ÉNIÈME FIN D’ETE…

 

ÉNIÈME FIN D’ETE…

D’un coup les plages se sont clairsemées…
D’un coup il n’y a presque plus besoin de réserver au restau… ou d’attendre à distance raisonnable ou raisonnée.
D’un coup la route a retrouvé son fluide paisible, son ruban sans accrocs, que l’on suit avec régularité…
On a calmé les clims, on a troqué le short/tee-shirt bigarré vacancier pour le pantalon/chemisette… le boulot a repris ses droits.

Je regarde au loin…
Des étés d’avant rentrée il ne va pas m’en rester beaucoup, tout au plus, ou plus ou moins deux.
Après, la sensation d’été vacancier risque de durer en mode retraité.

Des vacances françaises, en France.
On se disait n’y croire qu’à peine – il fallait pourtant bel et bien y croire.
Masquée ou démasquée, la France s’est enfin rappelé qu’elle existe et qu’elle est belle, très belle même.
Local, le terme n’a jamais été aussi chargé de réalisme et de sens (de bon sens) et la leçon covid est peut-être – pourquoi pas – ici.
Une relève de conscience ?
Je voudrais y croire.
Mais bon on verra si la leçon aura franchi le mur épais à la berlinoise des esprits le(s) jour(s) du passage aux urnes.

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LISA BATIASHVILI « CITY LIGHTS » - DG 2020.
Guests : K.Melua, Till Brönner, Milos, Maximilian Hornung.

Toute rétro, admirative des « lumières de la ville », Lisa s’est coiffée d’un béret blanc pour arpenter un répertoire qu’elle veut poser en carte postale autobiographique de souvenirs des lieux qui ont marqué sa vie.
Entre BO, traditionnel et romantisme assumé, épaulée par son père qui est un formidable orchestrateur, la voilà qui va nous faire réellement voyager, en musiques évocatrices et passées dans notre mémoire consciente ou inconsciente, à travers un monde qui sous l’écrin (les crins) de son archet rappelle sa beauté.
Une grande interprète cela se repère au premier frisson qui fait se dresser la pilosité.
Avec Lisa cela ne traine pas et dès l’apparition, scintillante comme un trésor au fond d’une caverne, de ses premières notes de violon on sait que le voyage sera beau, sensible, délicat, féminin et inoubliable.

Elle va sublimer Chaplin, elle va chanter Legrand, elle ira chercher les larmes chez Morricone, elle ravivera encore la flamme Kanchely, passera par Broadway et fera le rappel de la Vienne romantique et du Bach le plus mélodique qui soit.
Au gré des plages les invités prendront place sur cette carte, cet échiquier sonore kaléidoscopique.
L’universalité musicale, insufflée par une artiste de la sphère « classique », de cette trempe…
Un voyage/bonheur à goûter sans la moindre modération, distillé avec style, élégance et cette classe féminine indéfinissable qui prend ici … comme un certain sens.

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WAGNER :
« TRISTAN UND ISOLDE » / Carlos Kleiber. DG 1982 (Price, Kollo, Fassbaender, Fischer Dieskau, Moll – Staadskapelle Dresden).
« OVERTURE, PRELUDES AND ORCHESTRAL EXCERPTS » / Rundfunk-Sinfonie Orchester Berlin – Marek Janowski.

Wagner c’est un peu comme ça…
Je sais que j’ai la journée devant moi alors j’entre dans l’univers au petit matin, faisant sonner la maison de l’ample sonorité 5.1 et ce n’est qu’au soir, tardif que je finis par sortir de cet autre voyage, empli de légendes, de héros tous aussi supers que ceux des comics, tous aussi grandiloquents que ceux d’un péplum, d’une épopée moyenâgeuse et bien sûr d’une longue exposition aux rayons de la saga Star Wars.
J’en sors avec peine, trempé dans une sorte de léthargie émue, chargée de ce que le plus ample de l’acte romantique puisse propulser en l’être…
Je ne suis pas « inactif », non… Il y a forcément des choses sans réflexion à faire lors de telles journée… des choses mécaniques, usuelles, utiles qui ne gâcheront pas par l’occupation de l’esprit celui-ci qui a besoin de toute son attention, de toute sa capacité réceptrice pour, une fois la porte franchie du premier prélude, entrer pleinement dans l’aventure.

Tristan (sans oublier Isolde), je le connais pourtant plutôt bien.
Je ne sais combien de fois je l’ai écouté en son entier et dans des situations toutes aussi similaires.
La version de Böhm est celle que j’ai en mémoire, mais suite à un « Freischutz » mené par Kleiber de façon indispensable, j’ai franchi le pas vers celle-ci.
La plus dense ? probablement.
La plus intense ? certainement.
Inoubliable ? oui désormais.
Dramatique ? on ne se peut plus…

Il est donc environ midi…
Isolde n’est plus et s’est éteinte pour partir vers des cieux forcément plus cléments.
Le dernier accord enfin majeur fixe définitivement ces quelques trois heures passées de tumultes en émois amoureux, de conflits en doutes, d’affres humains en sentiments dévoilés avec le plus extrême des romantismes.
Les interprètes ont déployé le maximum de leurs implications respectives, le chef est épuisé mais heureux et l’on le voit trempé de sueur mais apaisé par ce point d’orgue éternel.
L’orchestre a été le vecteur de cette multiplicité de sentiments, d’émotions, de vigueur comme de plénitude.

J’ouvre le frigo…
Le rosé estival n’est pas vraiment ce qu’il sera de mieux pour sceller le point final, l’apothéose de ces heures d’une telle densité sonore et musicale.
Silence et perplexité m’emplissent l’esprit encore bousculé par tant de génie, de verve créatrice, de magie.

Alors, s’il n’y a qu’un choix… c’est de continuer après un temps d’assimilation silencieuse.
« Parsifal » par Solti aurait été mon autre choix, mais je l’ai écouté avec la même passion un petit mois avant.
J’ouvre la brèche à Janowski, un regard sur la critique m’incite à lui donner cette chance de prendre la difficile suite de cette interprétation de Kleiber.
Ces œuvres symphoniques introduites par Wagner dans ses opéras, je les connais depuis l’enfance.
Elles étaient gravées en disques de chevet de mon père qui les avait par Karajan avec l’orchestre national de Paris.
J’ose donc Janowski, la peur d’être déçu, d’être en dessous de Karajan resté dès les premières notes du prélude de Parsifal, en mémoire d’enfant. Et là…
Que de couleurs malgré le sombre romantisme auquel Wagner est trop souvent estampillé, que de lyrisme dans la pâte orchestrale.
L’idylle de Siegfried prend tout son sens et… le prélude de l’acte 3 de Tristan und Isolde touche au plus profond de l’être, cette page musicale restant à mon sens l’une des plus belles de l’histoire de la musique.

Alors ces pièces orchestrales donneront l’envie de prendre le temps d’écouter encore Wagner.
Et je crois bien que Janowski sera la prochaine étape.

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Ralph Towner/Gary Peacock « A Closer View » - ECM 1998
Keith Jarrett Trio « The Cure » - ECM 1991
Bill Connors « Of Mist and Melting » - ECM 1978
Barry Altshul/Gary Peacock/Paul Bley « Virtuosi » - Improvising Artists 1976


Les réseaux sociaux ça annonce aussi les mauvaises nouvelles.
Aujourd’hui j’apprends le décès de Gary Peacock.
Décidément l’univers de la contrebasse en prend un coup, le jazz et la musique aussi.
Gary Peacock…
Un gentleman discret, un musicien créatif au service des plus grands, un instrumentiste parfait, précis, jute, pertinent, inventif…
En inconditionnel du trio de Jarrett, forcément, Gary Peacock, peut être l’un des rares contrebassistes jazz qui, quand il prend un solo, ne m’a jamais fait user de l’avance rapide tant ceux-ci prolongent la réalité musicale et font partie intégrante de l’expression du morceau.

Sa sonorité et son soutien sans faille à la musique, assumant un rôle en lui donnant une forme de noblesse restent à jamais gravé(es) dans mon esprit.

Au-delà de tous les albums du trio jarrettien qui sont des incontournable et dont ici, je n’ai extrait que « the cure », pour son titre phare, mais aussi pour un « woody’n’you » sidérant, un « old folks » a pleurer de même que « body and soul » et un « things aint’… » où Jack crée la surprise… j’ai mis là un petit florilège de ces albums où l’on pourra réaliser sa grandeur et sa valeur.
Avec Towner l’on touche au poétique en forme sublime.
Avec Connors boosté par un Garbarek de légende et un DeJohnnette débridé et miraculeux, il sera le guide, le pilier inamovible leur permettant tout.
Et enfin en trio avec Altshul et Bley il sera l’acteur d’un free jazz passionnant. Un free jazz qui m’a été révélé en partie par cet album qui est resté comme une leçon pour moi, composé par son épouse la délicieuse et créative Annette.

Il manque déjà et manquera à tant de fans, d’artistes.
Mais sa musique et sa sonorité restent là.

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J’en reste là pour aujourd’hui…
Et c’est déjà pas si mal.
Allez, à très vite.

 

Commentaires

  1. Je rebondis sur le Wagner mais surtout sur Tristan & Isolde. Une de mes rares émotions fortes, duo d'amour & mort d'Isolde. A l'occasion je te conseille la lecture
    https://editions-metailie.com/livre/lopera-ou-le-cri-de-lange/
    Le thème principal est l'émotion - unique à en croire l'auteur - provoqué par l'opéra et ces extraits de Wagner. J'aime bien ce commentaire qui après interviews dit: L'opéra est une énorme machinerie, et pourtant pendant ces grands moments d'écoutes, nous avons l'image des yeux fermés pour encore + plonger dans son ressenti. Mieux, parfois le plaisir n'est pas forcément lié à l'intrigue, au décor ou aux personnages, des moments inexpliqués musicaux, complètement hors contexte intellectuel, qui transportent. la magie de l'Opéra, ce fut même une drogue un temps chez moi, à la recherche des ces moments graal. Et ailleurs de l'opéra? à suivre et merci de ces papiers stimulants

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    1. Tu parles à un inconditionnel du genre...
      Je vais voir pour ce bouquin mais j'ai aussi tellement de retard en lecture(s)...
      Et en écoutes...

      Oui l'opéra c'est magique et sa musique seule peut suffire, au delà de l'argument.
      Car c'est bien l'argument qui amplifie celle ci, et comme avec une bonne musique de film, on peut s'en détacher pour le seul vecteur musical.
      J'aime cette idée.
      à + merci du passage.

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    2. J'ai le même retard, du coup j'ai beaucoup de livres en cours, et maintenant même des romans c'est nouveau pour moi. L'originalité de ce livre, qui peut rebuter, c'est l'auteur et ses recherches en processus cognitifs et langage + psychanalyse. Du coup - au stade ou j'en suis - les sujets sont abordables et peu technique, les réponses elles peuvent être discutables mais je ne suis pas dans mon domaine d'expertise, disons que les réponses sont parfois surprenantes. Comment le cliché du "mâle" qui ne pleure pas (big boy don't cry) est abandonné à l'Opéra, le "mâle" peut pleurer sans remettre en question sa virilité etc...

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    3. Opéra c'est souvent mythe, tellement de "héros" qui ont servi à la psychanalyse, bref, comme dans les légendes antiques, ce
      t type d'analyse par le symbolisme, la représentation par le personnage, l'histoire... sont souvent logique et pertinents.
      la musique augmentant l'initial pour lui donner une autre dimension.
      le leitmotiv chez Wagner est bien représentatif de... à +

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