POUR BIEN COMMENCER… L’ANNEE…

POUR BIEN COMMENCER… L’ANNEE…

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NATIONAL HEALTH – « National Health » - Affinity Records 1978.

On parle pas mal de cette fameuse école de Canterbury, sorte de parallèle fusionnel british entre un rock qu’on estampille « prog » et une réappropriation du jazz, mélange auquel j’ajouterais pour ma part peu objective mais juste de constat, le mouvement R.I.O (Rock in Opposition), fleuron de groupes tels Henry Cow, Art Bears et autres issus du premier.
Ces collectifs représentés par des artistes engagés qui passeront, tel Bill Bruford, premier batteur de ce groupe, à la renommée, dépassant largement ce spectre esthétique, ce mouvement artistique et musical, ce microcosme géographiquement et culturellement ciblé, ont proposé,  au gré de groupes éphémères et d’albums déviants, curieux, atypiques ou étranges parfois, du passionnant, de l’anecdotique, de l’expérimental mais également du captivant.
Il y a des décennies que je n’ai écouté ce premier album de National Health, porté par le leader charismatique Dave Stewart, aux claviers, un de ces claviéristes au jeu intriguant, usant de sonorités âpres et crues, acides et intensives, de synthétiseurs séculaires, d’orgues traficotés, de pianos quasi préparés qu’ils soient électriques ou acoustiques. Dave Stewart que j’aime à écouter dans les albums de Bill Bruford, justement et qui fait merveille de complicité cohérente avec le regretté disparu Alan Holdsworth, ce guitariste qui lui aussi a flirté avec les groupes (Soft Machine) de ce mouvement.
Ici quelques noms : Phil Miller (guitares), Pyp Pile (batterie), Neil Murray (basse fretless), Dave Stewart (claviers), Alan Gowen (claviers additionnels), Jim Hastings (anches) et la chanteuse vocaliste Amanda Parsons.

Ce qui caractérise d’emblée cette musique, ce groupe, c’est la couleur spécifique du propos musical joué. L’orientation jazz que certains oseraient qualifier de « jazz-rock », truffée d’improvisations là aussi liées à cette connotation pourrait en première écoute s’installer comme prioritaire. Pourtant, et c’est là tout l’intérêt, il n’y a que cette école qui soit immédiatement reconnaissable par cette approche si significative et particulière, du fait d’une réappropriation culturelle spécifique.
Dans certains titres (« Brujo ») c’est un peu comme si le Return To Forever première mouture de Chick Corea rencontrait Soft Machine et les King Crimson/Yes naissants.
Et le Miles de « On The Corner » n’est finalement pas si loin… (« Elephants »)

Le parcours musical presque initiatique que propose(ait) cet album de mixité musicale et d’appropriation stylistique se fait donc avec le plaisir curieux que cette énergie presque juvénile impose.
Les compositions sont d’une exceptionnelle tenue, les improvisations d’une puissance identitaire peu commune et les textures sonores recherchées - usant de pédales d’effets qui permettent aux guitares comme aux claviers (et basses) de sortir des spectres habituels – sont, en soi, uniques.
National Health a sorti entre 1978 (2) et 1981(1), trois albums que compléteront plus après des ajouts issus d’archives.
Ce premier album est comme une carte d’identité de ce mouvement, représentant à de nombreux égards l’idée musicale et sonore tant qu’imaginative cette étiquette peu lisible apposée là.
Curieusement intéressant…

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DAVID LEE ROTH – « Eat ‘Em and Smile » - Warner bros 1986.

Bon, pas certain que cet album fasse bonne figure dans une soirée années 80 au milieu des serviettes et des beaufs enivrés, mais bon 86…
Nombre préfèrent placer - s’il s’agissait de penser à David, ex-Van Halen, puis repreneur de flambeau Van Halen après Sammy (Hagar) - le célébrissime « Jump » qui déchire les ouïes au vélodrome marseillais.

Bon, venons directement à ce formidable feu d’artifice hard, soit disant glam hard, bref, ce truc en mode brûlot furax qui part en toutes directions y compris le blues schuffle pur jus, cuivres à l’appui (« I’m Easy »), bref un truc kaléidoscopique qui d’emblée sonnera comme un vrai réveil matin, de ceux qu’on n’a pas envie de défoncer pour le faire taire, mais plutôt de ceux qui te font te lever d’un pied fougueux et partir au taff en oubliant que, justement tu pars au taff…

David Lee Roth, chanteur à la voix rauque unique en un genre quasi crooner (sa reprise de « Just a Gigolo » en atteste) sera toujours le chanteur de Van Halen, qu’il le veuille ou non, le public en a décidé ainsi… et c’est quelque part, bien dommage car sa carrière solo est franchement autre que parallèle ou anecdotique.
J’en ai écouté pas mal de ses albums, ce, dès qu’ils sortaient.
J’sais pas, sa voix, pour sûr et quasi certain. Cette énergie genre équivalente à celle que tu reçois quand tu te prends une châtaigne électrique lors d’un moment d’inadvertance en branchant un truc.

Si je veux remettre le couvert du rock bien pêchu en ce début d’année ce sera par lui et avec cet album car là, en plus, le gaillard s’est entouré du must côté zicos et forcément ça relève la barre d’un gros cran…
Un festival de guitares forcément héroïques par l’immense Steve Vai qui balance tout son jus et son brio, de titres en titres, scotchant en quelques traits de tapping, de quadruples croches, de riffs incendiaires (« Elephant Gun ») tout énergumène rêvant un jour de sortir de son mi, la ,si… et lui faisant réaliser que la musique c’est… du boulot, un métier, un savoir-faire et aussi du talent si ce n’est du génie.
Pour enfoncer le clou et surligner le trait les plombeurs Billy Sheenan (basse) et Greg Bissonette (batterie) achèvent l’affaire. Lourds, techniques, efficaces tant que marqueurs de points d’écriture (« That’s life »), ces deux-là savent fabriquer et forger le métal.

Bon, cet album c’est un véritable festival métallique, une véritable explosion de jouvence et tel un bouchon de champ’ qu’on aura essayé vainement de sortir du goulot afin de rester classe, il finit par péter à grand coup de sabre, arrosant toutes et tous sur son sillage.
Et, même délicieusement kitch (« That’s life »), sans faire vraiment dans la dentelle, David convainc l’auditeur passé là.
Alors cet album, c’est un gage d’énergie, de bonne humeur, de rock sérieusement joué sans être sérieux, c’est un fabuleux magasin de farces dans lequel on se fait immédiatement attraper tant il est incitatif, festif, amusant et délirant, déjanté et débridé. Il rase tout sur son passage éclair et dès qu’il s’achève la seule envie c’est… « on le remet ? » …
Moi ce sera dès demain matin… ce sera royal avec la galette.

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STEVE PERRY – « Street Talk » - Columbia 1984.

Ah là là, ce son eighties ! ...
Ce rock synthétisé en FM avec batteries triggées, électronifiées …
Détestable ?...

Steve Perry a fait prendre un virage radical à Journey après leurs débuts post bab’ Santana et tutti quanti – z’étaient sacrément déjà bons sur ce critère, puis Steve est arrivé et ils ont gagné les stades et les charts et non qu’ils furent meilleurs, non, ils collèrent tout simplement plus « à leur temps ».
Steve Perry n’a donc pas - comme certains aiment à le dire dès qu’un nouvel élément entre dans un groupe pour le faire se muter, évoluer et devenir (le vilain mot) célèbre – dénaturé Journey.
Il les a juste aidés à franchir l’étape déterminante qui mène au succès autre que celui d’estime.

Steve Perry, on a donc sa voix de performer en tête avec le groupe aux multiples tubes - une voix encadrée par Neal Schon ce guitariste sur lequel nombre auraient là aussi dû fantasmer, Steve Smith, ce batteur qui lui en a fait fantasmer à en choper des tendinites à plus d’un et un certain Greg Rollie, claviériste d’un temps lointain qui pourtant a fait école.
Et Steve Perry en solo ? alors ?  car l’on sait bien que la version ego tend la perche à nombre de stars en place de leader de groupe.
Ca réussit, parfois et même fait énorme carrière, ce n’est pas Sting qui dira le contraire et comme là, ça ressemble plus à une récréation, une parenthèse de vacances, d’autant qu’ici il convoque ses anciens potes de son précédent groupe Alien Project.
Difficile d’estimer dans quel état d’esprit il se lance dans ce premier opus solo (il n’y en aura que peu d’autres) mais il faut reconnaitre ici une excellente facture musicale, dans la globalité, même si à part le magistral tube « She’s Mine », taillé 100% rock FM, l’ensemble est assez égal, sans réelle crête permettant d’imaginer que le succès ait pu être correctement au rendez-vous.
« It’s Only Love » original par son mix entre steel drums caribéens et environnement rock massif fait preuve que de telles associations sonores sont du domaine du possible, c’est un exemple.

Les détracteurs de ce son FM eighties auront forcément ici de quoi satisfaire leurs hargnes respectives envers un rock qui a dû évoluer avec la technologie, le temps, l’axe commercial des ventes, les espaces de diffusion et le boom quelque part de la vente du produit « disque », sans parler de l’arrivée qui sera prédominante du CD.
Ils pourront donc placer, et je n’ai guère envie de les blâmer où de débattre avec eux sur le sujet, cet album aux côtés de certains Foreigner, Toto en évolution et autre malencontreux Europe (que j’assimile au pire…), sans plus de discernement.
Pourtant à l’écoute de « You should be happy » j’aime à me rappeler que c’est bien de rock qu’il s’agit ici, bien ficelé, bien envoyé et subtilement présenté.
Mais de la part d’un des membres d’un groupe tel que Journey, il n’est nullement étonnant d’être face à de la belle ouvrage.

Alors en écoutant – par hasard – cet album j’ai pu immédiatement dégager ces œillères trop faciles à enfiler dès que ces DX7 FM sous perfusion cubase atari surgissent et me constituer neutre afin d’aller, hors textures sonores, vers l’essentiel musical proposé par ce chanteur au demeurant charismatique et remarquable de post feeling.
Il faut savoir se laisser prendre au jeu, parfois.

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FRANK ZAPPA – « You are What You Is » - Barking Pumpking 1981.

Sacré Frankie…
A cette époque en début eighties le lascar sortait tellement d’albums en une année qu’avec lui seul tu cassais la tirelire (si t’étais fan), d’autant que bien souvent, comme ici, il envoyait du double album.
Alors parmi cette débauche de sorties boulimiques et créatives, pourquoi je me ressors celui-ci ?
En fait c’est le format chanson qui, en place des longueurs improvisées, des effets orchestraux avec ou sans cartooning, dont j’avais souvenir ici.
Et puis, cet album est comme une checklist de tout ce qui se joue à l’époque en style musical et dont Zappa fait ici un cinglant résumé, en véracité de jeu comme en pastiche des usages de ce jeu également – du grand art quoi.
Et puisqu’on évoque parodie, texte et vertus d’écriture autres que musicale du bonhomme, ici il passe en revue, avec ce prétexte de pastiche stylistique, tout ce que la société américaine d’alors a de plus schématique. Tout le monde passe à la moulinette, des télévangélistes en passant par le milieu de la mode, les hippies, bref, il se régale !...
Nous avec.
Alors on va se balader de reggae en country, de hard rock en doo wop, de jazz en new wave et forcément de blues en soul, et bien sûr on va avoir quelques chansons pop pur jus.
Cette réappropriation pourra parfois agacer, énerver et on serait tenté de « zapper », mais au sortir si l’on souhaite s’amuser un peu et jouer le jeu on saura le retrouver de façon inimitable dans « Theme for the 3rd Movement of Sinister Foorwear », du pur Zappa, par exemple comme sorti de son célèbre « Shut up… » où il a réuni en un triple album quelques solos de guitares triés sur son volet, sans parler d’un certain « Tinseltown Rebellion », parallèle.
Sortir de ce lot en forme de cadeau surprise tel ou tel titre c’est carrément aberrant, mieux vaut, maintenant qu’on a plus de faces A,B,C,D à tourner, s’enchainer le truc de a à z et se laisser faire, cet album fiche une belle et bonne humeur.
Ici, ça chante donc beaucoup et chacun prend sa part, en lead, en chœur, en talking, en sketches, en vocaliste (« You are What You Is ») ou en voix chargées d’effets issus d’un certain « Joe’s Garage » …
L’orchestre est rodé, d’une formidable aisance et doté de cette capacité à vraiment tout savoir jouer et faire… incroyable comme chaque style musical est complètement dedans avec ce dehors, ce recul parfait qui permet d’être capable de tout à la fois…
Le pluridisciplinaire claviériste Tommy Mars, le virtuose guitariste Steve Vai, le caméléon batteur David Logeman, les fidèles Ray White et Ike Willis chanteurs et guitaristes, Arhur Barrow à la basse, quelques cuivres et anches, Ed Mann aux percussions – un listing impressionnant de petites mains actives, subtiles, d’ouvriers et ingénieurs spécialisés sortis des grandes écoles du savoir-faire d’études et des clubs du tout azimut musical américain.
Zappa entre donc dans les années 80 avec un album qui défile comme un résumé captivant de son art mais aussi de cette époque où les orientations musicales ont explosé là encore, le support commercial ayant permis ce large développement créatif.
Entre chutes de studio, overdubs en collages, issus comme il en a l’habitude de tout ce qu’il enregistre, sur scènes, à l’hôtel, en tournée, chez lui dans son nouveau jouet home studio, compositions retrouvées ou actuelles, « You are What You Is » m’a fait une vraie piqure de rappel zappaien.
J’avais presque failli oublier à quel point ce type était tant génial qu’agaçant, énervant tant que capable comme ici de susciter l’admiration la plus totale.
Un génie quoi…
Qui aujourd’hui est encore capable d’une telle maitrise, d’une telle démesure, d’une telle surproduction suivie d’un véritable public, inconditionnel, nombreux et véritablement « amateur » ?
Incroyable touche à tout entre compositeur, orchestrateur, guitariste, chanteur, leader … PDG d’une (de son) entreprise musicale quasi indépendante, producteur … ce gaillard connaissait toutes, mais absolument toutes les facettes de ce que la musique a dans son entier.
Unique donc… et à remettre en platines de toute urgence.

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Et bien ce sera tout pour aujourd’hui et il y a déjà de quoi faire.
Avec la musique, on oublie tout le reste, ne l’oublions pas, alors plongez vous dans ces quelques albums si ça vous dit et l’effet sera garanti.
A + pour la suite.
P.G











Commentaires

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  2. NATIONAL Ce serait amusant que cela m’incite à enfin m’intéresser de près – quoique le morceau est de taille – a cette période de CANTERBURY. J’ai le gros bouquin de Leroy qui posé en évidence sur une étagère me rappelle que je vais un jour… Je pensais attaquer sur des plus évidents, je ne cherche pas à défricher (déchiffrer !) cela dit « National. » est d’une écoute encourageante.
    DAVID LEE, moi je pense l’inverse en écoutant cet album, je me dis que David a emporté beaucoup de ‘Van’… je suis bien content d’avoir enchaîner derrière le calme rose et gris des « National » Et après tout Steve Vai ici est moins ch*** qu’en solo. Et en crooner, Ici « that’s Life » dommage qu’il n’ait pas eu la même idée que Robbie et faire son SWING à lui. Il en a compris l’esprit. Tu as raison quel voix

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    1. Ah ces bouquins...
      j'en ai aussi pas mal de ceux là, qui te décryptent, analysent, etc.
      je les lis - en diagonale selon l'envie, l'info à glaner, etc...
      rarement en entier...
      bouquins sera la prochaine chronique, comme quoi.

      Vai en solo est effectivement particulièrement chiant parfois, mais aussi c'est curieux et là encore selon l'envie ou l'humeur, j'y Vai(s).
      David à la Robbie, ça aurait cartonné, qui sait, il se prendra peut être un jour au jeu, tout comme Anka qui reprend avec big band des standards du rock...
      Oui, quelle voix, immédiatement dedans, juste ce qu'il faut de rauque (rock) et de swing à l'américaine.
      à +

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