NOËL – HÄNDEL (Haendel).

 NOËL – HÄNDEL (Haendel).


Cette année, au lieu de présenter ou sortir du carton l’un des éternels et vivifiants albums de Noël, où, en général il est de mise de chanter ces tubes que désormais tous fredonnent dans les allées des supermarchés, dans les ruelles des villes qui ont ces marchés de Noël, barbe à papa en mains et vin chaud (pour les grands) à foison, je barre classique.
Répertoire américain, crooner mais pas seulement, tout le monde s’y est mis et s’y met encore.
Maria Carey en profite pour réalimenter son compte bancaire, Frankie est incontournable ainsi que Tony…
Bon, je me suis fait le plaisir du Ray Charles, top !
Mais je barre donc - redite - classique.

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Allez, en ces temps de non paix sur la planète, un peu de spiritualité, ça fera, qui sait, du bien.
J’ai jeté mon dévolu sur cette nouvelle version du célèbre et incontournable « Messie » de Georg Friedrich Händel enregistrée par les chœurs et l’orchestre English Concert sous la direction de John Nelson.
L’English Concert et ses chœurs furent fondés voici 50 ans par Trevor Pinnock et par exemple leurs versions des concertos grosso de Händel est pour moi une référence et a célébré, à mon sens, cette nouvelle direction baroque, cherchant sur instruments d’époque à balayer l’interprétation romantique et ample des compositeurs de cette époque d’antan.
Cet enregistrement a été réalisé en novembre 2022, dans la nouvelle cathédrale de Coventry, sous la direction du chef américain d’origine portoricaine John Nelson, jusqu’alors plébiscité pour être l’un des spécialistes actuels de la musique de Berlioz.
J’aurais un jour l’occasion de tenter me réconcilier par ce chef, avec Berlioz, qui sait, un jour j’arriverais à apprécier ce compositeur – challenge à relever pour ma part.

Cette version du Messie, une œuvre que j’aime écouter régulièrement, dans son intégralité, m’étant arrêté bien souvent sur la version de Minkowski, ample et généreuse tant que très précise, est remarquable et procure une sorte d’état admiratif immédiat.
Elle touche profondément l’âme.

Comme il est courant dans les démarches des « baroqueux », le chef et l’ensemble instrumental ont fait des recherches de textes, de partitions, de versions et se sont plongés dans l’histoire.
Ils ont ainsi fait leur petit « mix » à partir de différentes versions que Händel a laissé, car le grand compositeur n’a cessé toute sa vie de remanier ce « Messie » pour des raisons diverses, des occasions diverses mais également pour des raisons disons « relationnelles ».
C’est Charles Jennens (1700-1773), certainement ami de Händel qui eut l’idée de cet oratorio.
Jennens collectionnait les œuvres de Händel et les faisait mettre au propre par des copistes afin d’avoir un exemplaire éditable, il collectionnait également nombre de partitions du répertoire italien dans lequel Händel puisait régulièrement des idées à leur lecture.
Il collabora également pour des livrets d’oratorios, de façon directe ou indirecte, avec le compositeur.
C’est ainsi qu’il proposa une série de textes issus de la Bible à Händel afin d’imaginer la base d’un oratorio.
Nous sommes en 1739, Händel prend cela en considération mais est très occupé par des représentations, concerts et commandes et Jennens, insistant, lui remémorera le projet en 1741…
Pour ce faire il proposera d’autres textes bibliques afin d’élaborer cet oratorio autour du thème du Messie, l’organisant en trois actes.
1/ Prophétie messianique d’Isaïe 2/ Sacrifice du Messie 3/ Résurrection et rédemption spirituelle de l’humanité.
En aout 1741, le 22,  Händel se lance enfin dans la composition de l’ouvrage avec l’objectif commun entre le librettiste et le compositeur de donner la première à Londres pour la semaine sainte.
Händel écrira la première partie en six jours seulement.
Puis du 06 au 14 septembre il terminera la seconde partie qui comporte le célèbre Hallelujah.
L’une des clés de la rapidité pour ce faire est bien entendu l’incroyable faculté du compositeur ainsi que sa science d’écriture mais également – comme nombre le font et le firent – il remodela certaines de ses œuvres ainsi que des airs de répertoire italien qui lui apparurent appropriés pour figurer dans l’oratorio.
Ainsi, des duos, des airs de ses opéras mais également un chant de noël, populaire encore en Sicile, « Quanno nascette Ninno » qu’il utilisa pour une évocation champêtre et sa sinfonia « Pifa », basée également sur un concerto de noël de Corelli.
Rapide mais cependant soucieux du détail et de représentations orchestrales comme pour l’écriture des trompettes qui servent encore de modèle du genre, en solo comme en ensemble, Händel n’en a pas moins apporté un soin tout particulier à cette œuvre qu’il ne cessa par la suite de remanier, ce qui explique les diverses et nombreuses versions. Pour certaines il changera même la mesure en passant de ternaire 12/8 à binaire 4/4.
Parallèlement il se lance dans un autre oratorio, « Samson » - personnellement il est impressionnant encore aujourd’hui de constater la productivité créative de tels compositeurs, si l’on relie en plus leur vie à l’histoire musicologique.
En effet, il va être non réellement interrompu, mais ses plans vont changer car il est invité à Dublin afin d’y inaugurer Fishamble Street, une nouvelle salle de concert.
Il reste à Dublin plus longtemps que prévu et, à cours de partitions pour le public il va décider, rompant, certainement son contrat moral et tacite avec Jennens, désireux d’offrir la première du Messie à Londres, de donner l’œuvre pour le public irlandais.
Quittant l’Irlande en Aout 1742, Händel de retour à Londres envoie la version présentée à Dublin au librettiste le mettant dans une rage folle et au regard des intentions qu’il estime mal interprétées par le compositeur, il éditera de son côté une version avec ses propres corrections…
C’est ainsi que plusieurs versions – entre celle communément jouée correspondant à cette édition, celles remaniées par Händel par la suite afin de démêler positivement une relation semblant rompue avec Jennens (qui s’adoucira par la suite) et la version originale de Dublin qui est ici la base générale de cet enregistrement – de ce Messie existent.
Celle de la première à Londres en 1743 restant la plus communément jouée.
Il faut ajouter, qu’en fonction des interprètes, des contextes et même de l’orchestre, Händel a également transposé des airs pour des voix inférieures, mais aussi modifié les instrumentations.

L’œuvre d’une vie, très probablement, un peu comme les messes de Bach dont celle en Sim ou les incontournables Passions.

A Noël, il est commun de chanter l’Hallelujah, sorte de tube classique dont on ne manque pas de citer son appartenance au Messie.
Comme souvent, on résumerait très et trop souvent une œuvre gigantesque à un infime extrait.
Ecouter le Messie de Händel est une formidable expérience, un voyage spirituel.
L’on accède à une seconde dimension, porté par une musique intemporelle, éternelle et dont la diversité mélodique est unique.
Souvent interprété de façon pompeuse et massive nombre des détails de la partition se noient dans une surenchère d’énergie et de bonne volonté.
Ici, John Nelson souligne le trait, le caractère. Les solistes sont naturels, ils content et jouent simplement leurs rôles respectifs.
Mais ce qui m’a fasciné ici c’est la qualité et la beauté des chœurs.
Une rare clarté, une réelle plénitude, une précision vocale qui évite l’excès et reste dans l’unité, sans en rajouter, la seule musique suffisant à elle-même.
Et… la prise de son est d’une fabuleuse clarté.

Cette année, mon axe de noël sera, chose éminemment rare, certainement spirituel et comme un oratorio en amènera un autre, Händel en ayant composé nombre, il est grand temps que – grand admirateur du compositeur que je suis – je me penche avec sérieux et âme sur ces ouvrages.

En attendant, tentez l’aventure avec cette version remarquable de John Nelson, l’English Concert et Choir.

(Nombre des informations dans cet articles issues et résumées du livret de l'album).



 


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