ROCK POP … (05) – souvenirs.
ROCK POP … (05) – souvenirs.
FACE A.
01. NINA HAGEN : « African Reggae » - Album
« Unbehagen » / CBS 1979.
Nina Hagen : vocals, Reinhold Hein : claviers et basson, Bernhardt
Potschka : guitares, Manfred Praeker : bass, chœurs, rythmn guitar, Herwig
Miteregger : batterie.
Ouvrir la playlist avec Nina c’est comme ouvrir la boite avec Zebulon qui se
libère d’un coup de ressort.
Dès son entrée dans la sphère punk (alors qu’à l’écoute son premier album, si
punk attitude soit-il est juste un excellent album de rock), j’ai décidé que
cette espèce de dégénérée furieuse, foldingue, complètement barrée et déjantée
serait mon idole. La rare, avec quelques autres que ce mouvement mettait en
avant à grands renforts médiatiques, que j’ai immédiatement admiré comme étant
honnêtement et réellement porteuse d’une idée de changement, d’une volonté
authentique de bouger les lignes (et de franchir le mur) tout en gardant son
identité bien germanique.
Ce « reggae » traité dub, blindé de traits de batterie issus du petit
joujou électronique en vogue qu’avaient tous les batteurs (je n’y ai pas
échappé) est un truc de fou, et de folle.
Nina n’a aucune limite vocale…
Elle chante reggae bien sûr, vocalise tyrolien, se barre lyrique, fait un
talking à faire blêmir les futurs rappeurs en rut-lutte socio rebelle. Elle est
« centrale », elle occupe de son enthousiasme, de sa verve, de son
énergie, tout le spectre sonore et ça sur un groupe excellentissime qui sait
tout faire, tout jouer, perfectionnistes à l’allemande, et solides comme les
marques de voitures made in Deutschland.
Cette vision punky a été trop éphémère, comme ce mouvement et est sortie de la
lumière aussi vite qu’elle y était entrée alors qu’elle aurait réellement dû
perdurer.
Alors Nina a pris le chemin du lyrique, du cabaret, des essais eighties semi
Cindy Lauper et on a même oublié ces deux premiers albums, sortes des boules à
facettes tellement multiples et géniaux…
Je n’ai jamais oublié Nina et je l’ai vue en concert à cette époque où elle
tournait beaucoup … inimitable !
02. MARIANNE FAITHFULL : Why’d Ya Do ti » - Album « Broken
English » / Island 1979.
Marianne Faithfull : vocals ; Barry Reynolds, Joe Mavety, Guy
Humphries : guitars ; Steve Winwood : keyboards ; Steve
York : bass ; Terry Stannard : drums ; Morris Pert :
percussions ; jim Cuomo : saxophone ; Dyan Birch, Frankie
Collins, Isabella Dulaney : background vocals ; Darryl Way :
violin.
Il y a longtemps j’ai voulu faire jouer ce titre à un groupe d’élèves, il y
avait une ado qui avait ce grain de voix, mais je me suis ravisé en traduisant
les paroles…
Il y a bien plus longtemps cet album et ce titre ont accompagné mes nuits
d’errance enfumées et chargées de voyages synthétiques dus à des petites
pilules bleues.
Cette musique, cette chanson devenaient spectrales, obsédantes, envoutantes.
La voix de Marianne résonnait dans mon cerveau et s’imprimait inéluctablement,
irrémédiablement et elle l’est restée, comme une cicatrice impossible à
effacer, à faire disparaitre.
Et avec elle résonnent encore ces dérives et ces voyages, ni angoissants, ni
enthousiasmants, juste parallèles.
Grand fan de Steve Winwood, sa présence a ajouté plus que de l’intérêt de base
à mon écoute régulière et approfondie de l’album. Il est ici ce que l’on
définirait … d’exactitude.
Nous sommes en 1979, bientôt les eighties vont balayer tout ça d’un revers de
cubase et de synthèse FM, « Broken English » était l’un des derniers
bastions avant cette bonne humeur dégénérescente festive ou ces plongées dans
l’hyper déprime déprimante.
Ceux qui ont su en profiter en sont sortis pas forcément indemnes, mais en tout
cas grandis.
Peut-être que cela fut mon cas…
03. CHRISTOPHER CROSS : « Ride Like The Wind » - Album
« Christopher Cross » / Warner 1979.
Christopher Cross : chant, chœurs, guitare acoustique, guitare solo ;
Andy Salmon : basse ; Tommy Taylor : batterie ; Michael
Omartian : piano ; Jim Horn, Jacky Kelso : saxophones ; Lew
Mc Cleary : trombone ; Chuck Findley : trompette ; Lenny
Castro : percussions ; Michael McDonald : chœurs.
J’ai toujours aimé faire bosser le rock Calif’ aux élèves.
Joué en général par les « requins de studio », le genre est
idéal pour un travail de perfection, de détail, de précision. Il induit
l’écriture, la lecture, la qualité et le choix du son.
Il oblige la mise en place, l’arrangement intrinsèque.
Qui plus est sous le format chanson, se glissent les usages harmoniques du
jazz, traités avec un côté pop, commercial, groove ou funky, souvent teinté de
latin, et toujours ou souvent agrémenté de modes usuels du rock.
Le rock dit FM en est extension ou plutôt parallèle et là encore on y trouve un
matériau pédagogique formidable ( de Van Halen période « Jump » à
Foreigner en passant par Journey, Toto, etc.).
Après avoir épuisé mes Steely Dan abordables et les avoir fait jouer et au
passage fait une bonne cure de leurs écoutes, me voici à la recherche d’un
quelque chose d’autre.
Je passe le tour Michael McDonald, à cause de la voix… j’ai un groupe de
filles.
Mais comme il a participé en vocaliste à nombre de sessions et que j’ai deux
chanteuses, je me dis que… et là j’ai le souvenir de sa voix fantastique (je
viens de me taper tout « Aja » où il fait un boulot remarquable) chez
Christopher Cross.
Réécoute du titre, trouver la partition ou sinon la repiquer, comme au bon
vieux temps et d’ailleurs la faire repiquer aux élèves, comme au bon vieux
temps, là aussi…
Et nous voilà embarqués avec cette partie de piano à placer rythmiquement, avec
ces appuis sur le pont, où les chœurs ont la part belle, à faire chanter la
phrase unique en expression et émotion de Michael qui contraste habilement avec
les aigus pointus de Christopher, avec cette partie basse batterie emboitée
pour le meilleur, etc.
Quelle réussite que ce travail !
Pas de bol, il n’a jamais pu être présenté en public… la cause ? un truc
appelé COVID qui après un trimestre d’exception avec des élèves extras a
renvoyé tout le monde chez lui…
Et là, à distance… avec les moyens naissants de la réunionite en télétravail,
Christopher Cross avec latence de son et le nb de participantes depuis sa
piaule s’est vite avéré une mission des plus impossibles. Mais quel fun associé
à un excellent souvenir pédagogique, ce morceau.
04. MICHAEL MCDONALD : « I Keep Forgettin’ (every time you ‘re
near) » - Album « if That’s What it Takes » / Reprise 1982.
Michael McDonald : vocals, keyboards ; Greg Phillinganes :
clavinet ; Steve Lukather : guitars ; Louis Johnson :
bass ; Jeff Porcaro : drums ; Maureen McDonald : backing
vocals.
D’aucuns, comme moi d’ailleurs, ont souvent pensé que c’est Gadd qui joue la
remarquable partie de batterie de ce titre. Non, c’est Jeff Porcaro, son alter
ego, son parallèle de chez Toto, d’ailleurs on repère très vite les cocottes de
guitare, ici, sorte de marque de fabrique du requin de studio Lukather (cf les
mêmes chez Quincy dans « the Dude » ou chez Michael Jackson dans
l’album « Thriller » …). Certains rappeurs n’ont pas hésité à sampler
des bouts de ce titre, normal, il groove comme jamais (Louis Johnson y est
aussi pour quelque chose) et a quelque part posé de façon réellement
emblématique cette idée de rock Calif’.
Il n’y a pas une compil’, une playlist de ce genre qui oublie de le mettre en
avant et pourtant c’est un bon vieux saucisson de Leiber et Stoller qui
d’ailleurs avait été repris par Procol Harum sous un angle plus rythm’n’blues.
C’est avec ce titre que je suis devenu totalement accro de la voix et du
feeling vocal de Michael McDonald, ce type est si soul, si expressif !
Il entre en voix et ça y est, j’ai la chair de poule, direct…
Et ça s’est fait là, de façon instantanée, avec cet album que je ne peux que
recommander tant il est truffé de titres absolument magnifiques, où cette voix
intimement associée au piano qu’il soit acoustique ou Rhodes, démontre tout
l’arc en ciel des émotions sur son passage.
Magique.
05. DAVID GILMOUR : « There’s no Way Out of Here » -
Album : « David Gilmour » / Harvest 1978.
David Gilmour : vocals, guitars, keyboards ; Rick Wills : bass,
backing vocals ; Willie Wilson : drums, percussions ; Carlena
Williams, Debbie Doss, Shirley Roeden : backing vocals.
Le premier album de Gilmour, hors Floyd est et reste un pas de côté des plus
intéressants.
Le jeu unique du grand guitariste qui avec si peu, avec des moyens
exclusivement issus du blues et un phrasé caractéristique très chantant, lié,
grandiloquent et surtout qui n’en met absolument aucune en mode technique
esbrouffe s’exprime là avec une netteté personnelle dépassant ce qu’en Floyd
jusqu’alors on subodorait ou croyait savoir.
La guitare de Floyd, l’inspiration floydienne hors Waters et sans Floyd.
L’une des voix de Floyd hors Floyd, etc.
D’infinies fausses comparaisons qui, plus tard, après une rupture, des prises
de pouvoir et des procès médiatiques et sans fins lui donneront une certaine
raison et le remettront au cœur d’un groupe sauvé in extremis par une sorte de
miracle inexplicable.
Pour moi, si quelqu’un est Floyd, c’est musicalement avant tout Gilmour ou
plutôt si Floyd est resté Floyd c’est avant tout parce que Gilmour, n’en
déplaise à sa seigneurie Waters, certes talentueux, ce, indiscutablement.
Mais Gilmour c’est juste un cran tellement supérieur de visée, de dimension
musicale, de jeu et d’intelligence que l’indiscutable est là aussi de mise.
Cet album le démontra déjà. Chaque chanson est une petite perle rare agencée
sur le collier de deux faces vinyliques.
Quant au bonhomme, l’actualité concernant son extraordinaire bienveillance et
générosité, me conforte dans l’énorme respect, admiration et attachement que
j’ai pour lui, depuis… mon premier Floyd. Ce qui n’est pas d’hier, vous vous en
doutez.
06. STING : « If You Love Somebody Set Them Them Free » - Album
« The Dream of the Blue Turtles » / A&M 1985.
Sting : vocals, guitars ; Kenny Kirkland : keyboards ;
Danny Quatrochy : synclavier ; Darryl Jones : bass ; Omar
Hakim : drums ; Branford Marsalis : saxophones,
percussions ; Danny Q, Elliot Jones, Jane Alexander, Joe Summer, Kate
Summer, Michael Summer, Pete Smith Rosemary Purt, Stephanie Crewdson, Sting,
The Nannies Chorus, Vic Garbini : backing vocals.
Quand ce premier album de Sting est sorti, avec le groupe Third dont je faisais
partie, la première chose qu’on a faite c’est de reprendre ce titre. On avait
l’habitude jouer des covers (on disait reprises à l’époque) de Police et là
j’ai dû m’accommoder au jeu volubile de Omar Hakim.
Cela semble simple à dire, mais dans les faits, c’est très compliqué, il faut
passer du jeu rock de Stewart, empreint de reggae et avec une frappe
monumentale à ce jeu, certes resté puissant, mais plus souple, plus jazz-rock,
truffé de petites ghost notes internes qui le font groover.
Puis j’ai beaucoup joué ce titre avec une amie chanteuse, par la suite, on
aimait insister sur cet axe gospel qui d’ailleurs saute aux yeux (et oreilles)
dans le « Live in Italy » où Sting dédouble en coda pour des chœurs
vraiment sortis de cette tradition.
Avec ce titre on a commencé à aimer ou bouder Sting avec les comparatifs
Police, son départ, bref, pas grand-chose à voir avec la musique mais ça s’est
très vite calmé car le lascar est tellement talentueux, parfois même génial.
Aujourd’hui Sting ne m’intéresse plus vraiment, je ne loupe pourtant pas les
sorties de ses albums. Certains diraient qu’il ne se renouvelle pas, je reste
prudent sur ce genre d’affirmations, je préfèrerais dire que je l’ai trop
écouté, entendu et qu’il n’arrive plus à me surprendre.
Tout en lui concédant cet éternel charisme et cette éternelle faculté à faire
avec tout matériau, des chansons qui marquent l’esprit.
Avec celle-ci j’ai passé de belles heures d’écoute mais aussi à la jouer,
c’était même un certain comble de bonheur que le faire et je me dis qu’il
serait temps que je la remette au menu d’ailleurs, car je l’ai un peu trop
laissée de côté au profit de tant d’autres de lui que je continue à apprécier
jouer.
Ici, le petit coup de génie c’est aussi ce pont avec ces chœurs en respons, ça
ne dure pas longtemps, mais ça tranche suffisamment pour interpeller l’auditeur
et laisser le groove en suspens avant de le refaire décoller de plus belle.
Chez Sting il n’y a pas de hasard, il y a une totale maitrise de la composition
et du sujet tube, avec pourtant jamais rien de simple, bien au contraire et
c’est aussi pour ça que je lui voue une grande admiration et un profond
respect.
07. GEORGE MICHAEL : « Faith » - Album « Faith »
/ Epic 1987.
George Michael : vocals, background vocals, keyboards, programmations,
arrangements ; Hugh Burns : guitar ; Chris Cameron :
Cathedral organ ; Deon Estus : bass.
N'en déplaise à grand nombre, j’ai toujours adoré George Michael.
Le tube Wham « Careless Whisper » reste l’une des chansons que je
préfère jouer, régulièrement et dont je ne sais me lasser…
« Faith » est une chanson chargée de cet axiome funny gospel qu’on
oublierait presque, tant l’envie de danser à l’écoute de cette rythmique
syncopée prend au corps.
Un solo de guitare sorti directement du fond du rock’n’roll, un orgue d’église
aux accents luthériens culturellement évidents – tout oser en mode populaire et
remporter la mise, tant cela parle à tout le monde.
L’art de créer un tube avec l’art de recycler nouveau.
Ainsi, pas besoin de se poser de questions, ça parle directement et surtout
immédiatement.
Alors la voix, les chœurs, la mélodie sautillante, les onomatopées en mode
feeling jovial et habité de foi font le reste…
Et le reste… on y adhère, totalement.
08. TEARS FOR FEARS : « Sowing The Seeds of Love » - Album
« the Seeds of love » / Universal 1989.
Roland Orzabal : vocals, background vocals, guitar, keyboards,
Fairlight ; Curt Smith : bass, vocals, background vocals ; Ian
Stanley : keyboards and Hammond organ ; Chris Hughes :
drums ; Richard Niles : arrangements ; Kate St John : sax,
oboe.
Faux Beatles récupérateurs de génie dans un créneau générationnel qui avait
bien besoin d’une piqure de rappel de ce que veut dire talent, ils avaient tapé
très fort.
A la sortie de l’album j’avais profité du foisonnement musical et
d’arrangements de ce titre pour en faire l’un de mes axes de travail d’un cours
de formation musicale (dites solfège, ça ira plus vite)…
On l’avait intégralement repiqué (puis joué) avec les élèves, chaque partie,
chaque instrument, chaque section, les accords, les cordes, ces chœurs
harmonisés de façon épidermique, ces vocalises d’opéra, ce baryton saxophoné
qui cuivre ses graves, de solo de trompette sorti de chez Bach-Beatles, cet
orgue qui dégouline, et tant et tant de ces détails qui font une extrême
intelligence tant que pluralité culturelle musicale.
Du presque jamais vu depuis, les Beatles justement que cette débauche d’idées
concentrées et réunies, que ce cabinet vivace de curiosités.
Génial, j’ose le mot.
09. SIMPLY RED : « Something Got Me Started » - Album :
« Stars » / Eastwest 1991.
Fritz McIntire : vocals, keyboards ; Ian Kirkham :
saxophone : Jess Bailey, Tim Kellett : keyboards ; Heitor
T.P : guitars ; Mick Hucknall : vocals, composer, producer,
backing vocals ; Gota : drums, percussion, rythm programmin’
Franchement, Simply Red, ce n’était pas ma tasse de thé.
J’ai longtemps joué « Holding Back the Years », le genre de titre
incontournable quand tu fais du piano bar et que tu t’octroies une pause avec
deux accords et une gamme d’impro qui coule sous les doigts. Joli titre
d’ailleurs et qu’on peut justement traiter de toutes les façons. Avec un son de
Rhodes il fait directement mouche.
Puis voilà que ce titre s’est invité.
D’abord dans un groupe de rythm’n’blues ce qui m’a fait le repiquer
strictement, puis on l’a mis au programme de notre groupe à tendance funky et
finalement on le joue maintenant régulièrement en duo.
Et à chaque fois, il transporte les gens d’une allégresse insouciante, leur
procure un bonheur simple et immédiat et fait afficher sourires, sifflotements,
mais fredonnements plus rares, parce que c’est bien loin d’être simple à
chanter…
Et puis, avec une carrure harmonique très simple, une rythmique de piano pile
dans le move, l’agencement structurel est vraiment bien organisé.
Ecouter les Simply Red ne serait pas mon premier réflexe, les jouer s’avère fun
et par contre en mettre au hasard dans une playlist histoire de la réchauffer,
là,100% d’accord.
10. COLDPLAY : « Clocks » - Album « A Rush of Blood to the
Head » / Parlophone 2002.
Coldplay is : Chris Martin, Guy Berryman, Jon Buckland, Phil Harvey, Will
Champion
On termine cette face avec ces faiseurs de tubes, au chef de file mélodiste
toujours très inspiré et qui sait, en une poignée d’accords souvent brisés si
l’on s’en réfère à l’organisation que notre mental musical a en éducation,
immédiatement attiser l’âme de l’auditeur et la garder en émoi.
Ces brisures de chemin harmonique suivent stricto senso la mélodie, c’est aussi
pour cela que l’étrangeté masquée, mais qui en fait l’originalité, fonctionne.
Bon, je prends n’importe quel album de Coldplay et j’en apprécie la teneur, le
charisme musical et l’esprit qui s’en dégage. Je n’en suis nullement fan comme
nombre d’une génération de mes élèves le furent et le restent – ce que je
comprends fort bien, nous on aimait Supertramp – mais je passe toujours un bon
moment, cherche le truc, l’astuce qui derrière tant de simplicité apparente
fait que ça fonctionne au-delà du réel concevable.
Il y a des artistes qui ont le don du tube dans la peau, c’est ainsi et de tout
temps.
Ils ont pu s’appeler Mozart, Vivaldi, Tchaïkovski, Glenn Miller, The Beatles,
Michel Berger, Supertramp, Police-Sting ou Coldplay et ils sont nombreux… et
nous dès que leurs mélodies apparaissent dans l’espace sonore, naturellement et
presque sans aide préalable, on les chante, les fredonne et elles restent
imprimés en mémoire.
C’est un don…
C’est inné…
Et c’est ainsi.
FACE B.
01. NEIL YOUNG and CRAZY HORSE : « Cortez The Killer » - Album
« Zuma » / Reprise 1975.
Neil Young : vocals, lead guitar ; Frank Sampedro :
rythmguitar ; Billy Talbot, bass, vocals ; Ralph Molina : drums.
Album (avec Harvest) fétiche de mon ex petite amie d’adolescence, ce
« Zuma » a énormément tourné sur la platine et même si je faisais
carrément une indigestion Neil Young, certainement due à ce fait, il reste l’un
de mes albums préférés de l’artiste.
Et en particulier ce titre, avec cette rage, ce jet à la face de l’Amérique
bien-pensante, cette rock attitude que peu de temps après il va prendre pour
défendre ce mouvement punk naissant avec « Hey Hey My My ».
Neil Young…
Tu fais une chronique sur lui et t’es certain d’avoir un taux de stats de
lecteurs qui frise l’insolence.
Inexplicable ?
Non, il faut être réaliste, cet artiste dépasse le degré d’emblématique, un peu
comme Joni Mitchell, sa production discographique et son nombre de chansons aux
sujets divers, mais souvent engagés politiquement est pharaonique.
Et à l’écoute des albums que, comme avec ceux de Joni, on peut classer par
périodes ce, presque en décennies, si on pioche dans l’ordre ou au hasard, on
ne sera jamais déçu, toujours quelque peu enthousiaste, souvent ému et en tout
cas, un album de Neil Young c’est une valeur sure, une certitude qualitative et
un axe rock qui jamais (ou si rarement) ne déroge à la règle.
« Cortez the Killer » au-delà du texte brûlant, nous offre un Neil
Young totalement possédé, tant vocalement où ses limites aigrelettes vont au
paroxysme de ses capacités musculaires de cordes vocales que guitaristiquement
où il a tout poussé à fond, ampli, potards, pédales de saturation drive,
overdrive, fuzz et tout le bazar. Le tempo est profond, solidement accroché
dans le sous médium et enfoncé comme le Stetson de ces rockeurs Southern avec lesquels
il se sont accrochés, amicalement.
La mélodie ne peut quitter l’esprit, Neil la placarde d’entrée et va tourner
autour d’elle sans autre forme de procès, il dérapera et loupera une case,
créant ainsi une inattendue « fausseté » qui restera malgré cela en
tête, non important, seul le sujet règne ici en maitre.
C’est métallique sans être métal, c’est hard sans être heavy et bien que ce
soit d’une lourdeur accablante, c’est parfois approximatif car l’émotion doit
l’emporter et c’est simplement brutal et indiscutablement rock, sans autre
étiquette que celle-là.
02. SANTANA : « Evil Ways » - Album « Santana » /
Columbia 1969.
Carlos Santana : guitars ; Gregg Rolie : organ, piano ;
Mike Carabello : congas ; Jose Chepito Areas : congas,
percussions ; Mike Schrieve : drums ; Dave Brown : bass.
On ne va pas se refaire l’histoire Woodstock, le feu qu’ils ont mis et dont cet
album est quelques part un témoignage assez représentatif car enregistré dans
la même veine, avec la même envie et cette jeunesse exubérante.
Et blablabla.
Elle s’appelait Carmen, était toujours habillée de noir dense et maquillée
ainsi.
Elle avait pleuré tout son rimel à la mort de Mike Brant, qui, il faut bien le
dire, était tout ce qui me hérissait le poil naissant d’ado. Tout le monde se
foutait de sa gueule, du deuil qu’elle portait du chanteur et avec son petit
lot de copines elle semblait inconsolable.
Allez donc savoir pourquoi, moi, le mec décalé, bab’ jusqu’au bout des cheveux
qui descendaient jusqu’à la taille, elle, minette comme l’on disait alors,
m’aimait bien.
Inconcevable … et jalousable…
Elle venait à l’interclasse (on disait déjà plus récré) parler avec moi, à la
grande surprise de tous les mecs qui rêvaient secrètement d’elle et simplement
on causait.
Elle voulait être coiffeuse, moi je lui parlais de mes aspirations de musicien.
Deux mondes et éducations si éloignés qu’il semblait incongru qu’ils puissent
ainsi se rapprocher, docilement.
En fin d’année, afin de me remercier d’avoir été là pour juste parler avec
elle, elle m’a offert, souriant enfin (elle venait d’être acceptée dans un
lycée pro pour sa formation de coiffeuse), cet album.
Ma surprise fut grande et j’ai gardé ce souvenir lié à la musique de ce Santana
naissant à chaque fois qu’il s’est posé en platine et je l’ai bien sûr encore.
Parti en seconde dans des classes à destinée musicale, je ne l’ai jamais revue,
mais le souvenir de cette fille triste, inconsolable, puis enfin souriante, qui
venait me parler est resté associé à ce déferlement de percussions, à cet orgue
dont je n’ai cessé de prendre tous les clichés pour m’inspirer et à ce beat
latin-rock qui fait encore fureur sur les pistes de danse.
Et puis je suis resté un adorateur définitif de Santana (et reconnaissant à
Mike Brant…).
« Evil Ways » comme tant d’autres titres que je croise a été joué,
une année par un groupe d’élèves, un excellent exercice de rythmique, de tempo,
de feeling et bien entendu de travail pour guitariste en herbe.
03- NIRVANA : « The Man Who Sold The World » - Album « MTV
unplugged in New York » - Geffen 1994.
Kurt Cobain : vocals, guitars ; Pat Smear : guitar ; Krist
Novoselic : bass ; Dave Grohl : drums.
Le 18 novembre 1993 Nirvana se prête au jeu en vogue de la prestation MTV
Unplugged.
Cet album, ce concert, CD, DVD, Vinyle va très vite devenir mythique et réunir
tant les fans du groupe planétairement nombreux, qu’attirer d’autres auditeurs
de façon plus générale et mettre le groupe sur un autre piédestal.
Un concert particulièrement réussi et bien agencé, organisé, arrangé avec des
cordes minimalement magistrales permettant d’aborder les chansons du groupe et
de Kurt sous un autre angle, plus large, plus universel qui rappelle qu’une très
bonne chanson reste une très bonne chanson et que peu importe le traitement qu’on
lui octroie, elle reste telle.
Alors et justement c’est ce titre Bowie qui retient ici mon attention, au-delà de
la qualité indiscutable de ce concert devenu mythe pour tout amateur de rock qu’il
soit dur ou sucré.
Bowie prend ici la dimension que sa chanson mérite et il est certain que nombre
des fans du groupe iront respectueusement écouter Ziggy et ses Martiens, du
fait que Kurt ait exhumé de leur planère lointaine, en ce soir mémorable, ce
titre.
En soit, rien de bien compliqué ici, si ce n’est cette façon d’exprimer avec
ferveur la plus grande des simplicités.
La phrase de guitare, modale, s’inscrit au feutre indélébile en deux tours,
elle reviendra faire son petit jeu insistant quelques autres fois, second
chant, seconde mélodie dans la mélodie, devenant en quelques tours presque la
mélodie principale… la méthode Bowie… quoi.
La basse permettra aux bassistes en herbe de savoir tant jouer une gamme dans
sa totalité que de coller à l’habituelle rythmique de guitare (que tous les
guitaristes qui s’accompagnent avec l’instrument acoustique savent faire et
doivent savoir faire) en passant de la fondamentale à la quinte.
Le batteur est obligé (tant que prié) d’être structurel et de respecter une
forme musicale typiquement Bowie, donc ne permettant aucune fantaisie mais un
respect strict.
Donc, pas de relances exubérantes, pas de martelage insensé, pas de breaks
inconsistants, non. Il faut avant tout coller à la chanson, à la guitare-chant,
au titre, respecter les arrêts, les changements de fonctionnalité.
Et rendre tout cela… simple.
Bien sûr qu’on a fait jouer ça aux élèves et d’autres titres du groupe aussi,
tant dans leurs versions originales que dans celles ici « acoustiques »
et bien sûr qu’il fallait mieux le faire sous couvert ne passer pour des vieux
has been incapables de comprendre le rock…
Et à chaque fois cela m’a rappelé, il y a bien longtemps, cet élève qui
débarque à mon cours, CD en mains et yeux brillants, me prêtant « Nevermind »
et me suppliant de repiquer l’un des titres, au hasard, pour que le groupe d’élèves
le joue.
Pour moi, Nirvana, ça a commencé là.
Et je crois devoir le remercier en le soulignant.
04- BILLY IDOL : « Eyes without a Face » - Album « Rebel
Yell » - Capitol 1983.
Billy Idol : vocals, guitar ; Steve Stevens : guitars ; Sal
Cuevas : bass ; Thommy Price : drums ; Judi Dozier :
keys ; Perri Lister : backing vocals.
Je ne voyais aucun intérêt à prendre en compte la musique de Billy Idol jusqu’à
ce qu’on reprenne en mode électro, ce titre.
En ai-je écouté d’autres ? humm, pas si sûr.
Punk de pacotille profitant du mouvement, espèce de Plastic Bertrand faux
rebelle de récup’, look avant le reste, voilà franchement l’idée que j’avais du
personnage.
En fait tout ce que la récup’ en mode commercial pouvait se faire de pire, donc :
rejet.
Puis voilà que mon collègue arrive avec ce titre dont il a fait la
programmation et l’interrogation soulignée : « comment, mais tu ne
connais pas Billy Idol ? » …
Je lui exprime mon point de vue resté intact depuis …
Un tour d’écoute, un repiquage de la grille, une attention particulière à quelques
éléments claviers à jouer live, aux programmations additionnelles que je peux
faire rapport à l’Electribe, depuis mes séquenceurs et voilà que ce titre est
assez vite devenu un des moments que j’ai préféré jouer live.
La ligne de basse, hyper porteuse, les deux semi claps placés après le
troisième temps, les gliss de claviers, la mélodie, la choriste et puis ce pont
bien rock bien saturé avec ce solo de guitare miniature tellement bien envoyé.
Un merveilleux produit musico-commercial et tout de même quelle voix, d’emblée charismatique
et flirtant vers les crooner.
Tout pour plaire, en fait…
05. KANSAS : « Point of No Return » - Album « Point of no
Return » - Epic 1977.
Dave Hope : bass ; Phil Ehart : drums, percussions ; Kerry
Livgren : guitars, keyboards ; Robby Steinhardt : vocals,
violin, viola, cello ; Steve Walsh : keyboards, vocals ; Rich
Williams : guitars
Quand on aimait le prog’, passer à côté de Kansas c’était impossible.
Avec cet album, ils ont proposé non une alternative aux groupes dans lesquels
on était englués mais cet axe américain du prog’ avait, du coup, tout pour
(nous) séduire.
Puis comme un gros gâteau blindé de chantilly, il a fini par être étouffant,
trop lourd et presque indigeste.
Américain, grassouillet en place d’être gracieux … quoi…
Avec le recul et toujours addict de l’orgue sous toutes ses coutures sortir du
stock de cd un bon vieux Kansas c’est finalement un bon moment de fun.
Prendre les choses telles qu’elles se présentent, en fait.
Ce titre a tous les atouts pour un prog’ plus rock que celui que, vers 1977,
proposait les tenants principalement anglais du genre. Seul UK allait partir
vers des contrées encore possibles, du moins si l’on voulait considérer le
prog’ comme scellé dans un genre qu’on voulait préétabli.
Avec Kansas, pas de réelle surprise.
Une « façon » à l’américaine, parallèle et cependant moins géniale
que le Utopia de Todd ou le gigantisme de Meat Loaf, surchargée des poncifs du
genre avec une petite touche heureusement personnelle et le bénéfice sonore du
soliste cordes.
Un titre aux références classiques très schématiquement ciblées et qui font
leur effet, des chœurs plus rock FM que celtico-anglicans à la Yes et un son
plus grossier et marqué qui va très vite devenir le sceau de groupes encore
hésitants comme ce fut le cas des premiers Toto.
Hésitants entre rock avec développements en suites aux constructions classiques
et chansons qui feront fleuron rapide d’un rock dit FM, le dernier usage de
développement réussi à la british étant une certaine rhapsodie bohémienne
chantée par une reine gonflée de mercure se prenant pour une diva.
How long ? mais cela n’a pas duré longtemps que Kansas.
Et c’est certes dommage, car, dans le paysage prog’, un peu de dureté c’était
bienvenu.
06. DREAM THEATER : « As i Am »
John Petrucci : guitars, backing vocals ; Mike Portnoy : drums,
backing vocals ; James LaBrie : lead vocals ; John Myung :
bass ; Jordan Rudess : keys.
On en a presque fait une maladie que ce groupe.
Quand ils sont passés à Toulon, au Zenith Omega, on a emmené un groupe d’élèves
les écouter-voir. Je me souviens de l’un d’eux qui a failli se décrocher la
mâchoire au premier solo de Petrucci…
Ils avaient tous la banane, nous aussi.
Marrant côté Petrucci, y’avait plein de guitaristes de tous âges, de l’étudiant
que j’avais écouté en jury pour son exam’ de fin d’année à son prof en passant
par l’intermittent hochant du chef.
Côté batteurs, on les repérait tous au centre, jambes actives à tenter de
produite ce déluge de kicks rapides, efficaces, techniques, et tous poignets en
actions. Dommage Portnoy n’était pas -plus là. On a eu un solo à tomber sur le
c… normal.
De son côté Rudess et sa barbichette était entouré de toute la high tech des
claviers (Korg) et faisait une sacrée concurrence (rare) aux frasques
guitaristiques de Petrucci. Et le choix de ses sonorités, pour le live m’a
permis par la suite bien des explications pédagogiques face aux synthés.
James LaBrie particulièrement charismatique et efficace, qui prend sa
juste place au milieu de cette débauche d’effets, de technique high level, de
masse sonique.
Et puis John Myung lourd, solide comme un roc, porteur tellurique de tout
ce bazar.
Car Dream Theater, c’est tout un bazar aussi – un endroit où l’on trouve tout
et de tout où l’on peut se servir selon son envie et c’est tout de même l’un
des must du genre.
Cet album a été copieusement joué ce soir-là, peut-être bien l’un de leurs
meilleurs ou du moins représentatifs.
Ce gros son métal prog, de temps à autre (bien que j’ai viré une cuti sur
Porcupine Tree), c’est tellement… bon.
Pas vraiment d’autre terme.
Un déluge de schred, une frappe surchargée de doubles grosses caisses et plus,
une basse énorme, des claviers qui percent, un chanteur hargneux comme il se
doit… presque schématique. Et c’est pour ça que je les aime bien ces Dream
Theater, de temps en temps.
L’année suivante, l’un des élèves (le batteur) est arrivé avec le sourire et
m’a demandé s’ils pouvaient monter ce « As I am » … vu son niveau de
batterie très moyen et surtout sa capacité à ne pas détailler le travail je me
suis dit qu’en acceptant ce serait finalement le faire réellement bosser et
comprendre qu’en musique si on veut taper haut, faut s’en donner les moyens.
Il ne se les ai pas donnés, dommage pour lui, tant mieux pour moi – à une
courte année de la retraite j’avais besoin de quiétude.
Bon je tape de temps à autre sur ce théâtre du rêve, mais quand je mets ce
titre, indéniablement, je reste proche de la fascination. Quand ça fonctionne
comme ça, faut reconnaitre que…
07. BIJOU : « C’est un animal » - Album « Danse avec
Moi » - Mercury 1977.
Vincent Palmer : chant, guitare ; Philippe Dauga : basse ;
Joël Dynamite Yann : batterie.
Jean William Thoury : parolier, management.
On oublie souvent Bijou, ce groupe trempé dans les années punk rock et associé
au mouvement mods qui fit l’heure de gloire des premiers Who.
A la sortie de cet album on l’écoutait régulièrement, bien plus qu’Asphalt
Jungle, par exemple, plus direct, moins intello-rock-punk, la faute
certainement à Eudeline, ce dandy rock dégingandé talentueux, mais à l’approche
qui m’est toujours parue, dès l’adolescence, suspecte.
Ici, un texte qui semble sorti d’un Gainsbourg brut et moins travaillé,
uppercut direct dans la tronche des petits ados bourges endimanchés rock pour
l’image et qui ont une image fantasme de Pigalle.
Pigalle où ils sont allés acheter leur guitare avec packaging de luxe assortie
de l’ampli pour ensuite répéter dans le loft de Papa.
Pigalle où ils ont croisé, boutonneux et rougissants cet animal qui les a fait
fantasmer des nuits blanches totales, leur donnant envie que l’instrument
acheté tombe en panne afin très vite d’y retourner pour faire jouer la…
garantie.
Hé oui, ils en ont rêvé, mais si tu veux toucher comme ils disent, il faut
payer.
De cuir vêtus, ces gars de Bijou savaient le rock, ils l’exprimaient avec
vérité, un son sans fard, sans esbrouffe. Un riff basique, un beat basse
batterie emboité comme deux briques de Lego et un son de gratte immédiatement
sorti de l’ampli, bien chaud, bien auréolé d’un jeu rock bourré non de clichés
mais simplement de tout ce qu’un guitariste s’estimant rock et qui joue en
pubs, clubs se doit d’avoir dans les doigts.
Je les ai vu à Mont de Marsan, ils m’ont réveillé de ma torpeur de saturation
de décibels – comme un passage éclair.
D’ailleurs ils sont eux même passés, en France comme cet éclair.
Et dire qu’ils ont même fait passer ces bourrins inutiles de Trust en première
partie de leurs concerts à l’Olympia …
Et ils ont quand même eu droit à un bouquin – la France préfère parler de ses
artistes plutôt que les faire vivre et tourner… un bien curieux constat.
Mais la France n’est pas rock, ça se saurait.
Bien dommage.
08. PETE TOWNSEND : « Rough Boys » - Album « Empty
Glass » - Atco 1980.
Pete Townsend : vocals, guitars ; John Bundrick :
keyboards ; Tony Butler : bass ; Kenney Jones :
drums ; Raphael Rudd : horn arrangements.
Le second titre de cet album s’intitule « I am an Animal » … juste
pour dire.
On parle précédemment de mods, je sors Townsend … histoire de dire.
Pete Townsend…
J’aime le bonhomme, l’artiste, le génial inventeur, visionnaire, touche à tout,
guitariste, compositeur, parolier, chanteur, créateur de fresques opéra rock,
passeur du rock et preneur radical de positions envers ce même rock et ses
affres, ses déviances, ses mouvements.
On a évoqué Eudeline, je lui préfère Townsend, tellement plus authentique, vrai
et paradoxal, artiste quoi. Et pas artiste se regardant artistiquement en
attitude rock dans son miroir flatteur tel une belle chargée de poudre blanche.
Les albums de Townsend sont tous excellents, pas d’exception, pas de
tergiversations, pas de doutes. Cet artiste est un petit génie créatif, une
sorte de Prince bien avant son arrivée, du rock.
Avec Townsend, on sait ce que veut dire ce mot et il n’a pas besoin de cette
attitude – Townsend est tout simplement à l’image de la musique qu’il
joue : le rock.
On lui colle toujours l’image et la popularité des Who, mais ses jardins pas
vraiment secrets, ses titres non destinés au groupe célébrissime, il se les est
gardés et a au fil de ses projets parallèles créé ses albums.
Cet album est son premier et pour une fois il n’avait pas gardé les titres
qu’il jugeait les « meilleurs » pour le groupe. Non.
Ses démos, dont celle de « Empty Glass » (le titre), initialement
jouées par Entwistle et Moon ne sont pas parues sur l’album « Who are
You », parallèle à la sortie de celui-ci.
Il a remodelé tout ça et a enfin sorti son album solo.
Sans eux.
Un rêve ?
Une envie viscérale ?
Un projet personnel pour voir ?
Quoiqu’il en soit l’album a eu un succès plus que d’estime et surtout ça lui a
donné, pour notre grand bonheur, l’envie d’en faire d’autres…
09. JOHN LENNON : « Sweet Little Sixteen » - Album
« Rock’n’Roll – Apple 1975.
Tellement de musiciens dans cet album et non crédités par titres que je vous
laisse si le cœur vous en dit, faire vos recherches.
Juste savoir que ce titre a été produit par Phil Spector.
Bon, on est en 1975, Lennon est en procès pour plagiat avec « Come
Together » …
Il doit se rattraper et enregistrer minima trois chansons qui seront des
reprises de l’artiste s’estimant avoir été plagié.
Contexte difficile mais Lennon va du coup envisager cet album de reprises de
titres de son adolescence – du rock’n’roll, forcément.
Les sessions sont anarchiques, Lennon tente dans son précédent album de
contourner l’arrangement passé avec Morris Levy, détenteur des droits, puis
l’arroseur sera arrosé car Levy de son côté va utiliser sans l’accord de Lennon
des enregistrements de son album, pour une pub, avant que celui-ci ne sorte.
« Rock’n’roll » va donc faire le yoyo en diverses sessions et mixages,
producteurs et l’écoute avec un son dépassant l’idée de roots, mais vraiment
très sommaire et brouillon en fait un certain charme.
A sa sortie, un pote de classe me met cet album dans les mains.
Arrivé à la maison, et déjà peu cultivé côté rock’nroll, j’avais fait une
sacrée grimace à l’écoute de ce fatras sonore au rendu plus que douteux.
Mais Lennon, tout de même…
Alors j’ai attendu des années, bouffé mes Stray Cats, écouté avidement mon
Elvis, pigé le truc de Chuck, défoncé mon piano à la Jerry Lee et enfin pigé ce
que rock avec n’roll pouvait bien vouloir dire.
Et cet album a refait surface.
Un formidable hommage et florilège à sa musique, à John, celle qui a bercé sa
jeunesse.
Avec le génie du gars, ce rock’n’roll se surdimensionne.
Et ce titre, ces cuivres, cette guitare tellement gimmick, sa voix ahurie, ce
mix extra plat, cette cloche d’intro qui ferait fuir n’importe quel ingé son,
même le plus amateur – mais quel charme désuet et toujours si … présent.
10. BRUCE SPRINGSTEEN : « My Hometown » - Album « Born in
The Usa » - Columbia 1984.
Bruce Springsteen : vocals,
guitars ; Roy Bittan; : keyboards, backing vocals ; Garry
Tallent : bass ; Danny Federici : glock, organ, backing
vocals ; Max Weinberg : drums ; Clarence Clemons :
saxophone, percussions, backing vocals ; Stevie Van Zandt : acoustic
guitar, mandolin ; Ruth Jackson : backing vocals
Je termine cette seconde face de playlist avec Bruce, puisqu’on parle de rock,
il doit avoir sa place ici.
En 1984, que restait-il vraiment, du rock ?
Bruce Springsteen… point barre.
Du moins si on se plaçait sur un plan commercial, universel et en même temps
créatif.
Et si on pensait groupe, avec un E-Street Band, c’est-à-dire pas de
programmations, pas d’excitation new wave, juste du rock, avec des guitares,
son lot d’histoires, son tracé autoroutier et sa voix forcément et
obligatoirement rauque, usée, chargée de vie.
En 1984 qui pouvait éviter ce pavé que fut « Born in the Usa » ?
Le titre … et l’album.
Enfin, se disait-on, un juste rappel à l’ordre du rock.
Et c’était quelque part une certaine vérité.
J’ai beaucoup écouté Bruce.
J’ai beaucoup aimé Bruce.
Il a un truc qui ne s’explique pas, qui vous parle, qui est immédiat, on n’a
pas besoin au premier jet de se traduite les paroles, mais on sait qu’il vous
raconte quelque chose, qu’il s’adresse à toutes et tous et nous raconte … la
vie … sa vie …
Alors ça touche, sans chercher midi à quatorze heures, on entre là, dans ses
chansons, avec une facilité et une envie déconcertante et on se laisse faire.
On est piégés.
J’ai lu son bouquin.
Même chose… mais j’ai évité son long concert narratif, sorte de prolongation de
ce bouquin.
J’ai monté un projet avec des élèves concernant l’artiste.
Cela semblait simple au premier abord, mais ça s’est vite avéré compliqué à
jouer. Et puis il faut raconter les textes, chose qui différait des usages
habituels de ces ados qui se contentent de chanter les paroles…
Beaucoup de temps passé avec Bruce et même parfois encore.
Comme un endroit où l’on aime se réfugier, comme un truc familier qu’on aime à
revoir, reprendre, réécouter.
Avec lui la musique, la chanson et la vie sont liés.
Cette chanson fait partie de celles que dont je ne peux me lasser.
Ces claviers qui dessinent l’horizon à l’infini, au loin.
Cette immuable rythmique rock basse-batterie, souple et soudée.
Ces guitares là-bas, au fond, magnifiques.
Cet espace, américain, grand et dont l’image nous est chère.
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Bonne semaine à toutes et tous.
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