HERBIE HANCOCK – « Mr FUNK » - Saison 4

 

HERBIE HANCOCK – « Mr FUNK » - Saison 4

Nous y voilà…
Enfin !
Entouré de ses claviers joujoux favoris, mains agiles et prégnantes sur ces touches qui vont passer de la vélocité d’une savonnette à un after-touch ultra sensoriel, emmêlé dans des ramifications de câbles, le nez dans le bottin des notices, les yeux rivés sur l’écran compact, vintage, équivalent à celui du minitel et empilant les pièces du puzzle musical de ses fantasmes mus par l’obsessionnel mot funk, Herbie entre dans l’atmosphère des eighties.
Il n’aura jamais ce son des années 80.
Il usera des sons des années 80.
Il contribuera au son des années 80.
Il exploitera la technologie désormais galopante des années 80 et propulsera sa créativité vers des sphères là encore novatrices, inédites et… pourtant commerciales.

Il va y aller à tâtons, ou du moins par étapes.
D’une part H.H restera fidèle à ce funk instrumental issu de ses Headhunters, de son Group. Ces rythmiques saccadées, syncopées à souhait, ces Rhodes devenus, en une poignée d’années, vintages qu’il remplacera parfois par la suite par cette synthèse FM issue du révolutionnaire DX7, il va continuer à les perpétrer dans des albums truffés de multiples et nouveaux invités, chaque titre agissant comme un rappel d’un passé qui semble lointain mais qui n’a pas encore dépassé la décennie.
De l’autre il va radicaliser son axe créatif vers un funk plus lourd, plus engagé, plus hightech, plus acide, plus actuel. Les rythmiques vont se simplifier, se schématiser, s’accentuer et, là où elles étaient ondulantes, elles deviennent de plomb.
Son vocoder est maintenant commun et a inondé autour de lui (Zapp and Roger) et il est devenu le nouveau jouet de la confrérie funk, remplaçant très vite la mouth-box pourtant aux vertus identiques.
Il sera africanisé par Joe, bien plus tard et aura là aussi une récup’ glorieuse.
Il a été adopté et robotisé par Kraftwerk – l’outil novateur a de belles journée créatrice devant lui.

H.H pour autant ne va pas négliger ses vacances jazz, en quartet il va contribuer à jeter à la face du monde le jeune prodige Wynton Marsallis le dégageant de son frangin, l’émancipant des Messengers et lui offrant l’écrin des davisiens devenus VSOP, bref finalement de son trio.
J’ai assisté à l’un de ces concerts… Ce fut extraordinaire et c’est certainement le seul terme qui puisse me venir.
H.H alors qu’il triture l’électronique qui passe de l’analo à la FM, triture autrement le jazz… Il se remet à Monk, cherche des standards autres que ceux de sa propre sphère devenue non-confort, mais usuelle. Sa quête embarque ses amis, forcément ravis.

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Deux albums, achetés dans la continuité fan de l’artiste auraient pu me dérouter, ils m’ont fasciné et je n’ai pu que suivre ces directions.

1/

« Mr Hands » à sa sortie apparaissait comme un kaléidoscope et un album, finalement, épars…
De multiples invités, pas réellement de « groupe » mais comme un enchevêtrement de sessions de studio où le maestro s’éclate avec ses compos, ses arrangements forcément synthétiques et son matos qui ne dort pas dans le placard.
H.H est arrivé à destination avec ses équipages qui se sont relayés pendant ces quelques années de voyage, les gars prennent place dans leurs quartiers, s’installent et sortent d’une torpeur afin de jouer ce qu’ils savent faire et ont toujours fait aux côtés de leur leader.
Cet album sort en 80 et sa première écoute m’a dérouté.
Comme si H.H sortait en vrac des « chutes » de studio, des trucs oubliés et remis au gout du jour, passionnant mais comme une parenthèse.
Aujourd’hui je vois plutôt cet album comme un « résumé », la somme d’une époque, comme un point pas vraiment final mais une pause.
Herbie ne peut passer d’une « époque », d’une décennie à l’autre de façon tranchée.
Il le fait en douceur. H.H n’est pas provocateur dans son côté précurseur, il reste humble, détendu et toujours enclin au fun, au plaisir, à ce bonheur que lui procure la/les/sa/ses… musique(s).

« Mr Hands » c’est ce passage… on conclut les seventies et on amorce les eighties.
On fait un état des lieux et on offre aux fans et au public de nouvelles compositions, d’une rare qualité, qui replacent les pièces en ordre sur l’échiquier… avant de passer à autre chose, mettre de l’ordre…
On donne quelques pistes de ce que serait la suite…
A chacun de l’imaginer…

H.H peut ici paraitre versatile, multiple et hésitant sur la direction à prendre.
Comme je l’ai dit, il est arrivé à bon port, ses voyages l’amènent donc là, avec des équipages tout de même d’un niveau que rares ses voisins ayant de leurs côtés tenté l’aventure peuvent prétendre avoir eu en idéal de cohésion, de mise de côté de l’ego, et d’expérimentation directement réussie, sans passer par la case éprouvette et essais de labo.
John en est à son énième Mahavishnu et il va bientôt tenter une réhabilitation eighties de la chose, synthétisant lui aussi, après avoir creusé d’autres sillons.
Chick a usé la corde virtuose de Return, l’a défiguré et chaque protagoniste a surexposé son ego en soliste, de façon parfois et souvent passionnante (L.White), ou démonstrative (A.DiMeola et surtout S.Clarke qui n’apporte pas grand-chose si ce n’est rien…).
Il va bientôt lui aussi tout numériser et dédier un Electrik Band à tout cela.
Weather Report a souvent muté mais les deux dirigeants du vaisseau restent fidèles à la route fixée, ils ont juste fait quelques détours, récupéré en quelques haltes de nouveaux membres d’équipage et là, parallèlement ils ont enfin et pour un moment de quoi tracer une très belle voie.
Keith ne lâchera plus son Steinway et en solo comme avec de géniaux européens puis le trio de choc, il va creuser sa voie entre création instantanée et standards.
Miles est épuisé, usé, déprimé, en convalescence.
Tout le monde l’espère mais l’on n’y croit guère…
« Agharta et Pangea » en sont des témoignages frappants.
Hendrix c’est fini, JB passe parrain d’une émergence logique, le rap.
La place a été défrichée et le mot fusion va faire son apparition.
Sous influences de ces ainés des Spyro Gyra, Sanborn, Mangione, Lorber, et tant d’autres Passport, Brand X, Spheroe, Cortex, Sixun vont suivre ces directions multiples, même Soft Machine s’y met.
Et le jazz reprend du jus, à la mode il passe en jazzy et son côté fun va se commercialiser en sucreries appétissantes (Matt Bianco, Sade…), look à l’appui et même parfum Dior…
Une bénédiction pour ma génération qui va pouvoir s’en emparer et se revendiquer jazz.
Surfer sur la vague…


« Spiraling Prism » ouvre cet opus.
Ndugu et Byron auréolés de Bill Summers reprennent là où Sunlight semble nous avoir laissé. La ligne de basse remplacerait presque le thème joué au lead synthé moogé et où le tremolo du pitch bend fait force expressive. Cette basse retient d’emblée toute l’attention et elle va circuler sous cette orchestration synthétique chatoyante, alors Ndugu joue le beat mais aussi les ponctuations orchestrales pour mettre en évidence ce big band virtuel, digital et mirifique.
D’entrée on est sous le charme. La planète sur laquelle Herbie a décidé de rester et de s’arrêter est franchement accueillante…
« Calypso » serait presque finalement la suite initiée par « Good Questions », Ron Carter est là et distille une ligne latino samba pendant que Tony explose l’affaire. Quelques myriades de percussions en la personne de Sheila Escovedo et là encore Herbie joue avec nos oreilles.
On cherche le faiseur de lumières en steel drums, non tout cela est bel et bien synthèse et positionne réellement le jeu d’illusion qui permet à un son de prendre sa véracité si l’on connait l’usage spécifique de l’instrument qu’il « imite » …
Herbie a simplement augmenté le trio et sa formule acoustique d’un petit voyage caribéen. Décidément cette planète est une bien chaleureuse destination…
Un thème léger, sautillant, comme la basse d’ailleurs…
Plaisir, bonheur, retrouvailles… H.H quoi.
« Just around the corner ».
Changement radical. Le dancefloor est là et les corps ondulent.
Grosse artillerie rythmique, gros funk qui tue à tendance franchement discoïde.
Wah Wah Watson mène la guitar dance, implacable, impreturbable, métronomique et addictif. Herbie a acidifié les synthés, des cuivres pêchus giclent partout, ça wahwahte à donf, c’est l’hypnose et la basse de Freddie Washington a épousé la mode du slap. Sheila est la coloriste sur ce plomb et puis Herbie d’un coup s’est rappelé qu’il avait son Fender banché là, à côté.
Alors il en profite pour tomber un solo et… quel solo ! Le pur solo Herbie que je kiffe et qui me met en transe dès le premier trait. Al Mouzon en parfait clone de Cobham mène l’affaire et conclut ce solo par quelques trappes bien ahurissantes. Les synthés d’Herbie chantent alors, groovent, gueulent, bluesent…
le Funk vous dis-je… incomparable.
La grande, très grande classe…
« 4 A.M » est, par le casting mais aussi par ce qu’il dégage de funk subtil et d’une réunion unique tant qu’éphémère, certainement le titre phare ou du moins le plus emblématique de l’album. Harvey Mason en Headhunters vient rencontrer la légende vivante de la basse Jaco Pastorius…
Le drumming inventif centré sur le groove rencontre la basse véloce et sautillante.
H.H surfe sur cette vague exceptionnelle, fait feu de tous claviers, impose un solo de Rhodes à tomber par terre et en fin mélodiste nous pose un thème lumineux. 
Bill Summers est de la partie, le colorisme percussif chez H.H est une marque de fabrique.
« Shiftless Schuffle » nous ramène à « Sly »… un shuffle de folie, un funk déjanté, un solo virtuose… un mix entre le H.H Group et les Headhunters qui se croisent dans le local de répèt’ pour se faire un bon gros shuffle qui va très vite dégénérer en un truc binaire hallucinant, porté par Harvey qui décidément dans cet album s’impose comme l’un des batteurs les plus incroyables de cette génération et nous place là un solo « sans solo », juste accroché au groove - magique.
Paul Jackson est hallucinant d’aisance. Et Bennie vient conclure au ténor cette vertigineuse course poursuite.
« Textures » conclut l’album et H.H y joue tous les instruments, préfigurant un futur très proche qui le fera basculer vers ce tout en un studio, cette maîtrise M.A.O qui n’est finalement qu’une étape de plus dans ses avancées créatrices. Là encore on conclut avec une porte ouverte vers le futur.
Herbie apprécie certainement de s’être installé sur cette nouvelle planète, avec ses amis et ses équipages… Mais il envisage déjà de repartir et de provoquer le futur.

 

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Cette semaine je me plonge par hasard dans l’album de Laurent Mignard « Duke Ellington is Alive », le genre de petit bijou qui peut passer en boucle quand je replonge dans Duke.
Et je me suis fait un parallèle de personnalités.
Herbie/Duke…
Pianistes, compositeurs de génie, arrangeurs incontournables.
Une musique directe, référente, ancrée dans la tradition et le patrimoine et qui, simplement, sans intellectualisme mais avec une immense intelligence ose, se tourne vers l’avenir et surtout garde toujours cette bonne humeur, ce bonheur, ce plaisir.
L’un représente le mot swing.
L’autre les mots groove et funk.
Leurs sourires respectifs, leur classe vestimentaire, leur « retenue », la passion dans leurs regards…

 

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2/  

« Feets don’t fail me now » est cet autre album qui m’a marqué en cette fin de décennie seventies.
Il est sorti avant « Mr Hands », en 79, je l’ai acheté immédiatement mais il a mis plus de temps à entrer dans mon quotidien…
A cette époque mon entourage potes et amis c’était rock et déjà punk ou new wave en boucle.
Le prog était « finissant » et KC n’était pas revenu discipliné.
Le jazz et tous ses parallèles ne concernait pas vraiment ma sphère relationnelle et si la déviance funk(y) s’invitait c’était surtout Stevie et EW.F qui s’imposaient.
George Duke avait une bonne cote du fait de son passage chez Zappa et c’est par lui certainement que j’ai pu faire entrer de temps à autre dans cette sphère relationnelle, mais sans réelle convictions, Herbie.

« Sunlight » m’avait filé une étiquette de mec qui écoutait tout de même des trucs bizarres et kitch, ou du moins pochettes aidant l’entourage trouvait cela « ringard ».
Qu’à cela ne tienne, et malgré le regard vraiment suspicieux de mes potes en voyant juché à côté de la platine cette pochette avec un pied endiamanté, j’assumais…

Produit par David Rubinson, récurent producteur du Herbie Funk, Herbie s’est entouré de son staff habituel. James Levy et James Gadson sont au drums et côté guitares comme basse l’équipe gagnante est là, solide comme le roc sans oublier Bennie fidèle au poste.
On s’attend donc à…

« You bet your love » - va d’emblée fracasser toutes idées presque reçues ou imaginées…
ça commence en lourdeur funk assumée et Herbie s’est emparé du vocoder.
Il vise directement le dance floor… Chœurs sortis des séances disco, basse slap envahissante, beat profondément ancré sur le temps, rythmique de guitare préfigurant Rodgers…
EWF, Ohio Players…
Le fan des trios jazz ne s’y retrouve plus, il aura du mal à franchir les trois premières minutes et pourtant, au centre du titre avec sa section cuivrée, ses percussions latinisantes complémentaires et sa basse d’un slap groove qui fait remuer le popotin, H.H reprend son Rhodes et bien entendu n’oublie pas le solo made in Herbie…
Il ne raccrochera pas pour autant l’ensemble de ses « fans » - rare sont ceux qui franchiront les 7 mn de ce premier titre.
Erreur stratégique ? Provocation ? Volonté d’embrasser une mode qui est tant fun, freak que lucrative ? ...
Ou juste coup de fun et se faire plaisir sans se prendre la tête…
« Trust me » nous balade, et sa mélodie sirupeuse ne donne pas vraiment de réponses et si l’on est passé à ce second titre vocodé sur ligne de basse syncopée latine c’est peut-être parce qu’on a oublié le disque sur la platine.
Alors tout s’arrête… la basse offre une ligne sinueuse, un climat et là encore… le solo de Rhodes, auréolé de fioritures synthétiques va tout faire basculer.
Et la valse-hésitation j’adhère - j’adhère pas s’immisce dans l’esprit.
Vous vous en doutez, j’adhère, d’autant que cette suave mélodie a tout, finalement pour plaire.
« Ready or not » pose certainement la « bonne » question.
Sommes nous prêts pour la suite ?
Cette furie disco à la basse passée dans module qui s’est synthétisée, au drumming rythm box, à l’acidité addictive ?
Groove imparable, claps fédérateurs, chœurs obligatoires, basse inévitable, interjections synthétiques vocalisantes ou guitarisantes - H.H a resserré le sujet, il fait feu de toutes synthèses, accroche au beat lourd et destructeur tout ce que ses doigts peuvent jeter d’interjections.
Les percussions bien latines imposent leur nouveau pouvoir et cette fois c’est parti, le nouveau H.H m’a définitivement accroché, irrésistiblement… et comme toujours, en souplesse.
La face A de mon vinyle s’achève sur ce brûlot funk sur fondations disco…
Je ne vais pas hésiter une seule seconde à passer à la face B…
« Tell Everybody » surligne et renforce le trait écrit en caractères gras d’entrée, il enfonce le clou et martèle le beat. La basse est pure folie, les drums en open HH n’en peuvent plus de forcer le ruban de l’autoroute funk à défiler, Herbie prêche ce funk au vocoder soutenu par le chœur de cette nouvelle chapelle qui danse. Le titre module à souhait et on oublierait presque cet art de la construction harmonique du maestro. On a désormais intégré ces solos rythmiques où Herbie dialogue avec des percussions et ses propres cuivres criards.
Je suis sous hypnose et ce voyage, que c’est bon !
Et je me dis que franchement j’ai bien fait, encore une fois de m’acheter le dernier Hancock…
Je ne suis pourtant pas sûr, malgré cette folie physique qu’il me procure, qu’il serait apte à débrider le dance floor improvisé les week ends entre potes.
« Honey from the Jar » est en quelque sorte le monument groove et bluesy de l’album.
Don’t stop et stop, en breaks sont les maitres mots de ce qui jalonne ce truc funk et bluesy, faisant la pige à George Duke, spécialiste du genre (« Reach for it »).
Herbie chante blues futuriste, ça transpire de partout et cette basse… hmmm… ma tête dodeline, mon corps ne peut résister à ce mouvement addictif, et comme toujours, ce solo (et pour une fois vraiment trempé dans le blues) …
« Knee Deep ».
Déjà ? L’album est fini ? Cette fois, le dernier titre va opérer comme un retour vers un passé me ramenant à « Secrets ».
Le flanger qui est à la mode en mixs terminaux va donner cette atmosphère spatiale.
Je suis raide dingue de ces cuivres synth nerveux qui jettent le thème sur cette communion basse batterie. Wah wah balance tous ses clichés, le pont est un pur bonheur de mise en espace…
Et puis il et enfin il est là !
On l’attendait … et somptueusement, Bennie sort de sa tanière pour nous balancer le solo de soprano passé en modules wahwah. Cela va définitivement me laisser passionné de cet album qui va partir en fade sur ce truc rythmique flangé et embarqué en perçus façon Headhunters de la grande époque.

Je crois que j’ai mis du temps à décrocher de « Feets don’t Fail me Now » …
Mais H.H nous réservait déjà d’autres surprises et préparait un nouveau périple et nombre de ses suiveurs d’une autre ère s’arrêtèrent là…

 

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« Future Shock » - « Sound System » et « Perfect Machine » vont faire rupture.
Et amener un nouveau public.
Rares sont les fans de « l‘ancien H.H » qui vont entrer dans ces univers, ou ce sera peut-être de façon rétrospective.
Un peu comme Miles qui dès l’entrée dans l’électricité va tracer une route qui déstabilisera toute une communauté, une sphère, au-delà de ses seuls fans, Herbie cette fois part dans une série d’aventures électroniques qui laisseront perplexes et qui pourtant vont directement faire école.
Rap-Hiphop-DJ-Machines-MAO-Scratch-Techno sont face à lui et apparaissent certainement comme la prolongation logique de ses cheminements hightech, électroniques avec ces computeurs qui ont pris le dessus dans la production musicale.

Je découvre là un univers qui sans lui me serait resté certainement parallèle si ce n’est « hostile ».
Je découvre là ce funk qui va franchir de nouvelles frontières et vais devenir très vite passionné de ces groupes tels que Material.
Bill Laswell va très vite devenir une des figures que je m’efforcerais de suivre tant en bassiste (« Basslines » est un album captivant) que surtout en producteur.
Il m’amènera vers d’autres mouvances qui mixent le jazz avec une avant-garde piochant dans un rock qui détruit le prog tout en se posant sur ses bases (« Massacre ») et qui ingère le free pour en faire une réalité culturelle en place d’un truc pour spécialistes ou fans de dernière heure aigris (Kip Hanrahan).
Le gars est un hyperactif de la zic et sa soif de culture à mixer et synthétiser semble inépuisable.

« Future Shock » sera effectivement un choc, tant musical que culturel.
Il va me mener vers des contrées qui me semblent encore bien loin de mes préoccupations mais je vais y aller doucement et c’est là encore ma confiance envers un artiste de cette envergure qui me permettra de franchir mes nombreux a priori.
Si lui le fait, c’est qu’il a une bonne raison de le faire…
Alors faisons lui confiance.
« Rock it » a choqué, définitivement perturbé et tranché.
J’ai de suite acheté cet album qui enflammait la critique avec de rares « pour ».
H.H a ici franchi la frontière, une sorte de non-retour…
Au premier degré cette nouvelle musique, cet axe radical, ces nouvelles associations avec une génération qui lui fout un sacré coup de jeune mais aussi lui amènent de nouvelles dimensions tant de concept, que de production ou d’usages semblent une simplification d’un Herbie qui nous a habitué à tant de solos inventifs, débridés, funk ou empreints d’un jazz dont il reste tributaire.
Mais si l’on prête une attention toute particulière à ces albums qui recèlent des titres captivants une fois franchi celui qui sert, finalement de prologue, à savoir ce « Rock it », on va retrouver nombre d’us de ce que l’on « aime » chez H.H, il faudra juste faire l’effort de passer l’enrobage, la présentation, l’actualité…
Et l’accepter comme logique, comme évidence, comme passage obligé pour l’artiste qui ne pouvait éviter cette mouvance dont quelque part il a été certainement l’initiateur direct ou induit.
L’épouser apparait comme naturel de sa part et ces trois albums auxquels j’ai adjoint Material, Golden Palominos et autres Massacre, Nona Hendrix… sans oublier un parallèle avec des Talking Heads qui m’a semblé obligatoire, doivent reprendre aujourd’hui leur juste place non seulement dans la discographie imposante du maitre, mais également dans cette idée d’une évolution majeure des habitudes qui, sans eux, seraient devenues et restées séculaires, de la musique.
H.H s’auto-réactualise lui-même en fin de trilogie avec une version de son célèbre « Maiden Voyage » traitée à cette nouvelle sauce, un processus qu’il a déjà fait avec ses Headhunters quand il avait bottle-isé « Watermelon Man » ou avec son Group pour « Cantaloupe Island » - la ligne directrice n’a pas perdu de sa créativité et sa logique musicale et progressiste ainsi présentées et représentées permettent de comprendre ou d’accepter cette suite de son parcours.

Eighties, H.H a donc à nouveau embarqué dans des vaisseaux plus hightech, plus numériques.
Il a laissé la part d’analogique encombrante et s’est penché - aidé, sollicité, boosté par une jeune génération qui l’intègre comme certainement un parrain, un mentor, dans ses nouvelles avancées – sur cette nouvelle approche évolutive de la musique. DJ, Hiphop et Rap entrent en scène au détour de cette nouvelle scène funkoïde dont il relève et qui va très vite inonder, iriser, prendre pouvoir sur le marché musical.

Eighties, H.H a la tête dans ces nouveaux outils, expérimente, s’amuse et crée avec ces sonorités aux nouvelles textures offrant des possibilités qui semblent infinies…
Alors la pause, comme évoqué au début de cet épisode, c’est la création d’un Quartet éphémère, histoire de redonner à l’histoire un nouvel élément, de placer un nouveau pion sur l’échiquier du jazz.
Wynton Marsallis est ce jeunot qui, à peine sorti de l’adolescence et de l’école des Messengers va être projeté sous les feux starifiés de ce trio incontournable de l’histoire du jazz, cette rythmique qui a bouleversé Miles, eux aussi, très jeunes.
Herbie Hancock Quartet va repartir là où le VSOP semble s’arrêter.
Wayne est très occupé avec un Weather Report qui décolle et obtient une popularité sans égal, il est temps de reprendre ce flambeau et ce quartet pourrait bien le faire.
Wynton surfera sur cette vague fédératrice et bénéfique pour sa carrière et il saura reprendre à son actif cette école qui lui a tant apporté…
L’album est unique, dans les deux sens du terme.
musicalement comme le seul…
Et obligatoire pour ceux qui aiment Herbie.

Pré-eighties et congés payés.
Quoi de mieux que de s’offrir des vacances avec un vieux pote ?
Deux pianos, une tournée internationale, une mise en parité de compositions les unes évocatrices et modales, les autres hispanisantes et prétextes.
Avec Chick, ils vont parcourir la planète en jetant des cascades de notes en chaque lieu où des fans vont aller se gaver de ces joutes amicales sur fond d’une culture technique pianistique jazz totalement assumée et maitrisée.
L’intérêt ? Je ne dirais pas qu’il y en ait un quelconque…
Mais doit-on pour autant s’affranchir de partir en vacances quand on sait que ce seront peut-être les dernières avant un sacré bout de temps et qu’enfin un agenda commun permet de franches retrouvailles.
Ces mecs là ne se retrouvent pas autour d’un verre (quoique) – filez leur un piano et ils s’amusent comme des gosses…

Pré-eighties – 1979, Herbie entre en sessions pour un album qui sera à la fois légendaire et tournant dans la carrière d’une artiste que tout le monde admire, vénère et respecte : Joni Mitchell.
Elle rend hommage à Charles Mingus et s’entoure d’un groupe qui est le must.
Jaco Pastorius dirige le projet, il tombe là quelques arrangements qui préfigurent (ou confirment) ses phénoménales qualités d’arrangeur (que l’on admirera avec son Big Band) et Herbie ne sait pas encore qu’un jour il rendra un hommage à Joni.
En attendant, cette escapade le sort de « lui-même » et sa participation à l’album est loin d’être anecdotique.

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Cette saison 4 des aventures de H.H, ce héro SF des claviers de plus en plus connectés s’achève ici.
La saison 5 est en préparation. H.H y aura pris une grosse maturité, il va retourner à ses amours passés, réactiver des équipes dont les membres sont partis de leurs côtés respectifs, revoir Stevie et bien sûr compléter sa collec’ de claviers, user encore et encore de ces nouvelles techniques et technologies des studios.
Le suivre sera toujours aussi captivant et parfois innovant.
A suivre donc…

 







 

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