PIANO … pianissimo … (2024 - Chapter two)
PIANO … pianissimo … (2024 - Chapter two)
Du piano … à jamais du piano … évidemment du piano.
En grande formes et postures.
Avec bien des surprises…
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JADEN EVANS – « Evans on Evans » - Shamus Records 2024
with Vincente Archer (contrebasse) & Marcus Gilmore (batterie).
Tout juste 16 ans, petit-fils de l’immense Bill Evans, voici Jaden, graine de
pianiste de jazz qui part en première aventure reconquérir la musique de son
grand père.
Faut-il s’attendre à ?...
Enfin, j’entends par là passer l’album au crible en s’interrogeant sur les
éventuelles comparaisons.
Comme toujours, ce petit jeu n’apportera pas grand-chose et il va falloir
arriver à se détacher de la familiarité toujours innovante de l’illustre
défricheur modal du jazz pour prendre réellement en compte ce que propose son petit-fils.
Des réminiscences évidentes sont là et un album intitulé « Evans to
Evans » - qui en plus reprends les
titres emblématiques de son répertoire - se doit d’accrocher l’univers du
célèbre Bill Evans.
Mais comme Bill Evans est une énorme zone d’influence d’un immense pan du jazz
pianistique et pas que, le jeu des mimétismes et comparaisons pourrait tout
aussi bien se faire au gré de nombre d’autres pianistes voulant rendre hommage,
symboliser, reprendre, prouver leur influence et leur passion de… Bill.
Si je dis tout cela c’est pour souligner que si l’on met cet album avec la
simple mégarde d’oublier le nom qui y est accolé on prendra forcément cette
musique telle qu’elle est et cet album de pur trio fonctionnera comme beaucoup
d’autres de la même facture, avec ces codes de jeu effectivement familiers, ces
couleurs harmoniques subtiles et modales, ces jeux de « quartes », cette
limpidité installée dans un certain classicisme, cette non agressivité musicale
qui fait que tout coule d’un sentimentalisme retenu et presque pudique, sans
heurts, sans cris … une révolution silencieuse ou pacifiste.
C’est pour se dire que le petit fils, à 16 ans a bien évidemment baigné dans
l’aura indispensable, l’ADN musical et pianistique de son aîné, mais que, pour
son âge il tient déjà le pavé à une sacrée hauteur et que là encore, sans
information déviante ou influençante, on est face à un jeu auquel il n’apparait
même pas vraiment l’idée de juvénilité tant il est installé de façon normale
rapport à tant d’autres productions identiques.
Jaden n’a donc ni l’excuse de l’âge ni le poids de son grand père comme
handicaps d’aprioris.
Il propose là, ce qui justement surprend au regard de ces deux faits pesant
forcément dans sa musette, un bien bel album de ce jazz tel qu’on a envie de
l’écouter et de l’apprécier en ces temps de nuisances sonores en tous genres.
Son jeu est aérien, égal et sans éclats de voix digitales.
Il chante, laisse l’espace prendre entre les phrases et former de délicieuses
respirations.
Il a déjà compris que la démonstration et la vélocité si elles ne sont au
service de la musique ne sont qu’apparat et il ne tombe en aucun cas dans ce
piège pourtant si attractif quand la jeunesse est susceptible de ses erreurs.
Il est accompagné par deux partenaires d’une rare écoute qui l’entourent de
leur expérience et contribuent à la vérité de ce projet.
Jaden aurait pu choisir un chemin déviant, une esthétique et même un instrument
autre…
Mais non, il s’est mis au piano et de surcroit pour sa première sortie de
l’ombre familiale le voilà qui place en priorité le patrimoine de son grand
père.
C’est osé, finalement risqué et ambitieux, c’était loin d’être la facilité et
c’est d’autant plus admirable et louable face à la critique qui saura soit
l’encenser, soit le descendre mais certainement plus rarement l’appréhender
comme tel ; qu’il présente sa lecture de Bill où, comme dans
« Five » qu’il s’émancipe allègrement vers Monk.
Un Monk qui serait sous influence des doigts evansiens …
Il va falloir le suivre celui-là… et très vite il va prendre sa place avec son
nom sur cette scène jazz qui se renouvelle et veut sans cesse inventer.
Lui poursuit et reprend déjà en toute honnêteté, le chemin et la voie ouverte
par Bill… et d’autres.
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ENRICO PIERANUNZI - « Fauréver » - Bonsaï Music 2024
Avec notre Dédé national et Diego Imbert à la contrebasse, Enrico Pieranunzi
part explorer Gabriel Fauré.
Le jazz aime de plus en plus croiser, rencontrer, dévier le répertoire
classique.
Le jeu de mots du projet est intéressant à suivre, entre rêver, for ever, de
quoi s’orienter différemment.
Certes, mais sur le piano qu’en est-il vraiment ?
Personnellement j’aime avec certitude Fauré, mais là, je me retrouve face à un
point de calcul de sa musique qui n’arrive guère à m’émouvoir.
Est-ce parce que la musique du grand compositeur suppose une meilleure
connaissance de l’auditeur que je suis supposé être ?
Est-ce parce que je cherche Fauré au gré des plages ?
Peut-être finalement faudrait-il oublier simplement Fauré pour – comme au gré
de cette vision latinisée de « Dolly » - prendre juste ce que l’album
nous offre, sans chercher le moindre rapport.
Seulement voilà, cela ne semble être le but affirmé d’Enrico Pieranunzi
volontairement ancré dans le langage fauréen (un génie qui a su inventer une
cadence musicale, ne l’oublions pas) d’où mon scepticisme.
Incartade vocale de Simona Severini … je reste à nouveau dubitatif (et le
resterais tout au long de ses interventions vocales de l’album) … le
compositeur de somptueuses mélodies que fut Fauré semble s’être effacé sous
cette rythmique qui ne sait éviter la lourdeur et la surcharge dans
« j’aime tes yeux », comme si d’une musique effectivement capable de faire
rêver l’on se retrouvait en traits insistants pour appuyer un sujet qui, en lui
seul pourrait se suffire.
Et je retrouve ce même sentiment avec une
variation autour de la célèbre sicilienne, du caprice jazzifié(e)s
intensément à la clarinette.
Ce sentiment de densité, d’insistance du trait, de carrure exagérée du propos,
de lourdeur qui est certes un choix et que je ne peux donc qualifier
d’inapproprié.
Un axe où m’apparait la volonté indispensable de faire entrer et quelque part
« coller » à tout prix un jeu jazz empreint d’usages conformes et
traditionnels dans la musique de Fauré.
Mais…
Je le redis…
Après tout… à chacun sa vision des choses et de sa lecture d’un compositeur,
surtout ici, avec Gabriel Fauré.
Cela ne voudra certainement pas réellement dire que je n’ai pas aimé ni
apprécié cet album.
Face à l’affichage à double sens d’un titre permettant d’imaginer une
quelconque direction esthétique et artistique, chacun est en capacité et
« feeling » de se faire idée de la représentation musicale évoquée.
Dévier Fauré ainsi est certainement l’idée de prendre un matériau et de
l’emmener dans une direction la plus personnelle possible.
Enrico Pieranunzi a fait un choix artistique délibéré.
A partir de là, à chacun d’appréhender l’approche de chaque morceau tel qu’il
le ressent et d’adhérer – ou pas.
Personnellement si l’on veut défendre un engagement artistique je préfère comme
ici, être face à une ambiguïté personnelle, une division d’approche, une forme
d’incertitude plutôt qu’une adhésion aveugle de par un nom, une certitude
surfaite et un propos œuvrant en ce sens indicible.
Alors cet album me fera obligatoirement son chemin jusqu’à son approbation,
qui, si elle devient totale sera le fruit d’une volonté de dépasser une
sensation générale qu’il faudra effacer ou qui restera de toute façon de pur et
simple respect envers l’artiste et une vision qui se doit d’être respectée
comme telle et non comme l’on aurait imaginé qu’elle soit.
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AARON PARKS – « Little Big III » - Blue Note 2024
Aaron Parks est une figure bien connue d’une esthétique estampillée jazz
moderne/contemporain.
« Little Big III » est le troisième volume de sa série « Little Big »,
qu’il a commencé en 2018 et continué en 2020. C’est aussi le retour chez Blue
Note, après un passage chez E.C.M, de ce pianiste célébré, étudié, adulé -
mondialement.
Il est ici entouré d’une rythmique s’inscrivant à la perfection dans la musique
proposée : Greg Tuohey (à découvrir absolument – « Willamina ») est
aux guitares, David Ginyard Jr (au jeu d’une infinie rondeur) est à la basse et
Jongkuk Kim (qui maitrise tout le jeu déstructuré actuel avec un naturel qui épate
– « The Machines Say No ») officie à la batterie.
Le répertoire de ses compositions creuse le sillon d’influences multiples où se
croisent le rock, la pop indie, le jazz contemporain.
Son jeu est d’un rare modernisme, d’une empreinte personnelle dans les traits
de ses improvisations qu’il faut souligner car sortant réellement du lot de nos
habitudes d’écoutes jazz et assimilées.
Tout cela sans heurts, car s’inscrivant de façon logique dans la texture de ses
compositions.
Il en est donc de même pour ses compositions et pour les organisations /
arrangements de celles-ci car tout cela se fait par une entrée musicale d’un
abord qui n’est en rien déconcertant ou volontairement abrasif.
Ici quand soliste il y a, son intervention et la teneur de son solo sont
totalement justifiés par la composition de laquelle ils émergent, sans prise de
parole de mise en valeur semblant reflet d’ego, mais participant et s’intégrant
au « texte » proposé.
En cela l’album est également véritablement remarquable – il est d’ailleurs
mixé / produit en ce sens et apparait comme tel.
Et l’on sait qu’associer avec autant d’équilibre musical et de textures piano
et guitare revêt une écoute et une organisation très spécifiques.
L’album coule avec une limpidité bienséante, jonchée de surprises, de
curiosités de chaque instant qui agissent comme une visite où l’on s’arrête, s’interroge,
admire, observe et on se laisse prendre par les mains pianistiques et
créatrices de l’artiste et de son propos.
Il va me falloir partir explorer d’avantage cet artiste révélé par Terence Blanchard
et dont la carrière va – c’est l’évidence avec cet album – m’apporter bien des
surprises.
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POLINA OSETINSKAYA « Simple Music » - Evidence Classics 2024
Polina Osetinskaya est une pianiste russe, elle parle d’un monde qui a basculé
et elle est profondément empreinte d’une infinie tristesse depuis que son pays
est parti en guerre.
Elle a d’ailleurs soutenu ouvertement l’Ukraine.
Cet album exprime tout cela, au travers de compositeurs contemporains. Ici
Silvestrov, Pärt et en particulier Kanchely qu’elle a connu à Saint Pétersbourg,
dans les années 1990 et qui lui a même dit qu’elle jouait sa musique « comme
si elle l’avait écrite ».
Sa relation avec le compositeur fut telle qu’il lui offrit la partition de « Simple
Music » accompagnée de dessins de Rezo Gabriadze et d’un message à son
attention.
En Octobre 2019 suite au décès de Giya Kanchely et en présence de son ami Valentin
Silvestrov elle a organisé à Kiev un concert en hommage au grand compositeur
Elle exprime que, juste après … le monde s’est écroulé.
Ce programme « Simple Music » a été mis en place en 2022 afin de
montrer que malgré tout, la musique aidait à survivre.
Polina Osetinskaya y exprime une forme d’espoir, une admiration pour la nature géorgienne,
estonienne, elle y exprime Kiev, Tallinn et tant de souvenirs ou de visions qui
lui restent chèr(e)s.
Il faut nécessairement entrer dans cet album avec et par la conscience qui s’exprime
ici au travers d’une artiste engagée, tiraillée, réfugiée dans la musique comme
espace de paix face à cette folie qui nous envahit au quotidien et face à
laquelle nous semblons démunis et impuissants.
Ces pièces pianistique - forcément exprimées avec une densité rare – semblent alors
surgir d’un espace mental et spirituel abstrait, parallèle, indirect et
agissent comme un refuge nécessaire à l’artiste bloquée dans ce monde trop
réel, impossible pour ses valeurs humanistes, criant une vérité qu’elle ne veut
ni ne peut entendre.
Polina Osetinskaya est également engagée sur d’autres fronts, comme le centre de
la santé des musiciens professionnels qu’elle
a créé afin d’aider les musiciens à gérer leur quotidien, ou le fond oxygène
qui aide les patients atteint de mucoviscidose.
Une artiste qu’il convient de découvrir plus conséquemment.
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STEFAN STROISSNIG – « Luis Saglie – Piano Sonatas N°1 & 3 » - Da
Vinci Classics 2024
Aucun recul possible pour ces trois sonates, pour ce compositeur d’expression
contemporaine, chef d’orchestre, pianiste, orchestrateur et pédagogue
universitaire qu’est Luis Saglie.
Dans le milieu de la musique contemporaine il semble faire une unanimité
indéniable.
Peu d’informations cependant… alors et c’est mieux ainsi, qu’en est -il de sa
musique ?
L’entrée pleine et ample dans sa première sonate « Mosaïques after
Neruda » place immédiatement l’écriture à un haut degré de pensée, de
« geste musical ».
Contemporain ne veut plus dire dissonant, complexe, expérimental et/ou tordu…
ces niveaux d’incompréhension volontaires, bouléziens, afin de situer encore
plus opaque le degré dit savant et hautement conceptuel de la musique n’ont heureusement
plus court.
Il y a tant de musiques aujourd’hui et d’un accès tellement immédiat, libre et
simple que s’enfermer dans des tours d’ivoire intellectuelles et taciturnes
afin de se croire au-dessus de la « lie musicale populaire » n’est
vraiment plus une attitude artistique et « philosophique » crédible.
Des compositeurs comme Luis Saglie peuvent, tout en ne dérogeant pas à
l’éthique de (des) école(s), des influences, des études et de la culture dont
ils savent être lignée, mettre la musique à un degré de compréhension et de
lisibilité qui met en face de nous une somme de savoirs, de connaissances et de
patrimoines dans une direction personnelle actuelle et effectivement
contemporaine.
On sait alors que nous sommes face à un langage classique savant mais dont la
prétention de barrière à l’intellect inaccessible est balayée par un texte
musical qui permet un expressionisme bien réel, une interprétation du possible
sensible et sensoriel, une texture à l’approche non déviante mais qui use des
systèmes d’écriture de toutes sortes (tonal, modal, contrepoint, atonalité,
chromatisme, unisson, polytonalité, polyrythmie, etc…) et époques, genres pour
les scinder en des œuvres à la teneur d’une grande intensité persuasive et
éloquente (le premier mouvement de la seconde sonate – « las mil
calles – places reveal themselves in front of me »).
Il fallait, pour convaincre, un interprète précis, limpide, détaillé et
sensible.
Stefan Stroissnig emplit cette fonction avec brio et il est certain que sa
vision des œuvres (chapeautée par le compositeur qui intervient en narrateur
dans la première sonate) sera référente pour celles et ceux qui voudraient
inscrire ce répertoire absolument remarquable à leur programme.
Ces sonates, de forme, d’architecture… et d’une totale contemporanéité mettent
bien sûr le piano au centre de la préoccupation du compositeur, cet instrument
restant essentiel, tempéré et ici sans artefacts de préparations visant à
l’user en objet sonore et le détourner de son axe instantané.
Elles présentent aussi l’écriture contemporaine comme autre certes, inédite –
évidemment, mais surtout d’un abord aisé pour peu que l’auditeur un peu curieux
et envieux de découvrir « autre chose » franchisse le pas de cette
idée d’inabordable quant on parle de musique contemporaine savante, donc mise
dans l’escarcelle du classique.
Je les emmène avec moi en voyage ces sonates … me plonger dans les paysages de
ces myriades d’architectures sonores augmentera mes ressentis évasifs.
Un voyage avec elles qu’il faudra certainement mériter mais qui une fois accepté
et engagé sera de ceux que l’on ne peut ni ne doit oublier.
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C’est la fin de ce second chapitre pianistique.
La suite pour bientôt.
Merci de votre lecture et de suivre ici, la musique sous toutes ses formes.
Jaden Evans... rien que ça. Sera t-il à la hauteur et patati et patata... Je vais aller jeter une oreille, et la seconde également. En plein dans les corrections, j'ai trop le nez dans le guidon. J'en parlerai plus tard avec plaisir, du petit fils de... Yes, une super nouvelle. A bientôt. Eric
RépondreSupprimerSalut Eric,
SupprimerContent de te voir par ici.
Rien de tel qu'un peu de piano pour accompagner ces corrections...
Ah, corriger l'écrit...
Que l'exercice est difficile...
Et pas qu'en texte - je connais bien le principe en composition, pire... en arrangement... car tout le monde n'est par Quincy...
Bon courage et à bientôt pour la sortie de ce livre.