SOLO, IMPRO : MEGALO, EGO, MUSICAUX, VIRTUOSO, BEAU... OBLIGATO ?... Chapitre 2

SOLO, IMPRO : MEGALO, EGO, MUSICAUX, VIRTUOSO, BEAU... OBLIGATO ?...
Chapitre 2

On l’a vu dans le précédent chapitre, construire un solo n’est pas mince affaire, c’est tout un art même.
La progression vers un point culminant, objectif fixé par le protagoniste, ce quelle que soit la durée de son solo, est un axe de visée qui installe une grande musicalité, une pensée et qui suggère d'installer une dimension à ce solo.
C’est comme la continuité d’une pensée de compositeur.
Comme pour le « développement » du sujet en composition « classique », nous sommes dans la même intelligence, la même dimension culturelle aussi.

De l’autre côté j'ai évoqué l’invité qui en quelques mesures va transformer un titre par son talent, son génie, sa personnalité, son jeu, son langage, etc...
Argumenté, inspiré, improvisé, non calculé/instinctif ou préparé, ce solo peut recouvrir nombre de facettes de ce moment instantané.
Celle(s) choisie(s) brille(nt) et auréole(nt) le titre d’un plus, c’est finalement, le but recherché par les hôtes qui font appel à une personnalité extérieure.

Pour ces nouveaux chapitres je vais essayer de trouver d’autres sens, motivations, axes de quête que nos formidables solistes ont pu avoir et qui à l’écoute m’apparaissent comme tel – que j’analyse comme tel.
Des solos, dans toute la production « discographique » (méfions-nous de ce terme il sera bientôt effacé des dictionnaires), on les compte par milliers, c’est plutôt compliqué...

Rien qu’en un domaine à variations multiples comme le jazz, je pourrais y passer le reste de ce blog...
Je vais pourtant commencer par ce bout de lorgnette là et me promener à travers ce XXe siècle qui a vu naître une vie musicale et artistique ineffaçable de la création humaine, si ce n’est essentielle.
J’aime à penser d’emblée à une chronologie simple, plus resserrée sur l’espace-temps que la longue progression de l’histoire de la musique classique, mais au bout du compte, relativement similaire, d’ailleurs, en rock/pop sous l’étiquette des musiques actuelles on a à peu près la même évolution.
En plus court sur l’espace-temps là encore, mais à y bien réfléchir.

Au départ tout n’est que mélodie (et tendra à le rester).
Le contrepoint (et sa science) de Bach en atteste, les improvisations de Louis Armstrong figées autour de la mélodie le confirment, les solos travaillés et reproduits en redite en continuité du chant par nos Beatles ne font pas exception.
Puis viendra la simplicité nouvelle (la mélodie revenant à son état « pur »), à nouveau la règle, la verticalité sous l’horizontalité de l’harmonie, la notion de tonal, les gammes, le Majeur, le(s) mineur(s) – qui subiront une évolution (en raison de ces règles justement, comme infléchir le septième degré de la gamme au départ naturelle ce, afin de le faire entrer dans les clous du rapport harmonique de cadence V-I).
La fin du baroque avec sa valse-hésitation (tierce picarde) entre l’un et-ou l’autre (Majeur/mineur) et le classique-romantique avec la mélodie sur son support harmonique qui se complexifiera au fil du savoir, des recherches, du temps et de la création, de l’inventivité...
L’accord acheminé en progression gère, emboîte le pas et trace le chemin.

Des gammes en sont l’outil (et l’objet de travail instrumental, elles se glissent en arpèges, traits, passages dans l’art du compositeur), la boite à outils.
Avec celles-ci la mélodie va prendre de nouvelles directions mues par l’harmonie (pensez à la « mélodie/thème » du premier mouvement du concerto pour flûte et harpe de Mozart qui n’est rien d’autre que l’accord de do Majeur dans son état fondamental arpégé) et si elle est le premier jet créatif elle deviendra implicitement mue par cette progression devenue ancrage culturel.
En jazz le swing puis le bop, la penta issue du blues qui prendra le pas sur la mélodie...
Charlie Parker et son déroulé de phrases issues de gammes (lire l’omnibook pour en avoir la certitude tant visuelle qu’auditive), les débuts de Trane et de tant d’autres saxophonistes colossaux... Hendrix, Zep... des suites d’accords, de longues impros... des gammes pentatoniques, majeures, mineurs puis ce seront des "modes"...

Cette harmonie va donc ensuite s’émanciper du tonal pour s’inventer le « modal » (vous savez ces noms barbare pour les élèves, poétiques pour les compositeurs comme Debussy – Lydien, Aeolien, Myxolydien, Dorien...) – l’école française en fera sa gloire (Debussy, Ravel, Fauré, Satie... et tant d’autres Magnard etc...), le jazz ses nouveaux héros, Miles en tête mettant en avant le « concept lydien » créé par George Russell, Trane en suiveur compulsif, Bill Evans en élève devenant détenteur de langage et tant d’autres – « Kind of Blue » : le témoignage.
Ce sera aussi la montée progressive du rock, la prise de pouvoir des claviéristes influençant et réorientant les racines du blues vers des contrées créatives issues du « classique » tels ELP, Yes et autres King Crimson...

Il aura bien fallu que tout cela continue d’évoluer mais pour briser la chaine devenue là encore trop complexe une école de Vienne n’aura d’autre solution que de revenir à la « non-gamme » ou plutôt celle avec tout le spectre – 12 sons/chromatique – atonale puisque même pas modale.
On pioche, on aligne une « série », histoire de mettre un peu d’intellect, de science dans tout ça, de se souvenir de Bach et de ses partitas, ses passacailles, ses contrepoints stellaires et voici que la pensée pure peut enfin s’exprimer...
Les règles ne sont plus et peuvent être à chaque fois réaménagées, le créateur est maître à bord, de sa pensée d’une part, de son acte artistique d’autre – il est contemporain et exprime par son art sa vision contemporaine de sa société, de sa vie, de son état...
Il exprime par-là ses idées, idéaux, idéologies et son art est prolongation de son esprit.
Il devient réellement - et non plus seulement historiquement - "social".
Le free jazz puis l’improvisation libre (entendons débarrassée de toute contrainte stylistique ou esthétique – juste reflet du moment vécu tel que ressenti par son protagoniste) tenteront cette même révolution artistique et sociale.
Zappa en prendra son possible de même que certains RIO ou Residents bizarroïdes, si les punks avaient eu une intelligence musicale en place d’une rébellion d’ados post boutonneux peut être qu’on pourrait les classer-caser là, en tout cas les Stooges ou encore le Velvet peuvent prendre place sur cette marche de l’évolution.

Cette synthèse « darwinienne » de l’évolution musicale (mais on peut s’amuser à faire les parallèles avec toute l’expression artistique – peinture, sculpture, théâtre, littérature, etc...) et très schématique, j’en conviens, permet au moins de tenter d’y voir un peu plus clair (il y eut il y a plusieurs année un article pondu par le dernier véritable chroniqueur intelligent de rock’n’folk, Mr Eudeline, sur l’immense sujet).
Avec un peu de recul, elle embarque donc avec elle tout ce que le langage musical et ses outils tant abstraits (règles d’écriture, de composition, d’orchestration en permanence réajustées, évolutives) que concrets (la lutherie).
L’improvisation, le rôle soliste n’échappent pas à ce bulldozer du temps et de la cogitation créatrice de l’homme, celui-ci mettant toujours les choses en trois phases avant de les détruire ou les renier.
1/ Simplicité et expérimentation 2/ Règlementation et fixation 3/ Dérogation, augmentation, évolution, saturation.
Parfois sur la carrière d’un seul artiste-créateur c’est « flagrant »...
Aujourd’hui l’enregistrement toutes époques confondues (« de Bach à nos jours ») permet de nous en rendre compte.
Les premiers albums de Trane et ses derniers, l’évolution de Miles, celle de Zappa, la progression d’un Mahler, d’un Richard Strauss, de Bach, de Beethoven, de Monteverdi même...

...

GRANDEUR.

Il y a des solos historiques, des solos mémorables, des solos incontournables, d’autres passés sous silence, forcément, il y en a tant de ces actes réfléchis ou instinctifs, communs ou humains, expérimentaux ou aboutis...
Il y a ceux que je ne sais oublier...
A chacun les siens, voici une infime part complètement jazz désordonnée, des miens.

« SO WHAT » - Miles Davis album « Kind Of Blue » - Columbia 1959.

So What by.Miles Davis - YouTube

On ne va pas se refaire l’histoire de cet album historique, il suffit de taper ça sur le net, d’ouvrir un dico du jazz ou de filer sur la bio de Miles pour se faire une idée.
Cet album est incontournable et obligatoire, une sorte de monument que toute personne s’intéressant de prêt ou même d’archi loin au jazz se doit (devrait) de posséder (même dans une playlist deezer) et souvent possède.
Miles reconstruit ici à de nombreux degrés la culture devenue commune du jazz.
Il va le faire de ses racines en passant par sa forme et jusqu’à ses modes de jeu ou encore sa mesure dans le « temps » ou son tempo, ce en l’espace de six titres, entouré d’un casting de partenaires triés sur le volet et capables de tenter (d’oser) l’expérience.
Mieux, il le fait sans violence, avec une « classe » absolue et sans « essai », de façon directe, indiscutable, réfléchie, mesurée et calculée, pensée.
Pas la moindre trace d’hésitation, de balbutiement, d’expérimentation – c’est là, c’est gravé et ça fera date, école, direction et ça donnera un nouveau sens à cette esthétique qui en est à peu près à un demi-siècle d’évolution sur une échelle finalement réduite en paliers de décennies.

Le blues... 

« So what » - un seul accord (ou du moins je lui accorde le second au demi ton supérieur, mais dans le chemin à suivre, c’est... tout droit), comme au début où le blues c’était un accord pour supporter un récit, un quotidien, un sujet... cet accord aura avancé vers un degré modéré (IV) avant que le V ne finisse par s’installer pour apporter une touche occidentale se voulant tonale et résolutive à l’affaire...

« So what », un seul accord, un seul propos, une idée et donc tellement de possibilités pour l’ouvrir.
Malgré tout, « So what » est construit, merveilleusement construit même, sur un archétype de la forme du jazz, la forme AABA (JB fera de même avec son « Sex Machine » et son bridge – B, leçon bien retenue) et Miles ainsi que ses comparses, tout au long de leurs improvisations n’en dérogera pas – il fallait bien une règle, une « direction »...
C’est dans la vision de l’espace et comme un souci d’improviser sans contraintes, sans frontières, sans balises que Miles aura surement choisi de récupérer cette forme bien plus large et ouverte que les désormais « (pré)établies » 12 mesures du blues.
Il introduit le tout par une entrée crépusculaire, évasive, tournée vers le mystère puis AA (ré mineur) – B (mi bémol mineur) – A (ré mineur).
Avec ça, il va encore tordre l’affaire puisqu’en place de la gamme pentatonique généralement usuelle du blues, il va user du modal dorien (section Dm) et lydien (harmonisation de do en lydien – section Ebm) – concept creusé par George Russell que Miles a potassé avant de se lancer dans ce coup de génie mûrement réfléchi.

Les solos et en particulier son solo, maintenant...
D’emblée on va retenir, au détour de tout ce fatras rhétorique et de cette théorie appliquée, un sens mélodique absolu, tranchant forcément avec ce que tout expérimentateur aurait pu faire.
Là le langage et le solo qui en émane sont à ce point maîtrisé que le thème (un simple riff de deux notes ou bien, au choix, une ligne de contrebasse – là encore le doute est possible) sert juste de tremplin à ce solo davisien.
Pourtant, son axe qu’il va tourner en mélodie n’est autre que... fondamentale, tierce, quinte, septième de l’accord... l’accord de Dm7 donc... l’évidence et la simplicité.
Puis le maître va s’écarter et chercher la 11e (ou la quarte) – il l’évoque, s’en sert de couleur...
Trane va ensuite s’en emparer et l’emmener vers d’autres cieux tout en redéfinissant les cinq notes de la pentatonique qu’il exprime de façon pourtant (ré, fa, sol, la, do) évidente pour les teindre différemment.
Cannonball quant à lui, après un sautillement impromptu restera magiquement ancré dans le blues.

LE solo de Miles...
On aura donc disséqué par l’histoire, la musicologie, l’intellectualisme et le savoir, ce merveilleux moment musical, on l’aura retranscrit, chanté, écrit, fait travailler et ce solo est rentré dans l’histoire, à la note près, chargé de cette sonorité immédiatement identitaire de Miles.
Ce solo, George Russel lui-même lui aura rendu hommage en le faisant jouer comme thème, à l’unisson par son big band (album « So What ») – les amateurs l’auront reconnu de suite, dès les premières notes, tant il est inscrit dans les esprits. Et ils en auront eu des frissons.

« So What » aura par la suite été l’un des fleurons des multiples formations (souvent ses quintets) de Miles.
Voilà bien un thème qui en aura subi des brisures, des changements de tempo, des réouvertures de portes modales. En live, chargé de cette éternelle quête d’absolu du Mage Sombre, ce morceau instantané aura largement rempli sa fonction de prétexte-contexte à défricher, expérimenter, oser, déstabiliser.
Puis il y a eu l’ère des fameuses et discutables rééditions avec leur lot d’alternatives tracks et on aura pu découvrir la genèse ou les « essais » dudit solo. La légende de celui-ci, devenu modèle d’école a bien failli être remise en cause et j’avoue m’être refusé d’approfondir ces enregistrements parallèles. Si Miles avait choisi de graver celui-ci c’est qu’il savait que c’était le bon, celui qui correspondait à sa volonté artistique – à quoi bon s’extasier face aux essais, aux « brouillons » (ceci dit, même là, Miles ne brouillonnait jamais...).
J’en suis donc resté à cette version initiale, sublime, gravée en ouverture d’un album qui aura marqué l’histoire du jazz mais je crois pouvoir dire aussi, quelque part, de la musique.

L’improvisation avait retrouvé son autre lignée créatrice...
Miles Davis venait d’inscrire cela dans l’histoire de son évolution.
Il avait au passage ouvert grand la porte à ses suiveurs qui de là, auront chacun pris leurs propres directions : Bill (qui n’aura eu de cesse de chercher d’autres portes harmoniques), Cannonball (qui est resté ce pont entre bop et aventure), Trane (qui n’aura cessé cette quête), Paul (ce phrasé) et Jimmy (ah, ce moment où dès l’entrée il va quitter  la souplesse des balais pour en un break de « changement d’outils » prendre les baguettes) sans oublier Wynton (ce pianiste qui sert de passerelle, de passeur de culture, dans l’album) et bien sûr Gil (qui aura dimensionné ces aventures).
Mais c’est une autre histoire.

« So What » me procure toujours cette même sensation d’absolu, de supériorité évidente, d’infinie perfection, de message...
On a pour coutume de citer Boulez qui, parlant du « prélude à l’après midi d’un faune » de Debussy le décrivait comme l’un - voir le premier  - acte d’ouverture contemporaine.
Je pense que « Kind of Blue » et en particulier « So What » peu(ven)t être appréhendés sur la même échelle de valeurs en ce qui concerne le jazz.
Il y a eu avant et de suite après...
On ne ressort pas insensible ou indifférent à ce moment qui a ouvert de multiples voies.

« TUNJI » (Toon-Gee) – John Coltrane album « Coltrane » - Impulse 1962.

John Coltrane - Tunji - YouTube

C’est difficile de choisir un solo de John Coltrane – j’aurais pu me contenter de celui de « So What », après tout, ou aller directement dans le poncif du méga connu « My Favorite Things », du « Blue Train » suiveur du sillon davisien ; ou encore aller vers des contrées interstellaires à travers lesquelles il a voyagé en visionnaire.
J’ai donc fait à la mémoire de l’affect et n’ai pas mis longtemps pour me souvenir de l’effet que m’avait procuré ce « Tunji » dès sa première écoute. 

L’apparence n’est pas spécialement grandiose ici et on sera surpris de ce choix, pourtant si on tend l’oreille... il y a ici tant synthèse que sens, spiritualité et pensée, des fondamentaux coltraniens indissociables de son art simplement totalement identitaire.
D’une part Trane part ici de Trane à savoir qu’il est le compositeur et l’improvisateur de cette ligne qu’il met en place vers ce fameux point vers lequel il tend de s’approcher (cf chapitre précédent) et d’autre part il sort encore à peine là des modes et pentatoniques pour chercher vers des contrées orientalisantes et avancer ainsi vers une spiritualité qu’il veut universelle.

Trane est en quête permanente, en recherche urgente, en mission artistique et divine obsessionnelle.
Il avance, il évolue de titre en titre, d’album en album, il est insatiable.
Ici, la rythmique pose un schéma obstiné, implacable et le thème s’y enroule hésitant entre le pentatonique et un détour qui sera très vite une spirale.

Trane procède par paliers (une direction dont on aura l’occasion de parler sur un autre chapitre) – on ne sait plus si le thème est le solo ou réciproquement tant la tension/hésitation est palpable entre les deux.
C’est inhabituellement court, rapide et tant direct que hasardeux.
Il va (chose qu’il croyait rare) à l’essentiel.
Puis Mc Coy va ouvrir le champ d’investigation tant en tessiture qu’en voicings (l’une de ses marques de fabrique que ce jeu ouvert en accords).
Jimmy prendra sa part de dialogue soutenu habilement par Elvin qui tente une échappée (mais ce drone obstiné le colle à la basse/base) en place du thème, juste ré-évoqué, conclusif par obligation.

Un solo fugace, une expression librement collective, une direction commune déclinée individuellement, un point de quête absolue qui se résume ici en un flash, un trait, un moment fugitif loin des immenses prospections futures, mais déjà la porte s’est ouverte. 

Avec « Tunji » je suis entré dans l’univers coltranien, j’ai enfin saisi la portée du jeu chargé de racines d’Elvin, j’ai saisi un autre sens au rôle du bassiste et j’ai pensé qu’ici Trane avait franchi sa frontière, de façon désormais irréversible.

« THE DARK NIGHT » -Branford Marsallis album « Crazy people music » - Columbia 1990.

Branford Marsalis Quartet ~The Dark Knight - YouTube

Je parle de Trane et automatiquement cette filiation s’impose, ce titre avec.
Prospection orientaliste sur racines blues par Branford, tellement habité, mûr, impliqué et directif...
Jeu ouvert de Kenny cet immense pianiste d’une génération dite nouvelle et qui a perduré cette lignée des Herbie, Mc Coy et autres Tommy Flanagan, Bill Evans,etc...
Soutien imposant et implacable de Bob Hurst et ce drumming tellement grandiose de Jeff Tain Watts, synthèse de Tony et Elvin réunis là pour booster, vitaminer et dimensionner ces solistes, sans jamais perdre ce swing indéfinissable mais d’une rare inflexion.

Branford ouvre le jeu, il triture, il explore, il extrapole, il est en équilibre sur la ligne frontière du free, restant dans l’axe coltranien et ses racines bluesy. 
Il va barrer grave vers des contrées certes bien entendues ou reconnues, mais il le fait avec une telle implication que ça fout l’énergie, l’envie, la tonicité, on le suit, on le happe, on le sent... et ça, vu le contexte, ce charisme en 1990, c’est tellement « rare ».
Kenny va servir de relais, là aussi il va nous emporter vers des contrées connues mais qu’il est bon redécouvrir, se remémorer et puisqu’il va les charger d’une énergie jeune et qui résume en un bon gros solo tout un pan d’histoire d’un jazz dit moderne, on ne peut qu’adhérer totalement à - là encore - cette implication, à ce jeu se réappropriant sous cette nomination de « post bop » (dixit Branford) tant de pianistes de l’histoire du jazz.
Une sorte de solo en forme de patrimoine...
Puis ce sera Bob Hurst qui aura le dernier passage, Jeff, comme le fit souvent Elvin, a eu largement sa part de soliste sous le soliste, en lanceur, dialogueur, booster, incitateur il a pu user du solo de batterie sous un axe autre que sa seule mise en évidence.
Le solo de Bob Hurst colle à la sublime ligne de basse, chargée de groove, de swing indicible. Il la ré-éclaire, la creuse, la réinsuffle.

Enfin ce thème vaudou va revenir nous hanter.
Sublime.

« BLOOMDIDO » - Charlie Parker and Dizzy Gillespie album « Bird and Diz » - Verve 1952.

Charlie Parker & Dizzy Gillespie Quintet - Bloomdido - YouTube

Ouvrir le sujet du solo, du soliste et ne pas avoir une pensée ou une écoute pour Charlie Parker c’est du domaine de l’impossible.
C’est curieux comme sa sonorité, son phrasé, sa verve, son engagement, sa rapidité faite de traits fulgurants et truffée de petits ornements qui enrobent le tracé du sujet (et font l’une des textures du langage dit bop), son sens de la phrase toujours apte à porter au-delà d’une évidente virtuosité l’émotion, le sentiment, la parole, chargée de sens... sont un tout unique et entier complètement identitaires.

J’ai aimé Charlie Parker et cet engagement au-delà de ma musique qu’était le bop.
Je me suis identifié au jazz par lui et grâce à lui, au-delà d’un Miles que j’ai toujours vénéré mais qui représentait une autre dimension artistique à mes yeux (et oreilles).
Charlie Parker pourrait être et demeurer l’un des symboles du jazz à mon sens, parce qu’il s’en est emparé pour l’inscrire à la fois dans un jeu inédit et improbable, mais aussi parce qu’ainsi il a redonné un sens social à cette identité d’un peuple avec un engagement qui aura permis une réappropriation, une ré-identité, la conscience de maîtriser l’histoire de sa propre culture.

Le langage du bop insufflé par les deux compères a, en quelques poignées d’années, inondé la sphère de cette musique.
Cette fulgurance en points d’arrêts à peine vibrés pour un chant instrumental inédit, s’autorisant des paliers de tessitures excessifs, embarquant avec elle une imagerie passée de la réalité au mythe a traumatisé des générations et s’est invitée sous les doigts de tous les instrumentistes improvisateurs, avides d’assimiler cette complexité tant d’esprit que de technique. 

Choisir un solo de Bird c’est comme choisir un Dupont dans le bottin téléphonique.
Un langage qui s’est peaufiné, radicalisé puis adoucit au fil d’une poignée d’années de mise en lumière et qui a émaillé de son universalité des standards, des réappropriations, des compositions, des aventures à facettes multiples (cordes, cubain, chorales...) – voilà finalement la difficulté de faire un « choix » pour tel ou tel solo.

J’ai entendu dire que tous les solos de Charlie Parker se ressemblent, je dirais plutôt que Bird et ses solos a traversé un pan de la musique afro américaine appelée jazz et que sa « langue » a réunifié une musique en lui redonnant, grâce et par ce langage son identité.
Le sens improvisateur de Charlie Parker a l’évidence de l’universalité, il y a chez lui toute une somme des fonctionnalités d’improvisateur mises en avant depuis que cette musique a pris essence et aujourd’hui encore ses astuces et son identité de phrasé sont – comme les gimmicks du blues – partout et parfois là où l’on ne l’imaginerait même pas.

« Bloomdido », j’en ai fait ce choix parce que, en quelques secondes, voici que le bop et sa hargne tout comme sa générosité et sa désinvolture (Diz) nous sautent au visage, ce, dès le premier titre d’un album que j’estime « phare » du genre (si toutefois le bop puisse être genre).
Des légendes au service du mythe (Bird, Diz, Monk, B.Rich, C.Russell), un thème injouable sans y passer des heures de fastidieux travail (sans jamais arriver à cette aisance), des solos expédiés comme on se fait un cul sec, en prenant à peine le temps d’un point d’arrêt pour respirer ou déglutir, un tempo de feu qui semble vouloir rétrécir le temps, une urgence de fougueuse jeunesse ou de vie qui sera réduite à son minimum, alors pas de temps à perdre, un peu de frime, toujours du sentiment et une énergie absolue, du voltage sur-vitaminé.

Le format est commun, chacun son tour et hop...
Monk introduit en hâte, récupéré par B.Rich. Le thème, à l’unisson (archétype du bop, pas de fioritures) laisse directement la place à Bird qui s’engouffre à toute allure, balance une rigolade de final usuel, s’arrête pour vibrer à peine et laisse la place à Diz, moins long, sourdine dans le capot, la course de relai s’est bien passée ils sont en tête. Derniers passeur de ce moment olympique, Monk va caracoler en toute facilité, ses tours tordus il va les saupoudrer, pas le temps de s’attarder et enfin, dernier passage éclair à Buddy, enthousiaste pour franchir la ligne d’arrivée dans un solo fracassant comme si un marching band de quinze tambourineurs sortait du défilé pour partir en délirium complet.
Le thème, à nouveau, deux tours (normal, à ce tempo), même pas l’once d’une coda, d’un ralenti, d’une préparation de fin... hop ! Expédié, titre suivant...
Langage totalement en pleins pouvoirs, rapidité qui laisse le débit en non réflexion préalable par séquence mais en « pensée » (pas par à coup mais d’un point d’entrée à son point d’arrivée, le reste n’étant que phrases afin d’imager le propos). 

J’écoute encore « Bloomdido » et voilà, le pouvoir du bop, l’aura parkérienne me ré-embarquent dans ce tourbillon.
Fulgurant !

« AGUA DA BEBER » - Al Jarreau album « Glow » - 1976


J’allais refermer le chapitre mais une actualité musicale et artistique qui m’a profondément affecté est survenue : le décès du grand chanteur Al Jarreau.
Pour nombre de personnes de ma génération, Al Jarreau est et fut une sorte d’incontournable.
Personnellement j’ai tourné le dos à mes études de chant lyrique par son influence musicale, et, même si je ne suis jamais allé chercher dans cette direction vocale, son arrivée médiatique a été un choc pour nombre de « chanteurs » qui ne m’a pas épargné.
Adolescents nous avons passé des heures à l’écouter et ses premiers albums sonnent encore dans ma tête sans même que je n’aie à les mettre en platine forcément vinylique.

Un « live » mythique, un « We got by » qui m’a ouvert la porte avec « You don’t see me » et cet album « Glow » chargé de reprises pop (« Fire and Rain » de J.Taylor, « Your Song » d’Elton John,  « Agua da beber » de Jobim, etc...) et de compositions mi groovy/FM calif’ comme on pourrait qualifier maintenant. 
Un groupe est ici positionné en place d’une production cuivrée/orchestrée (« We got by »).
C’est un axe impliqué par le live des tournées qui ont suivi l’émergence du phénomène, et quel groupe !...
Le délicat et inspiré Tom Canning aux claviers et parfois Joe Sample mémorable, l’inventif et métrique Joe Correro aux drums, l’échappé des Crusaders Wilton Felder, ou le studio-man Willy Weeks, toujours "formidables" de créations de lignes majestueuses et inoubliables, piliers des titres... et la cerise sur ce gâteau très Crusaders, très Michael Franks en la personne de Larry Carlton, l’un des guitaristes que j’adule et ce... depuis cet album.

Al est amoureux de Susan, on le sait, il ne cesse de l’exprimer tant en texte qu’au détour de ses improvisations en onomatopées dérèglant les habitudes du scat, qu’en line de pochette.
Il faut une muse, Susan est la sienne, tout comme Dieu est sa direction, son chemin, son inspiration spirituelle.

« Dans chaque album d’Al Jarreau, y’a toujours un titre latin extraordinaire » disions-nous dans nos discutions animées jazz avec l’un de mes amis.
Ici c’est ce standard de la bossa nova dont le susurrement érotique d’Astrud reste lui aussi inscrit en mémoire. Al et son équipe de choc ont décidé de booster le tempo et lui insufflent un traitement qui aurait pu se schématiser vers la tendance samba, mais on reste dans cette pulse bossa « simplement » dédoublée.

Al Jarreau n’est pas encore dans le maniérisme que je lui reprocherais souvent par la suite et qui me fera parfois oublier de l’écouter.
Il n’a pas encore cédé à la muse du capitalisme commercial que Nougaro épinglera dans son « Rythm’n’Flouze » et il n’est pas encore entouré de musiciens star (quoique) étant lui-même star au milieu de ces stars.
Il est l’étoile montante d’une musique venue et chargée du jazz, mais qui s’adresse à un vaste public.
Sa voix, nourrie à la chapelle et au gospel, habituée à la pop et enracinée dans le jazz est incroyablement virtuose, il use de ce don vocal particulièrement travaillé pour tamponner de son sceau une marque de fabrique qui consiste souvent en l’imitation de la panoplie des instruments usuels du jazz.
Ce mimétisme il va le peaufiner au fil des ans et des décennies ce jusqu’à en épuiser l’auditeur, mais pour l’instant, dans ces sessions de 1976 il est encore en toute « fraicheur » sur le critère et, tant dans l’imitation timbrale que dans la connaissance culturelle des modes de jeu desdits instruments, il bluffe d’aisance, il joue le multi-intrumentiste vocal, il batifole autour du texte et autour de son groupe de luxe qui lui laisse l’entière expression.

Cette phénoménale capacité à improviser et accrocher l’auditeur par un feeling et une inspiration hors du commun on pourrait la résumer ici, dans ce court mais inoubliable solo vocal de « Agua da Beber » : Plan rythmique nasal, petite phrase bop, suspension dans l’espace pour chute bluesy, jeu sur les teintes harmoniques des accords bossa qui proposent des sinusoïdes mélodiques dont il va s’emparer afin de mettre de la couleur, le tout servi par une précision, une articulation, une délectation gourmande et une aisance qui laissent pantois.
Al Jarreau a lui aussi, ouvert les portes de la liberté et ce avec un instrument, la voix, qui s’est vue, d’un jet de ses improvisations lumineuses, propulsée vers de nouvelles routes, découvrant des contrées jusqu’alors même pas imaginées ou encore soupçonnées...

Il me manque déjà, mais là, c’est un autre rapport que celui simple de la musique.
Quand un artiste est associé à l’album souvenirs de la vie et que chacun de ses titres sonne comme une photographie de ces souvenirs, que sa voix sonne comme un repère familier, que dans le mot jazz dont on est un amateur, son nom s’inscrit de façon naturelle, que son sourire illumine du bonheur tout ce que la musique procure tant à ses acteurs qu’à ses auditeurs – il est bien difficile de faire une part réellement objective des choses.
Merci à lui pour tous ces moments de ma vie tant musicale que quotidienne.

///

Je vais arrêter là ce chapitre, il y a tant et tant de solos magiques en jazz qu’il est illusoire d’imaginer remplir décemment une telle mission de façon globale.
Mais comme toujours certains sont mus par des directions, des plans, des modes de jeu... ça me permet de faire mes choix.
Par ailleurs,  certains instruments ne doivent être laissés pour compte comme la batterie et son fameux solo souvent décrié... ou encore la basse (ou contrebasse) qui a peiné à être mise en avant...
Et le violon ? Les claviers au-delà du piano ? Le trombone ? La ... voix (à part Al dont on a parlé ici) ?
Enfin,il y a tant de ces légendes que je n’ai pas oublié, soyons en surs... Getz, Baker, Benson, Armstrong, B.Evans, Garbarek, Jarrett, Scofield...
Bon, j’ai des écoutes à lister là...
Allez, la suite au prochain chapitre.









Commentaires

  1. C'est avec l'abstraction du solo que je suis entré dans le monde Davis. Ronny Jordan et sa reprise 92 tout en boucle thématique en mode gimmick.. calibré, même son 'impro" semble mise en sample. Rien à voir avec la version originale qui me tombe dessus qq temps après, et tout le monde Miles David qui ne s'arrête plus, avec un gros stop sur le double "Bitches Brew".
    Génial le So What décortiqué et ce chemin fou basé sur un seul accord, et je repense à "Tomorrow never knows" :D
    Ma prochaine écoute sera différente.

    Je retourne lire la suite ;D

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. j'ai tellement joué la version de Jordan, cet acid jazz groovy, terrible !...
      mais bon, Miles,tj et tj...
      Un seul accord, Dave liebman disait que michael brecker avait montré au paroxysme ce qu'il était possible de faire sur un seul accord... en fait c'est infini...
      Tomorrow never knows... parfait exemple (la version du premier album de P Collins, fantastique...)
      à + donc, pour la suite...
      THX

      Supprimer
  2. ah ouaih, je connais pas la version Collins...
    En fait c'est à nouveau une question d'oreille. Avant de lire les explications, j'entends pas le fond, le truc d'un seul accord.. comme Tomorrow. Puis après explication ça devient fantastique et j'aime bien le fait que tout tourne autour d'un cap. "So What" vu comme ça est une danse fantastique autour d'une ligne droite qui blinde, sinusoïdale infernale posée sur un horizon. Je me demande si le fait de donner une ligne ainsi n'est pas une liberté offerte pour le soliste qui développe à volonté.
    Je vois les choses autrement..merci ;D

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pour te dire vrai, personnellement j'adore improviser sur un seul accord, c'est la liberté presque absolue et en même temps c'est aussi là que tu réalises vite tes limites, alors, tu cherches la dangerosité, à repousser aussi tes fameuses limites, parfois ça marche, d'autres tu te dis que bon, ce sera pour prochaine fois...
      Le free c'est autre chose, c'est d'autres pensées... j'en reparlerais.
      Mais un accord c'est juste là que tu sais si t'en as sous le capot... ou pas.
      En tout cas c'est là que le mot liberté, en zic peut prendre effectivement une part de sens.
      Tu vas constater ça en fait chez Branford et Trane bien entendu..
      à + , car il t'en reste un peu...

      Supprimer
  3. Waouh!! Quel billet
    Comment s'instruire ( s'enrichir ) avec plaisir....
    Comme Charlu, je suis emballé par tes explications du morceau "So What " de Miles......sans oublier non plus le passage ou tu nous parles d'Al Jarreau.
    Ecouter des morceaux que l'on croit connaître parfaitement avec une autre approche.....voilà l'effet Pax

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oulà merci...
      Dis toi bien que moi aussi je me fais ça à moi même... c'est à dire que quand je commence à creuser une écoute ça me parait infini de recherche d'idée de tenter de piger d'avantage.
      Pour "So What", j'ai commencé par ça, puis en voiture je notais encore ça, puis à nouveau tiens, et ça alors, et puis encore cette remarque etc, etc... on n'en finit plus.
      J'ai eu un prof d'analyse qui m'a refilé cette passion enquêtrice, tu sais quand ça commence mais jamais quand ça finit...
      Hier j'ai commencé à écouter plus qu'attentivement les orchestrations du new blood orchestra live (Peter Gabriel) et plus chquae titre s'installait plus je réécoutais pour creuser, comprendre, chercher le pourquoi rapport à l'original, trouver / comprendre l'axe... en fait c'est juste passionnant à faire...
      Merci, à bientôt.

      Supprimer
  4. Une lecture toujours aussi exigeante et passionnante. ..les solos c'est un peu la marque de fabrique des musiciens et je suis bien incapable de faire une distinction entre différents solos de saxo par exemple mais comme tu me l'avais dit pour le classique, c'est à force d'habitude et de reecoutes que l'on peut sans doute y arriver. ..
    Ça fait quelque temps que le jazz me titille, je crois bien que c'est à force d'avoir écouté pas mal de rock progressif, parce qu'il y a un rapport non ? Et puis il y a autre chose, je découvre et aime enfin les cuivres. ..après les avoir longtemps ignorés (due je crois à une idée reçue du conservatoire où sortis du piano et du violon, le reste. ..)...c'était bête et je le regrette maintenant. ...
    D'ailleurs là j'écoute un album de Marcus Miller de 2015 je ne sais pas si tu connais mais fait rare dès la 1ere écoute je suis emballée. ..:)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. hello Chris,
      je te réponds en vrac.
      un tel sujet c'est compliqué donc exigeant et tenter de ne pas dire trop de conneries... ou du moins d'organiser correctement ses idées sur la question - certains seront d'accord d'autres contradictoires, là c'est logique comme je l'explique à Dev plus bas, question d'écoles, donc clivages, approches différentes etc, etc... on n'échappe pas à ça.
      le rapport avec le prog, oui bien entendu.
      les cuivres... le premier solo de cuivre qui m'a foutu le frisson à en pleurer ado est le solo de sax baryton dans "shine on your crazy diamond" de floyd. j'étais bien incapable de savoir que c'était un sax baryton, car pour moi les cuivres c'était juste la trompette wahwah de Miles dont je ne cherchais même pas à comprendre la musique. Cette brutalité de Live Evil me suffisait, sans analyser, point barre, puis il y avait eu On the Corner...
      Je sais aujourd'hui expliquer pourquoi j'ai été fasciné par Miles... mais ado je me contentais de cette électricité brutale.
      Donc le jour où ce solo de sax m'a touché profondément, j'ai compris la puissance émotionnelle des cuivres et alors Sanborn est entré dans ma vie, car on l’entendait dans plein de titres pop/jazz/rock (même chez les stones il est dans undercover)...
      c'est bien par le prog donc que je suis allé au jazz...
      M.Miller...
      c'est toujours complètement fédérateur - j'adore... évidemment...
      à +
      thx

      Supprimer
  5. « Ce sera aussi la montée progressive du rock » pour aborder King Crimson, il n’y avait que toi pour oser … sans arrière-pensée il semble.
    Ce que j’adore c’est ce mélange savant pour ceux qui connaissent la musique et ces phrases qui donnent de suite envie de vérifier « Cannonball quant à lui, après un sautillement impromptu restera magiquement ancré dans le blues. »
    La musique
    Le Miles Davies je n’ajouterai rien, car je me suis jeté sur le Coltrane que je pensais connaître tellement ces quelques lettres semblent familières, mais en fait… non. Tu m’as fait connaître un grand moment de musique, moins éprouvant que sa période stellaire.
    Je pense pousser ensuite vers Marsalis…Écouté religieusement, enfin presque, avec un petit frisson sur la partie piano. Mmmmm. Superbe
    Haa Le Charlie, secousse familière mais ça faisait trop longtemps. Merci, de + je n’écoutais ce titre que d’une oreille distraite. Je lis le mot « aisance » oui, on imaginerait bien un 3eme bras virtuel qui marquerait le tempo pendant le jeu du monsieur… et les protagonistes !! Pas de maître et des élèves, que des géants. Et le Monk… pfffff
    Jareau ? Ça va être dur dur non ?
    Non, en fait je retrouve le rendez-vous pris avec un autre de tes articles, et ce « Agua De Beber » est un vrai plaisir. Agrémenté par ton hommage touchant, cette fois ci ce n’est plus le Georges pédagogique passeur de passion, mais le Pascal plein d’affection. Je vais mettre un extrait de ton texte et un lien vers cette chronique sur Facebook. Peut-être qu’un autre Al Jarreau attaché passera te lire…

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. De retour de week end tant familial que musical, j'ouvre la tablette, je lis ton commentaire, le fait lire à mes proches...
      Voilà qui met une fin de dimanche en mode plaisir et conclue sur la même touche ces deux jours passés samedi en musique, dimanche en famille.
      Quand on se lance dans de tels articles ça prend, tu l'imagines, du temps.
      Il faut un élément déclencheur, un truc qui te fait dire que, tiens, pourquoi pas ce sujet, etc...
      L'improvisation est de plus en plus au cœur des débats pédagogiques, on a enfin réalisé qu'elle fait partie d'une forme de développement de la personnalité qu'il faut insuffler dès les débuts de l’apprentissage artistique, mais pas que...
      En musique elle va donc progressivement s'installer dans les "études" et forcément elle aura ses déviances de méthode, de théorique comme de laisser faire intuitif.
      Là encore tel ou tel enseignant pensera "enseigner" l’improvisation comme lui même l'a vécue, comme il y est arrivé lui, personnellement et là encore cela va créer des modes de fonctionnement divers et variés, forcément intéressants, des "clivages" et des écoles - puis des schémas, des méthodes...
      Dire si c'est bien je n'en sais encore rien, il faut faire confiance au temps.
      Le jazz est enseigné dans les Conservatoires et là encore c'est affaire de personnes et de méthodes, idem maintenant pour les musiques actuelles - le recul est très faible, les personnalités encore trop empreintes, les schémas pourtant ouverts sont pris d’assaut en justificatifs par les théoriciens qui se réfugient derrière des textes pour justifier leurs visions.
      Comme toujours c'est compliqué, sur le terrain entre professionnels, chacun ayant la certitude que "c'est comme ça qu'il faut faire"...
      Au delà de ces constats dans lesquels mon quotidien baigne, je crois que l'essentiel est l'acte et la confiance qu'on pourra avoir envers l'élève qui finalement saura prendre ce qui lui est utile quelle que soit l'approche.
      L'improvisation va donc toucher bientôt tout l'enseignement musical... ouf !
      Tout le monde est capable d'improviser, les seules limites à cet acte sont soi même, son esprit, son éducation, son "imagination", la peur de se mettre en avant, etc...
      Tu demandes à deux élèves d'improviser sur trois notes - l'un va de suite trouver qq chose l'autre sera incapable d'ne sortir une sans faire la grimace trouvant sa "production" "pas jolie", pas intéressante, etc...
      Il va falloir de l'un comme de l'autre tirer le meilleur et au sortir la satisfaction sera la même - même s'ils partent chacun avec un instinctif opposé.
      Donc je suis professionnellement - enfin dirais je - en plein dans ce bain pédagogique que je défends et qui me confronte forcément à ces approches variées. Alors un sujet en multiples trappes c'est de la logique simple.


      Supprimer
    2. suite...
      J'ai (re)commencé à réfléchir sur les vecteurs qui mènent à l'improvisation car au delà de l'instinctif vient ensuite et progressivement, ce avec la technique instrumentale et la connaissance musicale, le "langage" personnel.
      A chacun le sien, mais des similitudes, des contextes, des cultures, des écoles, des évolutions aussi, une histoire, un passé et une culture existent et si, en pédagogue tu dois comme c'est mon cas, coordonner des idées pour trouver un axe collégial et consensuel, c'est bien de faire le point...
      De là à passer à l'article afin de mettre à plat, c'est une prolongation logique de l'esprit.
      Un premier chapitre, direct n'a pas été compliqué - ça se resserre et le sujet est vaste donc il va y avoir pas mal de chapitres... car ce sujet à y bien réfléchir me passionne vraiment d'autant que l'improvisation est quasi 50% de mon jeu pianistique... au quotidien.

      Miles... je ne pouvais l'éviter.
      Trane, justement, j'ai toujours été impressionné par ce titre - je pense avoir écrit la raison de cette fascination - il m'a fait entrer dans l'univers de ce phénomène... le comprendre, l'appréhender et surtout tenter d'en prendre une part spirituelle et philosophique, et pas qu'en improvisation mais aussi en pédagogie. Trane est un formidable chemin pédagogique, bien plus lisible que Miles, que pourtant je mets au sommet de mes musiciens, sans sectarisme stylistique.
      Branford pourrait être justement la lignée filiale de cette direction pédagogique, l'élève, pas forcément "le bon élève", mais celui qui justement a su partir d'un point pour se créer sa propre direction, sans pour autant renier ses racines mais en les injectant, justement dans son langage. Son frangin aussi d'ailleurs...
      Bird, là c'est comme gravir une montagne, mais, il y a là aussi langage universel et son omnibook est une bible des études de jazz, au même titre que les real books, donc le passage obligé de l'improvisateur de jazz... curieux, cette semaine j'ai découvert un album du pianiste Jeff Lorber que j'affectionne particulièrement et dont j'ai subi une terrible influence "digitale" - un album intitulé "Bop" où l'on comprend que son jeu en groove funk dont l'évidence bop m'a toujours sauté aux oreilles est directement issue de cet omnibook... là il va sans détours rendre hommage à cette source.
      Génial.
      Pour Al Jarreau, je ne pourrais en rester à cet entrefilet mais ça a été dur et rendre un hommage à un artiste qui a énormément compté dans ma vie (pas que musicale justement), ça ne se fait pas sans peser tant les écoutes que les mots... donc j'y travaille et ce sera le prochain article.
      Merci de ta fidélité ici.
      à très bientôt.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

« A EUX LA PAROLE » - ELOISE MINAZZO : « En Boucle ».

FELICIA ATKINSON.

REDECOUVERTES, REDECOUVRIR… (Syndrome de l'île déserte ?)