SI VOUS AIMEZ LE JAZZ … (07)

SI VOUS AIMEZ LE JAZZ … (07)


Allez, on fouille dans le stock K7.
Ah voilà…

C’est reparti.

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FACE A

01- DON WILKERSON : « Poor Butterfly » - Album « Elder Don » | Blue Note 1962
Don Wilkerson, tenor saxophone – Grant Green, guitar – Johnny Acea, piano – Lloyd Trotman, bass & vocals – Willie Bobo, drums.

Une intro diaphane, un ténor qui vibre dans la nuit, une contrebasse qui installe chacune de ses notes, une batterie qui lisse le sujet en caressant les peaux de ses balais, une guitare qui égrène ses subtils accords...
Le décor est planté, le rideau s’ouvre et le swing, pur, dépouillé, expressément expressif entre en scène.
Le thème mérite d’être soulevé par un stop orchestral.
Le jeu pianistique de Johnny Acea est perlé, les gouttelettes de ses notes subtiles rafraichissent le jeu sentimental de Don.
Belle entrée en la matière, la matière jazz, bien sûr.

02- FRANK SINATRA : « A Foggy Day » - Album « Ring-a-Ding-Ding » | Reprise 1961
Arrangements et direction orchestre : Johnny Mandel

A grands coups de cloches désireuses d’un cliché Big Ben, l’ouverture en matière passe vite.
Alors Frankie va d’une voix suave et charmeuse immédiatement nous prendre par la main et de solistes (trompette) agissant en background, de cordes veloutées en cuivres soutenus sur une rythmique obstinée, notre crooner favori visite Londres.
Il nous emmène partout, la visite est éclair, il pleut, forcément.
Son taxi sillonne les rues envahies d’un épais brouillard.

Frankie est malgré tout d’une humeur joviale toute particulière.
Il batifole, le chauffeur lui tend un parapluie détrempé, il ajuste son imper.
Un rendez-vous galant ?
Sacré Frankie…

03- OSCAR PETERSON : « Jet Song » - Album « West Side Story » | Verve 1962
Oscar Peterson, piano – Ray Brown, bass – Ed Thigpen, drums.

Notre canadien, star du piano, virtuose de l’extrême a, lui aussi, rencontré et subit le choc de West Side Story, ce Roméo et Juliette d’un modernisme de cette époque qui brisait, sous le schéma d’une comédie musicale, bien des codes.
Réduire à la plus simple expression, en trio, la saveur orchestrale de Bernstein, la chose pourrait sembler aisée, après tout, il suffit d’aller à … l’essentiel.
Mais « West Side » est un monument et quand on s’en prend à un monument cela suppose un degré de réflexion préalable et une relecture dépassant la seule idée de « reprise » de thèmes.

Le trio s’empare de « Jet Song » avec un brio qui lui est coutumier, certes, mais il s’arrange pour ouvrir le champ d’action de façon ouverte tout en respectant les instants écrits essentiels.
S’il est un album d’Oscar Peterson que je prends sous le coude, celui-ci en fait partie et il s’ajoutera dans la liste de ceux en trio, comme un modèle de référence.
Et Oscar, danse véritablement, car c’est bien là – également – ce qui était important à prendre en compte…

04- KENNY BURRELL & GROVER WASHINGTON JR : « Asphalt Canyon Blues » - Album « Togethering » | Blue Note 1985.
Kenny Burrell, guitar – Grover Washington Jr, soprano & tenor saxophones – Ron Carter, bass – Jack DeJohnette, drums – Ralph McDonald, percussions.

Encore un bon gros blues qui s’ouvre par le gimmick d’usage.
Ron entre franc jeu, Grover est la souplesse même.
Kenny est la délicatesse par excellence et Jack retient, avec toute l’inventivité dont il sait être représentant, ce tout … au tempo qui voudrait avancer, mais qui reste encré dans le fin fond du temps, en toute retenue expressive.
Quelle belle rencontre – et pas que les deux solistes, mais également le bonheur d’entendre cette association Carter-DeJohnette, si rare.
Je laisse la magie opérer…

05/ ESTHER PHILLIPS : « Use Me » - Album « Alone Again Naturally » | Kudu 1972.
Arranged by Pee Wee Ellis
Hank Crawford, alto saxophone - Cecil Payne, baritone saxophone – Maceo Parker, tenor saxophone - John Eckert, John Gatchell, trumpets, flugelhorn – Sam Burtis, trombone – Cornell Dupree, George Benson, Eric Gale, guitars – Richard Tee, organ & piano – Richard Wyands, piano – Gordon Edwards, Ron Carter, bass – Bernard Purdie, Billy Cobham, drums – Ralph McDonald, percussions – Carl Caldwell, Lani Groves, Tasha Thomas, backing vocals.

Une chose est certaine, que l’on se renseigne de prime abord sur les musiciens qui ont participé à ces séances, ou que l’on file directement écouter ce titre créé par le grand Bill Whiters, on sait que ça va groover, être profondément funky et bien senti.
On ne se trompera pas, l’équipe de Macéo Parker est là, Pee Wee a fait les arrangements, le complément CTI fait le reste avec une grosse partie du groupe Stuff (Steve Gadd devait être en d’autres sessions ce jour-là).
En gros derrière la voix hyper chaleureuse d’Esther, chargée de gimmicks gospel, de ce sentiment soul imparable qui d’emblée vous fait adhérer, sans la moindre réticence, de façon totalement naturelle, on a le mix de deux des plus gros groupes chargés de funk seventies.
Ceux qui boostent James Brown et les requins de studio qui se sont fait un coup de fun avec Stuff (passé aux oubliettes des collectors de pépites funk) et voilà, l’affaire est entendue.

La section cuivre ponctue, répond, relance, use du glissando et de tant d’effets funky qu’on pourrait avec ce seul titre faire le bon lexique des usages à connaitre quand on écrit/arrange dans ce style.
La rythmique entoure cette hypnotisante cocotte de guitare de son jeu syncopé et laid back.
Puis voici les choristes, qu’on imagine dansant(es) autour de cet after beat qui leur sert d’accroche physique et vitale.
Il y a des chances qu’on remette le titre plusieurs fois d’affilée – ça rallongera le plaisir de la playlist, d’autant que … il est plutôt court.

06/ SONNY ROLLINS : « How high the Moon » - Album « Sonny Rollins and The Contemporary Leaders » | Contemporary 1958.
Sonny Rollins, tenor saxophone – Barney Kessel, guitar – Leroy Vinnegar, bass.

Sonny va faire une pause jusqu’en 1962.
Il enregistre cette dernière session chez Contemporary et mérite encore et toujours le surnom de colosse du saxophone.
Pas de batterie, la colonne vertébrale repose sur Leroy Vinnegar au walking métronomique.
L’ambiance est apaisée, soft, cette sensation certainement due au jeu limpide et espacé, de Barney Kessel.
Sur l’espace les trois protagonistes agissent plus en rôles horizontaux que véritablement harmonique, ce qui donne un souffle nouveau à l’interprétation de ce standard des plus « communs ».
Cette formule similaire au contrepoint fera des émules dont de nombreux albums de Joe Henderson avec juste une contrebasse et une batterie.
Nous n’en sommes pas encore là, mais on s’en approche et le solo de Kessel - qui rassurera en fin de parcours par son jeu en block chords, histoire de faire reprendre à l’auditeur son territoire harmonique que peut-être il finirait par perdre - est le seul axe vraiment vertical qui ressort ici.
Pour le reste, c’est une question de trilogue, avec Sonny en lead qui n’est pas aussi volubile qu’en des temps où il prenait tout le spectre, Barney qui sert de passerelle et ne cesse de répondre, relancer, inciter et Leroy fidèle au poste de pilier indestructible et responsable du sous-entendu harmonique et de la pulse qui ne lâche pas une seconde son implacable swing.

Le titre idéal pour tout batteur qui voudrait « jouer dessus », lui permettant ainsi de côtoyer quelques minutes, les plus grands… et de se prendre à ce jeu maléfique.

07/ MILES DAVIS : « Love for Sale » - Album « Circle in the Round » | Columbia 1979.
Enregistré le 26-05-1958.
Miles Davis, trumpet – John Coltrane, tenor saxophone – Cannonball Adderley, alto saxophone - Bill Evans, piano – Paul Chambers, bass – Jimmy Cobb, drums.

« Circle in the Round » est un double album de chutes de studio mises à l’écart, refusées, oubliées, retrouvées … bref tout ce qui n’entrait pas dans le format d’un LP à l’époque.
Miles enregistrait beaucoup et la production ou lui-même ne gardaient que ce qu’ils estimaient essentiel, représentatif, etc.
Le sextet avec les pointures qui enregistrèrent l’emblématique et obligatoire « Kind of Blue » empoigne ici « Love for Sale » de Cole Porter et l’emmène là où seuls eux même en étaient capables. Vers des contrées lumineuses, denses, habitées d’un feeling monumental.
Miles est désormais indissociable du son de sa Harmon.
Cannonball est fidèle à lui-même, il entre dans le jeu tel, justement, un boulet de canon tiré et explosant tout sur son passage au traits empreints de bop pur et dur. Son solo est tout simplement monstrueux !
Trane quant à lui s’enfonce de prime abord dans le blues puis va, déjà, partir au loin, cherchant l’idée, l’originalité, explorant des possibilités de traits, de phrases inusitées et de groupes de notes qui agissent au milieu de respirations en virgules. Il est déjà bien loin, mais il ne le sait certainement pas encore. Il cherche et « se » cherche.
Bill Evans quant à lui attaque mélodique, pas de chords, juste la pureté du trait puis il va emplir de figures rythmico-mélodiques innovantes et se décalant sans cesse, son parcours aux moments toujours créatifs.
Tout cela n’est possible qu’avec une rythmique de plomb, qui écoute, tient le cap, relance, sait tendre vers … et Paul, tant que Jimmy sont là en permanence, omniscients du rôle qui leur est affecté, apportant un soutien à ces solistes qui sans eux n’iraient puiser aussi loin leurs inspirations.

Quand j’ai acheté cet album, immédiatement à sa sortie, cette première face est restée en boucle pendant un minimum d’une semaine. Impossible de tourner en face B et à chaque fois, ce « Love for Sale » reprenait du début de sillon.
Il me fallait « saisir » ce qui émanait de cette musique, de ce jeu, de ce « concept », c’était devenu obsessionnel et j’ai passé des heures à faire tourner en réel et dans mon esprit ce chemin davisien … comme hypnotisé.
De là je suis et reste un éternel et réel fanatique de Miles Davis.

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Finir la Face A ainsi, c’est cool…
Mais on va attendre que la B démarre – Ah ça y est, le clic caractéristique de l’autoreverse s’est enclenché.
Allez, c’est (re)parti.

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08/ DAVID SANBORN : « Sometimes I Feel Like a Motherless Child » - Album « Only Everything » | Decca 2009.
David Sanborn, alto saxophone – Joey DeFrancesco, hammond B3 – Steve Gadd, drums.

Il en faut peu pour être heureux et moi, dès que Dave entre en lice c’est l’affect immédiat (faudra d’ailleurs que je finisse un jour les playlists que je dois lui dédier, mais sa mort m’a tellement disons, perturbé).
Là il est dans la plus simple expression.
Je ne dirais pas qu’il est, encore une fois, avec les meilleurs – ce qui est vrai – mais surtout qu’en fonction de ses envies il a un carnet d’adresses plutôt constitué de ceux-ci.
Alors qui de mieux pour groover avec son seul orgue que l’autre perte humaine et musicale que fut Joey De Francesco ? Pas grand monde pour tenir ce crachoir si haut.
D’autant qu’il faut tenir aux côtés d’un certain Steve Gadd qui lui est – et on ne pourra le nier – la plus grande pointure de la batterie, toutes catégories confondues, d’au minima les quatre décennies qui nous précèdent.

Et rien de tel qu’un bon vieux titre non issu des standards  mais carrément puisé dans le lointain traditionnel, au plus profond de la spiritualité, du blues, du gospel.
Alors l’orgue, normal et quel orgue…
Alors Gadd pousse le David qui déjà, a toujours eu l’habitude de jouer un solo comme si c’était son ultime solo, encore presque plus loin.

Du grand Sanborn.

09/ ERIC LE LANN : « Night Bird » - Album « « Night Bird » | JMS 1983.
Eric Le Lann, trompette – Olivier Hutman, piano – Cesarius Alvim, basse – André Ceccarelli, batterie.

Et les français, dans tout ça – ou du moins dans le jazz…
Je le répète, dans les années 80, le jazz, revient en force, à la mode.
Ce n’est peut-être pas pour rien que j’ai « adopté » tant cette musique que ce qu’elle sous entendait, dans cette décennie où tout se jouait pour les musiciens de ma génération.

Le voici qui arrive, image représentative de ce jazz promulgué par un certain parfum du même nom, costard obligatoire, classe, ambiance de piaule d’hôtel tamisée.
Le français a le sens du décorum, du film, du « concept ».
Et derrière tout ça, un trompettiste des plus intenses qui soit, au jeu qui aura forcément supporté les flatteuses comparaisons Miles/Chet et un penchant Wynton (aussi pour la compo). Mais qui bien au-delà de ces poncifs qui finalement prouvent notre incapacité à nous détacher culturellement de référents, Éric Lelann dépasse le cadre des comparatifs d’usage.

Alvim est d’une rondeur majestueuse et d’une imagination sensible (il ratisse avec expressivité tout le manche de sa contrebasse) quasi uniques.
« Notre » Dédé national est tel qu’il est, notre Gadd à nous (m… j’ai encore fait une référence…), ce batteur que nous tous admirons, à la technique au service du plus grand des feelings, qui sait tout faire, tout jouer et qui est symbole d’excellence dès que son nom apparait.
Et puis il y a Olivier Hutman, certainement l’un des pianistes français pour lequel j’ai la plus grande admiration (souvenez-vous « Chute libre avec les frangins Cinelu).
Ecoutez simplement son solo ici qui entre en plein jus dans le jeu pour s’effacer doucement et faire revenir Alvim et le thème – un sens de la formule indispensable.
Quant à Eric Lelann, il suffira de suivre le tracé voluptueux de sa trompette (son bugle ?) – sur ce thème de Peranunzi – pour savoir que, si jeune, il est déjà dans la cour des grands.

Il avait bien fait de poser en costard, la classe ici, c’est à tous les étages de ce jazz frenchy (frenchic).

10/ CARLA BLEY : « Sing me Softly of the Blues » - Album « Dinner Music » | WATT 1977.
Cornell Dupree, guitar – Gordon Edwards, bass – Steve Gadd, drums – Richard Tee, piano – Bob Stewart, tuba – Carlos Ward, alto saxophone – Michael Mantler, trumpet – Roswell Rudd, trombone – Carla Bley, organ.
 
Carla semble donner, depuis la table où ils dinent, les consignes à Richard, genre sois vraiment « d’église », comme « dans » un vieux blues/gospel.
Il attaque, prend le temps…
Elle se lève et va rejoindre son orgue et Richard s’empoigne alors de son pattern funky-church habituel qu’il maitrise tant.
Ca le démangeait de faire ainsi.

Allez, les cuivres viennent habiter l’espace en mode collectif, simple, hurlants de joie, de fête, comme au bon vieux temps, celui d’antan, celui où dès que ces rythmes de feu entraient dans la danse on partait en transe.
Gadd (encore lui) a amené avec lui ses potes du gang et de Stuff et tout le monde s’en donne à cœur joie.
Roswell cuivre comme s’il défilait dans la rue, Carla est partie faire festoyer son orgue en le faisant, toutes tirettes devant, rugir de plaisir, Michael n’est vraiment pas sage et il en fout de partout, Bob s’enfonce, Carlos fait couiner son sax…
Ils sont poussés au c… par Cornell, Richard, Gordon et Steve, fédérateurs comme jamais.

Une presque exception festive dans la monumentale production de Carla, presque le moment de détente et en tout cas, comme une réunion de famille (mais… c’était bien là l’idée de l’album, non ?).

11/ THE DUTCH SWING COLLEGE BAND : « Jazz me Blues » -  Album « Fine and Dandy ».

Trop peu d’indications sur ce titre et cet album, certainement une compilation live de ce grand groupe de Dixieland.

Dès que ce nom à rallonge est prononcé je reviens immédiatement à cette K7 que m’avait passé Musse, le trompettiste du groupe de Dixieland qui m’avait embauché en me glissant : « t’écoutes ça, tu t’en imprègnes et tu sauras comment jouer ce jazz ».
Je l’ai fait…
J’ai laissé ma batterie de jazz-rock à la maison, suis arrivé avec un ce que je croyais un minimum, le jour de la première répétition. Et ce minimum s’est encore réduit à une expression des plus simples qui obligeait à être essentiel, à tenir le cap et éviter les détours techniques bien trop inutiles dans un tel contexte.

Là, il s’agit de fête, de partage, de danse, quelque part, d’énergie apparemment rudimentaire (mais purée que c’est difficile à jouer et tenir…) et surtout, surtout … de swing.
Alors tout – comme ici en ce live – fonctionne comme une horloge suisse, enfin … hollandaise.
Et on se dit que le jazz, c’est aussi cela.
Oui, cela… et il ne faut surtout pas l’oublier, car on en perdrait une part d’essentiel.

12/ THE GREAT JAZZ TRIO : « Misty » - Album « Standard Collection Volume 2 » | Limetree 2008.
Hank Jones, piano – Mads vinding, bass – Billy Hart, drums.

Les trios multiples de Hank Jones sont des symboles représentatifs de ce que ce type de formation se doit de savoir être et faire.
Nombre de contrebassistes et batteurs ont accompagné le pianiste, toujours mélodique et sobre, romantique quelque part et il est difficile parmi sa discographie dédiée à cette musique plutôt chambriste de faire un véritable choix.
C’est selon. Et il ne faut pas choisir là exclusivement les partenaires stars tels Al Foster, Tony Williams ou encore Ron Carter, mais simplement se dire que, de toute façon, le bon vieux papy sait mener, depuis son piano, les jeunots les plus fébriles comme les vieux de la vieille tels que lui, non à la baguette mais au feeling.

« Misty » est l’un des standards les plus joués du répertoire.
Et je sais que même si j’adore le jouer, il fait peur, car il est dans toutes les oreilles d’un amateur de jazz par la version d’Erroll avec son jeu limpide en octaves, si difficile à surmonter.
Mais comme à chaque fois, le bon vieux Hank sait sortir de l’ornière et avec un jeu très oldies où le piano est comme intégralement seul et se suffirait à lui-même il déplace le titre et son thème magique vers une autre quiétude, vers cette douceur amoureuse de la note qui chante, ce même quand ses doigts s’engagent vers des traits limpides.
Basse et Batterie sont là, certes, mais c’est Hank qui retient toute notre attention, jusqu’à l’entrée en thème de Mads, aérienne.

La cerise du gâteau de cette face.
Une sorte de point d’arrêt avec un petit cliché final, sur image.

13/ COUNT BASIE : « Midnight Freight » - Album « The Basie Big Band » | Pablo 1975.
Count Basie, piano – Freddie Green, guitar – John Duke, bass – Butch Miles, drums – Bobby Mitchell, Dave Stahl, Frank Szabo, Pete Minger, Sonny Cohn, trumpets – Al Grey, Bill Hughes, Curtis Fuller, Mel Wanzo, trombones – Bobby Plater, Charlie Folwkes, Danny Turner, Eric Dixon, Jimmy Forest, saxophones.
Arranger : Sammy Nestico.

Dans les années 70, le Count est toujours là et avec son fidèle arrangeur Sammy Nestico il signe de beaux et puissants albums chez Pablo, label qui est devenu quelque part, sa maison.
Des albums en petite formation, ou comme celui-ci, en grande formation où il rénove sa résidence principale nommée « Big Band » avec, par exemple ce pur blues où les cuivres jouent le jeu des sourdines et où les flûtes vont prendre place.
Le tempo m’épate à chaque fois par sa (re)tenue.
Le jeu d’écriture en gros contrastes est tout simplement magistral.
Count est un grand économe du blues et distille comme toujours ce qu’il faut, là où il faut.

Cette formation dépasse l’idée de perfection, tant cette tension au fond du temps insuffle un feeling débordant d’expression, bavant de blues, s’épanchant d’insoutenables et vivants-vibrants solos.
Butch Miles mène de breaks en figures ce monde magnifique vers l’envie, le paroxysme qui sort, au moment voulu, de la retenue.
Solo de trombone à mettre en haut des favoris.

On croyait le Count dépassé ? Non cette preuve seventies est bel et bien vivante.
On ne tire pas sur le pianiste…

14/ TONY BENNETT : « I Won’t Dance » - Album « The Silver Lining » | Columbia 2015.
Tony Bennett, vocals – Bill Charlap, piano – Peter Washington, bass – Kenny Washington, drums.

Bon, vous le savez, dès que j’entends Tony Bennett c’est tout un pan de sentimentalisme, d’émotions immédiates, de pure sensiblerie qui m’envahissent.
C’est ainsi depuis que je l’ai vu en concert et ça ne pourra changer.
Ici il est, qui plus est, entouré du trio de Bill Charlap auquel j’ai d’ailleurs consacré un article, un pianiste qui revendique le jazz newyorkais, comme patrimoine, sans pour autant prendre le chou, juste en le positionnant « classique ».

« I Won’t Dance » est ici traité en valse, ce qui semble logique au regard du thème de la chanson et pourtant on le joue généralement à 4 temps.
Mais Tony est un habitué – une ligne que suit d’ailleurs l’une de ses émules, Diana Krall – du détournement de sujet, qu’il soit de forme, de rythme, de tempo, de style même.
Tony connait ses standards par cœur et il sait en jouer pour les renouveler à l’infini.
Son album avec Bill Evans en atteste, s’il en faut un pour exemple.

Du coup, ce titre prend une tout autre tournure, la légèreté du texte devient réelle, le sentiment réel de danse s’impose instantanément.
C’est en un instant, aérien.
Et Tony surfe, agile, avec le swing, le charme et le talent qui sont sa nature.

15- PHIL WOODS : « Night and Day » - Album « Ornithology » | Philology 1994.
Phil Woods, alto saxophone – Franco D’Andrea, piano – Attilio Zanchi, bass – Gianni Cazzola, drums.

« Night and Day » est l’un des premiers standards que j’ai joué en piano bar.
Je l’ai écouté sous toutes ses formes, par tant et tant d’artistes qu’il m’est impossible non seulement de me souvenir de certains, mais également de faire des choix.

« Night and Day » est un thème et une matière à improviser qui fait partie de mon ADN pianistique jazz, mais aussi vocal, car depuis de nombreuses années je le chante, aussi.
Curieusement je ne peux m’en lasser et à chaque fois j’ai un immense plaisir à jouer cette forme en AABA avec ce B superbe qui permet d’ouvrir le champ des possibles en étalant les accords.
La version qui m’avait mis les doigts à l’étrier du piano était celle de Al Cohn, puis l’obligatoire Sinatra s’est invité et a pris sa place prépondérante.
En bossa, latin jazz, comme ici, en pur swing, en semi balade, je m’en fiche, « Night and Day » fait toujours son effet.

Je l’avais appris avec une série d’autres titres, en urgence, lorsque le patron d’un hôtel, il y a si longtemps et du plus loin que je me souvienne… alors que je m’étais installé au piano de la salle de piano bar, étant invité pour une fois pour autre chose que de la musique, m’a demandé si je voulais le « poste » de pianiste piano bar du lieu…
Mon répertoire à cette époque et mon jeu improvisateur étaient très, très limités, mais comme j’aimais les challenges, j’ai accepté.
Seulement il me fallait 3 h de répertoire pour… le samedi suivant.
La semaine fut donc pianistique, le choix du répertoire fut puisé dans un real book Berkley que je m’étais offert à prix d’or (à cette époque piano bar rimait avec jazz) et « Night and Day » fut mon premier choix parmi les « Summertime », « All of Me » et autres « Misty », « Satin Doll »…

Phil Woods, qui ne jure qu’avec et par Bird engage l’affaire, il est en Europe et a certainement tourné avec le trio de cet excellent pianiste italien qu’est Franco D’Andrea et comme la tournée a dû lui plaire, ils ont décidé d’enregistrer leur partenariat.
Je vois la chose ainsi, car ça sent le truc fait en urgence, pour le fun.
Tu loues le studio et hop ! c’est dans la boite.
Et magistralement, mais avec ce maestro de l’alto qu’est Phil, on n’en doutait pas une seconde et franchement il exprime ce thème qu’on qualifie maintenant de saucisson avec une rare densité (et le solo ! ainsi que celui de Franco… !).

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Bon, la face B est terminée et avec ce titre je reste sur cette mélodie entêtante, signé Cole Porter, ce compositeur qui a le don d’installer en vous la mémoire mélodique tant que la qualité de la forme et du chemin harmonique.

Commencez à acheter des K7 vierges (il parait que ce format réapparait et revient comme une mode, décidément, j’aurais pas fini d’être surpris…), y’en aura d’autres de ces playlist.

et … bon week end.






Commentaires

  1. Cette fois ci je ne connaissais que le Miles.
    Un peu plus de mal car plus de bop où de sonorité plus inhabituelles pour moi.
    J'ai bien aimé Phil Woods, Esther phillips, Kenny Burrell.
    Surpris par ce sympathique Oscar Peterson.
    J'ai un peu de mal avec l'emphase des crooners jazz..
    Hank Jones est un de mes bons souvenirs du festival de Jazz de Nice, en 77 ? Je me souviens d'un petit boeuf avec Slam Stewart ... j'avais acheté à l'époque un album de chacun, faut que je ressorte les viynles qui sommeillent depuis longtemps...

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    1. re,
      Ce Miles, faut reconnaitre...
      Chez O.Peterson quand il sort des sentiers battus on a tj de très bonnes surprises.
      Hank Jones c'est l'art du trio dans sa splendeur et on peut puiser dans tous ses albums sans être jamais déçu.
      Pour Phil Woods, c'est selon, lui ne sort pourtant jamais du phrasé du bop, c'est sa came.
      Tu parles de Slam Stewart, je vais faire comme toi, y retourner car ça fait des années que je ne l'ai écouté.
      Kenny Burrell est un guitariste que je commence seulement à mettre régulièrement - jusqu'alors je le rencontrais dans les albums plus que n'y prêtait vraiment toute attention.
      Esther Phillips c'est un peu l'exception de cette liste... mais quand le groove-funk de ce niveau s'invite difficile de résister.
      Merci

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