I’M NOT IN LOVE – 10CC


LA CHANSON SORTIE L’ANNEE DE NOS 15 ANS

I’M NOT IN LOVE – 10CC Album « The original soundtrack » - 31 mai 1975.
Lol Crème : Piano/Chœurs – Kevin Godley : Moog / Chœurs – Graham Gouldman : Guitare / Basse / Chœurs – Eric Stewart : Chant / Piano Electrique.

10CC - I'm Not in Love - YouTube

T’es là, planté en canadienne vieux campeur, plein été, dans un de ces campings où tes parents t’ont imposé de passer les vacances.
Ta frangine passe ses journées avec des copines à faire du vélo, tout ce qu’elle fait t’est insupportable.
La chaleur est de mise, la montagne, passion éternelle de mon père est là, partout. Nous sommes à Allevard.
La transition va être rude…
Ce passage estival n’est pas seulement vacancier, non… mon père s’installe en région grenobloise, la famille le suit, ma mère va devoir attendre une mutation et le vivra plutôt mal, on est au camping en attendant… de trouver un logement.
Poussons le degré d’authenticité jusqu’au bout, ce premier logement, point de départ de tant de déménagements que je ne saurais plus les compter pendant mon adolescence sera… un chalet.

Je sais que je quitte Paris, mon univers musical, ma tante, mon oncle, mes grands-parents et mes amis bien sûr… ce qui, à quinze ans, est tout ce à quoi on est accroché, tout ce à quoi on tient, tout ce qui est ce point stable dans une vie d’adolescent forcément rebelle et surtout en questionnements permanents.
L’espoir vain de mon père de me faire aimer la randonnée, le crapahutage forcené ou cette nature au demeurant superbe, s’arrête à cette rupture entre une vie d’avant et une vie de maintenant avec un plus tard chargé d’incertitudes, de craintes si ce n’est d’angoisses.
Mes tests d’entrée au Conservatoire de Grenoble afin d’espérer entrer en horaires aménagés ne semblent pas avoir été probants, un gouffre pédagogique entre l’éducation de la maîtrise et les avancées novatrices de Pierre Doury, directeur du Conservatoire de Saint Maur m’est apparu comme un espace entre le Moyen Age et l’ère industrielle… pourtant, l’avenir me fera intégrer ce lieu grenoblois et même m’y sentir en famille…
Mme Durand, elle aussi novatrice, m’aidera à ce bien être.

Pour l’instant je n’en suis pas encore là, ma rébellion n’a pas vraiment de limites et ce ne sont pas les quelques francs gagnés en allant à la cueillette aux myrtilles, peignées soigneusement et ramenées en kilos harassants dans un sac à dos dont la réalité militaire serait aujourd’hui un accessoire de mode vintage, qui vont me faire changer d’avis.
Je m’emmerde ferme et le refuge c’est, forcément… la musique.
Le problème c’est que l’électrophone est resté au garde meuble, avec mes quelques précieux vinyles… alors la musique, c’est (ce que j’exècre au plus haut point, mais dont je dois me satisfaire) : la radio.
Donc, entre un rock’n’dollars qui ne m’irrite pas tout à fait, une ballade pour gens heureux dont je me fous royalement, un phoque en Alaska, je ne rêve pas tout à fait d’elle mais quoique car j’ai laissé un espoir et, été oblige, le sud je le fredonne, à l’occasion… je voyage en solitaire, pour sûr et il m’est assez facile de m’identifier à cette merveille posée là dans ce paysage radiophonique ringard.
Floyd n’a pas encore sorti ce qui sera mon chevet avec Wish you were here…
Et Zep est resté dans les cartons…
Mais au milieu de cette varièt’ que je méprise à tort systématiquement, un titre attire mon attention…
Il est mystérieux, éthéré, il flotte dans l’air comme un espace d’évasion : « I’m not in love »…

10CC il me faudra vraiment le voir écrit sur le 45 tours de la supérette du coin pour identifier ce groupe magique, sorti d’une pochette kaléidoscope que je juge westernisante, ajoutant encore plus au mystère.

Je n’ai jamais acheté le 45 tours…
Je n’ai pas non plus acheté le 33 tours.

Trop marquant que le souvenir raccroché à cette chanson, elle est restée gravée dans ma mémoire et j’ai réalisé de nombreuses fois que mes recherches de chœurs tant réelles que synthétiques s’y référaient, que ce passage climat m’obsédait tant il était incongru, aventureux, osé à l’intérieur même d’un « tube » - un argument que j’utiliserais par la suite en de nombreux cours décryptant la commercialisation musicale et les cas exceptionnels.
Ici voilà bien encore un mystère que d’avoir réussi à vendre tant de singles et d’albums avec un titre se permettant une telle échappée inventive.
Et puis, les claviers avec leur délicatesse diaphane, cette voix céleste, faussement angélique.
Le haut-parleur carton de la minuscule radio lui rendait peu hommage, pourtant c’est aussi là que j’ai compris, tellement plus tard, qu’un bon mixage, qu’une bonne prod passait par cette réduction extrême et que, si là, l’émotion arrivait à franchir le cap du quasi inintelligible, c’était gagné.
Ils avaient donc gagné et quand le second millénaire passé, avec Naïma et mon ami Jean Marc nous avons décidé de reprendre ce titre en version ambient électro toutes ces évidence sont revenues sans la moindre flétrissure, sans le moindre accroc.
On aura même souhaité le passage central passé dans un simulateur radio, on aura remplacé ce pont vers l’espace universel par un autre universalisme, à savoir Debussy, traité là encore par mimétisme, finalement, de façon éthérée.

« You’ll wait a long time », si court et si révélateur m’aura certainement fait immédiatement adorer Supertramp dès leur découverte, ensuite.
Le fender émergeant de ces nappes vocales en oua oua oua sera resté une de mes obsessions sonores, j’aurais aussi réalisé avec le temps que la charley imagée n’est en fait rien d’autre qu’une gratte acoustique mixée très loin à droite et que ce kick léger ne s’échappe certainement pas d’une batterie…
Compris aussi que le piano introduisant ce pont n’aura pas échappé à Eric Serra tant en son grand bleu qu’en un solo d’au fur et à mesure ou encore qu’en Diva/Cosma cette irréalité du marteau sur la corde pouvait s’habiller d’infinie légèreté en un presque écho non montagnard mais céleste.
Chœurs, mellotron, réalité ou virtualité avant l’heure ?...
Et cette voix féminine d’un érotisme absolu, qui vient vous susurrer à l’oreille de rester calme… ce n’est pas parce qu’elle est surmixée à gauche qu’on l’oubliera pour autant.

Une mélodie simple, une voix geignarde, un enrobage humanisant où le vocal sous toutes ses formes est omniprésent, une touche d’érotisme, de mystère…
Est-ce ça la recette de la réussite universelle ?...
J’avais peut être la réponse là, encore eut-il fallu le réaliser et avoir la capacité de la mettre en pratique…
15 ans, la radio, les tubes et là… le miracle.



Commentaires

  1. Whouahh le billet Pax.. superbe. Et là je me dis, dingo ce truc qu'a eu mon père dans les années fin 70's de vouloir tt plaquer et se barrer à Villard de Lans pour changer de vie et assouvir sa passion dingue de la montagne, ce coin là en particulier. J'étais pas chaud, ça c'est pas fait.... et là je me dis aussi.. ah ouaih, c'est TCC qui chante ça :D Au blind test j'aurai pas su mettre le nom sur ce tube dantesque. Et l'influence Serra.. bien sûr...

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    1. On se serait peut être rencontré...
      Moi ça s'est plus que fait et finalement ça m'a été largement positif...
      Mais ça à 15 piges t'es pas vraiment enclin à l'accepter.
      Marrant, on a parlé de reprendre à nouveau ce tube avec Midi Set Electro, version carrément électro...
      à suivre donc.
      THX

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    2. Oui, une reprise un poil plus syncopée, moins abyssale... d'ailleurs, la chanson commence joyeuse sur un A. Puis calme le jeu et se barre sur un Am.. c'est une danse jolie entre joie et mélancolie. Enfin, j'entends un truc comme ça.

      Comment j'aurai pris la chose quant à un éventuel déménagement ?? je crois beaucoup au fatalisme, en tout cas se rencontrer serait une réelle émotion.

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  2. Je crois que cette chanson a toujours existé dans mon inconscient. Je ne l'associe à aucune période de ma vie, parce que, pur moi, elle a toujours été là. Je suppose même quand je l'ai entendu enfant à l'époque, j'avais l'impression que c'était déjà une vieille chanson. "vieille chanson", dans le sens qui n'a pas d'âge, en fait.
    Je l'ai encore écouté la semaine dernière (je me demande si ce n'est pas mes enfants qui me l'ont fait écoutée, parce qu'elle ne serait pas dans la BOF des Gardiens de la Galaxie?
    Le plus beau slow qui tue que la terre n'ait jamais porté?

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    1. Bonjour Audrey,
      Content de te voir revenir commenter ici, bien que tu aies remarqué que je publie de moins en moins...
      Toi, t'es où pour te lire ? et causer.
      J'aime bien tes comm's c'est toujours pertinent, intéressant et approprié, comme ici avec cette notion de vieille chanson que j'aime bien.
      le plus beau slow ? après tous pourquoi pas ?
      tout dépendra d'avec qui on l'a dansé... mais c'est un autre thème, juste à côté des 15 ans...
      moi ce fut Stairway to Heaven, plus tôt... resté encore en mémoire et jamais oublié comme gravé et indélébile.
      à + et merci d'être passée.

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    2. Ben, j'ai pas de blogs. Je traine sur ceux de Jimmy et de Fracas surtout.

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  3. Exactement le genre de groupe que j'adore détester !!! En fait, je ne connais pas du tout, à part ce fameux titre qui squattait les ondes. Pour les friandises pour pécho des nanas, j'optererais plutôt pour A Whiter Shade of Pale de Procol Harum, ou Rain and Tears d'Aphrodite's Child, voire As Tears Go By des Stones.

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    1. Un peu comme moi.
      Tu sais ça ne se calcule malheureusement pas le coup de cœur... et le souvenir associé.
      à 15 ans on peut avoir des idées tellement rigides (j'enseigne la zic actuelle à des ados alors je connais le sujet par cœur) et d'un coup tout un pan de tes œillères s’effondre car tu découvre un truc, qu'en toi même tu rejetterais mais t'y peux rien c'est plus fort que ta réticence...
      Et avec l'age tu fins par céder et ouvrir ton champ de tolérance, car t'as été pris au piège...
      Et là, je l'ai été...
      THX
      Tes références, yes, bien sûr.

      ps, à tous je passe vous lire dès que possible, taff et indisponibilité obligent...
      J'ai pause vite fait et je repars.

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  4. Le slow de l'année 75 . Perso je l'ai découvert bien plus tard mais il fait parti intégrale de ma culture musicale. J'ai fait un billet il n'y a pas longtemps sur le titre et j'ai découvert 2 choses : 1)Une légende tenace se cache derrière le nom du groupe originaire de Manchester. Comme 9cc (environ 45 ml) serait la mesure de l'éjaculation moyenne; le groupe a pris le parti de se situer un peu au-dessus des autres et de s’appeler 10cc. 2) La version française :-( https://youtu.be/toJGWefMHXw

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    1. ÉNORME l'anecdote, c'est le cas de le dire...
      j'adore, voilà bien le genre de comm' qui prouve qu'un tel jeu et ses échanges quels qu'ils soient ça renforce les passions.
      la version fr, je vais de suite me rendre compte.
      merci du passage.
      extra.

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  5. Voilà un titre que je n'ai jamais oublié...mes parents avaient le 45 tours et avec mon frère on aimait bien à le sortir de temps en temps et l'écouter en boucle, avec le Korgis...
    Cette chanson est juste magnifique et je partage tout ce qu'Audrey en fait dit...C'est quand-même le plus beaux slow du monde , oui...😉

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    1. bon alors d'accord, le choix du plus beau slow c'est "éternellement féminin", je m'incline et de tt je suis d'accord...

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    2. J'ai oublié de dire que je suis très intriguée par la reprise que tu as pu en faire avec tes differents groupes... 😉

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  6. J'aime beaucoup ce groupe, parce que mine de rien ils sont taxés de "sucrés" etc mais ils tentent plein de choses et réussissent souvent. Un peu comme Hall & Oates ou Supertramp

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    1. Réponse tardive... boulot.
      Hall and Oates est un des duos que j'ai bcp écouté découvert suite à la participation de Dary Hall dans l'album Exposure de Robert Fripp. Puis j'ai acheté Sacred Songs produit par Fripp, un album vraiment à part, la pop de Hall mélangée à ses bidouilles frippertronics - fantastique.
      Supertramp automatiquement en lien référence avec ce groupe, cette approche po qui reste nourrie par le prog, forcément j'ai adhéré de suite.
      Avec l'age je mange beaucoup moins sucré, alors, je me rattrape sur les sucreries musicales... :)
      à +

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  7. Je ne connaissais pas, mais avec ce Moog, ça me plaît... Je suis faible lorsqu'il en est conscient. Un petit côté The Korgis non ?

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    1. Côté Korgis bien entendu...
      Marrant ce truc, un tube et voilà, c'est fini...
      Même schéma.
      Le mix du groupe pour cette époque est vraiment captivant à détailler.
      à +

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  8. Trop beau le souvenir, mais bon "Boys Don't Cry" hein? Je suis un accro à cette chanson. A l'occasion Debussy? Quoi ça? Où ça? Tu penserais à un mix?

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    1. Hello,
      je te réponds tardivement, ces temps la musique ... bcp de boulot.
      les souvenirs... tu évoques l'adolescence et forcément... avec quelques titres ça revient.
      Je dis souvent à mes ados élèves que c'est là, maintenant qu'ils se font leur bagage souvenir - émotionnel- culturel musical, alors qu'ils sachent surtout en tenir compte, car c'est là je pense que ton socle de goûts ne te quittera plus...
      Heureusement que j'ai lâché Cloclo pour Deep Purple in Rock, t'imagines...
      à +
      THX

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    2. Ah oui, réécoute Naima et le i'm not in love, au centre tu entendras trois extraits de préludes de Debussy : Voiles, Feuilles mortes et des pas sur la neige que j'ai associés et joué au Rhodes.
      C'est donc fait... ce mix et je le refait souvent au milieu de la chanson même aujourd'hui, car je trouve que ça s'y prête bien.
      Et ça évite l'impro bidon qui compenserait ce passage éthéré planant et sensuel.
      à +

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  9. En fait, le 10cc est ex-eaquo avec les Korgis d'everybody's got to learn sometimes pour le titre de plus beau slow du monde.

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    1. La chose est entendue et je suis entièrement d'accord avec toi

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  10. Sacrée madeleine, en effet... Beaucoup de souvenirs remontent à la surface. Des parties de flipper, la plage, les premières filles... Je viens de rentrer au Lycée. J'ai 12 ans? Pas possible. Une chanson intemporelle. Audrey dit la même chose. Merci Pascal. Un sacré choc.
    Eric.

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    1. Il est des titres intemporels, le genre coup de génie qui fait que ça passe les décennies sans une véritable ride car rattaché à non un son (et ici de plus il est hors normes) qui vieilli, ou vieillirait, mais à une charge émotionnelle.
      En disant ça je pense par exemple à un autre titre, le "Careless Whisper" de Wham, ou le "Human Nature" de Michael... dès que tu les entends tu les fredonne, tu ne peux t'empêcher d'ouvrir un casier mémoire de souvenirs, tu associe la musique avec une part de ta vie... etc...
      L'idée de "bonne musique" n'a pas vraiment de mise là dessus, ça dépasse ce seul stade, c'est juste une truc inscrit dans ta culture, dans ton patrimoine, car rattaché à la vie... et ces créateurs sont les premiers à être naïfs face à ce qu'ils ont provoqué.
      Une chanson, une musique - une fois qu'elle a été enregistrée et ce, quel que soit son degré de popularité, ne t'appartient plus...
      Cela appartient à ceux qui l'aiment et c'est toute la force de la musique que cette réalité.
      à +
      Merci du passage.

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  11. impec cet article avec l'humour et le recul qu'il faut

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    1. Merci beaucoup, l'adolescence faut tenter de la relativiser ;)...
      à +

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  12. 31 mai 1975, j'avais quasi 2 mois à 2 jours près !!!
    10CC est un groupe que je connais que de nom. Encore une découverte en perspective....et encore une fois de plus, très beau texte bien écris.
    A +

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