KENNY DREW, SADAO WATANABE, DAVID MURRAY, JUNIOR MANCE, WOODY SHAW.
KENNY DREW, SADAO WATANABE, DAVID MURRAY, JUNIOR MANCE, WOODY SHAW.
Du jazz, encore et toujours…
Enjoy !
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KENNY DREW « Dark Beauty » / Steeplechase 1974
Kenny Drew – Piano / Niels-Henning Orsted Pedersen – Bass / Albert Heath –
Drums
Quand on adule la formule trio, voilà un album qui ne peut
que répondre à toutes les attentes.
Il a été enregistré à Copenhague en 1974 que ce « Dark Beauty » et
c’est très certainement sous l’impulsion de Niels-Henning Orsted Pedersen qu’un
tel joyau a pu être réalisé.
Une musique d’une grande finesse, d’une envieuse liberté, d’une infinie
musicalité se dégage au gré des plages où effectivement l’idéal de beauté est
délibérément exprimé.
Le jeu de Kenny Drew est large, ouvert, généreux, espacé, souple et pouvant se
débrider – libre.
La contrebasse de Niels-Henning Orsted Pedersen peut prendre, chose assez rare,
l’archet pour des envolées lyriques d’une infinie justesse et d’un chant
profond, sans parler de ses lignes et walkings en soutien ample et mesuré.
Albert Heath navigue, lance, émaille, booste, soloïse à merveille (« All
Blues ») … d’une écoute et d’un partenariat diablement imbriqués.
Reprises de standards peu joués (« in your own sweet way ») ou
inusités, compositions insérées (« dark beauty »), tout est maximisé
dans ce jeu à trois renversant, actif, déterminé et engagé.
Un trio à installer dans les « favs » de votre playlist jazz à
écouter en boucle.
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SADAO WATANABE « Bird Of Paradise » / Flying Disk 1979
Sadao Watanabe alto Saxophone with « The Great Jazz Trio » (Hank
Jones piano/Ron Carter bass /Tony Williams drums).
On lit le casting et on sait que ce sera du lourd…
Sadao Watanabe n’a jamais estompé son admiration et sa passion pour Bird.
Il s’entoure là en 1979 de l’un des plus grands trios en activité, sous la
houlette de Hank Jones et propose avec ces accompagnateurs de
« rêve » un chapelet des plus grands standards de l’altiste qui a
bouleversé le jazz en installant le bebop comme langage à suivre (« Donna
Lee »).
En digne suiveur, disciple et admirateur il fonce dans le bop, bride abattue,
boosté par un Tony Williams, comme toujours sur vitaminé (« Donna
Lee »), chevauché par le sage Ron Carter (« Embraceable you »-« Star
Eyes »), pilier ample et bienveillant et contrôlé par un maître d’œuvre
implacable en la figure de proue d’Hank Jones.
Le résultat ne peut qu’être enthousiasmant et réjouissant.
Bird passe alors en prétexte, même si l’omniprésence de sa musique est de mise
et l’on est là, oreilles tendues vers chaque instant magique, décisif,
ahurissant, jouissif et jubilatoire qu’offre cet album, comme un cadeau, comme
un de ces moments où le mot jazz prend encore toute sa dimension.
Sadao, en pochette est l’expression même du bonheur que cette musique lui
apporte autant qu’à nous.
Et il y a de quoi.
Quoi ? Vous ne connaissiez pas Sadao Watanabe ?...
Eh bien, il est grand temps.
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DAVID MURRAY « Deep River » / DIW 1988
David Murray – Tenor Saxophone, Bass Clarinet…
Dave Burrell – Piano
Fred Hopkins – Bass
Ralph Peterson Jr – Drums
Pour les amateurs de Free Jazz ou pas, mais en tout cas de
« réalité musicale » voilà un album auquel il convient de prêter
toute attention.
Il pourrait presque relancer un débat relativement récent sur l’appréciation de
musique, lancé par un zozo se réclamant en tête de gondole Rolling Stones et
qui n’a certainement pas bien écouté, avec attention, par exemple, un titre du
groupe intitulé « Slave » dans lequel Sonny Rollins balance tout son
jus, y compris sa verve, justement, free.
Cette fameuse verve libertaire, David Murray en reste l’un
des plus fervents représentants, enraciné dans cette culture, qu’il défend au
même titre que ses racines, qu’elles soient blues, gospel et bien sûr jazz…
mais enfoncer les portes de ces filiations afro américaines est … lapalissade.
Là où le free aura eu tendance à s’enliser, et, comme nombre de mouvements
récupérés, décapés ou encore devenus l’ombre technique et cliché d’eux-mêmes,
le rendant forcément inintéressant, bavard, inutile ou hors champ, les
véritables pionniers, engagés, artistes et politiques, tels David Murray, de ce poing levé persistent
et perdurent en authenticité.
Leur langue tant que leur langage est restée empreinte de vérité et chacun des
traits, des déluges ou des vibrantes notes qu’ils engagent en témoignent.
Ce »Deep River » dont le titre est issu d’un
« traditionnal », entendons là un gospel séculaire et commun, en est
une preuve incontestable.
Il faudra bien entendu oser ouvrir la porte et y pénétrer, découvrir ainsi des
racines autrement envisagées, abordées ou présentées, mais, très vite,
l’évidence et cette réalité -témoignant d’un mouvement resté vivace et qui, en
1988 nous a apporté nombre d’artistes inscrits sous l’égide de Young Lions –
prendront immédiatement le dessus, car, en art, c’est toujours la vérité et la
foi qui gagnent.
Et cette foi, cette vérité, David Murray avec ses complices d’ici, les a,
indiscutablement.
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JUNIOR MANCE (His Piano, His Trio and The Bob Bain Brass Ensemble) « Straight
Ahead ! » / Capitol 1964.
Junior Mance – Piano / Monty Budwig – Bass / Shelly Manne – Drums
The Bob Bain (guitare) Brass Ensemble.
Un de ces albums qu’on sait pouvoir écouter souvent.
Les titres, d’une part, choisis parmi ces standards les plus célèbres, que l’on
connait, fredonne dès les premières mesures, sifflote en accomplissant le
quotidien ou en écoute attentive…
L’enrobage moelleux et extrêmement confortable de cette présentation cuivrée,
somptueusement arrangée, qui donne un dialogue entre le trio et l’ensemble des
plus gouteux…
Le trio, lancé sur des rails blues et ellingtoniens, aux réminiscences parfois
de Basie qui fait bloc autour de Junior Mance, au jeu aéré, qui prend le temps
de chaque trait, de chaque note, de charger de feeling le moindre instant. Le
tandem Manne / Budwig est fondation, le Brass Ensemble est quasiment réjouissant
et les deux parties s’amusent l’une avec l’autre pour un festival de plaisir
simple, mais en aucun cas coupable.
ça swingue comme rarement et rien que ça… et comme l’indique le titre c’est
vraiment du « Happy Time ».
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WOODY SHAW « Stepping Tones (Live at The Village Vanguard -1978) » -
Columbia 1979.
Woody Shaw – Cornet & Bugle / Carter Jefferson – Tenor & Soprano
Saxophones / Onaje Allan Gumbs – Piano / Clint Houston – Bass / Victor Lewis –
Batterie.
Capturé en ce lieu mythique, le groupe de Woody Shaw présente là un concert
typique de ce que le jazz en fin de seventies pouvait offrir.
Cette plongée dans ce lieu avec sur la scène un orchestre d’une rare cohésion
est un plaisir qu’il faut prendre en l’état, sans distinction comparative quelconque.
L’improvisation est le tracé général, le modal y est couleur, le blues y est coutume, le bugle associé
au soprano est douceur et pureté.
Ce quintet joue sur les règles de l’art avec bonheur, aisance, justesse et professionnalisme
précis.
En pochette, les voici photographiés très certainement en loges afin d’immortaliser
cet heureux moment qu’ils veulent faire partager.
Woody est tout sourire que d’être entouré de tels partenaires et son jeu volubile, legato
et dense (« Watership Down ») est ici exacerbé par la qualité de ses
comparses.
J’ai retrouvé avec satisfaction Victor Lewis qui reste l’un des batteurs que j’admire
sans limites (Carla Bley, Stan Getz…). Un jeu carré, solide, balisé et
permettant à ses compagnons la meilleure des libertés d’expression ("On Green Dolphin Street" et toute la retenue du thème).
On pourra apprécier tant qu’être emporté par le jeu technique et inventif (« Solar »)
de Onaje Allan Gumbs, un pianiste qui dans ces années là faisait souvent la
part participative au dos de nombre de pochettes d’artistes renommés (Mel Lewis,
Ronald Shannon Jackson, Angela Bofill…) mais qui est resté curieusement dans l’ombre.
Un artiste décédé des suites d’un accident cardio vasculaire en 2020. Il faut
prendre le temps d’écouter ses albums solos.
Voilà donc un de ces moments live jazz qui s’écoutent avec réelle joie
participative, capté de façon admirable avec un sentiment de « comme si on
y était ».
Le concert avance, l’équipe se débride, les solistes débordent d’envie, la
rythmique se met à foisonner, la puissance de jeu s’installe en force, Carter Jefferson prend lentement mais surement sa place, la
vélocité/virtuosité commune au live passe en jeu naturel… et on est, comme le public
dans la salle, conquis. Alors on applaudit, emballé, embarqué, admiratif.
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Allez, encore une poignée de jours fin aoutiens, la chaleur revient, le soleil
brûle les corps et fatigue les âmes … respirer, le soir et jouer, jouer…
- Un grand merci à https://www.instagram.com/charliemsm/# qui est sur Instagram une de mes piqures de rappel tant que source de découvertes préférées du moment.
Et qui plus est il ne collectionne pas que les albums mais aussi... la bière...
Peut être que dans un autre univers parallèle (mon dada depuis ma lecture de P Bayard "et si les Beatles n'étaient pas nés") un Antoine aura préféré une écoute probablement plus familière, ici j'ai choisi de me frotter au "Free Jazz". Risqué après écoute car si je n'ai pas ressenti de rejet particulier - pas mal? - j'ai su assez vite qu'une seule écoute si elle reste unique sera du temps perdu. Donc j'y retourne.
RépondreSupprimerMerci d'être venu et qui plus est d'avoir tenté l'aventure free.
SupprimerDavid Murray, t'y retourneras certainement, car une fois qu'on a découvert...