu de perfectionner l’écriture, par
exemple du contrepoint, s’embarquer dans le dodécaphonisme naissant), Félix n’a
pas œuvré dans la direction moderniste de certains de ses confrères, mais a
peaufiné l’esthétique de son temps.
Il y a forcément, à bien y réfléchir, d’autres Felix Draeseke, passés à
l’oubli, qui, comme tant de ces compositeurs baroque ou pré-classique sont
passés à la trappe, du simple fait de leur trop grande appartenance à leur
temps.
Felix Draeseke fut un professeur renommé, titulaire au conservatoire de Dresde
de 1892 jusqu’à sa mort.
Avant cela il avait de nombreuses fois changé de résidence, Leipzig (où il fit
ses études au conservatoire), Berlin, Yverdon, Lausanne… un parcours
professionnel certainement compliqué, au gré des contrats, des engagements
professoraux…
Il va convenir ici d’essayer simplement, non de réparer – il faut laisser ce
soin aux interprètes, musicologues, chroniqueurs en radios comme en revues
spécialisées que de le remettre en lumière – mais de parcourir cette œuvre très
riche et variée, qu’elle soit majestueusement symphonique, ou intimiste-ment de
chambre ou de lieders, sacrée (un catalogue imposant) et tout de même étayée de
quelques 15 opéras… ce qui, en soit, n’est pas anodin.
Un univers en soit…
Et qui sait, dans le futur, la remise en programme de ce répertoire lui donnera
– pourquoi pas – une place identique à un Vivaldi baroque retrouvé par hasard
au début du XXe siècle, lui permettant de devenir l’un de compositeurs majeurs
de cette fabuleuse période.
Il suffirait d’un film qui jetterait son dévolu en B.O, d’un grand chef
désireux de, d’une formation de musique de chambre renommée… et…
Commençons donc par remettre les pendules de l’histoire à l’heure pour Felix
Dreaseke, qui fut soutenu par rien de moins que Liszt et Wagner, influencé
fortement par Brahms et dont l’œuvre (comme sa première symphonie que j’écoute
en ce moment) recèle, pour les amateurs de romantisme, de symphonique, mais
aussi de musique dite classique tout court, de bien magnifiques pages.
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« SYMPHONY N°1 & 4 – Gundrun Ouverture » / NDR RadioPhilharmonie.
Jorg.Peter Weigle | CPO 2000.
Commençons par sa première symphonie en sol Majeur, commencée en 1868 et
achevée en 1873, qui n’est, en fait, pas sa première. En effet, Felix avait
composé une symphonie en Ut mineur, précédemment, mais la jugeant sévèrement,
il l’avait détruite.
Ayant fait un voyage de six mois début 1869 qui l’a mené en France, Espagne,
Afrique du Nord et Italie, le compositeur s’est beaucoup inspiré dans cette
symphonie de ces dépaysements.
Cette symphonie est une étape capitale de sa carrière de compositeur dit-on
communément, car elle est représentative de son appartenance à la nouvelle
école allemande cherchant un renouveau de la forme classique – rien de
véritablement moderniste, donc ici, mais une volonté d’ancrer ce classicisme
d’écriture allemand en « école ».
Felix était, il faut le souligner, un brillant pédagogue – il conviendrait peut
être de chercher et comprendre là aussi son penchant à créer sans réel
désordre, en usant des pratiques d’école.
Au cœur de cet ouvrage où l’écriture des pupitres en timbres, bois délicats et
brahmsiens, cors wagnériens, cordes classiques, cuivres lumineux se trouve un
superbe et relativement long adagio, pièce maitresse de la symphonie qui fait
montre d’une réelle science de l’écriture.
Le jeu de timbres y est magnifique agissant tel des pièces d’échiquier se déplaçant
sous de nombreux angles, au gré d’un développement à facettes multiples
réellement poétique.
Une merveilleuse entrée dans la musique de Felix Draeseke que cette symphonie
au final également somptueux de caractère entre brillance, nuances et silences,
qui sait, charnière, avec ce somptueux adagio ici très honnêtement interprété
même si la prise de son manque de relief et de brillance – j’ose imaginer ce
qu’une telle œuvre sous la baguette de chefs tels Nezet-Seguin, Rattle ou
encore Jarvi pourrait véritable « donner ».
Je retiens donc le jeu remarquable des timbres – une caractéristique, peut être
bien.
Et je me lance dans sa quatrième symphonie dite comique (Symphonia
Comica »), composée vers l’âge de 77 ans, alors que le compositeur était
atteint d’une quasi-totale surdité.
Sa dernière.
Felix s’était de surcroit mis à dos l’ensemble de la profession montante au
sortir d’un ouvrage qu’il avait intitulé « la confusion de la
musique » (1906), dans lequel il exprimait sa perplexité, son pessimisme
et une certaine mise en garde envers les jeunes compositeurs naissants de ce
début de XXe siècle. Il était donc bien isolé…
« Il suffit de garder la tête haute et de rire par-delà le prix des
larmes » aurait-il indiqué au chef Bruno Kittel, qui avait créé l’œuvre.
Si l’on écoute cette symphonie en se détachant du contexte historique,
personnel, conceptuel de son auteur, nous sommes là face à une incroyable
maitrise d’écriture orchestrale, grandiose même.
On raconte que Felix se serait amusé ici à une forme d’autodérision musicale,
cherchant par ce biais à s’éloigner du répertoire spirituel et cherchant
également se débarrasser de l’image romantique accolée…
Il use donc ici d’un ensemble de poncifs dont il a une parfaite maitrise afin
de tourner le tout en une sorte de sarcasme.
Pour ma part, si le sarcasme du compositeur face à sa carrière et face à la
jeune génération peut s’exprimer ainsi avec tant de perfection du langage, je
trouve l’acte tant osé que génial, cette symphonie étant remarquable en jeu
d’écriture, ce en tout points.
Là encore le jeu des timbres et des contrastes m’a immédiatement interpellé, là
les techniques d’écriture attestent d’une phénoménale oreille interne et
mentale, qui, à la table fait de fait, fi de la surdité – affres que je n’ose
imaginer pour un compositeur, musicien…
L’œuvre aura été créée un an après son décès et elle aura été oubliée jusqu’en…
1996.
L’ouvrage est en mi mineur et pourtant le compositeur n’usera
qu’occasionnellement de cette tonalité… il use ici principalement de sa
tonalité relative Majeure, sol.
A noter le second mouvement, « guerre des mouches » où une nuée de
mouches vient perturber la sieste de grand père, ses petit fils partant
tapettes en mains les chasser – ce mouvement imageant ses conflits avec la
critique musicale qui n’avait eu de cesse de le vilipender sa vie durant, du
fait certainement de ses positions tranchées et sans appel envers l’ensemble de
la jeune profession.
L’album se clôt par une ouverture d’un merveilleux romantisme, celle de son
opéra « Gundrun ».
Et elle provoque immédiatement l’envie et l’idée de chercher à découvrir
celui-ci, les wagnériens comprendront pourquoi.
Mais il semblerait, qu’à part l’ouverture, l’ouvrage ait été oublié…
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l’image…
Quelques recherches sur le compositeur afin de lui mettre un visage, un trait
de caractère, un … « physique ».
Un jeune homme fort élégant, à la chevelure ondulée, au visage chargé d’une
lourde barbe et de moustaches foisonnantes, soigneusement entretenues afin
d’une évidence romantique. Une posture affirmant une totale assurance.
Un grand-père au regard persistant et soutenu, parfois chaussé de petites
lunettes, dont l’allure élégante semble rester trait de société. Un homme
déterminé.
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« CHAMBER WORKS » / H.Joulain, P.Moraguès, L.Chatzman, M.Chilemme,
D.Pia, O. Triendl | TYXart 2017.
Après la plongée symphonique, le catalogue d’œuvres de l’artiste est prospère
en musique de chambre.
C’est là, généralement, dans l’intimité de cette écriture, dans le savant
dosage de la sonorité soliste pour l’agrément collectif, que se décèlent bien
des axes.
Le déploiement d’imagination, la maitrise timbrale, la mise à nu sentimentale
par la mélodie, l’agencement harmonique…
Œuvres la plupart du temps de « salon », les pièces de musique de
chambre n’ont une destinée de concert que minime ou relative, elles relèvent
souvent du divertissement ou de l’agrément…
Felix était un compositeur renommé et « à la mode », c’est
certainement là qu’un autre trait de son talent, si ce n’est de son génie, va
se révéler.
Le quintet avec piano en Si bémol Majeur, op.48 s’ouvre magistralement et
d’emblée impose l’attention. Il fut composé en 1888.
De structure classique il met en équilibre cor, violon, alto, violoncelle et
piano, ce dernier étant au cœur de l’articulation de l’ensemble et agissant
comme tel.
Le cor s’en détache, prépondérant, ce, pas forcément en prise mélodique, mais
en éclairage sonore, s’émancipant des cordes, unies, pour prendre place
centrale et contrebalancer le piano.
On note un violoncelle qui tente quelques percées afin d’un rééquilibre de
rôles.
Le langage romantique tonal est prédominant avec tous les codes d’usage s’y
référant.
Chaque mouvement est d’un timing conséquent, ce qui atteste d’un matériau
initial fourni permettant un développement d’écritures multiples.
Je guette toujours les seconds mouvements, phases, généralement, d’épanchements
expressifs qui par le tempo permettent aux sentiments de sortir de l’œuvre.
Cet « Andante Grave » force quelque part le trait avec un axe
mélodique qui circule en contrechants, usant de la technique très en vogue à
l’époque et devenue très savante, du contrepoint.
Le piano met un ordre harmonique dans tout cela et sert de
« nuancier » à l’ensemble pour une partition toute en contrastes
allant d’un forte bien marqué à des pianissimos délicats.
Le cor puise dans les aigus quelques ressources sensibles.
Le « Presto Leggiero » en troisième position porte bien son nom et
embarque avec vélocité là encore très nuancée l’auditeur sous des traits
volubiles, en jeu de rôles instrumentaux.
Le « Finale. Allegro con Brio » conclut avec introduction à
l’identique de l’ouverture de l’œuvre.
Il apparait comme réellement difficile d’exécution, chargé d’une écriture que
l’on qualifierait aisément aujourd’hui de pompeuse, n’hésitant pas à charger le
trait musical, à renforcer les tuttis, le piano insistant largement par son
rôle, sur ce fait.
Je commence à avoir quelques pistes.
Felix est là terriblement ancré dans son temps.
Romantique de « presque après » les romantiques il s’inscrit
pleinement dans ce mouvement, ce langage, cette attitude et cette écriture
qu’il maitrise, c’est évidence, qu’il défend, c’est éthique, face à une montée
musicale et créative qui va bouleverser en quelques années les usages dont il
fait montre avec talent, savoir-faire, technique et compétence.
Il est forcément apprécié en son temps, comme tant d’autres compositeurs
baroques, représentatifs en leurs temps respectifs et dont on redécouvre les
traces de leurs notes aujourd’hui le furent.
L’histoire, quant à elle, a préféré regarder autrement et parmi là encore il
est certain, nombre de compositeurs et compositrices (là c’est encore plus
difficile d’en trouver les partitions, celles-ci étant souvent données en toute
confidentialité) de ce XIXe estampillé romantique, Felix homme ni moderne, ni
passéiste, mais juste compositeur « de son temps » n’a pas franchi le
cap de celle-ci, malgré tout son talent.
Un talent apprécié, à sa très juste valeur ce même par ses contemporains les
plus célèbres, certains l’ayant même soutenu et aidé, ce qui n’est pas peu
remarquer.
Passons maintenant à la « Romance pour cor et piano, Op.32 » puis à
« l’adagio pour cor et piano en la mineur, Op 31 ».
Cela semble maintenant acquis, Felix aime la sonorité du cor, il aime
profondément cet instrument pour lequel il a écrit des pages lui permettant
d’offrir sa large palette à l’auditoire.
Il apparait certain que les cornistes jouent Felix Draeseke.
Mais qui va au concert écouter des pièces pour cor, de nos jours ?...
Mais qui s’inscrit encore en classe de cor afin d’étudier ce merveilleux
instrument, de nos jours ?...
Les classes de cor sont vides, l’instrument est en berne, les symphoniques
peinent à recruter…
Le désastre des choix directionnels de l’éducation musicale démagogique et
clientéliste.
Je suis hors du sujet ?
Une autre piste pourtant, et peut être… se dessine là encore…
En tout cas ces deux œuvres, exigeantes, parfaitement agencées entre les deux
instruments aux rôles équitables offrent une belle alternative dans le
répertoire chambriste romantique.
On conclura par la « sonate pour clarinette en Si bémol Majeur,
Op38 ».
Composée en 1887, elle semble avoir depuis quelques années été remise en
lumière par les clarinettistes, comme une œuvre importante du répertoire pour
l’instrument au même degré que celles de Brahms, Saint Saëns ou Reger.
De forme là aussi classique elle se décline en quatre mouvements relativement
longs, et permet à l’instrument de déployer sa large palette au gré d’une
écriture où clarinette et piano s’entremêlent en parfaite osmose, s’unissent,
se détachent pour revenir ensemble tel un couple rompu à la vie commune.
Après un « Allegro con brio ma non troppo vivace » je reste encore
attentif au second mouvement, là encore intitulé « Andante grave ».
La mélodie y est sournoise, la clarinette s’y fait doucereuse et presque
dramatique dialoguant abondamment avec le piano dont l’écriture, au passage est
d’une grande subtilité (et difficulté).
Le troisième mouvement, « Scherzo, Allegro molto vivace » comme pour
le quintet, d’ailleurs, remporte mon attention. Joyeux, pétillant même, et en
jeu de contrastes rythmiques, il apparait comme un trait de lumière, de cette
lumière qui entre progressivement dans la pièce, au petit matin afin d’égayer
la journée et la rendre radieuse.
La sonate s’achève « Allegro con brio », comme il se doit et l’humeur
du Scherzo est restée. Le piano soutient ostinato une mélodie qui accroche.
De rythmiques soutenues en rubatos d’effet romantique la trame se tisse avec
magnificence sous de nombreux traits véloces, permettant à l’instrument (aux
instruments) de briller sous leurs aspects les plus complets.
Je comprends véritablement pourquoi cette œuvre a la faveur des clarinettistes
solistes. Ils trouvent là un matériau expressif tant qu’instrumental
d’exceptionnelle facture.
Mais…
Ai-je retenu, véritablement au sortir des œuvres, une mélodie marquante ?
Pas réellement, non.
Une écriture remarquable, une empreinte personnelle bien réelle, une totale
maitrise du jeu chambriste instrumental, une palette de nuances aux contrastes
saisissants, un brio indéniable, un soin particulier, une connaissance complète
des sujets traités…
La liste qualitative est chargée.
Mais, la pérennité d’une mélodie, d’une simple mélodie… ne m’est nullement
apparue.
Une autre piste, qui sait, quant à l’oubli dans lequel est passé le
compositeur.
Ici, pas de « truite » schubertienne, pas de motif beethovenien, pas
de leitmotiv wagnérien, pas d’épanchement pianistique lisztien, pas de
romantisme exacerbé à la Chopin, pas de profondeur brahmsienne… juste… de la
musique…
Mais la mémoire ne retient pas la musique, elle retient la mélodie, elle
retient la sensation, le sentiment exprimé, le « caractère »,
l’audace, la déviance, la personnalité…
Pas la musique.
Malheureusement et Felix en aurait-il fait… les frais ?
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« LIEDER » / Ingeborg Danz, Roman Trekel, Cord Garben | CPO 2007.
L’axe mélodique, tiens, justement…
Felix a composé de nombreux lieder au cours de sa vie, une vie détaillée avec
précision ici : Felix
Draeseke : Une chronique de sa vie. Première partie : Les premières années
(1835-1862) – puis vous tournerez les pages…, si le cœur vous dit de suivre
sa chronologie précise.
Felix aime composer pour le chant, solistes mais également chœurs pour lesquels
il a écrit de merveilleuses pages (on en parle plus loin).
Qu’est-ce qu’un lied (lieder étant le pluriel) ?
Le lied appartient à la musique de forme courte, c’est en fait un poème
germanique chanté, d’origine populaire - contrairement à la mélodie qui elle se
revendique « savante » - et accompagné par un instrument harmonique
(généralement le piano) ou un ensemble.
On le sait, les grands compositeurs du « genre » sont avant tout
Schubert ou Schumann, Brahms et Wolf…
Wagner, tout comme Mahler ou Strauss en ont également à leur actif, orchestraux
généralement. De grandes pages renommées et largement jouées et interprétées.
Et Felix Draeseke, dans tout cela ?
Immédiatement, l’on baigne dans le lied romantique qui nous est quelque part
« familier ».
Le ton général, les usages d’accompagnement pianisitique, les grandes envolées
lyriques qui donnent au texte sa substance…
Amour, drame, nature, nuit et rêves, voyage…
Toutes une palette de poèmes vient s’épancher là, en cette musique d’une forte
expression, d’une grandeur certaine, ample, généreuse, excessive parfois et
rarement en demi teintes, ce qui n’exclut pas une large palette de nuances.
Une expression claire, affirmée, honnête dirais-je, éloquente aussi…
Cet album remarquablement interprété par la mezzo-soprano Ingeborg Danz, le
baryton Roman Trekel et le pianiste Cord Garben permet véritablement d’avoir un
aperçu, si ce n’est une idée, précis(se) de l’art du lied façon Felix Draeseke.
De recueils en pièces isolées nous allons donc parcourir cet univers trempé de
poétique au gré de ces pièces courtes, comme le veut l’usage (et c’est bien là
la réelle difficulté de l’interprète dans le lied, c’est d’exprimer en un court
instant toute la magie du poème et toute la teneur musicale qu’il doit « exacerber »)
même si quelques exceptions qui, tel ce remarquable « Helge’s Treue »
au développement riche en méandres expressifs, permettent d’avoisiner les quatorze
minutes.
On aurait pu craindre, comme c’est souvent le cas dans ce type d’album où l’on
fourre tout ce qu’on a trouvé comme lieder, que la lassitude puisse s’installer
au regard par exemple du caractère d’écriture du compositeur.
Il n’en est finalement rien.
Les jeux de nuances, les voix denses et généreuses, le piano d’une écriture limpide
et souvent « orchestrale » permettent de voyager sans heurts dans
l’univers aux multiples facettes de ces lieder made in Felix Draeseke.
On peut désormais comprendre le succès, en son temps, qu’eut Felix présentant à
l’auditoire de telles pièces, là encore ancrées dans leur temps, à l’intention
romantique quelque part, ultime, quelque part exclusive, quelque part
magnifiée.
Le poème prend alors toute sa valeur, au-delà de la seule déclamation, bien
au-delà d’une simple « lecture ».
Il semble comme avoir été conçu pour et avec la musique et cette force donne à
ces pièces un caractère absolument unique et essentiel.
S’il est quelques lieder à considérer avec grande attention au sein de cette
période où le romantisme était vecteur artistique, il faut nécessairement que
ceux-ci prennent la place qui leur est due.
---
« CHRISTUS » / Udo.R Follert
L’œuvre religieuse de Félix Draeseke est conséquente.
Pour autant, on constate que à part quelques extraits à piocher sur YouTube
elle est inexistante en enregistrements, rare, très et trop rare.
Cependant ces extraits permettent d’avoir une idée de la teneur du travail du compositeur
dans ce domaine.
« Christus » serait, dit-on, sa tétralogie.
Une œuvre conséquente et majeure dans sa vie, à laquelle il a consacré une
grande part de celle-ci.
J’écoute et là, la découverte de ce pan créatif est un véritable choc musical.
Mais pourquoi tant de désintérêt est la première question qui me vient à l’esprit
à l’écoute d’un tel monument musical ?
Imaginons une synthèse entre Bach et ses Passions et Wagner pour la
grandiloquence orchestrale d’écriture.
Des chœurs d’une grande magnificence, une écriture orchestrale (avec orgue) des
plus poignantes, un lyrisme, dans les parts solistes, renversant de charge
émotionnelle.
Grandiose, remarquable, intense…
Là encore, le jour où un chef de renommée va ressortir des décombres une telle œuvre
afin de lui rendre son lustre, mais quel bonheur ce sera.
En attendant, il faut se contenter de cette interprétation semblant être la
seule et franchement d’une grande ampleur et « honnêteté », si ce n’est
courage car s’attaquer ainsi à un tel monument musical représente un travail
colossal.
Alors, oui, l’œuvre religieuse de Felix Draeseke est capitale.
Pour une « image » de
compositeur qu’il a d’ailleurs voulu casser, quelque part, afin de n’être
catalogué dans ce seul registre, ce en s’autopastichant par exemple dans sa « symphonie
comica ».
---
Pour conclure et rester dans ce registre grave et spirituel, il conviendra d’écouter
son « Requiem », dont on ne trouve là encore qu’une unique
interprétation, fortement ampoulée par des solistes très caractéristiques,
forçant abondamment les traits…
Mais, là encore l’écriture des chœurs et la teneur orchestrale donnent une
réelle majesté à l’œuvre, ce qui permet de dépasser le seul critère d’interprétation.
Des contrepoints qui s’enchevêtrent en multiples voix, un soutien orchestral d’une
grande densité, on ne sort pas réellement indemne de l’écoute de ces œuvres spirituelles,
et, presque honteux, on se demande encore pourquoi l’histoire a rayé d’un trait
jusqu’à un oubli quasi fatal, un tel compositeur.
Mais le temps est une boucle et la roue de celle-ci tourne indéfectiblement,
alors, qui sait ?...
Un bon siècle plus tard, Felix Draeseke retrouvera peut être la reconnaissance,
le succès, et le respect qui lui sont simplement dus.
En attendant, il convient de partir à sa découverte aux côtés de ceux qui l’interprète
et tentent de faire revivre les pages de sa somptueuse musique.
Je me suis essayé à l’Oratorio, mon premier écouté en entier. J’ai hésité en pensant tenter plutôt une symphonie, mais ton enthousiasme contagieux l’emporte.
RépondreSupprimerComme pour Wagner à une époque, j’ai dû surmonter un étrange malaise. Une capacité à nous extraire du sol, un sentiment vertigineux qui donne parfois envie de revenir sur terre, à l’époque des grands moments de « Tristan & Isolde » j’enchaînais avec du Boby Lapointe. Hi hi, c’était un peu provocateur.
Plus sérieusement il y a matière à s’y plonger. Mais le goût est enfin venu. Je reste à l’écoute sans tenter de m’échapper.
Après tout c’est vrai que c’est ce qui se rapproche le plus de certains opéras
Avec cette initiation je pense me tourner vers des œuvres confirmées.
Merci pour cette tentation.
Merci de ce retour.
SupprimerC'est toujours captivant que d'entrer dans un univers musical presque connu car style époque, etc. mais nouveau car compositeur inédit (ou presque).
Alors oui, par où commencer....
l'oratorio a presque été mon premier choix, car ce type d'ouvrage que ce décèle souvent la ferveur...
Et effectivement !
donc à suivre.