HAROLD BUDD – Passeur d’images…

 

HAROLD BUDD – Passeur d’images…

Ce 08 décembre 2020 Harold Budd est décédé des suites des complications COVID 19.
Les suiveurs, les inconditionnels de ce compositeur discret mais bien présent sur une scène mêlant électro et ambient music – un concept élargi par Eno pour lequel il a œuvré de longues décennies – sont en deuil.
Ses espaces infinis de strates sonores, ses pianos aériens et diaphanes, son minimalisme, ses sonorités cherchant vers l’infinie stratosphère s’arrêtent là, en cette journée où ici l’on fête les lumières, lumières qu’il n’a cessé de faire scintiller au loin dans ma vie quotidienne.

Harold Budd, je l’ai immédiatement identifié, tant qu’adulé, le jour de la sortie de l’album de Brian Eno : « Ambient II, The plateaux of mirror ».
Cette vision créative, musicale mais aussi cette « pensée » induite au travers de ces sonorités dont l’idée de synthèse ou d’effets s’effaçait immédiatement au profit de la plongée dans l’indescriptible, l’inédit, le nouveau… venait de prendre une place indéboulonnable dans mon quotidien, dans ma vie autant que dans nombre de mes choix artistiques.

« Ambient II » reste certainement à ce jour l’un des albums que j’ai le plus écouté toutes « catégories » confondues.
Il a rempli largement sa fonction puisque le concept d’une musique s’agençant dans notre vie pour y prendre place comme un objet, comme un environnement, comme une « matière » était la pensée originelle d’Eno et de son partenaire Harold Budd.
En écrivant ces lignes je n’ai même pas besoin de me le rappeler… il a sa place fréquentielle dans chaque recoin de la maison, mais aussi de mon être.
Ces pianos éthérés acoustiques comme électriques, ces plages où le temps semble s’étirer vers une notion d’infini à perte d’ouïe, ces espaces en lesquels le son vient prendre place, emplir sans heurts ou sans agressivité, mais juste avec une douce quiétude chaque interstice ce, jusqu’à proposer une véritable alternative au silence…
Cet album a distillé chez moi et continue(ra) de le faire, le bien être, la positivité, le calme et le repos.
Il a toujours été le seul choix possible quand un besoin d’arrêt de la vie s’est fait sentir, quand se « poser » était nécessaire et, malgré le fait que je crois en connaitre chaque recoin, son écoute reste impérieuse à emplir ma vie.

Lâcher « Ambient II » a été presque une aventure, la simple idée d’un autrement, d’un autre -chose ne me semblait pas véritablement utile.
Mais la curiosité m’aura au fil du temps fait chercher et accumuler, non sans une grande difficulté – car les albums de Harold Budd sont aussi difficiles à trouver que le trésor pour lequel on se met en chasse – nombre de ses productions, guettant leurs sorties car sachant qu’une fois un certain délai passé ils seraient alors introuvables…

Heureusement (mais pas forcément pour l’artiste), le streaming aura permis de combler certains « trous » de ma collection.
Le puzzle de cette immense plage musicale et sonore s’étalant sur une distance défiant le temporel pouvant alors se compléter et s’agencer.

Des déceptions ?
Non, sincèrement jamais l’écoute de sa musique n’a pu m’en procurer, elle agit avec une telle puissance intérieure qu’une fois entré en elle on n’a plus envie de s’en défaire.

Seul ou entouré d’amis visant la même dimension, il a réussi à tenir largement la (ma) distance car finalement le chemin tracé avec cet opus révélateur aux côtés d’Eno se devait de s’enrichir, de s’élargir, de faire également des émules…
Mais justement… musique…

J’ai souvent parlé de « non-musique » rapport à cet espace pourtant actif par le son…
Je me suis moi-même également posé la question de ce qui m’avait fait exprimer un tel sentiment face à la production de Mr Budd…

N’y voyons là rien de péjoratif ou même de critique, c’est bien le contraire.

Harord Budd a dépassé le seul concept de musique… son harmonie, ses notes, sa visée mélodique, son rapport structurel tant architectural (basse/harmonie/mélodie/modes/théorie) que rythmique.
Son art s’exprime par le son.
Cet agencement, cette organisation, ce rapport qui nous fait réagir revêt chez lui un aspect qui va au-delà de la musique, au-delà d’une conception mue par ce langage tel que nous avons l’habitude de le concevoir, tel que notre éducation qu’elle soit professionnelle, amateure, ou juste d’écoutant s’est faite au fil des siècles.
Sa mise en forme de l’espace sonore va au-delà de la seule idée de musique et pourtant elle en use, forcément…
Ecouter Harold Budd ce n’est en aucun cas écouter…
C’est.. s’imprégner de son…
Pas la moindre agressivité » pourtant dans ce concept qui amène à entrevoir, à entr’écouter autrement – avec lui il n’y a pas d’obligation à, l’on n’a pas le besoin de se « forcer ».
C’est justement toute la force réelle de sa production artistique, fondamentalement destinée à s’installer en nous, chez nous, pour nous.
Pourtant, jamais elle n’est anecdotique, jamais elle ne peut être taxée de « musique de fond » même si c’est quelque part sa fonction, car elle dépasse largement cette idée.
Elle est là, mais elle ne s’impose pas, pourtant une fois positionnée elle peine à s’évaporer, à partir à quitter…
Ambient Music n’est pas musique d’ambiance…
Elle appartient toute entière au « décor » de nos vies et à nous d’en appréhender les axes tous possibles.

Harold Budd me manque déjà.
Mais je sais que j’ai encore à user nombre de ses mises en paysages, nombre de plongées dans les bienfaits de ses fréquences sonores, nombre de rêves éveillés tant que « perdurant » même quand le son, croit-on, n’est plus…

« The Room », « Jane », « The Pavilion of Dreams », The White Arcades »…
« La bella Vista », « Mysterious Skin », « Before the day breaks », « After the night falls », « Candylion », « Little Windows »… et tant d’autres


Merci à cet immense artiste.
Qu’il repose serein dans la paix qu’il a pu amener à ses suiveurs.

Commentaires

  1. Une perte de plus dans cette étrange année...je l'ai découvert avec mon frère fan d'Eno , je connais surtout l'ambient 2 et quelques autres....mais mon préféré reste l'album avec Zazou 😉

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    1. Pour trouver des albums de H.Budd c'est assez compliqué, enfin, en réel car en virtuel tu as pas mal de choix...
      il y a une Budd box que je te recommande en cas...
      à +

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