HAYDN – MOZART, Symphonies / Neville Marriner, Academy of St Martin in The Fields.

HAYDN – MOZART, Symphonies / Neville Marriner, Academy of St Martin in The Fields.


L’admiration entre eux était réciproque, Haydn était l’ami et le soutien indéfectible de Mozart, Mozart admirait Haydn, lui écrivait et lui confiait ses avancées artistiques, le questionnait…
Haydn a « calibré » la symphonie classique et a pourtant annoté au côtés des n° des titres évocateurs (« militaire », « la surprise », « le matin », « le midi », « le soir », « Oxford », « London », « le philosophe » …).

Plus généralement les symphonies de Mozart sont regroupées par lieux, lieux où il séjournait et où il les a composé.
Mozart a composé 41 symphonies, Haydn 104, classée A et B…
Qu’importe.

Les interprétations de ces œuvres, symphoniques donc, sont innombrables, diverses et variées.
En vision, en expression, en approche de mise en valeur des pupitres, en tempos, parfois, en énergie aussi et bien entendu en effectif, rendant certaines « trop » romantiques, rendant d’autres « trop » baroques… Juste milieu classique certainement à trouver et aujourd’hui on est également en train avec des compositeurs tels que Carl Phillip Emmanuel Bach de réaliser enfin qu’entre baroque et classique il y a eu une phase transitoire importante à prendre en considération.

Walter, Böhm, Karajan, Harnoncourt, Abbado et tant d’autres « grands », y compris bien entendu Bernstein…
Puis arrive Neville Marriner et son Academy of St Martin in The Fields, pas franchement inconnu, mais pas non plus sur le devant de la scène encore bien occupée par allemands, italiens, américains et quelques anglais dont il fait partie.
Des Anglais qui vont, avec le jeu baroque sur instruments anciens (Christopher Hogwood, Trevor Pinnock, Gardiner puis Christie) apporter une fraicheur et faire ainsi découvrir un son, un répertoire en le débarrassant de faux usages et le revigorant par une étude méticuleuse d’un jeu historique, au départ musicologique, cherchant une vérité sonore représentative de l’époque de ces œuvres.
Et l’image « classique » dans tout ça ?
Est-ce sa collaboration avec Forman pour un « Amadeus » qui remit Mozart en compositeur star qui fit de Neville Marriner quelque part le dépositaire d’une vision de l’interprétation mozartienne ? Il y a fort à penser que ce coup de projecteur médiatique a effectivement révélé ce travail, cette intention, ce souci de donner à Mozart une texture plus réaliste, moins ampoulée, qui laisserait parler la musique d’elle-même, juste par son texte installant cette élégance, cette galanterie, ce sentimentalisme suggéré, ce drame exprimé, cet esprit de révolte à deviner, cette indépendance encore presque impossible à imaginer…
Musique/image …
On aura beaucoup critiqué l’image véhiculée par le « Amadeus » de Forman, présentant Mozart comme un rocker d’antan accro à de nombreuses addictions, capable des pires excès, fantaisiste et gamin devant l’éternel et conspué par la profession, jalouse de son indiscutable génie, génie qui avait peine à être apprécié à sa juste valeur, peine à être rétribué pour vivre. Mozart sous le joug paternel, présenté comme un artiste en proie à de nombreux doutes, devient très vite sous les traits présentés par « Amadeus » un être obligatoirement attachant, puéril mais d’une incroyable maturité – bref, l’archétype de l’artiste souvent emprisonné dans la tourmente, celle des autres, mais également la sienne avec ses divergences, questionnements, affres personnelles.
De Haydn nul effet de projecteur médiatique ne s’est éclairé jusqu’à nous.
Sa rébellion musicale envers son mécène et employeur est un des rares faits représentatifs de sa personne. On préfère lui attribuer - du fait de son attachement et quelque part travail à mettre la symphonie en forme, forme qu’il respectera quasi généralement à la lettre – une image assez sévère, entendons là, celle d’un savant de la musique, une sorte de « professeur » qui a cadré les choses, mis de l’ordre dans un lâcher artistique et créatif afin d’installer de nouvelles directions.
Haydn, Josef de son second prénom, a également permis - en nettoyant l’écriture généralement horizontale contrapuntique pour une écriture verticale plus simple, plus lisible, où la mélodie règne, simplement accompagnée par un cheminement harmonique et quelques contre chants - de mettre la musique à la portée de tous, d’une façon auditivement pédagogique.
Une façon qui aujourd’hui régit l’ensemble de la musique dite tonale, pop, donc populaire si l’on veut bien aller jusqu’à nos jours, car, cette approche claire et qui permet quasiment de « deviner » où l’on va, par le biais de rapports harmoniques où la "tension" amène d’emblée vers une évidence auditive est encore largement usuelle aujourd’hui, tous styles confondus.

Mettre Haydn et Mozart côte à côte se révèle une formidable plongée.
Ils semblent avoir une certaine proximité stylistique, même si l’ont peut avec aisance les distinguer.
Pour ce faire je me suis fait le plaisir d’écouter l’intégrale de leurs symphonies par ce chef et son orchestre qui m’apparaissent encore aujourd’hui comme véritablement représentatifs de cet esprit d’interprétation « classique » au même titre que d’autres peuvent être référents d’un axe baroque, romantique ou bien sûr d’école française ou de Vienne, et contemporaine.
L’avantage que propose également Neville Marriner c’est que ces deux compositeurs et en particulier leurs symphonies, on peut les faire défiler en coffrets d’intégrales.
Il suffit alors en ordre ou désordre - préférant, pour ma part, le désordre chronologique afin de ne pas me laisser m’embarquer dans une quelconque idée d’analyse d’évolution de style d’écriture qui ( me connaissant) parasiterait directement le plaisir de cette simple plongée - d’appuyer sur start et de savourer.
Oui, de savourer, de se laisser emporter par cette écriture de l’un comme de l’autre, d’une infinie précision, délicatesse, nuancée, équilibrée, détaillée, concise et jamais, au grand jamais « d’école », mais toujours inspirée, attachante, chantante, prenante et chargée d’agrément.
Jeu de timbres, contrastes émanant du clair-obscur, inflexions rythmiques, dialogues de pupitres, tuttis, caractère, lignes mélodiques caractérisées et jamais noyées, effets syncopés, accents toniques, développements imagés, effet pastoral garanti, drame de soupirants et soupirantes de cours en courtisans et courtisanes, menuets de caractère, appuyés et de circonstances, cors lointains, flûtes diaphanes, cordes somptueuses, bois luxuriants…
Tout cela et bien d’autres choses sentimentales, sensitives, humaines et humanistes transparaissent là, à l’écoute de ces monuments musicaux qui se placent sans rivaliser, sur l’échelle de la perfection faite musique, s’il en était une.
Le liant, l’unité, le lien étant ce chef devenu spécialiste du genre et cet orchestre, cette académie musicale également tributaires de cette texture, de ce « son », de cette (em)prise musicale et sensorielle.

Je passe ma semaine avec Haydn, Mozart, Neville Marriner et son Academy of St Martin in the Fields et ces symphonies incomparables.
Une semaine suffira-t-elle ?


 

Commentaires

  1. Je profite de ce papier pour placer une interrogation: il y a dans le terme "symphonie" une question qui me taraude: via Beethoven et ses "suiveurs" je pensais la symphonie comme forcément une oeuvre monumentale à composer... Comment Mozart ou Haydn ont pu en composer autant en si peu de temps. Parle-t-on de la même chose? Forcément chez moi un problème de définition. Au retour j'imagine que tu nous raconteras cette plongée, qui durerait une semaine??

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    1. Historiquement si la mémoire de mes cours d'histoire de la musique et d'analyse musicale reste encore un peu active, la symphonie apparait après la suite (les suites de Bach, par exemple) qui était une succession plus ou moins organisée de thèmes basés sur des rythmiques de danses.
      La symphonie à priori là encore si mes souvenirs sont bons, était en fait une sorte d'interlude instrumental dénué de cette connotation mais plus destinée à imager (à vérifier...).
      Elle est devenue avec le temps une pièce totale de concert organisée en quatre mouvements dont seul le menuet (à trois temps de forme tripartite) est resté, afin de garder l'approbation de la noblesse restée attachée à cette danse.
      Celui ci va ensuite évoluer vers le scherzo.
      Haydn sera celui qui mettra de l'ordre dans l'écriture de la symphonie en l'encadrant de règles de forme assez rigoureuse pour une musique qui puise son inspiration dans les thèmes de l'époque (élégie de la nature, pensées philosophiques, bestiaire, "sciences"...), le domaine religieux restant à part et les oratorios entrecoupés de sinfonia... sorte d'interludes, d'introductions, etc. selon les besoins de changements, ces pièces instrumentales permettaient des "pauses".
      Avant Haydn, il y a par exemple le fils de Bach, Carl Phillip qui est en quelque sorte la passerelle entre le baroque et le classique savant, qui a écrit de nombreuses symphonies.
      Haydn a "fixé" la forme avec un premier mouvement rapide en forme sonate précédé souvent d'une lente introduction, puis un second, en général lent voir assez lent, le troisième étant le menuet et le dernier rapide parfois de forme rondo (couplet refrain).
      Il fallait cadrer l'inspiration dans ce moule...
      Mais ainsi la musique prédominait et devenait surtout "pédagogiquement" accessible aux auditeurs qui culturellement avaient "baissé" de niveau et ne comprenaient plus du tout les méandres de l'écriture contrapuntique. C'est allé de pair avec l'écriture verticale, à savoir harmonique, qui a simplifié elle aussi l'écoute.
      Puis la symphonie a évolué, en particulier avec les romantiques dont, bien entendu Beethoven et sa 9e avec chœurs. Et de là, elle a été prétexte à construire un "monde" représentatif là encore d'un sujet (Beethoven en pastorale, en Héroïque), usant pour cela de nouvelles techniques telles que l'usage de motifs (déjà pressenti chez Mozart) caractérisant l'œuvre.
      Ce jusqu'à Mahler.
      Mais comme toujours le carcan bridant trop l'inspiration et la société ayant évolué vers plus de liberté, la façon la plus notoire de s'en débarrasser fut de mettre l'argument au cœur de l'écriture ce qui donna le poème symphonique inauguré dit on par Berlioz et sa fantastique qui finalement raconte de façon fantasque sa passion amoureuse, mais respecte à peu de choses prêt... l'ordre des mouvements (la valse - nouvelle danse de la noblesse, à 3 temps, moins marquée et plus souple, remplaçant le menuet).
      S'en suivront Strauss et se Don Quichotte, Zarathoustra, Symphonie Alpestre... et nombre d'autres romantiques comme Mendelssohn avec son Songe d'une nuit d'été...
      Et pour conclure, l'angoisse de la 9e, funeste qui sonnait le glas de fin de vie d'un compositeur...
      L'un des grands maitres souvent oublié de la symphonie est Bruckner.
      Il faut l'écouter par Christian Thielman...

      Retour de plongée Haydn symphonie a été bien plus long, mais entrecoupé car j'ai dû préparer quelques concerts et donc transcrire une toute autre musique.
      Je suis donc passé de Neville Marriner et ait écouté quasi tout ce qu'il a enregistré de symphonies de Haydn, à... Giovanni Antonini qui consacre à Haydn un projet qui se cloturera en 2032, intitulé Haydn 2032 (un site web décrit le projet, captivant) et qui apporte une lecture du compositeur et une prise de son absolument miraculeuses.

      merci d'être venu écouter cela...
      à +

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