SUR LES CONSEILS DE ... Antoine/Dev'
SUR LES CONSEILS DE…
Oui, sur les conseils d’Antoine qui a « rebondi » suite à ma dernière
chronique où j’ai ré-encensé « Blue Moves » d’Elton John.
Le voilà qui m’incite, après que j’ai clairement dit que l’après « Blue
Moves » je l’ai décroché, à essayer deux albums de la légende Elton John
parus en ce siècle appelé XXIe.
Qu’en est-il ?
« SONGS FROM THE WEST COAST » - 2001 / EMI.
Elton, pochette… est installé pensif sur la banquette du restaurant mythique
« Rae’s restaurant », à L.A.
Quelques symboles…
Il mate avec suspicion un pigeon blanc, posé là et qui lui tourne… le cou.
Derrière les stores, une bagnole de flics.
Elton a presque rangé ses extravagantes tenues pour arborer veste noire rayée
de paillettes argentées (le luxe classieux tout de même). Chemise blanche,
cravate noire – parfait combo.
Pour les lunettes il a dû passer chez Optic 2000, au rayon basics et pour la
coupe de tifs (à moins qu’il ne s’agisse d’une perruque), il a aussi opté pour
une certaine sobriété.
Il n’a encore rien commandé…
Mais ça va surement venir, ça s’active en cuisine, c’est Elton, tout de même…
Côté casting, là le beau monde s’est réuni, histoire de redorer le blason et de
fêter dignement le retour de son parolier fétiche Bernie Taupin.
Idem pour le retour en agréable surprise pour ma part du batteur qui fit les
grandes heures du Elton John Band, Mr Nigel Olsson – il partagera les futs et
cymbales avec Matt Chamberlain, Paul Bushnell a la tâche de soutenir tout ça à
la basse.
Il y a comme toujours une attention particulière au rôle divers des
percussions, c’est Jay Bellerose (Robert Plant/Alison Krauss) qui s’en charge.
Paul Buckmaster est – et pour moi cela revêt un sens particulier (cf
« Tonight ») – aux commandes arrangements et direction d’orchestre. Il
est même spécifiquement cité comme arrangeur des cors dans la première chanson.
Aux guitares, du beau monde de studio : Davey Johnstone, là encore un
pilier du E.J Band, Rusty Anderson qui a beaucoup travaillé avec Paul McCartney
et Bruce Gaitsch qui est co compositeur du célèbre tube de Madonna « La
Isla Bonita » et qui a également, et forcément, beaucoup travaillé avec
elle.
Aux claviers additionnels ce sera Patrick Leonard qui sort le grand jeu vintage
comme au bon vieux temps de… avec Hammond B3 et autres orgues, mellotron…
Elton comme d’habitude se réserve le piano mais aussi il va aller triturer un
vieil harmonium – ah ! quand le churchy reprend le dessus…
Les invités maintenant…
Là c’est la soirée V.I.P :
Stevie Wonder qui a sorti son clavinet du carton et son harmonica de sa poche.
Billy Preston qui vient faire ronfler son bon vieil Hammond.
Rufus Wainwright s’empare des chœurs.
Elton a sorti du chapeau le grand jeu et la volonté de revenir à ses premières
amour chantonnante lui a fait même enregistrer sur bande analo, histoire
d’avoir un son plus chaud.
Ca aura bien entendu impliqué une grosse équipe en studio, dont je vous passe
le listing équivalent à la lecture qu’on se fade (ou pas) quand on est au
générique de fin d’un film – moi j’y reste pour écouter la musique jusqu’au
bout m’octroyant ainsi les regards suspicieux de l’ouvreuse ou du personnel qui
se tape le ménage des blaireaux à pop corns et autres paquets de chips jetés là
parmi les sièges.
Bon pour cet album – y’a du monde.
Alors… alors… si tout le monde s’accorde à inciter à l’écouter, genre tu verras
c’est un retour à sa période la « plus » créative, etc, etc… doit
bien y avoir une raison.
- « The Emperor’s New Clothes » démarre sur un bon gros piano sous
lequel se glisse la ligne de basse.
Elton nous refamiliarise avec sa voix bien pêchue.
Cymbales et chœurs comme au bon vieux temps entrent en lice avec cet éternel
accord diminué typiquement d’usage pianistique.
Puis enfin le drumming de Olsson va écraser massivement le tout avec une basse
bien carrée et tout et tout.
Bien énergique comme on en avait l’habitude.
Un faux solo de piano comme là encore on en a l’habitude.
Les cors, majestueux, il s’agit d’un Empereur bordel ! ... mettons les
formes.
Elton a du texte à débiter dans des mesures cadrées, faut pas mollir.
Bernie est de retour, donc…
Une coda en appui sur cet usage gospélisant qui sort toujours du chapeau Elton
et voilà, c’est emballé.
Et… mais c’était bien bon tout ça. Bon je n’ai pas vibré comme au bon vieux
temps, mais franchement, là d’emblée je pousse plus loin, non pas par curiosité,
mais je le pense déjà… par plaisir.
- « Dark Diamond ».
Un break semi reggae ouvre le titre qui va s’épancher groovy hip hop.
Mais ce truc qui wahwahte derrière, mais oui, c’est l’ami Stevie…
Puis il sort son harmo fétiche, s’installe pépère dans le beat, illumine comme
à chaque fois qu’il est quelque part, le Stevie.
Pas plus kiffant que ça, mais tout de même ça le fait et puis, on reconnait
bien dans le refrain avec ces chœurs, la pâte Elton.
Le packaging est plus « actuel », le groove mid shuffle half time
fait bien le boulot et c’est un peu comme si on avait déplacé une ancienne
chanson typiquement Elton dans un environnement tout neuf.
Sympa… jusque-là.
Je commence à croire qu’il va y avoir de belles et bonnes surprises.
- « Look Ma, No Hands »
Ceux qui auront fait un peu de piano et se seront éclatés à s’escrimer sur les
plans d’Elton vont de suite trouver là de quoi se régaler – même Michel Berger
en a fait sa came digitale que ça…
Berger/Elton, une vraie filiation. Quoi ? Vous n’aviez pas
remarqué ?... D’ailleurs France a chanté en duo avec notre ami british
(so…) – il n’y a pas de hasard dans les vies.
C’est up, Elton pousse sur sa rythmique, imbriquant délicieusement sa voix dans
ce piano intensément syncopé.
Matt Chamberlain ancre le drumming afin de faire avancer le sujet.
Les chœurs en petit contrepoint font leur vie et les guitares rockeraient
presque.
Bon, un bel emballage pop.
J’ai dodeliné du chef, c’est un très bon signe et à l’arrivé du pont là encore
en faux solo pianistique un régal de constater que ce savoir-faire de
compositeur n’est pas resté au placard.
Un arrière-goût d’un « à peine léger » country, tiens donc…
intéressant…
- « American Triangle »
Une élégie qui met en avant l’assassinat de l’étudiant gay Matthew Sheppard en
1988.
Rufus Wainwright a rejoint Elton pour ce moment musical chargé d’une intense et
prude émotion.
Le piano typiquement Elton, la progression harmonique idem, un tapis d’orgue,
des points d’arrêt, des relances, une guitare qui a sorti la panoplie du
pedal-board, toute la charge nécessaire pour que cela fonctionne ce, jusqu’à cette
octave de main gauche finale, lugubre qui reste en tête et résumerait presque,
à elle seule, le chemin parcouru dans cette chanson intense.
- « Original Sin »
Un tube, associé à un clip façon magicien d’Oz où Elisabeth Taylor et Mandy
Moore ont la vedette.
Un rêve de fan… de qui ? mais d’Elton bien entendu.
Délicieuses guitares, percussions d’une infinie douceur, Elton vocalise avec
merveille sur ce background magique qui va, logiquement s’intensifier avec
l’entrée du Band.
La seconde voix est d’un soin remarquable, les cordes somptueuses enrobent le
tout pour magnifier par des contrechants subtils étirés cet somptueuse balade.
Il faut juste pencher son attention vers elles, justement, qui en quelques
secondes de coda démontrent encore tout le talent de Paul Buckmaster.
Tiens, le piano est passé en second plan, derrière les guitares, dans le mix…
- « Birds »
J’ai failli croire un instant au retour de Lynyrd avec ces balais obsédants,
ces guitares qui slident, ce piano honky et la voix d’Elton qui nasille pêchu.
Déroutant et en même temps directement attractif.
Le refrain tombe pile et on s’embarque dans la somptueuse bagnole, on relève la
capote, on met le bras sur la portière et, lunettes de soleil sous le Stetson
en couvre-chef, on part au loin en suivant le ruban d’asphalte. Elton ouvre un
mini champ d’action pour un solo de guitare de style.
Southern ?... Rock ? ...
- « I Want Love »
Ce titre a été le single choisi à la sortie de l’album, je vais tenter de
comprendre pourquoi.
Et dès l’intro pianistique, c’est l’évidence absolue.
C’est un peu comme si c’était un titre oublié dans les cartons de studio d’un
vieil Elton.
La batterie de Nigel, bien lourdingue, la guitare si typée et chantante (le
solo), les nappes de cordes, les chœurs en vocalises, la ligne de basse qui
circule.
Un saut dans le temps.
Un titre idéal pour annoncer le retour aux sources.
Un titre qui d’un trait éclaire le souvenir en flashs, jusqu’au piano et pas
que le jeu, mais aussi sa prise de son.
Elton veut de l’amour …
Un romantique en somme.
- « The Wasteland »
Bon gros blues sur ce sujet (la terre des déchets).
La basse du piano distord la corde, le schuffle bien marqué aurait presque pu
inviter l’ami Clapton.
Elton libère enfin sa main droite pour un regroupement de triolets tendus,
l’orgue est évidence tout comme les chœurs obligatoires et là, il va balancer
un presque vrai solo de piano (Elton pianiste n’est pas soliste, on l’aura
compris, mais pourtant son jeu reste référent et inimitable, l’archétype d’un
jeu piano pop qui a fait école).
Oui c’est bien bluesy, à souhait, jusqu’à la voix, rauque (rock) et c’est
court, envoyé sans détours.
Certains diront « vintage » - dire qu’aujourd’hui on met ça dans le
bac « classic rock »…
- « Balad of the boy in the Red Shoes »
Je m’assois, je me laisse emporter par cet éternelle façon, manière… de faire
de l’artiste.
J’admire les cordes là encore, totalement « autonomes » rapport au
titre, pas en accompagnement, pas en nappes, mais qui suivent leur chemin et
apportent tant en texture, en qualité, avec ces chœurs encore une fois
vocalisant et rejoignant parfois le texte.
Ce beat pop usé mais indispensable.
Davey a sorti la mandoline et ce côté pop-folk jaillit comme au bon vieux
temps.
On nous avait prévenus, Elton revenait ici à ses premières amours musicales.
Les fans apprécieront, la mélodie, entre autres, est superbe.
Et il y a ceux qui passeront leur chemin.
Je suis aux deux tiers de l’album et franchement, je sais qu’il y a là de quoi
largement creuser, même si on le sait également, l’on n’en sortira pas vraiment
de classiques à jouer au piano bar, l’album tient définitivement ses promesses
eltonjohn-ienne(s).
- « Love her like Me »
Immédiatement j’adore le beat où basse et batterie ne font qu’un, le riff de
guitare qui dialogue avec l’arpège de piano, le mode articulé rythmique du
chant d’Elton, l’organisation de la chanson vers ce renfort en tutti, l’orgue
discret mais efficace…
Un puzzle d’éléments qui font ressortir ce titre du lot.
- « Mansfield »
Elton a toujours aimé ce côté groovy mid tempo qui avance en syncopant
légèrement funky.
Son jeu pianistique d’ailleurs installe bien cet axe avec lequel il aime coller
ses inflexions vocales.
Ici j’ai retenu la souplesse de la rythmique, les cordes en quatuor, si
chambristes, avant d’être plus amples, le boulot formidable des guitares et
toujours ces chœurs, qui élargissent le champ de cette action musicale.
- « This Train Don’t Stop There anymore »
Beat gospel à 6/8, le piano a repris sa juste place et tout s’est construit
autour de ce jeu typiquement, là encore mais clairement assumé churchy.
La chanson trace son chemin, comme ce train qui ne s’arrêtera pas et encore une
fois l’on sera attiré par cette magnificence des cordes, cet accord vocal en
chœurs qui sont toujours aussi remarquablement écrits tant qu’exécutés.
C’est en théorie le dernier titre de l’album.
Un bonus, logique, cependant se glisse pour conclure ce retour vers un passé
glorieux et quoi de mieux que de reprendre :
- « Your Song ».
Alors hormis l’éternel plaisir que de réécouter ce titre absolument magique, au
regard de la qualité du travail de packaging présent dans chaque titre il
semble déjà savoureux à la lecture de la set list que cette reprise du plus
célèbre tube d’Elton sera sur la même dimension.
Alessandro Saffina, qualifié de « ténor pop » a été convié pour
duettiser avec Elton et bien entendu, que ça fonctionne. Un peu trop presque…
Mais là encore l’orchestration remporte l’adhésion, même sur ce beat remixé et
actualisé.
Au sortir, j’aurais préféré rester sur ce train qui ne s’arrête plus… mais je
pense à ces chœurs grandiloquents et certainement au bonheur des participants
que d’avoir poussé le vocal dans cette énième version de cet incontournable des
titres classés pop.
Le sceau Elton, en quelque sorte.
Il est fort probable que, comme je l’ai fait ces derniers temps, « Songs
from the West Coast » revienne un peu plus souvent, en intégralité
d’ailleurs, dans le listing de mes écoutes.
Il recèle nombre de ces recettes inspirées qui font, ou du moins ont fait, ce
que j’aime chez Elton, ce Captain Fantastic de la pop, héro déjanté mais
tellement sensible et attachant, extravagant mais génial compositeur
représentatif de ce que le mot « pop » a de plus sérieux.
Son jeu pianistique, on le retrouve imité ou souvent simplifié, mais gardant
son essence, dans chaque chanteuse/chanteur qui s’accompagne sur le vénérable
instrument, et du coup, il en va de même pour son association et empreinte
vocale avec ce jeu pianistique, les deux imbriqués, comme indissociables, sorte
de siamois musicaux pour lesquels un véritable distinguo semble illusoire.
Elton chanteur ? Elton pianiste ? ...
Non, en fait… Elton, les deux à la fois, en même temps, ensemble, inséparables,
fusionnels.
Ce jeu je l’ai inculqué à mes élèves pendant des années et je l’ai même
qualifié de « EltonJohning » afin qu’il prenne un sens culturel,
comme un patrimoine, comme un monument historique, comme un usage.
///
L’autre album que m’a conseillé Antoine est « The Union » en duo avec
Leon Russell.
Il est sorti en 2010.
On le dit délibérément axé 1970, sorte de brassage entre Captain Fantastic et
le LP éponyme de Russell.
Avant d’attaquer, je me renseigne…
Là encore, côté casting musicos, on a de quoi satisfaire une forme de curiosité
et d’envie de délectation…
Je note d’emblée la présence de Jim Keltner, un batteur pour lequel mon
admiration est sans bornes, moins connu qu’un Gadd, mais tout aussi important à
mon avis.
Savoir que Marc Ribot est présent guitaristiquement sur l’ensemble des plages
augmente d’emblée ma curiosité, car sa présence signifie, une texture, une
ambiance, une pâte particulière que j’adore.
T Bone Burnett prend aussi la guitare mais a produit l’album, ce qui implique
là aussi, une tendance sonore qui n’est pas pour me déplaire.
Et puis, l’orgue est confié à Booker T Jones, j’en salive d’avance…
Tiens, parmi les chœurs, forcément nombreux et généreux, sont crédités sur deux
titres Neil Young et Brian Wilson – là encore c’est digne du plus grand
intérêt.
Des cuivres… sous la houlette de Darrell Leonard au CV qui fait que directement
tu l’embauche (Stones, Steve Ray Vaughn, BB King, Percy Sledge, Little Feat, Jimmy
Smith…).
Elton et Leon se font les pianos en duo… ça va être du
lourd.
Parfait tout ça…
Allez, on envoie.
- « If it Wasn’t So Bad »
Premières mesures, je vérifie… non ce n’est pas un album de gospel, pourtant
j’ai bien cru…
C’est lourd, insistant.
Va falloir que je m’habitue.
Chaque break laisse place au piano et ça semble finalement construit autour.
Les cuivres pompeux, sont planqués dans le mix et apportent une texture
particulière.
Les chœurs en vocalises sur eux en unissons fanfare – bon faut que j’intègre ce
« son » de club de fin fond de Louisiane, ça faisait un bail.
- « Eight Hundred Dollar Shoes »
Les pompes, décidément…
Cette fois ça y est, j’entre dans le sujet – directement Ribot est là, bien là
et puis il y a ce cello là-bas, derrière. Ce beat country waltz à la Mose
Allison, cette fois je le tiens, je sais que je vais aller plus loin.
L’entrée a été un peu abrupte, loin du son mix Elton popisant qu’on connait,
donc peut-être ai-je été dérouté…
J’ai jeté mes idées reçues – il fallait juste prendre une direction différente
et chercher autrement.
C’est fait et ce titre est ma porte d’entrée.
- « Hey Ahab »
Il paraitrait qu’Elton a mis désormais ce titre parmi la track-list de ses
concerts.
Piano sautillant, jeu rock-rythm’n’blues, là encore le son est enveloppant,
lourd, ça suinte et le clou est bien enfoncé, ça tambourine à foison. C’est
bien punchy et le chœur laisse échapper une brillante soliste rappelant un
certain titre des… Stones… je vous laisse réfléchir.
Jim appuie fortement le beat sur chaque temps en conclusion pendant que le
chœurs (décidément ils sont de plus en plus présents et essentiels) terminent
en beauté.
Retour aux sources ? ou aux racines…
- « Gone to Shiloh »
Le piano semble sortir d’un vieux gramophone, lointain.
Ah, ça y est, il est sorti et apparait au grand jour pour laisser transparaitre
cette délicieuse balade.
On l’aurait deviné c’est bien entendu là qu’intervient Neil Young dont
l’apparat vocal va intensifier tant Leon qu’Elton.
L’arpège de piano obsédant ne lâchera pas son affaire pesante pendant tout le
titre, tandis que basse et batterie enveloppent le tout d’une masse sonore qui
renforce ce sentiment.
Cette fois, je sais pourquoi cet album entre maintenant dans mon sillon
préférentiel.
C’est une aventure rare et inhabituelle qu’Elton et Leon ont décidé de vivre,
là.
- « Hearts have turn to Stone »
Toujours ce beat de fin fond de Louisiane, quasi-swing.
L’orgue a pris position, les cuivres aussi, chœurs et lead ne peuvent être
séparés.
Ribot qui depuis le début contribue largement à l’atmosphère particulièrement
dense de l’album continue là sa contribution essentielle.
Les deux comparses ne font finalement qu’un s’effaçant chacun au profit de
l’autre – une rare attitude ce même dans les albums où l’on duettise.
Excellent, ce titre.
- « Jimmie Rodger’s Dream »
Comme toutes ces balades à connotation « country » on adhère
directement (Jimmy Rodgers est considéré comme « le père de la musique
country »), ce côté j’appuie sur le temps fort pour mieux laisser l’after
beat faire son implacable boulot de levée inoxydable, comme le zinc du
comptoir.
J’admire franchement et ce depuis le début de l’album, le travail de texture de
la rythmique basse batterie, absolument pas commun, courant, pop ou autre
d’usages, mais roots à souhait, complété par Marc Ribot qui décidément est la
cheville ouvrière de ce pur joyau musical.
La plupart des titres sont courts en timing – on va donc à l’essentiel.
Solos rarissimes et, quand il y en a, ce sont en fait des plages instrumentales
qui mettent en avant rythmique, chœurs, mais jamais de soliste à proprement
parler, juste de background qui ressurgit sans le chant. Une approche là encore
inhabituelle et au sortir qui contribue, justement, à l’atmosphère si
envoutante de l’album dont personne n’ose s’échapper et où chacun est installé
pour faire bloc et masse sonore.
- « There’s No Tomorrow »
Les deux voix ne font qu’une, les deux pianos également.
Le beat bluesy en 6/8 s’appuie, l’orgue ne veut surtout pas quitter les lieux.
Des chœurs à la Raylettes, sortis directement de l’église paroissiale du
quartier viennent soutenir Elton et Leon, Leon et Elton.
Ribot prend (enfin) un solo à la mesure de son immense talent.
Comme un bon vieux Waits, comme un Lanois de facture…
Un pur régal.
- « Monkey Suit »
Tel un bon rock comme en a tombé Elton bien plus jeune sur ce piano
boogisant-honky en binaire.
Cuivres et guitares en unisson se sont planqués au fond du mix laissant place à
ces whoo whoo whoo propulsés par ces choristes décidément extraordinaires de
bout en bout.
La bottine d’Elton, pailletée, il va de soi, tape compulsivement le tempo alors
qu’il se remémore Jerry Lee dans des ostinatos d’aigus que tout pianiste un
tantinet rock’n’roll a dans les poignets (et éventuellement les doigts – faites
le vous me comprendrez…).
Hu Hu Hu Shoo shoo shoo…
4.46 mn qui passent d’un trait.
Comme quoi la valeur du temps quand il est encore temps et qu’il fut un temps…
---
Sur seize titres (j’ai dû mettre en lice la version bonus) me voici à
mi-parcours.
Ce bon gros côté Louisianais-Sudiste-Blues-Mississipi-Bar/Pub/Saloon-Nouvelle
Orléans brassage multiculturel-Roots est carrément enthousiasmant.
Le son est inhabituel pour une production typiquement Elton et tant mieux car
ce n’en est absolument pas une.
Là, même si l’on veut lui accoler encore et encore une étiquette identitaire,
genre biométrique, là si l’on veut à tout prix se raccrocher à un passé qu’on
estime glorieux et vers lequel enfin il tendrait à revenir et bien je crois
qu’on a tout faux…
Ils sont bel et bien deux, chanteurs comme pianistes et ne font qu’un, une
somme pour cette unité évidente dans laquelle on finit par oublier qui pourrait
être qui et qui pourrait, des deux, faire quoi…
C’est bel et bien là qu’il faut lâcher prise sur ce qu’on attend aimerait,
voudrait ou imaginerait.
C’est bel et bien là qu’on est juste face à un album qui, du fait de ce plaisir
de s’associer pour présenter un projet commun, tant en composition qu’en
production sonore (là on est carrément loin des usages fantasmés face à
l’idée…) apporte une sorte de jouvence immédiate.
C’est probablement pour cela qu’il m’aura fallu « m’adapter » et
« accepter » l’idée qu’il faut simplement oublier Elton ou Leon mais
juste prendre cette musique enracinée dans ce que le rock, le blues ont de plus
fondamental en tant que tel.
Il suffirait simplement, en fait, d’écouter cet album sans savoir de qui il est
et le prendre tel qu’il se présente. Peut être que là, gommé de toute référence,
de tout étiquetage, de toute pseudo attente, il se révélera davantage.
Je n’ai pu ou su le faire… mais cela n’a pas gâché la découverte pour autant…
---
- « The Best Part of the Day »
Finalement cette fois, face à du presque « pur » Elton me voici coincé,
mais le drumming diffère et embarque ailleurs. Et à eux deux, finissant par
dialoguer et s’échanger les verses, après s’être rejoints en chœurs, ils
finissent par me faire oublier en avançant ce piano si trempé.
Le solo d’orgue qui prévient leur reprise en chœurs mutuels et additionnés est
simplement majestueux, tout faire et dire avec un minimum.
- « A Dream Come True »
Un beat à la « Lay Down Sally », les deux pianos en parfaite addition
rythmique.
Dennis Crouch, à la contrebasse fait un boulot de fou…
Le bar est ouvert, le zinc reluit, la bière coule à flots…
Irrésistible ? peut-être bien… jusqu’au « tuba » final.
- « I Should Have Sent Roses »
Au fond, ça groove, peut être bien, tout simplement…
Cuivres présent mais encore une fois en retrait du mix, juste pour la couleur.
La batterie est sortie de la pseudo sagesse dans laquelle jusqu’ici elle
s’était cantonnée, c’est bien « rempli » et ça fonctionne à merveille
car tout s’articule là-dessus et avance avec.
L’orgue n’en peut plus de remplir le fond et la guitare a lâché sa bride de
contexte et d’atmosphères pour soloïser sans vergogne.
- « When Love is Dying »
D’emblée la délicatesse d’écoute des deux pianos ensemble, le côté nasillard de
Leon (un peu à la Willie Nelson), la récup’ popisée d’Elton et les backing
vocaux de Brian Wilson…
Mais franchement cette association pianistique qui se complète… du pompeux à la
Elton, certes mais qui comme toujours fonctionne à la perfection.
- « My Kind of Hell »
Le ton donné dès le départ avec ce riff cuivré, cette guitare qui slide, ce
beat half time. Elton adore ce genre de rythmique, il surfe dessus et avec elle
jusqu’au shuffle avec bonheur. Nos deux pianistes chanteurs, là encore, quelle
formidable façon d’associer leurs deux jeux tant vocaux que digitaux.
La rythmique est volontairement dans le grave « jungle » afin de
faire ressortir les pianos qui de texture seraient sans cela, forcément
envahissants.
Court, envoyé rythm’n’blues et pesé dans la foulée.
- « Mandalay again »
J’enquille ce titre et je me fais la remarque suivante : « Voici
enfin un album où le schéma de conclusion de titre ne s’est pas encore fait en
fade out ». Cet « esprit » de session live, de « jouer »
le titre de a à z… juste ce brin de remarque dans ma tête qui redonne ce
caractère là encore bien roots, ancien, enraciné et forcément « direct ».
Ils aiment les balades.
Bennie Maupin que je n’ai pas encore cité s’est, comme à l’accoutumée emparé de
l’ensemble des textes mais cette fois il a été plus concis, direct, immédiat.
Mais écoutez moi cette batterie, ce Jim Keltner, tout de même, quelle
originalité de jeu (très peu de cymbales ou de cette charley métronomique dans
l’album - des fûts, principalement ce, sans être pour autant un jeu de
percussion transposé – on est bien dans la batterie, mais « autrement »),
quelle capacité à rendre le sujet autre, original et divergeant sans jamais
perdre un essentiel.
Du coup, la basse prend toute son autre ou véritable réelle dimension et ce
socle transporte les chansons vers d’autres espaces.
Et puis, le jeu de Ribot est à lui seul tout au long de l’album un modèle du
genre pour guitaristes en mal d’originalité, d’autre chose, de couleurs et de savoir-faire
de réglages pedal-board et amplis…
Et ces deux voix entrelacées…
- « Never too old (to hold somebody) »
Les amateurs de chant sur background pianistique devraient mettre immédiatement
ce titre à leur répertoire. Mélodie directement accrocheuse, refrain avec
encore une fois ces chœurs fédérateurs, cette adéquation pianistique qui reste
fondamentalement dans le sujet.
Superbe…
Quoi, c’est déjà (presque) la fin ?
Je n’ai pas pu décrocher un seul instant, c’est rare…
- « In the Hands of Angels » sent bon le dimanche paroissial où les
deux comparses sur ce beat sous-jacent, en mode gospel waltz soutenu
magiquement par orgue et chœurs se payent un bon coup de fun ecclésiastique.
Ils ont sorti le costard de cérémonie et te posent l’équivalent d’un gros
standard légèrement appuyé aux pianos. Une fin d’album majestueuse, empreinte
de « réalité musicale ».
On termine en paix, recueilli et finalement admiratif face à ce parcours
musical où les nombreuses « recettes » des nombreux styles chers aux
deux immenses artistes ont été prises en compte sans jamais être clichés, sans
jamais être surfaites, sans jamais être réellement utilisées juste pour…
Cette et ces musiques, finalement, sont tellement parties intégrantes de leur
jeu de leurs identités comme influences musicales mais aussi éducatives,
culturelles… qu’en les jouant, ils ne font que mettre cela en avant.
Restait à présenter l’ensemble de façon autre.
Ne pas refaire un énième album d’Elton ou de Leon, mais bel et bien un album où
eux deux ne sont qu’un.
T Bone Burnett à la production et le socle Keltner/Ribot avec principalement
Dennis Crouch à la contrebasse ont apporté la texture qui rend cela autre,
unique et à part si l’on considère l’ensemble des productions de ces deux
artistes légendaires. Il fallait non l’oser, mais juste le penser ainsi.
Et le résultat est juste au-delà de n’importe quelle espérance que l’on avait
en l’esprit.
« Si tu essaies, mon commentaire aura eu un double essai kiss cool » m’a
dit Antoine.
Essayé, approuvé, écouté, adopté et pas juste pour dire, mais désormais
installé dans l’envie de réécouter, comme ça, quand ça prend ...
Gagné Dev’ !...
Coucou ici.. je déboule comme ça à l'improviste..mais Toine de l'autre côté ne sert pas sa mousse :o. Je reviendrai, mais pour l'instant, je veux dire ici que l'émerveillement Elton m'est venu d'un vieux pote de lycée qui m'a filé "Honky Chateau" en classe de philo terminale. Dès la première note piano de "Honky cat" on est propulsé dans son monde. C'était pourtant à l'époque pour moi que les tubes radio "I still standing". Le mythe du château d'Hérouville vient se greffer dessus, et la pochette, barbu pour une seule fois .. cet album est une bombe. J'ai tout loué après, tout gardé, sauf qq truc période "Single man". Et reflash total sur l'opus sombre "Elton John" 1970.. la quintessence du romantisme pop brit classique baroque et bucolique. Par contre, je ne connais que négligemment cet album au pigeon blanc (je me le programme). J'ai récemment exploré ces derniers albums, et m'en suis remémoré un en particulier.. à sa sortie, j'avais adoré le commercial "Sleeping with the past". peut être c'est moi, où ma période vécue, mais je le trouve parfait.... bref.. je reviendrai pour les 2 doubles, bleu et jaune.. mais ce soir je te conseille (mais je suis sùr que tu connais par cœur) "Honky Chateau" dès les premières notes.
RépondreSupprimerOui, bien sûr Honky Chateau... quel magnifique album, très délicat et poétique.
SupprimerQuintessence est certainement le mot approprié.
Ces premiers albums... brin de nostalgie tout de même...
Mais l'effet "double" arrive chez moi, le "Songs From The West Coast" est un conseil du dico Assayas, en fait après vérification c'est Yves Bigot qui signe la chronique très complète. Du coup - et j'adooore - j'ai écouté l'album commentaire après commentaire de ton papier. Au départ je voulais alterner "Captain Fantastic" et cet album, histoire de briller avec une remarque de comparaison. J'ai abandonné car finalement emporté par le ton, le son de cet album. Quelques titres ****. J'en arrive presque à regretter le fait que je le repasserai peu ou pas, alors je le reprends une fois, deux fois et maintenant quelques titres avant de le quitter. C'est drôle cette plongée dans un Elton récent pour soudain... constater que cet album a déjà plus de 20 ans. Merci et voilà un papier qui va rejoindre les deux albums. histoire de le retrouver à l'occasion.
RépondreSupprimerUn nouvel Elton de plus de vingt ans...
SupprimerComme quoi certains artistes dépassent largement l'idée du temporel...
Je connais bien ce sentiment d'écouter plusieurs fois puis laisser tomber, pourtant crois moi, on y revient quand même...
Plus court pour le Elton & Leon, bien ressenti cette idée de collaboration qui les éloigne - un peu - de leur registre. Comme je l'ai aimé ce disque!!
RépondreSupprimerEt comme j'ai aimé le découvrir et partager cette découverte.
SupprimerJe ne suis pas spécialement fan d'Elton John, sauf de son jeu pianistique que je reconnais avoir mimétisé intensément quand je joue pop...
RépondreSupprimerJe ne me souvenais pas pour Chamberlain, cela donne un éclairage sup à mon écoute...
Et la vraie autre question, se motiver à ...
merci du passage
C'est marrant que tu parles d'Elton John parce que je me suis mise à découvrir ces disques de la 1ère motié des 70's. Je ne connaissais que Goodbye... et Tumbleweed Connection (et encore assez mal pour ce dernier).
RépondreSupprimerJ'avoue que le son est vraiment magique. On y rentre super facilement. Si tu me dis qu'il faut que j'aille jusqu'aux album de 2010... va falloir que je n'écoute plus que ça... ^-^
Elton, c'est comme de nombreux artistes qui ont eu à leur débuts puis avec une pointe ascendante le "succès". Alors on aime à résumer ces carrières à cela. Puis à un moment, par habitude d'écoute, par un son mais aussi une façon de composer ou autre usages identitaires de l'artiste ça périclite.
RépondreSupprimerIl reste les fans, eux suivent toujours c'est "compulsif"... et les autres, c'est à dire un paquet de personnes qui passent alors à "autre chose".
Quand un artiste a véritablement une carrière on commence alors à classer celle ci par... décennies, par années phares, ou d'inspiration, bref...
Alors Elton, pour moi comme tant d'autres, ça s'est presque stoppé milieu eighties...
Pourquoi ? ça c'est professionnel et le glas a sonné avec Song for Guy qu'on me réclame encore quasi une prestation sur deux au piano et dont il semble impossible de se défaire.
Pour autant aujourd'hui ça ne me dérange plus de répondre à cela... mais il fut un temps où le ras le bol de ce seul axiome a pris le dessus et m'a littéralement empêché d'accepter voir plus après.
Là dessus tu ajoutes, société oblige, la récup' progressivement lourdement médiatique qui s'est faite autour de lui par la suite et qui a, en mode Gala / Stephane Bern etc. , dévié le jugement vers autre chose que la musique et le tableau a été complet.
Alors je restais à ses débuts...
Mais il ne faut jamais dire jamais.