REDECOUVERTES Chapitre II
REDECOUVERTES Chapitre II
Îles Désertes… à chacun ses essentiels et ses solitudes… (Bruce Springsteen,
Elton John, Ludwig Von Beethoven, Brian Eno, Miles Davis, Beatles)
Y’en a-t-il vraiment encore, de ces îles désertes ?
Mais parfois il fait bon de croire que se couper du monde et s’isoler pour une
vie autre, pas forcément sereine (le trauma Koh Lanta – tu parles…).
Quant à embarquer une caisse de disques…
Bon faut aussi prendre ton panneau solaire, ou pédaler… quant à ramer…
Bref, c’est le truc fantasmé et absurde que j’aime dans cette image des 10
albums à embarquer sur l’île déserte.
Désuétude du propos… aujourd’hui franchement, qui sort
« réellement », un album… même si le format vinyle semble avoir de
nouveau le vent en poupe.
Mais c’est derrière ça l’idée qui importe et à chacun d’avoir ses dix
albums fétiches, ceux qu’on réécoutera sans cesse, pour lesquels on a un
attachement sentimental, culturel, professionnel, amoureux… en fait, c’est bien
là que la musique, souvent, se réfère juste et simplement à nos vies
personnelles et qu’un album, une chanson, une musique c’est lié à une part de
notre vie.
« dis-moi ce que tu écoutes… je te dirais qui tu es… »
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Tiens Macron s’est fait huer et siffler lors de l’un des grands événements
sportifs organisés par la France, une coupe du monde de ballon, ovale, cette
fois, ça change un peu des chochottes du rond et d’un pognon plus
qu’indécemment affiché.
Là il en a eu pour son argent, le Macron…
La honte ! ...
90.000 spectateurs, une retransmission planétaire et un peuple au-delà de la
grogne.
Bon, parmi cette représentation populaire (entendons du peuple français dans sa
globalité, donc bien au-delà d’un tri communément sélectif pour sondages à
faire pencher), combien ont voté « pour lui », ou par-là, contre
l’autre ?...
Miroir mon beau miroir…
Déçus les Français… non, en rage !
Pas sûr qu’ils y avaient réellement cru en cet arrogant maladif, mais comme ils
se sont fait manipuler.
Bon, une bonne grosse bâche de temps en temps ça fait du bien… là c’est sûr
c’est du lourd.
Médiatiquement il(s) minimisera(ont) – mais en réalité là, ça a touché grave au
point sensible de l’égo…
Et Dieu sait à quel point ce genre de personnage a l’égo sensible…
Bien seul le Macron sur son podium en mode île déserte, au milieu du stade en
tourmente…
Mais la tourmente qui hue, c’est majoritairement par elle qu’il est là et son
sourire de gêne circonstancielle ne serait-il pas, finalement, celui encore une
fois de l’arrogance leur disant que… ils firent leur choix…
à interpréter donc… que ce sourire narquois…
Bon…
Dieu dans tout ça… d’ailleurs…
Il a tout de même soufflé qu’aider les restos d’un cœur en urgence d’AVC
irrémédiable serait une bonne « œuvre », vous savez quand on met les
fonds de porte-monnaie dans le panier de la messe ou dans le tronc (ah ce film
des pilleurs de tronc, un monument… les pilleurs… bon j’arrête là les
enchainements d’idées).
Alors Bernard s’y est collé… et …
Ouh la la… l’aile gauche est sortie du maquis.
Rewind… (rembobinnage…)
S’était pris pour Lady Gaga, Bruce ou encore la Madone en tournée au milieu du
stade le Macron, pas de pot, il a pas de tube à faire chanter en chœur par une
foule en délire…
Pathétique, à l’image de son sourire qui ravale fièrement, prétentieusement, l’humiliation
planétaire.
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La planète, bouge, la planète tremble, la planète part en vrille…
Alors, se poser sur une île déserte, s’installer paisiblement au soleil sous
tropiques, pas sûr que ce soit le bon plan… un ouragan, un cyclone, un typhon,
un tsunami, un raz de marée… pourraient très bien gâcher l’écoute sous palmier
bienfaisant de ta sélection avisée.
M… Marrakech maintenant…
Pensées… panser…
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4 albums la dernière fois, m’en reste donc 6…
Impossible.
Finalement je vais partir avec mon streaming, y’aura peut-être du réseau…
En attendant je les ai ressortis… en cd… y’a encore des voitures équipés de
lecteurs, si, si…
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« BORN IN THE U.S.A » - Bruce Springsteen / Columbia 1984.
« LIVE 1975/85 » - Bruce Springsteen and The E-Street Band / Columbia
1986.
« NEBRASKA » - Bruce Springsteen / Columbia 1982.
1984, moi, perso, je suis à fond dans le jazz et franchement, Bruce j’en ai pas
grand-chose à cirer.
Le genre rocker qui cavale en tous sens, qui gesticule dans un stade plein à craquer,
pas ma tasse, trop de café.
Donc à sa sortie avec, qui plus est le passage obligé en balluche de jouer le
titre phare à grands coups de caisse claire pétaradante sur synthé nerveux et
acide et piano en boucle, voilà une forme de rejet direct que j’ai pu avoir…
Vie de quartier lotissement de petites maisons HLM en quasi-campagne, voisinage
travailleur et qui aime à se retrouver les week-ends, autour de verres et repas
collectif improvisé par chacun qui amène « son truc », sur une
placette centrale banalisée pour les occases répétées.
Musique à fond (Claude François côtoie Donna Summer et Police), rires, partage
de vies diverses et respect, oui, respect de chacun.
La vie simple, la camaraderie qui peut devenir amitié, selon, et perdurer,
selon, car pour certains c’est transitoire que cette vie et ce lieu, pour
d’autres ça restera … à vie, pire maintenant, à mort.
Jeune couple, comme nous, le gars est très branché rock, actu, etc. et il a investi
comme moi dans ce nouveau truc… le CD…
Mes samedis libres restent rares, mais quand j’en ai un, je ne manque jamais à
l’appel de ces moments et heureusement que rejoindre la maison, c’est juste là
à 20m, à pied… on picole grave.
Son dernier achat, le live de Bruce, un somptueux coffret représentatif des
concerts de l’artiste sur une période de 10 années. Franchement, quand il met
le cd en platine, ce genre de réflexion n’est pas ce qui me vient, juste je
réalise que j’ai dû louper, deux ans avant… un truc…
Il me prête les cd.s, le coffret… je mets tout ça sur K7, le soir même à peine
rentré, sans écouter… trois en tout et ce sera pour la voiture, je sais
dorénavant que mes semaines de trajets à venir seront Bruce…
Elles l’ont effectivement été et j’ai réalisé là que tout ça dépasse largement
la seule idée de rock, mais que j’avais chaque jour dans les haut-parleurs de
la 205 un truc exceptionnel et très vite devenu indispensable.
Donc, retour en arrière rapide, direct et sans hésitation…
Il me fallait en savoir et surtout en « avoir » plus.
Fin de répétition chez Jeff, 1982… juste avant de partir à l’armée.
On enregistre une K7 de compos, j’attends le courrier d’affectation, et en
attendant , justement, on remplit le temps par du jeu musical, on sait pas de
quoi sera fait l’avenir militaire. On enregistre toutes nos… idées (j’ai encore
la K7 dans un coin de placard, y’avait du bon et du correct).
Quelques bières, c’est la pause…
Au passage, B… le pianiste venu avec ses potes – un gars vraiment jazz – parle
de la sortie d’un album appelé « Nebraska » et dit qu’enfin sort un
truc intimiste, musical, inspiré, bref… enregistré, comme on était en train de
le faire, sur un 4 pistes…
Je note ça dans un coin, mais là encore… ce ne sera pas suivi d’effets…
J’aurais dû, j’ai pas fait.
Donc direct après le live déclencheur, je ne suis presque plus las de fracasser
ma caisse claire d’autant qu’il y a un solo de batterie coupé par un « one
two three four » qui permet tout de même d’en mettre… des caisses… en bal.
Et j’embarque dans l’album éponyme.
Passé le titre phare, me voici face à non réellement le rock tel que façon
british j’en ai l’habitude, tel que façon américano-blues j’en ai usé, mais une
sorte de resucée ancrée dans le rock’n’roll (Dire Straits en a aussi fait
creuset), tant vocale, tant instrumentale que même sonore (les grattes…).
Alors la batterie, énorme, le formidable prétexte pour envoyer du lourd
scéniquement et massacrer le matos (et détruire les oreilles du public), c’est
bien du eighties.
Alors les synthé crachant un venimeux et obsédant « pattern », là
encore, en pleine new wave, c’est bien « d’époque »… mais soudain les
voici tissant de longues toiles et nappes sur ces chansons incitant à prendre
la route, à voyager, racontant l’Amérique et les gens, les usages, la vie…
Alors ces cocottes de guitares, cette batterie qui trace la voie, cette voix
qui sort du passé du rock’n’roll Elvis pour prendre aux tripes et raconter, raconter
et faire rêver, ou pas, te prenant par la main et t’emmenant dans ce
« voyage » - je n’avais pas franchement « réalisé » tout
cela à l’époque, que cette filiation directe rock’n’roll, juste que c’était du
« rock », à l’américaine, pas que c’était LE rock américain par
essence.
Les décennies sont passées.
J’ai fait un hommage pédagogique à Bruce, avec des élèves, pour un de ces
projets thématiques permettant un éclairage sur un artiste.
Y’avait son bouquin, une actu et l’emblème.
Y’avait plus qu’à.
« Born » y fut obligatoire et incontournable, ce avec explication de
texte, histoire de remettre les choses dans leur véritable sens, de même que
quasi tout l’album et « Nebraska » y prit aussi une bonne place…
Plusieurs concerts, plusieurs ateliers de groupes et Bruce a repris du sens
dans ma vie.
Et l’album a de nouveau été ressorti, avec son pote live et son camarade
intimiste.
Trois cachets de cire gravés dans mon Adn d’écoutes musicales.
Il a encore une fois été ressorti, cet été.
Et puis on a joué souvent « Dancing in The Dark » et à chaque fois,
les gens se retournent vers nous, souriants, signe de tête, pouce de j’aime
mais en mode réel… et je me dis que les prochains dans la longue liste des
titres à jouer seront certainement « I’m on Fire » ou le remarquable
« My Hometown ».
Emblème…
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« BLUE MOVES » - Elton John / MCA Rocket Records 1976.
Ce ne sera ni la première ni la dernière fois que j’encenserais cet album…
A chaque fois d’ailleurs que j’en cause en face de moi les mêmes interrogations
soupçonneuses… « Quoi, lui ? Il aime Elton John ?... ».
La première fut, dès sa découverte, une longue lettre à l’un de mes meilleurs
amis afin de lui décrire le choc ressenti à l’écoute de « Tonight ».
J’en avais oublié de lui donner simplement de mes nouvelles… c’était donc en
octobre 1976, je venais d’avoir tout juste 16 ans.
Cet album, je l’avais en fait piqué à ma frangine qui l’avait acheté pour le
tube « Sorry Seems to be… » et je crois même que je lui avais…
racheté.
Elton, jusque-là, j’aimais bien, je trouvais ça « sympa ».
Je m’amusais à repiquer ses plans de piano, à l’oreille. Pour une fois, le
« rock » pouvait, par mimétisme, au-delà des méandres de E.L.P ou
encore des triturages massifs de Jon Lord me proposer quelque chose
« d’abordable », de jouable avec ma méconnaissance totale du sujet
grille et ma technique essentiellement classique.
« Captain Fantastic », « Don’t shoot me… » ont pas mal usé
mes doigts et peut être bien là aussi apporté un peu d’usages réflexes
difficiles à renier comme par exemple l’assimilation du jeu pianistique gospel
qui est une composante évidente des gimmicks d’Elton.
Alors, de temps à autre, quand un album sortait, emprunt direct en médiathèque
et je me mettais au piano, histoire de, par simple plaisir.
Je ne sais plus trop à quelle émission TV, en famille, on s’est retrouvés face
au « clip » de « Sorry seems… », mais l’effet produit fut
multiple.
Ma frangine a couru acheter le disque.
Mon père a reconnu la musique vraiment « bonne » mais s’est offusqué
du look de l’artiste.
Quant à moi, c’est l’accordéon qui m’a intrigué, rebuté, puis irrémédiablement
séduit, sans parler de cette progression harmonique qui s’est inscrite
immédiatement avec cette mélodie de piano introductive renversante.
L’album est donc arrivé à la maison.
La pochette hideuse a fait l’objet d’un rejet direct de mon père et c’est
malheureusement là, parfois que l’attirance – ou pas - se faisait aussi en ces
temps seventies… la… pochette…
Je me rappelle d’avoir été peu enclin dès l’entrée en matière avec la petite
amusette musicale instrumentale d’ouverture, mais dès « Tonight »
j’ai été comme hypnotisé et j’ai avalé le double album en émerveillement total.
Elton, boulimique de tournées et concerts, a écrit cet album à l’issue d’une
tournée américaine épuisante. Il n’hésite pas à exprimer qu’il est l’un des
préférés de sa production mais qu’il en a bavé pour le réaliser, les
connotations jazz (« Idol ») et l’écriture complexe lui ayant donné
du fil à retordre.
Le groupe qui l’accompagne est un soutien véritablement exceptionnel, capable
de tout jouer et de donner à chaque chanson une identité expressive propre tout
en donnant à l’ensemble de l’album une cohésion identitaire implacable.
Et puis, le symphonisme sous la houlette d’un Paul Buckmaster, arrangeur quasi
compositeur de ces enrobages stylisés apporte là une dimension grandiose sans
pour être autant, car c’est souvent le cas dans les productions de rock avec
orchestre symphonique, grandiloquente à grand renforts de pompiérisme(s).
Des invités de marque comme la section cuivre des Brecker, écrite tel qu’ils en
ont la couleur et jouée comme tel. A savoir, les Brecker version premier album
avec en sus le somptueux David Sanborn (qui y participait d’ailleurs à ce
premier album des frangins) qui ici fait, comme toujours, montre de son jeu
charismatique et acidulé.
Les percussions de Ray Cooper sont innovantes dans le genre, approchant parfois
le rôle du percussionniste symphonique.
Les chœurs… du grand art, qu’ils soient directement sortis de l’église et
dirigés par le révérend James Cleveland (« Boogie Pilgrim »
définitivement prégnant), posés par Crosby and Nash (« Cage the
Songbird », hommage à Edith Piaf, qu’ils subliment agrémentés par le
mellotron de J.N.Howard) ou réalisés par le groupe lui-même.
Le rôle des guitares est écrit, subtil et finalement pas très rock en
l’essence, elles s’additionnent à l’élément central piano mais leur traitement
va au-delà de ce seul axe coloriste. Elles ont un usage pas forcément habituel
dans la pop ou le rock, agissent souvent mélodiquement et c’est bien là tout
l’intérêt qu’il faut leur porter.
Elton, fantastique vocaliste - faut-il le rappeler ? - chante comme
toujours les lyrics de son ami Bennie Maupin et sa voix, son piano sont
logiquement au centre.
James Newton Howard se charge d’un autre « symphonisme », celui de
multiples claviers synthétiques, un axe encore assez neuf. Et bien sûr il
déploie le panel Hammond, Rhodes, mellotron et autres clavinets très présents
d’ailleurs.
« Blue Moves » c’est tout un ensemble de pièces qui forment un puzzle
kaléidoscopique aux couleurs variées et cela pour un tout qui n’est en rien
conceptuel, mais qui s’aborde juste comme un inextricable foisonnement de
petites trouvailles additionnée. Tout cela coupé par des intermèdes instrumentaux
récréatifs, agissant comme les interludes TV encore d’usage ou encore tellement
proches de nos quotidiens cathodiques.
Rock, pop, mid funk, balades et slows, gospel, jazz.
Elton et ses comparses s’emparent de tout, le fondent en recette pour un
résultat des plus original, des plus captivant et varié.
Je crois bien que c’est simplement après cela que le nom d’Elton s’est, pour
moi, arrêté.
L’avant, je l’ai à partir de là, écouté afin de savoir comment, justement il en
était arrivé à un tel monument.
L’après m’a définitivement et certainement regrettablement désintéressé et
« Song for Guy », autre scie du balluche plus tardive a sonné le glas
de l’affaire.
Mais ici… avec « Tonight » en seconde position… le sceau a été
imbriqué.
Un sceau quasi royal, il va se soit…
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BEETHOVEN « The Symphonies » - Chamber orchestra of Europe -
N.Harnoncourt / Teldec Classic 1991. (déjà chroniqué)
L’avantage du coffret, c’est que ça compte pour un album…
Difficile de trouver parmi la pléthore d’interprétations des symphonies de
Beethoven celle qui vous conviendrait « le mieux ».
Karajan les a enregistré plusieurs fois, argumentant à raison que l’évolution
technologique de la prise de son permettait de magnifier d’avantage, à chaque
fois, le matériau beethovenien et que sa lecture de l’œuvre avait également
évolué.
Ce qui semble logique au regard de l’immense complexité du matériau
beethovenien.
On les aura eues sur instruments d’époque, avec effectif adéquat…
compréhensible… (très) discutable (Hogwood)…
Abbado ou Rattle, magnifique, grandiose, ample – essentiel – mais de toutes
façons c’est la Philharmonie de Berlin, ils ont ça dans leurs gènes.
Furtwängler, historique et référentiel, comme l’est un patrimoine.
Bernstein, fougueux… pas forcément le plus captivant.
Et tant d’autres, le catalogue à lui seul et leur écoute attentive prendrait
une bonne année de lecture globale, microscopique, argumentée…
Alors, à un moment je (me) fais un choix… arbitraire, subjectif… faut bien
trancher.
Alors à un moment si j’embarque de la musique classique pour un isolement quel
qu’il soit, et après longue et mure réflexion, ce sera probablement Beethoven.
Il y aurait bien Ravel avec Daphnis, aussi…
Et Igor avec le sacre, encore…
Et peut être Handel et son Messie, ou Mozart et son Requiem, Pergolèse et son
Stabat Mater… afin d’avoir un bout de croyance.
Et le concerto à la mémoire d’un ange – Isabelle Faust/Abbado – Berg, là aussi.
Mais… cet engouement commun pour Beethoven entre mon père et moi, malgré des
discordes d’approches, reste le plus fort et prend au sortir le dessus et c’est
peut-être bien là (Beethoven en qui il se ressourçait, régulièrement, yeux
fermés) et par lui que j’ai compris la valeur de l’acte essentiel qu’est
« écouter la musique ».
Mais… chez Beethoven la richesse interne, lisible en multicouches de
découvertes possibles à chaque écoute, semble être un choix d’occupation
intellectuelle (Ouh, le vilain mot montré comme tel dans le dico mitchardien…)
procuré avant tout par une formidable énergie sensorielle qui permet de ne
jamais se lasser, d’être systématiquement « touché », d’être
directement sollicité.
Ce coffret qui présente l’ensemble des symphonies du grand compositeur, dans le
désordre… permet clairement tout cela.
Et c’est l’avantage de la direction parfaite, immuable, détaillée et soignée,
sans proéminence de sentimentalisme, sans romantisme exacerbé, sans flou de
texture, sans énergie débridée… de N. Harnoncourt.
Un orchestre absolument précis, cohérent, soudé et une direction des plus
réaliste et authentique, voilà pourquoi ce choix.
La prise de son, a également ici, son importance.
On pourra se délecter à suivre et chercher, tel qu’en un jeu de pistes dans un
labyrinthe, le motif célèbre de la 5e.
On pourra réaliser que la 7e est un hymne à la danse et enfin
apprécier le motif rythmique - noire, deux croches noire, noire - comme étant
ce « pas » de danse implicite et obsédant.
On vibrera obligatoirement à l’entrée du mouvement final de la 9e,
aux contrebasses poignantes, aux chœurs puissants, aux solistes enfin précis,
tant la partition est difficile vocalement pour eux (dextérité, ambitus,
énergie…).
On découvrira la 1ere, la 2e…
là où tout a génialement, bien évidemment, commencé.
On rêvera de façon enfin bucolique en admirant le tableau pictural de cette
douce pastorale, comme au musée, face à ces œuvres où la nature est organisée,
accueillante, prospère et où même l’orage semble magnifié. Oiseaux, ruisseau,
bruissements, vent…
On se chargera d’héroïsme face à une 3e … à la dédicace rayée.
Et la 4e, modèle d’écriture, sans argument réel révèlera vraiment toute
son infinie inventivité, bien que cadrée par le modèle « classique »…
Une par une…
Dans leur ensemble…
Chronologiquement ou dans l’ordre organisé pour ce coffret…
Nous voici face à ce monument de l’histoire de la musique tout court avec des
symphonies qui elles ne le sont pas, courtes… mais qui expriment avec des
développements d’une intense richesse, la pluralité des sentiments.
Beethoven était un révolutionnaire engagé musicalement, politiquement,
humainement et socialement.
Un fort caractère, un combattant social et un rebelle vindicatif.
Mais il était également, à l’opposé, d’une immense sensibilité émotionnelle.
Et il l’exprimait.
Et il exprimait ce tout, par la musique.
Et par les actes ou les paroles, également.
Face à cette dualité, face à ce tourbillon de sentiments multiples aux valeurs
éparses, face à ce savoir incommensurable de l’écriture musicale, la somme de
ces symphonies engage l’auditeur dans un voyage qui ne prendra jamais fin et
qui, en fait, recommencera sans cesse.
Harnoncourt est le vecteur de celui-ci.
Et j’ai pris mon billet pour l’éternité.
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« KIND OF BLUE » - Miles Davis / Columbia 1959.
J’ai aussi parlé ici nombre de fois de cet album.
Je pourrais certainement le faire encore et encore.
J’assume.
« Quel est ton album de Miles préféré ? » me taquine Jean Marc.
A peine une hésitation et je réponds : « Kind of Blue »…
Et juste après « On the Corner »… mais face à la liste de références de la période électrique qui m’a réellement bouleversé et qui a provoqué nombre
d’attitudes musicales de ma part, l’hésitation a été plus réelle…
« Jack Johnson », certainement.
« Get up with it », obligatoirement.
« In a Silent Way », forcément.
« Live Evil », inévitablement.
« Black Beauty », instantanément.
« Bitches Brew », bien évidemment…
Et puis, et puis… avant…« Water babies », « ESP »,
« Sorcerer »…
Après… « The man with the Horn », « Tutu », « Star
People », « Decoy »…
Bon, le coffre à disques est plein… de Miles Davis… ça pourrait suffire en
soi ?
En fait s’il n’est qu’un seul album de jazz, ce sera « Kind of
Blue ».
Juste l’âme profonde qui s’en dégage, l’éternité absolue vers laquelle tend
chaque solo, les racines du blues ré-évaluées comme jamais et plus jamais
après, la démarche conceptuelle, les compositions où chaque astuce révèle le
coup de génie, l’axiome Bill Evans, le fonceur Trane, le brûlot Cannonball, le
swing immuable de Jimmy Cobb, la souplesse inventive de Paul Chambers, le
« style » de Wynton Kelly et bien entendu la magnificence de Miles.
On croit, là encore, le connaitre par cœur et à chaque fois c’est le frisson,
comme au premier jour.
Un album qui représente probablement l’idée d’éternité… et qui à mon sens est
simplement l’un des plus représentatifs de l’idée du jazz.
Un ancrage culturel indélébile, une recherche afin de faire avancer des sujets
enlisés, des « acteurs » formidablement impliqués, conscients de
graver là un moment certainement historique, un pont, une passerelle entre
l’avant et ce qu’il va inciter à devenir l’après…
« Kind of Blue » est unique, inégalé et inimitable.
C’est peut-être l’album le plus écouté du jazz et en tout cas celui qui a
permis de champ d’ouverture de celui-ci.
Après lui, tout va changer, parfois radicalement, parfois
progressivement, parfois dans la suite pure et simple de ce qui semble la
lignée créée par ces systèmes modaux, ce survol en toute coolitude de Miles sur
le sujet, ces solos qui se devraient d’être inscrits au patrimoine culturel de
l’humanité.
Charnière, il y donc eu l’avant « Kind of Blue » et un après qui sera
foisonnant, expérimental parfois autant qu’audacieux et même parfois totalement
inutile, certains cherchant quelque chose sans savoir vraiment quoi chercher,
juste afin d’essayer…
Miles, lui, a toujours eu cette éminente intelligence : il savait où il
allait et ce qu’il faisait, ce pourquoi il le faisait aussi.
La « Direction » semblant ici établie par Miles aura donc été très
diversement appréciée et prise et peu importe, il faut bien un élément
déclencheur.
Alors je m’installe, savoure l’entrée éthérée de « So What » et la
simple phrase de couleurs de Bill…
Et c’est parti ! Jimmy entre en lice et ce sera un déferlement de pur
plaisir où chaque note chantée en mémoire reprend le dessus, se faufile à
nouveau en moi, imperceptiblement, mais avec une rare assurance.
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BRIAN ENO & HAROLD BUDD « Ambient 2 – The plateaux of Mirror » /
EG 1980.
L’Ambient Music…
Peu d’années en arrière, je fais une conférence sur cette esthétique, dans le
public, l’un des participants me sort, suite à l’écoute d’un extrait de
« Jane » de H.Budd : « ça ce n’est pas de la musique, c’est
de la supercherie ! ».
Aucun intérêt à démonter un tel argument (si toutefois c’en est un).
Plutôt démontrer en quoi cette « non-musique » est en fait le meilleur espace
de bien-être que je connaisse.
Et cet album en particulier, bien que les quatre volumes d’Ambient ainsi que
l’expérimental et premier jalon « Discreet Music » seraient eux aussi
directement dans le sac de voyage (je les charge d’ailleurs souvent en
streaming quand je voyage…).
Voyage, déjà deux fois exprimé…
Donc c’est peut être là le véritable mystère, c’est peut être là que tout se
joue.
Mais je reste convaincu qu’il s’agit là d’une incitation à un voyage intime,
intérieur, en soi, pour soi… etc.
Avec les plages sonores et ne se reliant que peu avec l’idée de musique telle
qu’on peut culturellement l’avoir - donc je pense son, texture sonore, espace
sonore, fréquences sonores, matériau sonore etc. – cet album, suspendu dans un
temps qui n’existe plus, au sens là encore auquel nous sommes habitués, m’a
toujours permis une évasion totale de ma réalité, de ma vie, de mon
environnement.
Prendre cet album c’est prendre des « vacances » de la vie, c’est
passer dans un monde parallèle, que l’on n’explore que peu… le nôtre, « à
l’intérieur ».
Alors l’on est en paix, loin de tout et une quiétude bénéfique s’installe.
L’esprit gomme toute pensée qu’elle soit positive ou négative et il se promène
dans un territoire vierge qu’il n’est nullement utile d’emplir… il le restera
et à chaque fois l’expérience se renouvellera.
Le son amène vers le vide d’un espace où strictement rien d’autre ne semble
utile et paraît même futile, car le temps semble alors non s’arrêter
réellement, mais juste ne plus être valeur en soi.
« Ambient 1 – Music for Airports » déclarait les choses intemporelles
ouvertes et si vous avez été en transit dans un aéroport cette curieuse
sensation d’une autre dimension du temps, vous la connaissez certainement –
elle est ici transcrite en sonorités musicales.
L’on a donc, indiciblement, une « référence ».
« Ambient 2 » va vers des paysages imaginaires intuitifs et internes.
Il redimensionne l’espace musical par le son et c’est là toute mon attirance
envers cet album que j’écoute à minima environ une bonne trentaine de fois par
an si ce n’est plus… et qui plus est… en boucle ce une fois lancé…
Le 3 avec Laaraji au sitar est lui, un véritable voyage où la notion de musique
reprend le dessus.
Quant au 4 - auquel il conviendrait d’additionner « Apollo » - il
appuie davantage sur les textures sonores et espaces, insistant donc sur le
réalisme de ce voyage interne.
Eno et Budd sont certainement les artistes que j’écoute le plus sur la…
distance.
Le besoin de se ressourcer, de s’évader, de paix… certainement.
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« ABBEY ROAD » - The Beatles / Apple 1969
Mon sixième sera celui-ci.
A y bien réfléchir je crois qu’il me reste indispensable…
« Come together » et sa ligne de base m’a traumatisé…
« Something » est une sublime chanson.
Si je veux un peu de pêche rock, « I Want You » me suffira largement
Et il y a cette face B… ce truc inimaginable, ce puzzle aux pièces forcées mais
qui ont réussies à s’emboiter.
Ces petites miniatures essentielles, qui agissent comme un flash et illuminent,
en un court instant, l’esprit.
Les Beatles on peut quasiment tout savoir d’eux… de la couleur de leur froc en
passant par la chronologie de leurs relations amoureuses ou pas, ce qu’ils ont
bu ou mangé tel ou tel jour pendant la gestation de telle ou telle chanson…
comment l’idée est venue, etc.
Un long mais formidable film en mode série a ajouté la couche finale à la
légende, sur Disney, intitulé « Let it Be » et on aura vu comment de
bribes, de trainasseries en hésitations, puis en coup de génie ils
« construisaient » une chanson, donc pour eux cela veut dire… un
tube.
Il n’y a pas une chanson des Beatles qui ne reste en mémoire, c’est ainsi et il
faut bien l’admettre, c’est l’axe créatif collectif le plus génial de
l’histoire de la musique, alors en soit, c’est unique et essentiel.
Un peu comme Mozart (tiens j’ai pas mis Mozart… pourquoi ? mais parce que
trop de choix tue le choix… ou alors ce sera les Noces, tout simplement), mais
à plusieurs…
« Abbey Road » constitue à mon sens la quintessence de leur génie
collectif créatif, même si, on le sait bien c’est Paul et John qui sont les
vecteurs, George, le liant et Ringo le bricoleur assembleur de génie, quant à
l’autre George, c’est le savoir-faire… et quel savoir-faire !...
Il y a dans cet album de quoi largement avoir à écouter et écouter encore tant
sa richesse n’a pas fini de se dévoiler pour celui qui souhaite creuser au-delà
de la seule faculté mélodique qui saute à l’esprit dès le départ.
C’est en fait une mine musicale.
J’aurais dû prendre « Dark Side of The Moon » … hmmm, il doit bien
rester une petite place pour ce monument.
Haaa davantage de souvenirs que de découvertes cette fois ci. Tout me parle et je m’arrêterai à Springsteen et John (marrant sans son prénom)
RépondreSupprimerSpringsteen c’est « Born To Run » et ensuite jamais lâché, John c’est “Captain Fantastic” mais peu explore en vinyle rattrapé depuis dont ce « Blue Moves » qui m’a séduit tout autant que « Goodbye.. » si classieux et inspiré, quand mon goût s’est fortement orienté sur la soul très orchestré Marvin Gaye et « What’s Going.. » ou Donny Hathaway et « Extension Of A Man ».
Marrant l’écoute de l’époque, quand je fais écouter « Born to Run » à des copains plutôt Zappa ou Van Der Graaf c’est pour m’entendre dire « Pfff on dirait du Elton John »
L’après « Blue Moves » tu as largement raison. Reste les conseils de Assayas qui raconte un retour en presque grâce avec Bernie Taupin sur des albums récents tel « Songs From The West Coast » et « Peechtree Road » Que je n’ai pas encore écouté, par contre sa collaboration avec Leon Russel en 2010 « The Union » m’a cueilli, tout en bois, piano bar et modestie : je te conseille « Hey Ahab » ou « Gone To Shiloh » chez moi c’est **** tellement l’émotion y est. Si tu essaies mon commentaire aura eu son double effet KissCool.
Impeccable !
Supprimerj'essaye direct, car bien entendu je ne connais absolument pas ces albums d'Elton.
merci
Hello Chris.
RépondreSupprimerOui toujours ce même plaisir à sortir le vinyle de la pochette, poser le diamant ou le saphir puis ça y est petit craquement et cette chaleur, ce son !...
Ile déserte...
Mmmouais, finalement, ça peut être également juste un isolement intérieur, la musique fait le reste...
à +
merci d'être passée par là.