En passant…


En passant…

Allez, histoire de ne pas perdre le fil quelques écoutes (3) faites ces dernières semaines.
Des découvertes (du moins et forcément pour ma part), de la redite (j’aime tellement retrouver mes vieux vinyles) et puis tiens de la redécouverte…

MIKE RUTHERFORD – Smallcreep’s Day – 1980.

Qui, franchement, aujourd’hui aurait ne serait-ce que l’idée d’écouter un album de… qui donc déjà ? qui c’est déjà ?... Mike Rutherford.
MR, vous savez c’est cette ombre flegmatique, souriante mais toujours un peu tristounette qui n’arrive pas à se planquer lorsqu’avec ou sans Peter Gabriel, l’on voit des photos forcément vieilles de Genesis. Une sorte de bab’ longiligne, so british et intemporel, genre inattaquable de tradition, d’éducation, de flegmatisme.

MR, c’est certainement le John Paul Jones de Genesis, mais en a-t-on vraiment eu conscience ? ...
L’a-t-on véritablement remarqué ?
Je repense à un certain Vol III, rural à souhait, chargé de grattes aux cordes démultipliées, de mandolines et autres acousti-phobies s’embarquant vers le folk sans en être, recherchant la vérité celte… ce passé profond.
Je revois JP.Jones entouré d’un attirail matériel digne d’un stand du salon de la musique et je repense à MR, quasi sur la même échelle et ce déjà depuis les entrelacs d’un « Cinema Show ».
Bassiste ? mais prenant volontiers guitares pour des solos en période post Peter pas forcément aussi virtuoses que ceux de ses prédécesseurs, mais tellement chargés de mélodique (la fin d’Abacab). Pédalier d’orgue en embase il creuse des abîmes, chargé comme une mule d’un instrument protéiforme il passe d’une fonction à l’autre, sorte de touche à tout qui aurait pu forcer l’admiration et passer sur un devant de scène, mais l’humble artiste n’a que le respect d’estime.

A l’entrée de ces années 80, le voici donc qui s’octroie une pause – Genesis est certainement pesant.
Phil fait une poussée médiatique stratosphérique, Tony comme toujours, tient la barre du navire et Mike, en second cette fois laisse celui-ci au port et prend… des vacances.
Il bouquine, s’amourache d’une nouvelle de Peter Currell Brown et décide d’en faire cet album conceptuel (chose toute logique et évidente pour ces artistes) mais lui donne une fin plus optimiste.
Il rappelle son vieux pote des prémices de Genesis, Anthony Phillips et le cantonne aux claviers et s’entoure d’un staff percussions et drums de luxe avec Morris Pert (sorti tout droit de la sphère Brand X – cf Phil Collins – un artiste à la discographie impressionnante) et le jeune Simon Phillips pas encore Totoïdé, fougueux et technique à souhait, le batteur du moment que tous s’arrachent (Jeff Beck, David Coverdale…).

Alors ici on réalise que jazz -rock et rock prog ne sont pas finalement si éloignés que cela, alors on réalise que la charge poétique soutenue par de tels musiciens peut frôler l’absolue perfection…
Alors ici, simplement j’ai réalisé, si tant était-il possible de le faire, que MR est certainement la cheville la plus ouvrière de ce Genesis qui a traversé mon adolescence tant qu’une part de ma vie adulte, ce malgré les tubes exaspérants mais qui, au fil du temps ont pris une place respectable dans l’univers tellement disparate du groupe. L’avant, l’après, l’après-après et le désintérêt du faussement récent…

Ici les compositions, leur texture tant sonore qu’arrangements, leur exécution et leur pertinence ne peuvent laisser indifférent et l’on capte réellement l’apport solide de cet homme si humble et discret au son comme à la donnée créative de Genesis.
Cet album est pourtant intime et personnel, il se démarque du groupe, comme si une pièce d’un puzzle révélait sa part individuelle et indirecte, isolée mais rattachée à un ensemble.

Une bien belle plongée musicale matinale que cet album de MR.
Tiens, je me le laisse sur la platine, comme ça, je suis certain de me le remettre…

---

Bon, vous avez compris, je ressors mes vieux vinyles… il était temps…
Ils étaient en vrac, peu abordables et complètement désorganisés.
On a enfin réinstallé tout ça avec mon épouse et créé un espace d’écoute digne de ça…
Alors ils ressortent, au fil des envies et de l’index qui fait ses choix sur les étagères.

---

THE TUBES – « What do you want from live ? » 1977.

Cela faisait longtemps que je n’avais réécouté les Tubes, ce groupe provocateur façon outre Atlantique, que j’avais connecté via la version allemande de Nina Hagen de « White Punks on Dope ».
D’emblée j’avais tenté de trouver les infos possibles (en 77 on n’imaginait pas encore internet…) sur ce groupe. Les comparaisons de l’époque affichaient un parallèle avec Zappa, effectivement côté textes, pas photo…
Cependant côté musique, force est de constater, encore aujourd’hui que même si le niveau musical reste à l’américaine c’est-à-dire de haute volée, le côté créatif reste loin derrière le moustachu.
Mais en revanche côté grandiloquence rock’n’roll circus là, on est servis… et largement.
Un show genre rodé au millimètre avec ouverture, Mr Loyal et tout le tralala, des tenues dignes d’un film de De Palma en passant par Orange Mécanique, une progression musicale au cordeau, bref, des sacrés ingrédients , de plus cet album s’écoute avec un grand dynamisme, porté par un son formidable de clarté ce jusqu’aux synthés en mode Roxy sortis de l’outre-tombe et des bas-fonds enoïsés.
L’axe musical reste américain et flirte allègrement avec l’univers Broadway/Cabaret en prenant ses recettes.

Un concert des Tubes en 77 : une sorte de Lido érotique version punkoïdée ?...
J’aime à l’imaginer que ce choc des cultures, que ce mélange improbable, que cette incongruité insultante de part et d’autre… C’est ainsi que cela m’est apparu et même si ado j’ai écouté cet album avec soit passion soit lassitude (la série thriller… et les longs monologues ou encore la mise en scène érotique), il m’est réapparu aujourd’hui comme ayant une juste place dans une vision américaine du rock, telle Rundgren, telle également Zappa et en tout cas vachement pugnace.

Et puis, quand je réécoute Nina et sa version qu’on ressentait comme volontariste, agressive et vraiment punk, avec le recul je constate que ce mode perfectionniste tant dans le jeu des zicos que dans l’approche du son restait tout de même de mise…

---

Il est des semaines où, comme ça, tout semble partir en tous sens, où l’on perdrait presque la tête tant le contradictoire s’invite dans le quotidien.
Décès éprouvant de l’une de mes anciennes élèves après une longue lutte contre ce cancer qui n’en finit pas de nous montrer qu’il faut profiter de nos vies, avant tout et surtout… ce qu’elle faisait avec une foi et une dignité hors du commun.
Reprise de relations tant amicales que forcément spirituelles avec un ami pasteur évangéliste qui a eu l’amitié de la soutenir suite à ma demande dans ses moments les pires.
Débats au boulot dont on finit par se demander s’ils auront un jour un véritable fond.
Merveilleuse prestations d’élèves qui prouvent que lorsque l’on donne, on reçoit.
Projets qui se dessinent là-bas au loin et motivent.

---

AURORA – « All my demons greeting me as friends » - 2016.

C’est là que j’ai compris que les anges sont descendus sur terre et que dans mon incompréhension, ma colère tant que mon incompétence à faire plus que mes capacités en de telles circonstances la musique reste et est pour moi l’essentiel qui permet d’avancer, de croire, de tenir.
Je cherchais pour l’une de mes prochaines conférences des titres en rapport avec la nature.
Une playlist de mon Qobuz préféré est de suite apparue et m’a embarqué vers du connu et de la découverte.
La curiosité n’est pas « un vilain défaut », en ce cas précis elle est même une véritable cure de jouvence.

« Nature Boy »… le titre a commencé à se diffuser dans le salon et provoquer une sorte d’arrêt sur l’image de mon temps, de mon actif, de mon quotidien…
Je cherchais un titre à faire jouer au violoncelle pour booster une jeune élève sur l’instrument, au-delà de ce seul axe d’intérêt et de par le fait que cet instrument inonde cette version de façon miraculeuse, j’ai cherché plus loin, me suis d’abord attardé sur cette énigme de « Nature Boy », affiché à trois temps dans le commun des real books et pourtant largement joué à quatre laissant le ternaire installer, justement cette irréalité rythmique en positionnant de par cette dualité métrique une expression musicale quasi naturelle.
Puis j’ai écouté l’album. Cette voix envoûtante, placée dans un univers si actuel et pourtant si intemporel a réussi à me happer, me fasciner, m’attirer.

L’album est un joyaux de délicatesse, de limpidité, d’expressivité simple et quasi enfantine.
« Dancing with the Wolves » a été un titre qui a reflété mes questions et mon besoin d’arrêt dans le temps…
Bien entendu on ne manquera pas les référencements quant à cette jeune artiste et c’est une maladie normale que de le faire – mais franchement… juste se laisser faire et oublier pour tendre vers l’infini, la paix, l’absolu, peut être…



Commentaires

  1. "Nature Boy" bien entendu, même si j'ai fort en moi l'empreinte de Nat King Cole et même de Marvin Gaye, les deux à leur façon me tirent les larmes sur la conclution "and be loved in return"... J'ai écouté la jeune fille et me suis jeté sur le "Running With Wolves" emporté que tu as été par le John Barry ;-)
    Ce soir je me refais "Smallcreep's Day" je l'avais en vinyle sans jamais l'avoir apprécié. Maintenant que doucement j'ai tout un pan de prog que je commence, lentement (le temps manque), a aimer: Camel, Caravan. Cette scène de Canterbury dont je finirai bien par percer les secrets. Je retrouve souvent sur le Mike Rutherford cette absence volontaire d'aspérité, ça met en valeur des jeux sonores qui chez ceux que j'ai aimés servaient davantage de faire valoir pour de plus fortes sensations. J'avais le même problème avec Soft Machine.
    Je conclus sur un TUBE que je continue à éviter, je ne sais pas pourquoi, même que j'ai à peine lu ton passage, qu'est ce que je crains? Et bien entendu, trois temps, quatre tempsn "Nature Boy"... un autre mystère pour moi, toujours pas saisi le truc, ni mon pote qui a tenté, ni ma femme qui expliquait par là ma difficulté à danser. à suivre

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Antoine,
      Un comm' de temps à autre avec comme d'hab un peu de matière c'est bon à constater.

      L’énigmatique Nature Boy en toile de fond... Il y a un an on a tenté de l'installer en répertoire et la difficulté d'interprétation face à cette dualité de pulse a été réellement problématique, alors la solution a été de se laisser porter par la dynamique mélodique, comme une sorte de rubato, de truc suspendu dans l'espace, hors pulse, juste un petit tictac interne en forme de balise...
      alors cela a prit un certain sens, du moins le notre.
      Ici j'ai été fasciné par l'approche qui sait savamment jouxter les deux axes. Captivant.

      Cette école de Canterbury est pour moi depuis toujours une sorte de fascination.
      Tu parles de Soft Machine, l'un de mes groupes fétiches, cette sorte de jazz qui n'est pas rock, cette sorte de rock qui n'est pas non plus vraiment , même si, du jazz... Wyatt déchirant, puis l’absorption Jenkins, décriée et pourtant merveilleuse.
      Il y a là un de mes autres groupes fétiches : Hatfield and the North, tellement intemporel.
      M.R, je ne sais trop pourquoi, j'avais envie de lui redonner une certaine chance, j'aime parfois me re pencher sur des albums oubliés ou même négligés. Ma plongée obligatoire et récente pédagogiquement dans le répertoire de Genesis m'a ré-ouvert cette porte et j'ai trouvé là un sujet tant humain que musical et bien sûr artistique.
      Récemment j'avais été tellement déçu, voire exaspéré par la réécoute de Crisis de Oldfield auquel j'avais tenté de me ré-intéresser que je me suis posé la question... avec cet album de M.R cela sera t'il à l'identique ?...
      Franchement, le constat est surprenant pour ma part et il m'est alors apparu comme l'une des chevilles les plus ouvrières finalement de ce Genesis que j'adule tant.

      Les Tubes c'est un vrai faux problème, car on les a sur-médiatisés et surtout dés-identifiés quand Nina a fait apparaître à la face du monde leur "tube" ou l'a fait tel, justement. Alors on les a pris pour ce qu'ils ne sont pas ou ne seront jamais, on a voulu les comparer à tant d'autres, ou encore à les caser dans des mouvements étiquetés, de par leur côté kaléidoscope ça s'est avéré impossible alors celui qui attendait des Tubes telle étiquette se retrouvait déçu car pas vraiment en correspondance, car tellement plus multiple qu'une seule part pouvait correspondre et pas le reste...
      On a juste oublié que c'est simplement un putain de groupe de rock avec tout le capharnaüm scénique en plus, genre rocky horror show mâtiné cabaret érotique Lido (en bcp moins soft, d'où la référence zappaienne quelle erreur de fait réductrice !)...
      Un vrai truc à l'américaine, rodé, au cordeau, pro et pas vraiment revendicatif à la sauce punk, juste pourquoi pas et en tout cas dans ces années là "à part"... Rundgren ne s'était pas gouré lui... le flair que ça s'appelle...

      Allez, à plus. et merci.

      Supprimer
    2. Tu as gagné, pour les TUBE, le groupe à na pas étiqueter, + Rundgreen... je vais fouiller.

      Supprimer
  2. Je reviens dire que pour les TUBES il fallait au moins une motivation, je radote mais nos blogs parmi d'autres moyens et bien mieux que SPOTIFY/DEEZER en ce qui me concerne, sont de bonnes sources d'incitation. Avec l'offre "OPen bar" c'est maintenant indispensable.
    Donc j'alterne TUBES le premier et celui produit par Todd. Dès les premières écoutes: aucune raison pour que je n'aime pas le Todd vu ce que j'écoute déjà volontiers: Utopoia forcément, 10CC, Sparks, Et puis tiens Steely Dan oui oui.
    Si je fouille dans mes souvenirs, on n'a dû me dire que ce groupe c'était un peu le Odeur américain... Et à l'époque je pensais ne pas aimer Odeur.
    Je suis bien content de découvrir et peut-être même une idée de papier pour rebondir sur le tien?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu vois, comme quoi...
      Et la comparaison à odeurs, pour le coup est bien réaliste.
      THX et dans l'attente de ton papier.

      Supprimer
    2. Sur ODEUR: il me manque encore un peu d'incitation. Katja a été "costumière" pour leur spectacle ("tu peux me faire une boite de cassoulet avec des saucisses apparentes" ;-) ) et m'a montré un vinyl où j'ai pu lire les noms des musiciens, ha ouiiii des sacrés pointures. Du coup un jour ou l'autre je tenterai. Mais même Katja pense que la musique hors spectacle a peu d'intérêt. De fait pas trouvé d'image de leurs spectacles. tu dis quoi toi?

      Supprimer
    3. J'en dis que j'ai pas mal d'albums d'eux, qu'à l'époque ça changeait que ce groupe, mais ça fait un bail que je ne les ai pas écoutés, y revenir why not ?

      Supprimer
  3. Bon je vais rattraper mon retard petit à petit vu qu'on a du temps! :)
    Le Rutherford me dit bien vu que Genesis maintenant ça me parle bien, jamais entendu parler d'Aurora ni de de The Tubes mais je vais ausi tenter Aurora...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu seras pas déçue par Aurora... le genre d'électro que tu chroniques régulièrement.
      Les Tubes, bon, c'est autre chose et Rutherford c'est comme un pan parallèle de prog, très intéressant.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

« A EUX LA PAROLE » - ELOISE MINAZZO : « En Boucle ».

FELICIA ATKINSON.

REDECOUVERTES, REDECOUVRIR… (Syndrome de l'île déserte ?)