DIRE STRAITS – « Love Over Gold » / 1982 Phonogram

DIRE STRAITS – « Love Over Gold » / 1982 Phonogram

All songs & prod : Mark Knopfler
Mark Knopfler : Vocals/Guitars
Hal Lindes : Guitar
Alan Clark : Keyboards
John Illsley : Bass
Pick Withers : Drums
with
Mike Mainieri : Vibes and Marimba (tracks2,4)
Ed Walsh : Synth programming

On avait déjà tenté le coup de la publication parallèle avec Charlu (les chroniques de Charlu).
C’était avec un album de Fred Pallem et de son Sacre.
Il était temps qu’on remette ça.
Comme toujours il faut trouver une occasion, ça a été un jet de commentaires entre nous deux sur la dernière chronique qui m’a fait réfléchir au critère du solo, du soliste, etc...
En passant le nom de Dire Straits a surgit, c’était logique.

Les chroniques de charlu: Dire Straits 1982 : chronique croisée

Knopfler, les-ses solos, il en a fait marque de fabrique et il a traumatisé un paquet de guitaristes, créé une « lignée ».
Il a influencé, tant par le jeu que par le son, une génération de gratteurs de six cordes, leur donnant en pleines eighties synthétiques à manger pour une bonne décennie...
Il les aura sauvés du rouleau compresseur quantize, cubase, Atari, sample et home studio et leur aura donné en passant, un nouveau souffle pour une cause non perdue, celle du « live », de la scène, de la sueur et des tirades américano pentatoniques, rock, bluesy et country rock.
Le bol d’air face au vidéo clip formaté avait pris forme stadium et cette dimension avait même pu entrer dans les moniteurs et casques du sacro-saint studio...
LE « studio »... et son perfectionnisme, Knopfler aura parallèlement prouvé qu’il connait le sujet.

Après le retour à des sources tellement basiques, voulu par nos punks rebelles concons, au détour d’une new wave chargée de synthèse sonore dans laquelle tout à chacun s’engouffrait, nos amoureux du manche Fender à la carrosserie de préférence rouge Cadillac venaient, à cette aube des eighties, de trouver leur nouveau messie.
Il était temps...

- Après des années à tenter de mettre à droite les us et coutumes d’un gaucher stratosphérique...
- Après la redécouverte du filon (ne mettez pas deux L svp) du blues sous des aspects rugueux claptoniens qu’ils auront usé jusqu’au trognon...
- Après avoir tenté des courses impossibles et inutiles en s’essoufflant quitte à se provoquer la limite de l’AVC en courant après un Mahavishnu olympique...
- Après s’être tordu et écarté les doigts de la main gauche afin de tenter de trouver les positions improbables d’un policier ripoux ayant fait croire qu’il était un punk-new wave (au choix) de la pure espèce blondasse...
- Après avoir posé lesdits doigts sur n’importe quelle case avec le son le plus acide possible afin de croire qu’ainsi l’accès à l’intelligence d’un roi déjà cramé aux stratégies devenues obliques serait possible...
- Après avoir investi dans des grattes à manches multiples, en ayant vidé leurs livrets A puis fait le tour des demandes de crédits pour trouver des housses capables de transporter ces précieux hybrides zeppeliniens et, au passage, participé au trou de la sécu des intermittents suite à des névralgies lombaires dues à un abus scénique desdits instruments au poids dépassant le concevable.
- Après, enfin, avoir cru qu’en s’emmêlant dans tout ça il serait possible d’arriver par longues étapes à la lettre Z, pour non s’enfoncer dans les racines sudistes d’un blues volé à ses créateurs, mais pour accéder au statut de grand compositeur / guitaristophile intello-sarcastique-obscène...
Il était enfin là, coiffé de son bandana insolent, souriant du bonheur d’être sur ces scènes face à des stades bondés, chargé de prêcher le rock avec sa panoplie de Live Aids, de festivals surdimensionnés.
Ce nouveau héros guitariste post claptonien venait d’arriver.
Il s’appelait Mark Knopfler et curieusement malgré un nom a priori franchement imprononçable, voilà qu’en une petite poignée d’albums et associé à son groupe Dire Straits, l’homme était dans tous les esprits, sur toutes les lèvres et prenait sa place en riffs comme en gimmicks, plans de solo... sur l’ensemble des manches de Fender de la planète.

Je n’ai guère écouté, ni aimé Dire Straits, du moins comme il était impossible de les éviter, je n’approfondissais pas.
Impossible de les éviter sur les ondes, impossible de les éviter dans une soirée entre amis où ce rock croisant tout ce que l’Amérique a de bon/pire était inévitable dans les nouveaux lecteurs CD, dignes successeurs high tech au son parfait pour musiciens d’un groupe parfait et parfaitement adapté à...

Impossible d’éviter enfin Mark Knopfler et son groupe (qui connait vraiment le nom des zicos de Dire Straits ?) au « quotidien musical ».
Il était devenu une obsession du guitariste quidam et en très peu de temps la plupart de ses phrases, de ses plans avaient rempli les locaux de répétitions, les petites scènes de clubs (« Vous jouez quoi comme musique ? » - « du Dire Straits... » - « Ok je vous prends... à samedi ») et les gamins commençaient sérieusement à des âges précoces, à s’en inspirer.
C’est un peu l’histoire de la surenchère, un héros arrive, on le porte aux nues, on n’entend plus que lui, etc... et le mec qui se dit/veut musicien, intègre et tout et tout... il le boude.
Je l’ai boudé.
A échelle identique je lui préférais (et lui préfère encore) largement le Boss, surtout quand il a sorti son triple live au son et vision des songs aussi immenses que les stadiums dans lesquels on l’imaginait happer les foules.
A géométrie parallèle je lui préférais Willy DeVille, d’apparence plus authentique, plus... sincère.
J’avais pourtant acheté ce « Love Over Gold », en vinyle d’abord puis en CD...
Parfois écouté, rarement avec attention.
On ne prête que peu d’oreille à la musique de fond d’ascenseur, de supermarché, d’ambiance de repas bruyant, de répondeur téléphonique...

Je me souviens qu'il y avait eu les petites phrases de Knopfler suite à ses sessions avec Steely Dan, la star râlant contre l’hyper perfectionnisme des lascars lui ayant fait recommencer son solo x fois (une honte quand on est le nouveau héros de la guitare que d’oser faire ainsi).
Ils avaient bien fait de le vexer un peu.
Dans « Time out of mind », son solo minimal, ses "interventions" d'apparence anecdotique, c'est juste magique, fait la différence et l'attrait du morceau (pourtant chargé de cuivres et choeurs exquis) et ils l’ont obligé à se surpasser... un guitariste de sa trempe qui se surpasse, ça fait automatiquement légende.
Steely Dan Time Out Of Mind - YouTube

Puis il y a eu « Brothers in Arms » avec « Money for Nothing », Sting en tête, Omar Hakim en drums, des stars et la presta au live Aid 1985.
Ça a changé ma vision indifférente ou indigeste de Knopfler.
Sting, surexcité prend en charge ce qui devrait être le chœur et en fait l’attrait.
Knopfler inonde du riff inscrit dans toutes les mémoires du moindre auditeur de « rock » une scène transformée en jam session de légende, il ne le quitte que pour arroser de blues pur jus une foule à perte de vue... ils en font presque trop ? Non juste ce qu’il faut pour un tel gigantisme.
Knopfler ne chante pas ou si peu, les lignes mélodiques de ses chansons ne sont que textes débités en sections rythmées, parfois, sur un faible ambitus il ose une mélodie miniature.
On ne retient pas de mélodie chantée de Dire Straits – ce fut ma première leçon de choses riff rock...
Ici on va retenir le chœur puissant chant parallèle et non contre chant, de Sting et surtout l’incontournable riff qui est la colonne vertébrale du morceau...
Knopfler parle, il est impossible de le « chanter » en mode karaoké alors on va orienter notre oreille vers la guitare, c’est là « que ça se passe »...
(Renaud aurait bien pu faire pareil, sauf que...).
J’avais aussi remarqué que les claviers ont leur part de parole et ça... hors de l’enfermement dans Atari/Cubase, ça fait plaisir en années 80... mais bon, on reviendra sur leur « rôle » et surtout comment celui-ci est « tenu ».

Pour en finir, en même temps, il y eut l’autre penchant des Dire Straits, celui balluchard de « Walk of life », cet orgue insipide, ce soi-disant rock’n’roll que le gratteux de tout orchestre de bal imposait à sa confrérie, juste pour jouer « du » Dire Straits, juste pour s’offrir un solo de Knopfler, croyant possible de reléguer un bon vieux Elvis au placard...
Alors on s’embarquait dans ce pseudo country rock de base, le claviériste grimaçait rien que d’y penser, le batteur et le bassiste en profitaient pour regarder la gente féminine esbaudie par le guitariste héros du soir seul capable au passage de chanter le truc à la mélodie indéterminée et au débit imprononçable faisant large part au yaourt salvateur.
J’ai joué ce chapitre pénible et devenu irritable, puis j’ai fermé définitivement le bouquin Dire Straits, feuilleté les récréatifs Nothing Hillbillies et me suis promis de bannir à jamais ce son d’orgue de mes coutumes.
Dire Straits - Walk Of Life - YouTube

« Love Over Gold »...

Quatrième album du groupe, cet opus est considéré unanimement comme leur chef d’œuvre (pas UN chef d’œuvre... LEUR chef d’œuvre, ce détail fera la différence).
Il me faut sortir cette étiquette de la critique et des fans du groupe pour l’aborder, ce n’est pas simple. L’autocollant est là depuis les années du vinyle et il va falloir s’y prendre avec précaution, ou carrément oser déchirer un bout de photo de ce passé glorieusement glorieux.

Je l’ai ré- écouté avec attention presque en boucle.

Certains titres auront subi la cruelle loi du saut de plage ce, selon les jours et pas forcément les mêmes à chaque passage – ça a attisé ma curiosité.
Vous le savez j’aime tenter de comprendre.

« Love Over Gold » m’a parfois apporté de bonnes vibrations et a remis mes pendules Dire Straits à l’heure.
Je l’ai aussi trouvé parfois pénible.
Curieux comme selon l’angle d’approche, un tel groupe peut s’opposer à lui-même.
Je l’ai trouvé ambitieux, mais j’ai constaté qu’une certaine pauvreté de composition faisait barrage à cette ambition d’autant que sa production sonore proche de la perfection fait ressortir avec plus de cruauté cette sensation.
Je ne me souvenais pas que le rôle des claviers y fût à ce point important et je suis certain que ça a forcément renforcé mon intérêt immédiat.
J’avais en mémoire le son d’une batterie hyper stérile et un recul des années m’a fait me souvenir que c’était effectivement une sensation  « légitime » en ces eighties, mais qu’aujourd’hui elle semble finalement presque « naturelle »...
De nombreuses batteries du commerce sonnent bourrin-mat-faussement étriqué comme ça.
Je n’avais pas le souvenir de tant de guitares acoustiques et ça a été « la » bonne retrouvaille avec Knopfler.
J’avais complètement zappé que Mike Mainieri posait ses baguettes moelleuses sur ses lames et bois mélodiques, en fan de Steps Ahead, j’aurais dû, mais ceci dit, je cherche encore pourquoi il s’est retrouvé là.
Bien qu’il ne soit pourtant pas, tiens donc, lui non plus - anecdotique.
Je me suis souvenu, qu’à cette époque surannée, il fallait encore des mecs pour programmer des synthés. Ils sont tous au chômage désormais, vu le paquet d’applis simplissimes et de synthés aux menus/notices enfin lisibles et compréhensibles, on a dû probablement les réorienter vers le nettoyage des locaux et leur maintenance – compétence affiliée oblige.
Bon, si en plus c’est celui qui avait trouvé ce son d’orgue, qui justement fera son apparition ici, dans cet album, alors... je pense fort sa reconversion salutaire pour les oreilles planétaires.
Mais je rattrape ma petite pointe en précisant qu'ici le boulot de prog des claviers en ces eighties est absolument remarquable et pointu, c'est d'ailleurs l'un des grands attraits cachés de cet album que cette qualité apportée à la prog des claviers.
Dire Straits a un bassiste également, un planteur de fondamentales, un connaisseur de gimmicks de style, genre bien droit et peu inventif, mais un parfait dérouleur de tapis pour la brillance de Mark.
Un héros a toujours des serviteurs – c’est dans toutes les légendes mythologiques.

« TELEGRAPH ROAD »...

Dire Straits - Telegraph Road [COMPLETE STUDIO VERSION] - YouTube

Le pavé et ce d’emblée...
Peut-être bien là l’audace, l’ambition affichée, l’envie de se surpasser et de dépasser le stade des teenagers, des rockers has been sur le retour de Woodstock.
14mn et 15 secondes, pas moins et une chanson à la progression décousue mais digne d’une écoute attentive.

On a devant ses yeux cette pochette foudroyée, cette météo parfois dévastatrice aux US...
On prend la route, seul.
L’orage gronde au loin, des éclairs illuminent le ciel chargé de doutes, d’histoire, de mythes.
Le titre, et ce, sans même tenter de comprendre/traduire le texte, est forcément incitatif.
Ça pourrait être long... 14mn et quelques 15 secondes...
J’admets que presque pas.

Il faut bien cela pour établir un road song digne d’un Springsteen, racontant l’Amérique, ses conquêtes, ses espoirs et un pan d’histoire puis ses désillusions, ses réalités sociales, sa cruauté...
Ça y est je suis accroché, une ligne autour de cet argument télégraphique s’est dessinée et le contour de la chanson prend forme.
Les claviers introduisent sans maestria démesurée le propos, ils glissent un semblant de « Douce nuit » américaine et sont mixés au loin, vers cet horizon qui nous attire, nous happe et est là, au bout d’une route qui semble ne mener nulle part.
Ils chargent l’atmosphère de solitude, de réflexion, d’une présence quasi intemporelle.
Étrange, je commence à y croire.

Une mélopée comme issue d’ondes Martenot s’installe sur un symphonisme ample et majestueux.
L’entrée basse batterie avec quelques percussions en échos lointains ouvre l’espace en quelques appuis.
Le piano a pris sa place.
De suite le « son Knopfler », en quelques places d’accords est là, bien là...
Chacune de ses interventions se positionne ainsi, c’en est presque perturbant.

Mais il y aura cette « chanson », à la grille country tellement maussade, basique, simpliste, où effectivement Mark chante, ou presque puis s’échappe vers un solo où seule sa sonorité légendaire me semble digne d’intérêt.
Heureusement ce qui pourtant est le cœur textuel du sujet ne dure que peu (ça reviendra pourtant en second verse, sur fond de dobros) et va s’oublier, car un pont transitoire déroulé par les claviers (des nappes belles, amples et généreuses, un piano genre trop plein de crème Chantilly, truffé d’arpèges inutiles et à la visée musicale uniquement digitale) permettra un réel décollage de la guitare, ce de façon progressive et par petits bouts, comme si le solo avait commencé dès le départ, interrompu par le « song » (en lui donnant ainsi, probalement, un véritable sens) pour se développer au long de ces quasi 15mn.
Alors Knopfler sort le grand jeu au sens propre comme au figuré.
Il jette la grille insipide country de générique de téléréalité (pourtant porteuse d’un texte puissant – cruel paradoxe) aux oubliettes et part, sur une suite en forme d’anatole, creuser le sillon du blues rock - celui de cette Amérique qu’on aime tant, de celle qui nous fait rêver grand écran.
Au loin de cette route serpentant à l’infini, le soleil se couche, une dentelle rocailleuse se dessine, un solitaire cherche sa destinée.
Cette chanson nous conte celle-ci sous forme de légende  – « Telegraph Road » est son hymne, Dire Straits sa B.O, Knopfler son mythe.


« PRIVATE INVESTIGATIONS »

Dire Straits - Private Investigations + lyrics - YouTube

Une nappe sombre va inonder le spectre sonore.
Le sujet est grave, intime, vécu, dérangeant.
Knopfler trompe l’auditeur et l’embarque faussement dès le départ vers des contrées électriques avant d’imposer la sonorité réelle du sujet : il a sorti l’intimiste guitare acoustique, hispanise un tantinet le sujet et se mélange au marimba de Mike Mainieri qui sert de passerelle entre guitare et ces immensités synthétiques qui « respirent ».
Basse et tempo prennent place, l’espace est volontaire et permet un dialogue entre la guitare et le marimba qui, de partenaire est devenu acteur.
La guitare rythmique et électrique jette de puissants riffs, des accents réellement toniques, soutenus par un piano digne des grandes heures de Meat Loaf.
Si l’on veut du solo électrique il va falloir prêter l’oreille car il est bien là... mais au fond, tout au loin comme écarté du mix.
Le titre semble inachevé, il me reste des jets d’accents, ce piano grandiloquent et cette guitare acoustique limpide, hispanisante et chantante là où la voix n’était que texte.
Et il me reste cette sensation d’espace, d’immensité brisée par touches agissant comme des flashs lumineux (toujours ces éclairs).
Un titre « mystérieux ».


« INDUSTRIAL DISEASE »

Dire Straits - Industrial Disease + lyrics - YouTube
Dire Straits - Industrial Disease + Lyrics + French translation - YouTube

Cette fois je suis fichu.
Ce son aigrelet d’orgue me colle au souvenir, me hérisse, me fout la grimace sur le faciès...
Cet espèce de country-rock à la « Walker texas Ranger » featuring Chuck Norris me donne la nausée du kitch, des gros bras, du machisme écervelé, Johnny et sa bande de beaufs en Harley n’est pas loin... cette image-là du rock, direct à la poubelle du recyclage...
Bon, d’accord, j’ai tiré à bout portant mais au-delà, si franchement je m’efforçais de creuser un peu.

Allez, j’oublie l’orgue (quoique au départ c’est quand même en médium tout à fait crédible), je me penche sur cette rythmique plutôt engageante qui d’entrée pousse la gratte à riffer cherchant sa wahwah.
La ligne de basse mêlée avec le drumming assez original va finalement l’emporter et la rythmique de Knopfler au riff éculé mais si efficace va remporter l’affaire tout cela auréolé d’un petit trait de piano qui intervient à qui mieux mieux, leitmotiv imperturbable qui trotte en tête comme un mini refrain.
Bon, la montée issue du boogie à la basse, on aurait aimé, là aussi s’en passer mais après tout...
C’est alors, texte en mains que le satyrisme s’éclaire, que le sarcastique acide prend sa place et que d’un coup, en fin de compte tout s’explique – ce son, ce rock kitch et désuet au service de ce texte, hmm... certes.
Il suffisait de traduire donc, en singeant les affres de la société du travail Knopfler s’empare de ce rock aux teintes intemporelles mais passées et le dépoussière en lui entremêlant un subtil mélange de wahwah et de plans country (clean).
Ça, c’est vers la fin que l’on va vraiment s’en rendre compte...
Alan Clark attend en tenant sa main gauche organique que son patron veuille bien en finir avec sa tournerie obsessionnelle de gratte – il va avoir du mal à le faire, lui-même obsédé par ce pouvoir vintage, cette addiction sonore.


« LOVE OVER GOLD ».

Dire Straits - Love Over Gold - YouTube

Voici donc le titre phare de cet album.
Mark Knopfler chante de cette voix rauque cette ballade à l’insouciance où vont se mêler sa guitare acoustique, cet éternel piano qui a maintenant pris sa place tant en sonorité qu’en jeu depuis l’ouverture de l’album – grandiloquence, caractère post classique, concertant...
Mike Mainieri a rejoint l’affaire et émaille de son toucher inventif et jazzy le sujet, ponctué de breaks massifs, installé sur une basse qui s’émancipe enfin. Le caractère synthétique des claviers se distille au profit d’une volonté acoustique (on n’échappera pas aux pizz de cordes de pacotille en intro).
Un mouvement d’aller-retour tel celui d’une vague semble porter l’ensemble et ce mouvement sert d’expression à l’ensemble des protagonistes.
Là encore la guitare électrique est reléguée en second plan ce qui n’exclue pas quelques belles envolées, au gré de cette vague, justement – des envolées qui soutiendront avec subtilité le solo de guitare acoustique en deux phases, la première rompue par ces pizz incongrus.
En second lieu un nouveau dialogue va s’autoriser entre le vibraphone et la guitare, particulièrement inspiré et musical – Mark laissera le dernier mot à son invité, qui va clore le titre en toute délicatesse.
Le son de la prod est ici d’une formidable limpidité et n'a pas pris une ride.


« IT NEVER RAINS »


Le titre se tuile subtilement au précédent, l’orgue aigrelet est effleuré au profit d’une sonorité plus chaude, authentique.
Knopfler oscille entre chant et talking sur des arpèges là encore empruntés à tant de gimmicks et pourtant réappropriés.
La rythmique va s’exciter, l’orgue reprend le pouvoir sur le piano qui peine à installer une véritable alternative dans ce balancier entre deux accords ponctué d’un appui comme issu d’une section de cuivres.
De guitare en guitares, Knopfler tel un Clapton des eighties, tel un JJ Cale enfin starifié (je n'ai pas évoqué ou même parlé de Hal Lindes, second guitariste au rôle à déterminer ici), va conclure l’album par un solo puissant, passé en phaser, s’autorisant même une infime modulation pour revenir sur cette progression immuable I/V.
Le son se transforme petit à petit, le voyage s’achève, l’horizon s’est éclairci et les cieux se sont ouverts.
Knopfler m’achève ici sur ce moment de puissance retenue, de pugnacité au pouvoir indiscutable.
La trace de son jeu, tant rythmique que soliste, de sa sonorité, tant acoustique qu’électrique, de son rock emprunt à tout ce pan culturel d’Amérique reste gravée dans ma mémoire, comme finalement, seuls peuvent le faire les grands artistes qui marquent de leur personnalité l’ensemble de leur production musicale.

J’étais méfiant, sceptique, peu enclin à encore trouver à Dire Straits une once de vérité, d’intérêt, de sensibilité ou encore d’intelligence – j’en étais resté à cette musique Fm pour teenagers alignant trois accords de base en croyance créative, sauvés par le gong du son et du high tech que chaque décennie est en capacité de nous offrir.
Je relis mon intro, le chemin des écoutes saura la tempérer.
J’ai redécouvert, malgré mes suspicions initiales un groupe et son indissociable leader dont le succès m’est enfin apparu légitime, dépoussiéré de sa surmédiatisation.
Pris avec un recul ne laissant place qu’à la musique (même si parfois celle-ci m’est encore apparue comme pauvre), Dire Straits a repris sa position sur un échiquier américano-musical dont je l’avais carrément écarté.
Cet album et le temps que le hasard des débats avec l’ami Charlu m’aura fait y consacrer va probablement me permettre de réviser l’ensemble d’une copie envers le groupe plutôt chargée d’indifférence.
Il n’est jamais trop tard pour rattraper une erreur d’estimation.

Merci à Charlu, à notre lien commun virtuel paps et à tous les suiveurs de ce blog.







Commentaires

  1. eh eh.. un peu le contraire pour moi.. écouté en boucle à sa sortie puis je me suis laissé fatiguer au fil des années, surtout après la sortie de "Brother.." Le réécouter plusieurs fois de suite m'a donné des sentiments bizarres, tantôt mal vieilli, vachement nostalgique, j'ai retrouvé l'espace, le prog, l'importance des claviers (cet album plus que les autres).. et bim, zappé 'Instruial deseases".. juste pour pas entendre l'orgue comme "Walk of life" :D

    Sinon, d'accord avec le son moyen de la batterie, c'est d'ailleurs pour cette raison de fade que Withers s'est barré du groupe juste après .. ne voyant plus d'intérêt pour le groupe. Il a dû regretter, rien que pour l'intro de "Money.."

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    1. Je suis allé te lire et ai commenté sur cette approche qui là, pour le coup est fondamentalement générationnelle d'un groupe et de son succès.
      Adolescent je n'ai jamais pu accrocher ou encore adhérer à Dire Straits - impossible de les raccrocher au moindre "souvenir" à la moindre sensation réelle de plaisir musical...
      A l'exception de ce live aid (plus tardif) que cet album, un love over gold que j'ai acheté parce que mis en avant médiatiquement et l'idée de se devoir de le posséder... et puis acheté brother in arms cause écoutes balluche à l'époque pro à faire...
      Donc forcément ça altère l'image - un groupe de rock pour balluche... pas très engageant à cette époque pour moi où je faisais une réelle part (attitude con j'en conviens) entre artistique (je faisais partie d'un cover police , puis d'un cover beatles) et alimentaire...
      je sais que walk of life a réellement détérioré l'image du groupe même si je reconnaissais à Knopfler la grandeur guitaristique (Steely Dan m'en avait convaincu)...
      Bon, chassé croisé au delà du sympathique.
      a refaire, bien entendu...
      bizs

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  2. En fait, je me plaçais plus sur l'ambiance que sur le côté pro, et puis le mec pas très académique qui place ses doigts sur le coffre d'une façon unique. Je ne connaissais pas le truc avec Fagen, aussi avec le recul, je vois Knopfler comme un boudeur permanent, après Love.. fatigue, après "Twisting by the pool, fatigue, après la tournée Brother grosse fatigue... bref, je crois qu'il a énormément subit la machine en route.
    Je me souviens que c'est aussi ma découverte Claton laidback, avec le "461 Bd Ocean" que j'adore et que les puristes d'alors rejettent.
    Avec le recul aussi, je trouve que "Love" et "Brother" ne sonnent pas très british.
    Je me suis mis sur sa carrière solo y'a peu, et notamment "Tracker" le dernier est un petit bijou. "Sultan" a quand été un gros truc.. et je t'avoue que j'ai eu un peu les boules quand il y a qq semaines :D, j'ai fait écouter Dire Straits à mon grand.. même si j'avais ma batte, il a avoué que ça sonnait bien ;D

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    1. un bon recul...
      Le mec arrivé dans des sphères qu'il n'imaginait pas et qui sait plus trop si talent, chance, réel, travail, destin...

      Souvent les fans d'un artiste aiment à rejeter un album autre, différent, commercial ou non, d'un style changeant, etc...
      Je déteste ce genre d'attitude qui prouve la non écoute de la zic...
      Les albums de Clapton, person, je prends toujours un bon moment de plaisir, c'est largement suffisant car qu'attendre de plus ?
      Souviens toi quand je parlais des "solos" de K.Richards... qu'attend-on de lui ?...

      Les ados aiment ces artistes, j'en ai la preuve.
      Cf mon comm' chez toi.

      à +

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  3. Ah tiens, il parait que David Knopfler et John IIsley ont sorti des albums solo... curieux d'écouter ça. Il faut pas oublié que IIsley compte tt autant que Mark pour la formation du groupe.. ce sont les soli et le chant qui ont pris le dessus après.

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    1. Moi aussi, curiosité partagée, forcement maintenant avec ce retard à choper en écoutes...
      Pour l'histoire du groupe, là je cale...
      Comme je te l'ai dit, j'ai pas suivi du tout et rien mémorisé à leur sujet.
      ---

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  4. Ah oui, tu trouves que leur "musique est pauvre "? Tu vois, je pensais que c'était un groupe que tu appreciais. ...
    De temps en temps j'aime bien les écouter, c'est beaucoup de souvenirs en fait alors c'est difficile de juger cette musique. ..et pourtant je les ai beaucoup critiqués à une époque. ...
    Par contre j'ai toujours apprécié le songwriting de Knopfler sur ses longs morceaux, ce qui a rarement été reconnu je trouve. ..
    D'accord avec toi pour "Walk of life ", qui passe toujours difficilement encore aujourd'hui. ...
    Bravo à vous deux pour ces chroniques complémentaires, toujours intéressantes à lire. ..:)

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    1. Merci de passer commenter.
      C'est effectivement avec pourtant de nombreuses écoutes, ce qui m'est resté en l'esprit, cette "pauvreté" musicale.
      Pas grand chose harmoniquement, juste des triades et des enchaînements basiques, pas grand chose instrumentalement à part la guitare... un jeu pianistique fait de poncifs et de faux symphonisme, une section rythmique lourdingue et peu inventive...
      Alors les textes, oui, de grandes plages, certes et bon malgré tout j'ai réussi à entrer dedans, c'est peut être là la force du truc et c'est surement là ce qui m'a fait les dénigrer pendant tant d'années (car les jouer c'était ennui garanti)...
      Mais j'ai donc creusé derrière le son flatteur, la guitare magique et j'ai tout de même trouvé de la matière très intéressante, d'ailleurs il n'est pas dit qu'un jour je ne lance mes élèves dans un titre comme "telegraph road", dont j'ai la partition intégrale et qui s'avère un excellent outil pédagogique, d'autant que, comme je l'ai dit, ce "genre" attire vraiment les ados.

      La double chronique, c'est un truc sympa à faire...
      tu lances une idée, un sujet et chacun fait à sa guise puis comparer , lire les approches, etc...
      On pourrait, why not ? étendre le truc une fois de temps à autre avec toi
      C'est toujours motivant en tout cas et surtout ça t'oblige (comme avec le jeu chansons de la semaine) à écrire autrement, sur d'autres choses avec d'autres prétextes, etc... Bref, c'est motivant.
      à +

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    2. Ah ah je ne suis pas sûre d'être à la hauteur. ...
      En y réfléchissant un peu je me suis dit qu'effectivement quand j'écoutais du Dire Straits c'était surtout pour la guitare puisqu'il n'y a qu'elle qui ressorte et qui soit l'attrait principal. ...Je ne saurais pas te dire ce que font les autres instruments d'ailleurs, ils ne sont vraiment là que pour mettre en valeur Knopfler. ..

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  5. Mais oui, ça fait un bien fou de combiner.. j'ai ressorti qq opus, dont "Tunnel of love" que j'avais oublié et surtout le magnifique "Once upon a time in the west".
    Je pense que Knopfler a pris cher avec les média et le succès, MTV etc etc.. et encore, les réseaux n'étaient pas aussi rapides et violents, je pense que sa fausse retraite est une aubaine et un équilibre pour lui. C'est pas folichon certes, pas révolutionnaire, mais c'est beaucoup de plaisir de mettre une galette, comme un Clapton quoiqu'on en dise. Le Laidback chez lui est au sommet avec "Backless", album très très secondaire qui s'est fait déglinguépar tt le monde.. un peu comme quand Dylan s'est mis à l'électricité. Pourtant, ce Backless, tranquille à la tombé du jour, c'est un petit plaisir comme un bon petit vin pas côté, mais qui laisse filer le temps délicieusement. "No Reason to cry".. pareil.

    Pour les fans, je suis d'accord avec toi..moi j'aime tout de McCartney ;D

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  6. Ah tiens Dire Straits ! Je viens juste de chroniquer "Making Movies", excellent également. Je suis un fan absolu des quatre premiers albums de Dire Straits. Ils ont tous une ambiance très particulière, avec des ambitions musicales qui peur sont propres, le plus ambitieux étant bien évidemment "Love Over Gold", et ses titres massifs.
    Le départ de Pick Withers sonnera l'entrée du groupe dans une aire plus stadium-Rock. Le live "Alchemy" est fabuleux, mais souffre déjà du Fairlight sur la caisse claire. "Money For Nothing" a encore de très bons moments, mais ce son de batterie, bordel....Au final, c'est un groupe qui a su s'arrêter à temps, et qui n'a jamais proposé un mauvais disque, ce qui est rare.

    "Telegraph Road" est un sacré morceau, le décollage soliste final est un monument à lui seul, chaque note est pesé, c'est du grand art.

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    1. En effet, ta remarque est pertinente.
      J'ai ré-écouté depuis cet article les premiers albums, malgré ma réticence première envers cette surmédiatisation du groupe qui à l'époque m'a beaucoup influencé dans un choix de mise à l'écart j'ai révisé (il n'est jamais trop tard) ma copie.
      Il est intéressant de constater que le "pouvoir" de Knopfler reste entier, nombre d'ados aujourd'hui le placent encore parmi leurs guitaristes référents aux côtés de Hendrix, Clapton ou encore Page, ce qui n'est pas anodin.
      Il faut certainement y voir un "bain" familial (forcément), mais en même temps une forme de langage guitaristique "universel" dans lequel ils peuvent se reconnaître et qui a donné une direction.
      Là où certains passent, d'autres marquent, c'est le temps qui fait son affaire.
      Il y a des oubliés bien sûr ou certains qu'on redécouvre, mais de "leur temps" ils n'avaient pas non plus forcément une telle dimension médiatique, donc, sans les mettre hors listing, j'évite le sujet.
      Chuck Berry est mort, son nom est inscrit dans la mémoire collective - les diverses chroniques d'actualité sont édifiantes du manque réel de culture rapport à ce qu'il a apporté. j'aurais tout entendu cette semaine comme conneries afin d'audimat ou comme approximations y compris sur le seul terme de rock'n'roll.
      Un film explique tout ça, il suffit simplement de prendre une bonne bière, ou un bon whisky et de se poser devant "Cadillac Records" qui raconte la montée du label Chess dont on sait qu'il fut l'initiateur ou le diffuseur d'abord du blues puis du premier sillon intitulé rock'n'roll avec la mise en avant de Chuck Berry.
      Je n'irais pas crier au génie d'un tel musicien comme certains le font à chaque décès, mais si, comme c'est le cas, on peut lui attribuer l'invention de l'étiquette et du jeu, mais aussi du comportement d'une esthétique musicale, rien que cette idée impose évidemment le respect.
      Je me suis éloigné du sujet Dire Straits, mais finalement, cette idée de rock'n'roll est bien commune à tous ceux qui en parlent ou croient en parler, qui adoptent une attitude où s'imaginent l'adopter - la seule idée de culture et de racines m’apparaît comme essentielle à garder en ligne de mire, de conduite même... après, peu importe ce qu'on en fait, les choix sont tellement multiples à partir d'une seule gamme de blues pentatonique (notre cas ici).
      Chez Knopfler et ses comparses (même avec un son de drums triggé de façon insupportable) les racines sont omniprésentes...
      Blues, Country, Hillbilly et bien sur rock'n'roll (même sous un Walk of life qui m'exaspère...).
      C'est surement cela qui fait qu'on les aime de façon universelle et si populaire.

      Bonne journée et merci d'être passé.

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