VALGIDRA – « WARPLUSH Vol1 » - IRM Net Label 11-2020

VALGIDRA – « WARPLUSH Vol1 » - IRM Net Label 11-2020

Warplush Vol 1 | Valgidrà

Jamais simple de parler d’un projet musical réalisé par un collègue blogueur.
Jouer le jeu, être au plus précis du ressenti, d’autant qu’ici me voici confronté à un univers musical que je chronique (donc connait réellement ou finalement) assez peu, même si plus que sporadiquement je m’y intéresse.

Je vais donc commencer par une sorte de constat.
Au conservatoire, nous avons une formation spécifique logiquement obligatoire de M.A.O que j’ai souhaité initier depuis de nombreuses années estimant que la formation des musiques dites actuelles ne pouvait ignorer l’esthétique qui s'est progressivement, au fil du temps, étiquetée : « électro ».
L’électro, finalement ce n’est pas si « nouveau » - juste qu’elle s’est identifiée, caractérisée, distinguée alors que les synthés et autres usages d’un cubase en mode Atari que j’ai bien connu envahissaient déjà de façon très décriée la sphère de la création musicale.
Je me souviens des débats houleux que provoquaient lorsque j’étais encore ado les magiciens de cette musique dite électronique tels que Klaus Schulze, Tangerine Dream et bien entendu Kraftwerk…
Puis Eno est arrivé avec son concept d’ambient, lui qui déjà arrachait les oreilles avec ses « bizarreries » qui giclaient chez Roxy et détonnaient sérieux avec la voix franchement mal ajustée mais aux inflexions crooners de Brian.
Keith Emerson, n’en déplaise aux détracteurs de prog me fascinait avec ses exploitations électroniques de pièces de Aaron Copland, par exemple…
Merci MR Moog…
Merci ARP, KORG et tant d’autres d’avoir su rivaliser d’ingéniosité pour permettre aux créateurs musicaux d’aller plus avant, vers la texture, là où déjà Pierre Henry faisait joujou intello et curieux avec un Revox à bandes. En faisant évoluer cet instrument désormais même en tête de gondoles des rayons jouets : le synthétiseur.
Est-ce l’imprégnation quotidienne de ces musiques que j’écoutais comme toutes autres qui auront embarqué mon aîné à créer Doeï, groupe de dub électro là où je l’orientais vers le jazz et l’improvisation, par souci d’éducation musicale ouverte ?...
C’est fort possible – aussi dès qu’il me fit entrer dans cet univers arrivant vers moi avec son premier sampleur, acheté à la force d’un job d’été et auquel je contribuais, je compris vite que ma pomme, prof en fac CFMI de M.A.O basée sur le révolutionnaire mais maintenant dépassé système M.I.D.I allait très vite subir une révolution… alors que cela faisait finalement fort peu de temps que Atari/Cubase étaient devenus des compagnons de notre/mon quotidien de musicien(s).
Du Aphex faisant vibrer la chambre d’ado autant dire que j’en ai bouffé…

Par confrontation professionnelle, par intérêt autant que par une sorte d’addiction (car ces « machines » sont proprement addictives – j’en suis encore à mettre de côté pour investir dans ma prochaine innovation de chez Korg dont je suis déjà passionné rien que d’en avoir compris la philosophie au gré de démos), l’univers désormais estampillé électro m’est familier, il m’a été professionnellement lucratif puis l’audio, le sampling arrivé j’ai pris un recul et dû réviser intégralement ma vision pour… m’y (re)mettre.
Pour autant, là où nombre d’artistes créent avec l’outil quasi intégral de leur ordi (sons, effets, émulations, plugs…) je reste un vieux attaché à la réalité même synthétique, mais en tout cas tangible, du son.
Autrement dit, je crée avec des sons issus de mes machines au lieu d’user de la pléthore proposée à l’intérieur des logiciels tels que Cubase, ProTools, Acid, Reason, Ableton, etc… résumées en noms barbares de VST ou plus communs désormais de samples…

Cette chaleur c’est ce que je préfère à l’inverse d’une production actuelle qui est immédiatement identifiable de par ces usages qui restent finalement pour moi, la dernière étape à franchir.
Ce débat, je l’ai avec mon collègue responsable du secteur M.A.O de façon récurrente et encore la semaine dernière il m’incitait à récupérer des VST qu’il présente réalistes et qui vont me faire changer non d’avis mais de conception…
J’avoue ne pas encore avoir été suivre son conseil…
Pourtant…

Pourtant donc quand j’écoute (et dois évaluer) la production électro des élèves, étudiants et autres, mon constat reste toujours le même, cette identité sonore spécifique à la musique tout en un insérée dans la boite d’un MAC-PC et pré-paramétrée par les programmeurs (donc mon fils fit partie fut un temps chez Arturia), m'interroge quant à sa capacité réelle d'évolution créative, en son sens, en sa racine, en l'acte "musical".
Ces pseudos HH au son piquant et pointu chargées de triples croches et d’open hat sifflants, ces basses massives mais finalement pas profondes, ces Ep (electric pianos) étroits, ces nappes « stéréo-ifiées » pour donner une dimension virtuelle…
Cette nouvelle norme, même si je n’y adhère pas spécialement je m’y suis habitué car elle est devenue l’outil commun qui a également démocratisé la musique et a rendu la création accessible à tous en apportant à la composition la possibilité de l’intuitif, de la mise en perspective par le son là où la note et son agencement savamment écrit restaient légion.
La prod rap m’interpelle, bien souvent, car d’une telle densité, d’un tel groove et ce avec une sorte de « robotique » instrumentale et d’outillage.
La production ambient aura pu être inutile tant que captivante dans ces contextes, car là finalement restent les personnalités des compositeurs.
Et comme dans ces années 80 où par exemple le Synclavier (qu’utilise encore Ponty, par exemple) avait envahi de ses sonorités froides et impactantes les ondes, cette nouvelle norme synthétique et sonore s’invite partout, chose logique, ce même chez les artistes de la chanson qu’on taxait nous gamins de varièt’…

C’est donc face à ce dilemme qui n’en devrait en être un que j’ai abordé ce EP virtuel, c’est-à-dire (et voilà bien encore là un mode de concept auquel il faut s’adapter là où mon mur de vinyles et de cd(s) me nargue chaque jour), à savoir acheter un objet où encore (comme avec le streaming auquel je me réfère pour son usage pratique tant que qualitatif désormais – puisque la qualité cd est en place) le considérer comme impalpable, distant et juste appréhendable par un biais distant et dématérialisé.
« pourquoi vous vous faites encore chier à faire des CD ? » m’a sorti cet été un de mes amis, à l’occasion de l’écoute de notre dernier opus, électro.
J’avoue avoir été incapable de lui sortir la moindre réponse à l’argument cohérent.

Me voici face à « Warplush Vol1 »…
De suite et maintenant que vous m’avez lu, mon esprit est préoccupé par ces sons que je ne connais que trop et qu’il va me falloir écarter pour aller à l’essentiel, donc la musique.
Il me faudra trois écoutes pour me faire « violence » et passer cette étape, c’est certainement ce qui fait que je n’écoute que rarement la production électro actuelle – l’outil m’apparait trop primordial dans l’écoute laissant la musique en second plan.
Mon autre débat avec mon collègue et ami qui forme la M.A.O… que cela.
Puis elle est apparue… la musique et s’est quelque part révélée malgré les recettes que j’estime être « du genre ».

Il se dégage ici une atmosphère identitaire qui peut séduire et laisser faire, se laisser faire ; autrement dit appuyer sur repeat et laisser l’EP se distiller dans l’atmosphère.
Les beats organisent et balisent l’écoute, souvent chargés (ou riches selon l’appréciation), l’axe mélodique même anecdotique ou minimaliste n’est pas négligé ce qui apporte une touche plus attractive là où souvent il est inexistant, les pads ou nappes dimensionnent la texture qui n’oubliera pas les obligatoires samples vocaux placés ça et là, humanisant le voyage.
Pour aller plus loin, là où bien souvent le seul axe est le son, ici le système tonal reste présent rendant le projet accessible à tous, car reposant sur un schéma musical installé en tous.
Détacher un titre plutôt qu’un autre n’est pas véritablement ni aisé ni « chose à faire ».
Il vaut mieux se laisser aller au gré de cette progression bien organisée, bien conçue, bien traitée.
La production est soignée même si un mastering plus chaud aurait été une option potentielle afin d’élargir le spectre des textures, de les faire sortir « de leur boite » - mais ce choix reste légitime, car ça fonctionne.

S’il y a un Vol 1, cela indique donc qu’il y aura un Vol 2, voir plus…
Je l’attends donc, sachant la difficulté aujourd’hui tant du temps à consacrer à un projet, que de l’enregistrer et de maitriser ces technologies en perpétuelle évolution (les heures à lire des notices font partie préoccupante et obligatoire de la mise en esthétique de ces orientations musicales) mais aussi d’avoir l’intuition et la "concrétiser".
Car je n’en doute pas et je le sais, c’est justement ce remarquable bond en avant de démocratisation de la musique par l’outil informatique qui aura permis à l’intuitif de s’exprimer là où les seules normes restaient le savoir ou le jeu instrumental.
En cela face à de telles productions on ne peut qu’être admiratifs car cette « alternative » prend réellement son sens à l’écoute de ce EP.


 

Commentaires

  1. Hi Pax.. génial ton billet.. El Norton, comme Alex bossent.. il faut que je prenne le temps. J'aime beaucoup Board of Canada l'influence assumée. Admiratif aussi.. du coup il faut que je prenne le temps nécessaire pour déguster.
    Bizzz

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cet album est vraiment intéressant à écouter et en boucle car à chaque passage il peut s'orienter différemment, proposer un choix, un axe autre...
      Bref, j'ai bien adhéré.

      Supprimer
  2. J'ai beaucoup aimé aussi, surtout le 1er titre...

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

« A EUX LA PAROLE » - ELOISE MINAZZO : « En Boucle ».

FELICIA ATKINSON.

REDECOUVERTES, REDECOUVRIR… (Syndrome de l'île déserte ?)