ARMIDE - LULLY

ARMIDE - LULLY


Je vais farfouiller sur le blog de Dev’.
Tiens donc, Atys de Lully.
Ca tombe bien, j’ai grand besoin d’écoutes classiques en ces temps, j’y replonge et ressort de mes CD « Armide », un autre opéra du grand maitre.

On va en parler.

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« ARMIDE » - Jean Baptiste Lully – Les Talents Lyriques, Christophe Rousset / Aparte 2015.

L’envie de réécouter Lully sous l’angle de cet opéra, pas forcément des plus connus, mais qui – comme l’ensemble des œuvres du compositeur – fait immédiatement faire le « saut » dans le temps.
Un vecteur fascinant que le réel pouvoir, aux sens multiples, de la musique de Lully.

Antoine/Dev’ s’est amouraché de l’œuvre « Atys » sous la baguette méticuleuse de William Christie et il tente l’incitation au voyage. Pour ma part, il m’a réincité à reprendre tant Lully que Purcell, mais également Debussy que je n’oublie pas malgré Ravel.

Encore une fois des commentaires dignes d’un réel manque de discernement comme le fait d’être insupporté par l’opéra en français – chanté en français – remarque totalement infondée si l’on s’en réfère simplement à l’histoire, ce, qui plus est afin d’espérer une version en … italien.
La langue italienne a inondé le spectre de l’opéra pendant des siècles et c’est Mozart, très critiqué pour l’avoir fait qui a « osé » avec la Flute, faire chanter en langue allemande.
Je pourrais aussi dans le domaine religieux où le latin a prédominé, citer un certain Requiem Allemand de Brahms.
A l’heure où l’on brandit politiquement l’idée d’identité nationale, même sous couvert de fortes critiques négativiste à cette encontre, je ne peux que faire un certain parallèle.
Une reprise (ou carrément une prise) par les compositeurs de leurs fondamentaux identitaires et populaire, nationaux sans pour autant brandir un nationalisme exacerbé.
Il est important de ne pas tout mélanger.

Lully.
Compositeur italien, ça fait réfléchir, entièrement dévoué à la grandeur de son Roi, l’incontournable de notre histoire, Louis XIV, passionné de culture, de danse, de musique et auréolé de pouvoir absolu.
Un Roi qui était plus que tout désireux de mettre la France en lumière, lui en étant le soleil – bref, je ne vais pas vous refaire l’histoire, mais certains feraient bien de reprendre ne serait-ce que leurs livres d’histoire de primaire, ça leur ferait du bien pour une remise à niveau – et, tiens donc, le compositeur de ce Roi, tout aussi absolutiste que lui côté pouvoir sur la musique de son temps, chose curieuse, tout italien qu’il est, écrit des opéras en… langue française.
Et des œuvres liturgiques en latin…

Bon, au-delà de l’éternelle connerie des ignares qui s’octroie la parole pour ne rien dire d’autre que justement des conneries et qui feraient bien mieux de rester sur leurs capacités, que je ne remets nullement en cause, à parler de ce qu’ils connaissent (là encore il n’est pas question pour moi d’aller sur leur terrain de jeu qui n’est pas de mon ressort, il faut savoir où l’on se situe), penchons nous un peu sur cet opéra : « Armide ».

Et sur cette version, en particulier, enregistrée en public avec un réalisme et une qualité de jeu, d’interprétation et de prise de son fabuleux.

Armide est une tragédie.
Ce genre théâtral qui puisait souvent dans l’histoire antique ou le quasi biblique.
C’est la dernière que composa Lully sur un livret de Philippe Quinault en 1686.
Lully mourra l’année suivante de la gangrène, Quinault se tournera définitivement vers le théâtre.

Et pour corroborer mes propos précédent, il est intéressant de savoir qu’en pleine querelle des bouffons (avec au centre la « servante maitresse-serva padrona » de Pergolèse), entre les défenseurs du gout italien (Rousseau) et les représentants, dont Lully, de l’esthétique à la française cette œuvre va s’imposer comme un modèle du genre « français ».

Son récitatif « enfin il est en ma puissance » sera considéré au XVIIIe siècle comme l’une des plus grandes pages de la musique française et ce sera Gluck qui s’inspirera de ces modalités d’écriture, là encore, sous volonté identitaire, pour remettre ce gout français à l’honneur royal sous Marie Antoinette.
Encore mieux, l’opéra s’ouvre sur une ouverture typiquement « à la française » (décidément), un schéma tripartite qui servait à introduire les tragédies et qui a été initié par … Lully.
Cette forme sera d’ailleurs au centre de la querelle des Lullystes et des Ramistes, opposant les anciens et les modernes à l’académie royale de musique. Les partisans de Lully accusant le moderne Rameau d’être trop … italien.
Finalement l’histoire n’est qu’une éternelle répétition sur le socle d’une évolution sociale, politique et culturelle.

Je vois rouge et je me marre.

Tragédie…
Déclamation…
En fait le terme exact est : tragédie lyrique ».

« Armide » n’échappe pas à cette mode ou plutôt à ce mode de jeu théâtral exacerbé, ampoulé, exagéré, dramatisé et surchargé baroque (un euphémisme). Il faut donc prendre cela en compte et c’est justement l’interprétation par cette école baroque qui a pu rendre réellement cette musique théâtrale avec le réalisme qu’elle était sensée présenter en son temps et qui faisait se pâmer le public et la noblesse poudrée.
Musique théâtrale – Théâtre musical, on pourra prendre cela dans le sens que l’on veut, toujours est-il que sous cet éclairage l’œuvre prend sa seule dimension et peut être comprise comme telle. Le chant romantique, le chant mélodique, le chant lyrique tel que peu après il sera symbole n’a pas la même place ici et pourtant les airs et récits sont là, mais leur déclamation tragique est « théâtre » et la langue française, si elle est déclamée telle, et articulée telle, et surtout pas remplacée par la langue italienne, inappropriée en ce cas, prend toute sa seule et exclusive valeur.

Il faut donc aborder – ou tenter de le faire – les œuvres tragiques de Lully, sous cet angle et avec ce prérequis, sinon, on passe à côté de l’essentiel.
Après, que l’on aime ou pas, c’est autre chose et si, bien entendu l’on ne se crée pas des prédispositions à entrer dans ces univers faits de légendes, de mythes, d’affaires politico déifiées, de mythologies et de sentiments exacerbés, exagérés, emphatiques afin de toucher directement sans pour autant entrer en profondeur dans les âmes … on passe totalement « à côté ».

Armide, la magicienne est amoureuse de Renaud. Tout cela se passe en Jérusalem et s’ouvre par un prologue comparatif, allégorique où le Roi Louis est vanté pour la douceur de ses lois et ses glorieux exploits …
Vanter le Roi, la personne et ses actes était obligatoire, une piqure de rappel et à l’heure des courbettes, une obligation…
Puis le drame va pouvoir prendre sa place, avec ses méandres, ses changements de lieux et de décors (palais, champs, désert …), ses affres amoureux où se multiplient les sentiments suscitant les actes, ses personnages divers et souvent symboliques (les dieux sont remplacés par des magiciens), ses chœurs représentatifs…
Tout cela ponctué d’intermèdes orchestraux qui font respirer tant qu’avancer la pièce.

« Armide » est l’une des dernières œuvres du compositeur et tout son savoir est là, quelque part synthétisé en ces pages ultimes d’une époque lointaine qui pourtant reste avec la révolution française ou encore Napoléon, emblématique de notre histoire.
Avec cette œuvre c’est également une page de l’histoire de la musique, sous influence française revendiquée, qui se tourne.
Il aura fallu un règne et un compositeur autocrate lui dédiant sa musique, afin d’auréoler son pouvoir, pour installer forme, écriture, langue française, musique française et représentativité française en rayonnement universel, puis à sa mort (à leur mort), une page se tournera et d’autres volontés créatrices moins unilatérales, là encore en phase avec l’évolution politique et sociale, prendront place.

Cette musique ne sera pas pour autant oubliée et Gluck, par exemple, en sera plus tard la continuité, reprenant les mêmes directions avec son « Armide » au livret à l’identique. Gluck se mettra lui aussi au cœur d’une nouvelle querelle esthétique entre Piccinistes et … Gluckistes.
Gluck, viennois qui vint à la cour de Marie Antoinette et qui francisera l’opéra italien…

Ah, l’histoire, mais quelle histoire !

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Commentaires

  1. Un "pauvre" commentaire, car l'idée m'est venu, quand les circonstances d'écoutes s'y prêteront, d'écouter les deux opéras Lully & Gluck. Et revenir échanger sur mes impressions. Même si il sera plus utile d'avoir un retour de musicien pour souligner les évolutions, les influences et même les différentes compréhensions du même texte. J'ai cru comprendre que deux opéras sur le même livret est une situation unique. À suivre donc

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    1. Effectivement, l'idée de comparatif est excellente d'autant que la vision de Gluck commanditée par la Reine pour remettre le français dans l'opéra est vraiment captivante sous cet angle chargé d'histoire.
      à toi de jouer...
      deux opéras en un, belle aventure.

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