# SOLFEGE (2) … (!).
# SOLFEGE (2) … (!).
Vu de l’intérieur.
J’ai commencé la musique à l’âge de cinq ans, environ…
Et le solfège a été, presque avant le piano qui est mon premier instrument, mon
premier rapport direct avec la musique.
Au milieu des années 60 on acceptait docilement ou on fuyait.
J’ai d’abord fait l’un (le piano) puis à 7 ans, l’autre (le solfège), puis j’ai
voulu arrêter …
Mais cela n’a duré qu’une poignée de mois et comme je passais mon temps sur le
piano, mon père comprit très vite qu’il fallait me changer d’école de musique
pour entrer dans un « conservatoire ».
Changer de cour, et de cours.
Question, comme pour les maths ou le français (selon les apprenants) et
d’autres « matières », au sortir, simplement, de personnes.
Et de leurs compétences.
Mais curieusement, pour mes tout débuts, ce n’était pas le solfège qui me
rebutait, mais … le piano.
Ou du moins la « façon » dont on me l’enseignait.
Une méthode rose séculaire, un bon vieux prof acariâtre, quelques bons coups de
règle sur les doigts afin de repositionner une main fanfaronne, des doigtés
fantaisistes… de quoi fuir.
Car j’aimais, par et avec le solfège, m’amuser à réunir sous les doigts des-ces
petits graphismes écrits pour leur donner une vérité sonore.
Cela me fascinait que d’assembler des notes pour en sortir du son… un jeu … d’enfant.
Question de personnes donc.
De longues et captivantes (selon les périodes), années d’études musicales et il
n’en restera – versant solfège – que trois professeures.
Et trois méthodes émanant, pour deux d’entre elles, de leur acuité pédagogique
et de leur liberté d’innovation.
Dire que ces approches ont fait de moi le musicien d’aujourd’hui est minimal,
elles ont également fait le pédagogue, car au-delà de leurs méthodes - que j’ai
d’abord mimé puis synthétisé pour ensuite comprendre que dans l’imagination et
la liberté je pouvais aussi enseigner ce vécu en y mettant mes idées – c’est
bien toute une organisation que j’ai pu développer et avec celle-ci un
acheminement mental de la musique peu, disons le, orthodoxe.
Je vais éviter de les nommer, mais je vais situer.
Il y eut d’abord Mlle L, école de musique de Champigny que je retrouvais par la
suite après la « rupture » et la mini pause, au Conservatoire de
Saint Maur des Fossés.
Elle fut d’ailleurs ravie de me retrouver.
Moi aussi, du plus loin que ma toute petite enfance puisse s’en souvenir.
Ce Conservatoire était dirigé par le couple Doury et Pierre Doury, son
directeur, avait mis en place une méthode absolument révolutionnaire de
« solfège », préfigurant largement ce qui deviendrait la Formation
Musicale et dépassant déjà le seul axiome du solfège avec des procédés se
référant au répertoire plutôt qu’aux exercices schématiques et aux
chansonnettes populaires.
Ainsi l’on chantait Mozart, Beethoven et bien d’autres compositeurs sous
couvert d’apprentissage et en même temps cela impliquait de fortes données
culturelles.
Qui plus est, il avait instruit un système d’écoute et de « dictée »,
qui mettait en évidence le déroulement musical au lieu du cadre rigide de la
mesure.
Il serait trop long et complexe de développer cela ici, mais cette approche
sensorielle de la musique – qui forcément ne pouvait convenir à tous – m’a
personnellement ouvert l’esprit, ce dès l’enfance.
C’était : « artistique » et surtout véritablement musical.
C’était un condensé d’intelligence à la fois pédagogique et musicale.
Parallèlement, le solfège était, là encore, une matière obligatoire et non des
moindres, à la Maitrise de l’ORTF où j’entrais jeune.
Mme V. ne transigeait pas avec cet outil qu’il nous fallait posséder au plus
vite et à la perfection. En effet, il fallait rapidement chanter, ce avec le
nom des notes mais aussi immédiatement y ajouter les paroles afin d’être
opérationnels sur les scènes, pour les concerts mais également les prises de son. Depuis la console d’enregistrement située en haut du dernier
étage de la rue Robert Estienne, à Paris, où nous nous entassions par petits
groupuscules elle, munie de son guide-chant électrique, nous imposait la
justesse, l’oreille qui se devait de devenir au plus vite relative mais surtout
absolue et la rigueur de la lecture, notes, rythmes et chant associés aux deux,
avec l'instantané des paroles.
Sa méthode d’imprégnation était des plus répétitive, des plus systématique …
des plus efficaces.
Chaque jour, dans le métro, en allant en cours, il fallait apprendre un
ensemble de mesures par cœur pour ensuite le chanter à la perfection devant
elle et ce petit auditoire avec pour seule aide, un diapason.
Ce »la » je l’ai en permanence dans la tête, il n’a jamais quitté
mon esprit, sorte d’acouphène que l’on sort en cas de besoin, histoire de
recaler son mental musical si jamais un doute apparaissait.
Les badauds du matin me regardaient chaque jour face à cet exercice, petite
pince donnant ce « la – 440 » en oreille et chantant en murmurant les
méandres de ces mélodies généralement très tonales.
Ils finirent certainement par constater qu’en quelques mois il ne me fallait
que quelques anodines stations pour finir par ranger l’exercice, passer à autre
chose (autres devoirs, bouquin chopé à la bibliothèque) pendant que l’exercice
faisait lui, son chemin mental de par cœur et me produisait à la longue la tant
enviée « oreille absolue » (on en parlera, j’ai ma
« théorie » sur ce « truc » semblant inaccessible).
A cette époque le walkman n’existait pas encore et la seule musique qui
emplissait mon esprit était, soit de mon invention, soit d’exercices tels que
ceux-ci, soit de partitions à apprendre pour le « travail » (à savoir
les chœurs mais aussi solos en vue).
L’une de mes lectures favorites, en dehors de la S.F ou de la B.D était de me
plonger dans un recueil de partitions de piano et de le lire pour l’entendre –
c’est dire…
Ainsi je lisais Chopin, Bach (plus difficile car mes notions de contrepoint
étaient nulles), Beethoven et bien entendu Mozart.
Mon père m’achetait tout ce que les puces pouvaient, au gré de ses déplacements
professionnels en moto, lui procurer de partitions, généralement pour piano et
mon plaisir était … de les lire pour les entendre intérieurement.
Vous me prenez pour un fou, j’assume cette particularité.
Ma voix ayant mué, mon père décidant de se monter sa boite de pub à Grenoble,
voici que la famille - au passage, bien désagrégée - débarque dans la capitale
iséroise.
Le Conservatoire (CNR), aux allures bétonnées austères et se voulant probablement
modernistes en ces seventies culturelle, m’accueille.
Le directeur, père d’un célèbre violoncelliste devenu chroniqueur était
paternaliste tant que se voulant avant-gardiste. Un autre temps…
Un test d’entrée peu glorieux où j’avais préparé plus que raison l’entrée en
piano pour me retrouver avec le pire professeur du genre (mais paradoxalement
celui qui m’a le plus fait progresser techniquement) et me voilà en ce jour face à la
vieille méthode, rhétorique, théorique de solfège … pour le solfège.
Je me sors tant bien que mal de ce « test » d’entrée et, repéré par
Mme D., me retrouve dans sa classe.
Immédiatement ce sera l’admiration, l’adhésion totale à sa pédagogie et à son
sens qui amène tant solfégiquement que culturellement à la musique.
Deux heures de cours général et une heure de plus consacrée, optionnelle, à la
« dictée » (mélodie, rythmique, à plusieurs voix, d’accords…).
Je ne loupais aucun de ces cours et allais même à d’autres d’un niveau
inférieur ou supérieur, tant elle me fascinait.
Je traine donc plus au conservatoire pour assister à ses cours qu’à mes cours
d’instrument(s).
La « matière » solfège me passionne et c’est bien grâce à elle que je
deviendrais, dès que je vais enseigner, très jeune (17 ans) : professeur
de … solfège.
Mes premiers élèves avaient … 19-20 ans … et plus.
Alors je passais mes semaines à assister à tous ses cours afin d’analyser ses
mécanismes, me perfectionner, comprendre de l’intérieur en étant moi-même
passé, à l’extérieur.
Et lui demandais de nombreux conseils…
Mme D., c’était la formation musicale avant l’heure.
Puis arrivèrent toute une
bande de zozos (à quelque exception prêt), formés à la moulinette de
l’aberration musicale étatique, ignares de la musique mais forts en théories
suprêmes, plaçant l’inutile en priorité là où l’utile, à savoir former pour
devenir musicien, devint synonyme de ringard, passéiste et vieux jeu.
Ainsi le solfège passa "formation musicale" et les méthodes les plus débiles,
intellectuelles et prise de tête remplacèrent le bon sens et la F.M devint
matière en place d’outil, dégoutant avec elle des générations d’élèves là où,
déjà, le solfège peinait dans sa globalité à être, en soi, motivant.
De là : des lecteurs sachant poser les doigts sur l’instrument mais sourds
à la musique.
De là : des « objectifs » toujours de plus en plus compliqués et
détachés de fondamentaux usuels, du quotidien du musicien.
Et de là : une section de « corps enseignant » stigmatisée par
les autres profs ne comprenant pas – mais absolument pas – ce qui se passait en
« solfège » pour que leurs élèves soient devenus si
« nuls » face à des lieux communs musicaux.
…
J’ai connu, génération oblige, toutes ces facettes de l’enseignement de cette
matière usuelle et obligatoire pour toute personne qui voudrait un jour se
prétendre, musicienne.
Le solfège, c’est … des-les bases.
Elles ne sont pas si compliquées que cela et, une fois ces bases acquises,
l’intelligence fera le reste ainsi que la capacité d’adaptation, d’autonomie …
Avec cet outil bien installé en chacun, l’humain fera le reste, ce même
si ces bases sont minimales.
J’ai commencé à « apprendre » la musique avec l’entrée publique et surtout tout public de la
musique dans des établissements lui étant dédiés.
J’ai eu la chance d’avoir les meilleures expériences de tâtonnements, imaginées
par des penseurs inventifs qui souhaitaient les meilleures
« méthodes » pour que la musique soit une imprégnation pour l’enfant.
Puis, comme toujours, la médiocratie démagogique a fait son entrée et a rompu
ce libre arbitre pour étatifier de façon rigide et détachée de la réalité cet
enseignement tant fabuleux qu’essentiel.
Les séquelles ne sont pas prêtes de s’effacer même si, fort heureusement, de
nombreux professeurs résistent à ces schémas, inventent encore et mettent leurs
carrière à mal du fait de leurs approches personnelles et libertaires de
l’affaire.
J’en fus.
Et quand je vois – comme dans tant d’autres domaines – cette ornière où
l’étatisme normatif nous a mené, alors qu’il suffisait de faire confiance à la
profession de terrain, je ne peux qu’être désolé et déçu.
Mais, parfois, comme ici : Blog
- Savoirs -Récits - Partages sur la création musicale - Composer Harmoniser
la lueur me fait dire que…
…
Le tableau n’est pas si noir que cela, cependant et fort heureusement.
Mais nous verrons ça … une autre fois.
Commentaires
Enregistrer un commentaire