MÉTÉO JAZZ, AU GRÉ DES VENTS ET MARÉES – Chapitre 1

MÉTÉO JAZZ, AU GRÉ DES VENTS ET MARÉES – Chapitre 1
"Temps lourd et Voyageur Mystérieux"

Ça réchauffe, ça se réunit autour de tables infiniment lisses et proprettes, en tenant des propos consensuels inquiets sur fond de bouteilles plastique de flotte Evian et en étant capable de nous faire croire que plancher sur un texte en mode bottin de la ville de NYC est une solution.
La solution…

Le mot et le verbe remplacent l’acte chez ces grands ventilateurs, vous savez, ces trucs qu’on met dans les pièces pour faire du vent, en place d’agir réellement sur… la chaleur.
Puis le grand pamphlet va naître au forceps, le club des hollandais avec un Fabius au sourire genre « plus grand jour de ma vie » se congratule, s’auto satisfait, se pignole une fois de plus face à son public, face à lui même, victorieux …
Mais quelle crédibilité peut-on encore accorder à de tels menteurs maladifs invétérés ?...
Sortez de vos bureaux, il pleut et rage dehors !
Et ce ne sont pas les SDF et autres laissés pour compte de notre société, que vous laissez à leurs tristes sorts, avec ou sans restaus, qui vous diront le contraire...
Il en faut tant, des cœurs.

« Et voilà l’averse qui tombe… il n’y a plus de saison »
« Ma grenouille est malade et elle n’a plus vingt ans, le soleil est en rage elle avait annoncé le beau temps ! »
« L’été on s’enrhume facile et depuis les restrictions on s’endort en costume de ville – Ah ! J’en bretonne (sic) »
« Oublions le chauffage emporté par le fuel ne formons qu’un seul corps et de tous leurs atours aimons-nous d’avantage l’amour est le seul vrai radiateur »
« A la télévision, tu annonces la neige, il prend ses précautions je mets mon bermuda…  si dans ses prévisions il promet le soleil, je ressors mon parapluie à pois rouges »
« Senor meteo il nous dit qu’il fait beau, Senor meteo oh la la quel frigo ! Senor Meteo on dormir transistor esperanza qu’alors il a tort – que dolor ! »

1974 – 2016…
On ne pourra pas dire qu’on ne vous avait pas prévenu, oh les gars ! – Chachacha…


1974, les affaires météorologiques de la planète jazz sont secouées par un mystérieux voyageur.
Il est (re)venu sur la terre pour vérifier que les aliens qu’il avait déposé chez celui en qui il avait misé pour faire évoluer l’humain musical – un certain Miles Davis – avaient bien fait leur boulot.
Miles, en parfait missionnaire, avait, tel un arbre aux multiples ramifications, toujours disséminé autour de lui des suiveurs, des graines ayant germé à son contact, au gré des saisons encore jalonnées et prévisibles (cool, bop, modal, « moderne ») – mais là, en quelques poignées d’années foisonnantes accélérées à l’électricité le processus s’était follement accéléré, emballé.

L’arbre concepteur comme affolé par la sève de la créativité avait fait naitre quantités de bourgeons, de branchages denses ou épars, de ramifications tant en terre qu’en les airs, ces tentacules allant jusqu’à s’hybrider, se fusionner, se métisser avec les voisins funk (JB), rock (Jimi) et même classiques (Rodrigo et le soleil de l’Espagne ayant réussi à transpercer le feuillage épais).
Il n’y avait plus qu’à venir les admirer, les cueillir en fruits murs ou encore un peu verts, mais prometteurs, écouter leurs messages et leurs langues multiculturelles puis faire le choix sur un marché devenu bigarré, varié et parfois un tantinet... racoleur.

Alors que Herbie partait "en poussée" sur un vaisseau spatial afin d’espérer le rencontrer, ce "mystérieux voyageur", que Chick l’apercevant au loin se demandait bien "où il avait pu le croiser", que Keith le cherchait désespérément sur une "île au trésor", ne sachant pas encore que cette île s’appelerait bientôt ECM et que John parlait déjà "d’apocalypse" - un bureau météorologique de climatologues, dirigé par un savant fou autrichien au nom imprononçable (Zawinul), conduit par un scientifique de l’assemblage harmonique et modal (Shorter) et poussé par un tchèque en mal d’électricité (Vitous) ou un américain en mal de groove (Johnson) commençait à attirer sérieusement mon attention.
Ils n’étaient pourtant pas aussi sexy que les présentatrices qui devenaient stars du petit écran, remplaçant progressivement un Senor Meteo obligé par le pouvoir de l’image de passer allègrement des chemises hawaïennes au costard cravate – selon la pluie et le beau temps.

L’impact de ces présentateurs de "Weather Report" sur le jazz fut alors capital, innovant, incontournable, moderniste et progressiste.

Herbie Hancock et ses Headhunters / Chick Corea et Return to Forever / Keith Jarrett seul face à son piano ou exilé chez un certain Jan Garbarek / John McLaughlin et son Mahavishnu Orchestra…
Joe Zawinul et Wayne Shorter avec Weather Report.
Et tout un bataillon : Billy Cobham tourmenté par un vent transversal, Lenny White parti explorer Venus un bel été, Al Di Meola , cet élégant gitano, Stanley Clarke à l'école, la Sphère francophone pas en reste, la marque X ou Y peu importe...

HERBIE HANCOCK ~ THRUST ~ FULL ALBUM - YouTube
Return To Forever - Where Have I Loved You Before/Shadow Of Lo - YouTube
Return to Forever (Feat. Chick Corea) - Where Have I Known You Before - YouTube
Keith Jarrett - Treasure Island - YouTube
Keith Jarrett & Jan Garbarek - Long As You Know Your Living Yours - YouTube
On pourrait aisément dire que le bulletin météo connut un avant et un après.
Un avant et après qui ?...
Je cite sans sourciller et avec délectation : Jaco Pastorius.

« L’avant » reste encore englué dans le "Bitches Brew" de Miles, barré en "Directions" fixées mais encore à explorer tant l’espace ouvert par le mage noir semblait alors (et reste encore) infini.
Le « pendant » Jaco Pastorius s'installe avec une stabilisation des saisons, du temps et une assise qui positionna le groupe au premier plan de la scène internationale tous publics confondus.
« L’après » commença une lente séparation, un divorce à l’amiable entre amis de longues dates.
L’un partira explorer le monde et vérifier que ses vieux synthés, même vocodés, peuvent marcher même sur piles - l’autre s’enfoncera dans l’intellectualisme conceptuel et compositionnel.
Et cette séparation nous fera avec le recul mieux comprendre le mode de fonctionnement des mythiques Weather Report aux deux figures complémentaires (Charybde et Scylla) et pourtant totalement autonomes.

Miles Davis - Bitches Brew (1969) - YouTube

J’ai aimé, à ne pouvoir m’en passer, Weather Report, puis j’ai compris comment tenter de m’en passer en revenant vers Miles.
Mais je reviens vers eux régulièrement, leur identité musicale est unique et m'a fait école.

J’ai suivi Jaco, et pleuré de sa disparition, il était si proche de nous - si génial et si proche…
J’ai préféré les avancées de Joe et suis revenu au Wayne de Blue Note, celui qui fait tant évoluer le concept compositionnel de Miles.

Joe Zawinul Dialects 1986 - YouTube
Wayne Shorter - Speak No Evil (1964).flv - YouTube
Wayne Shorter - Endangered Species - YouTube

Jaco Pastorius - Jaco Pastorius (full Album with 2 bonus tracks) - YouTube
Jaco Pastorius- Liberty Pt. 1 - YouTube

---

Miles Davis Directions 1. - YouTube
Miles Davis - Directions 1970/4/10 - YouTube
Directions / Weather Report - YouTube
Surucucu-Lost-Early Minor-Directions / Weather Report - YouTube

J’ai découvert Weather Report avec le « Live in Tokyo », ardu, brut, âpre, libre et électrique – il m’aura donné la direction à suivre en même temps quasiment que Live Evil et Birds of Fire, que Venusian Summer ou son contemporain Crosswind.

Avec le recul je sais la chance d’avoir été apte à entrer directement dans ces musiques, leur complexité aurait pu me faire leur tourner le dos mais bien au contraire comme pour la quête d’un trésor, j’ai su que c’était là qu’il me faudrait désormais creuser et chercher, et ce, au moment où le rêve s’installe pour viser à devenir réalité… à l’adolescence.

Il est donc temps d’aller un peu explorer et se rendre compte du chemin parcouru par ces détenteurs du bulletin météorologique, de faire le point et d’observer de loin ou à la loupe, sur la carte, leurs fluctuations temporelles et d’observer les masses d’air chaudes ou froides qu’ils ont suivi, au gré des courants marins et célestes, sous des compositions toujours plus aventureuses et voyageuses.

Weather Report...

Le nom claque comme un gros souvenir.

1977 – Vienne ouvre son antique théâtre au jazz et ose le prestige.

Herbie Hancock et le faux VSOP (rebaptisé Herbie Hancock Quartet) brandit fièrement un Wynton Marsallis en place de Freddie Hubbard.
The Eye of the Hurricane Herbie Hancock Quartet - YouTube
Tony Williams est au sommet d’une forme olympique, Ron Carter a le visage souriant, Herbie jubile et le jeune prodige nous en met plein la vue et les oreilles.
On le compare à Miles.
Sur le coup c’était logique, avec le recul on sait qu’on avait eu tort.
Une sombre histoire de cassette enregistrant en pirate le concert mémorable aura bien failli les faire tout planter... on a eu peur, l’orage grondait (les fans youtubeurs mettant en ligne les concerts chopés à coup d’Android ou d’IPhone n’existaient pas encore et le "piratage" était largement "sous contrôle" potentiel...), mais l’éclaircie de la musique aura finalement pris le dessus et le concert fut magique. 

Wayne est absent, pour cause...
11 Juillet 1977 – en quartet, Weather Report est programmé.
La scène est en elle-même un espace de rêve : praticable couvert de synthés digne d’un stand du salon de la musique, batterie avec sa jungle de cymbales, rangée d’amplis « acoustic » digne d’un mur du son heavy metal...

Il bruine, le ciel s’obscurcit, le staff s’affole.
En coulisses d’immenses bâches sont prêtes à l’emploi.
La météo, ce jour-là, ne sera pas clémente envers ses présentateurs.
Il va tomber une pluie orageuse rapide, dense et intense.
Tel un groupe d’urgentistes un bataillon de roadies va recouvrir les synthés de Joe, dépité et parti prendre une pause-café.
Peter préférera recouvrir son drum set, lui aussi et Wayne optera pour la pause thé, plus certainement.

Imploré par le management de ne pas oser le pire, car il flotte à grosse dose, Jaco va braver orage et éléments liquides et, trempé jusqu’aux os il va se lancer dans ce fameux « Slang », ce solo de basse inscrit dans le répertoire de la tournée.
Jaco Pastorius: Slang (Bass Solo) - YouTube
L’averse orageuse, on le sait, ne dure jamais bien longtemps, une moyenne de 20 à 30 mn...
Cela suffira pour lui à exploser carrément de charisme, de virtuosité, de générosité.

Je l’avais déjà positionné en héro, au fil des albums et des participations dont Hejira et un Don Juan, « Come on Come over » avait tourné sans fin, mais là, ce soir-là, plus exactement, l’homme dégoulinant sous les eaux, bravant le danger réel électrique, pour se donner à son public venait de prendre une toute autre dimension.
Stan n’avait donc pas quitté les bancs de l’école, on nous les avait mis en lisse, ouvert les paris.
D’un coup de loop, de saturation hendrixienne, d’un Donna Lee halluciné, l’ancien laveur de voitures venait de passer à l’autre stature, celle du mythe...

Puis le temps clément autant que instable les fit revenir et « Birdland », gros son Moog basse en puissance acheva un public fasciné, le corps mouillé tel une éponge, les yeux et oreilles dans les étoiles - installé là, dans ce grand planétarium sonique.
Wayne transcendait les thèmes, s’offrait les incartades solistes pré-écrites avec un plaisir sans bornes, il souriait à la jeunesse audacieuse.
Joe tel une araignée aux pattes multiples et coiffé de son célèbre couvre-chef laissait ses mains agiles courir en tous claviers.
Peter quant à lui officiait en équilibre entre jazz, groove et écriture, point central de ces trois puissances en ébullition, il les drivait, les positionnait, les relançait, les sollicitait et ne lâchait jamais ni tempo, ni l’écrit complexe.
Il s’octroya la pause et laissa Jaco gravir les marches du praticable drums pour nous offrir là encore, un aperçu de ses innombrables talents tant instrumentaux que de musicien d’une maturité bien inconcevable...


« Birdland » - le mystère Birdland...

Weather Report - Birdland - YouTube
The Manhattan Transfer - Birdland - YouTube
Quincy Jones- Birdland - YouTube

Ce titre, dont les versions pourtant de haute volée ne dépassèrent jamais l’original (Quincy Jones et pourtant un staff impressionnant incluant Miles lui même – Manhattan Transfer), est un mystère.

Sa réussite universelle malgré une écriture scientifique, culturellement swing-jazz et pourtant installée dans un binaire métrique carrément métronomique, antinomique, m’aura toujours fait réfléchir.

« Birdland » met en évidence l’une des remarques de Peter Erskine exprimant que le rôle d’un batteur de Big Band de jazz était certainement la responsabilité la plus formidable que l’on puisse offrir à un batteur.
Spécialiste du genre (et ce jusque chez Jaco Pastorius, justement) le musicien expliquait que Weather Report n’était autre qu’un Big Band de jazz « électronique », que tout y était écrit avec une précision laborantine et que jouer avec Weather Report, n’était finalement que remplir le rôle d’un batteur de jazz pour un "Big Band futuriste".
Je résume là la teneur de son propos, pioché à l’époque dans le nombre conséquent d’interviews données par les quatre piliers du groupe, en tournée et célébré universellement par la presse.

« Birdland », j’ai bossé les voicings de la fin, ceux qui semblent comme sortis d’un Count Basie Orchestra de synthèse afin de capter l’essence réduite de l’écrit cuivré, puis j’aurais réalisé que sous la binarité de Acuna, dispensable batteur (opinion que je revendique pleinement) bruyant et peu inventif, le tout était d’une véritable écriture et interprétation swing, comme au « bon vieux temps », Joe et Wayne n’oubliant pas leurs racines, leur ancrage dans le sol du jazz.
Cette culture qui est leur amitié commune.

Peter Erskine eu certainement jazzifié le propos, Acuna le réduit à un simple balisage digne de la boite à rythme la plus sommaire – volonté affichée ?
On peut penser cela car Joe et Wayne ne sont pas des musiciens du hasard, ils savent et anticipent, choisissent, calculent et n’expérimentent pas, ils appliquent l’idée.

« Birdland » issu de l’album hyper vendu « Heavy Weather », à la pochette collage absolument magnifique et esthétique en diable positionne Jaco Pastorius comme nouveau pilier, plus heavy, c’est sûr.
Il ne partage plus le studio avec d’autres, il est désormais intégré à l’équipe et dès ce "nouveau départ" Joe Zawinul va lui octroyer une place « de choix ».
On le guette alors dès l’ouverture de ce « Birdland » immédiatement accrocheur mais Joe va jouer de notre impatience en installant une basse, qui n’est pas du tout celle que l’on attend...
Il brouille les pistes.

C’est là un système qu’il n’aura cesse de reproduire par la suite, car souvent, l’ancien organiste qu’il fut se réservera une main gauche de bassiste, Weather Report s’installant alors rythmiquement sur deux rôles...
Une main gauche walkin’ jazz et un bassiste en lignes indépendantes, jonglant entre funk, rock et bien sûr jazz. (tendez donc l'oreille sur ce "Corner Pocket" issu de leur fin de parcours amical :  CP.mov - YouTube)

« Birdland »...

Weather Report - Birdland - YouTube

Une énorme basse synthétique fait vibrer les enceintes de la chaine, la métrique entre en branle, ce thème de basse plus que riff va ouvrir le champ du thème... et c’est Jaco qui en sera le dépositaire au « mandocelle », on ne le remarquera que peu, tellement habitués à entendre la basse en pilier plutôt qu’en leader aigu.
Mais là encore ce n’est qu’un leurre afin d’attirer l’attention sur ces jeux de rôles dispersés, inversés, décomposés.
Jaco doit être mis en évidence, en valeur et d’un trait central de « reprise » de basse, inoubliable, positionné là, à l’endroit du timing parfait du titre, il va l'inonder de bonheur, Joe lui répondant par une amusette bluesy...

« Birdland » est un véritable scénario musical, une histoire, une vision futuriste basée sur le poids ancestral tout en s’en servant pour proposer une dimension moderniste, novatrice, certainement révolutionnaire.

Avec ce titre un autre chemin va se tracer, les émules de Miles auront donc choisi leur nouvelle voie, leurs...  « Directions »...  et Jaco aura été la clé de voûte pour les aider à saisir cette opportunité.
Grace à ce jeu innovant, à cette approche unique qui fera école et tant d’émules, Weather Report va désormais recomposer sa musique autour de cette nouvelle donnée, de cette possibilité déjà infinie de langage, de cette personnalité certes exubérante.
Le génie est souvent exubérant...

L’organisation en trappes mélodiques, riffs et autres mises au service musical du propos est (et se systématisera à l’avenir en ce sens) totalement écrite, à la « note près » et pourtant les fondements du jazz sont et demeurent omniprésents, ce, sans la moindre improvisation.
Et si celle-ci s’ose sur la collective cuivrée finale ce ne sera pas elle que l’on retiendra.
L’improvisation est donnée majeure et référentielle du jazz – chez Weather Report elle est toujours là, mais elle va devenir un élément non qui sort ou s’affranchit de l’écriture, mais qui se place dans l’écriture, s’insère dans le propos codé et structurellement quasi intégralement "figé".

« Birdland » ...
On restera accroché au festival offert pour le jeu de Jaco Pastorius, tour à tour mélodique, solide, sautillant comme lui seul sut le faire, caméléon kaléidoscopique de l’instrument.
Avec ce titre il en tire simplement l’inédit, le renouveau et l’essentiel.
Il fait déjà école.
Les deux compères piliers ne s’y sont pas trompés, en embauchant la fougueuse jeunesse qu’il leur faudra gérer au fil du temps et des tournées, ils savent que Weather Report, leur « bébé », marquera l’histoire, tout simplement et que Jaco est leur carte maîtresse pour ce faire.

« Heavy Weather » a connu un immense succès commercial et « Birdland » est l’arbre qui masque une forêt aux sentiers divers et variés.
L’autre point d’accroche, tel un second rendez-vous y est « Teen Town ».
Jaco Pastorius s’y révèle multijoueur et surtout compositeur...
Il y excelle en tous points, il impose un drumming parfait et bien entendu expose un thème de basse qui aura fait souffrir nombre de jeunes amoureux de la 4 cordes devenue, grâce à lui, nouvel instrument phare.

Weather Report - Teen Town - YouTube

L’album joue donc l’équilibre tripartite.
Wayne Shorter y propose deux petits diamants bruts de composition (« Harlequin » là encore une magique ligne de basse – « Palladium » qui est nerveux, dense, funky, sautillant et dont on retrouvera avec familiarité l’essence dans le premier album solo post Weather Report de Wayne).

Harlequin - YouTube
Weather report - Palladium - YouTube

Joe Zawinul y aura composé la remarquable ballade concertante entre les trois détenteurs leaders (Wayne au ténor, Jaco et lui-même en synthétiseurs) « A remark you made » et « The juggler », étrange, plutôt là aussi typique de ce que le grand Zawinul peut proposer en matière innovatrice – cette capacité à faire voyager, s’évader, à mettre, chose rare, le jazz sur cette échelle de l’imaginaire.

Weather Report - A Remark You Made - Jaco Pastorius - YouTube
Weather Report - The juggler - YouTube

Oui, avec Joe et son bulletin météo, le jazz va aussi prendre cette dimension de l’évasion autre que vers le schéma cinématographique polarisé, le cliché urbain, l’héroïsme de clubs enfumés, la teinte sépia et plus souvent noir et blanc... avec Joe le monde s’invite, multilingue, multiculturel, multi-paysager, multicolore, multi-rythmique...
Les îles, îlots, villages, les mers bleues, les cieux, les monts prennent place au côté des cités tentaculaires, mégalopoles occidentales...
La météo est planétaire – le climat nous concerne – Joe nous fait voyager et découvrir des marchés, des ethnies, des peuples, populations bigarrées, isolées, typiques, authentiques, imaginaires  - sous électricité éclectique.

Havona By Weather Report - YouTube

« Havona » va clore l’album, composé par Jaco Pastorius autour d’une ligne de basse phénoménale suivie d’un solo d’un lyrisme magistral, il fera vite oublier le délirium percussif inutile et destiné à la démesure live captée en DVD Montreux que s’offraient les fracasseurs bruyants Badrena et Acuna (« Rumba Mama »).

Weather Report - Rumba Mama - YouTube

Ils auront vite compris que l’exubérance démultipliée n’est pas que positive et l’arrivée prochaine d’un quatrième point central d’équilibre en la personne de Peter Erskine terminera d’installer, après ce coup de maître au temps météorologique lourd, Weather Report comme le groupe essentiel de cette musique encore une fois qualifiée à la hâte de jazz rock.
Il faut bien mettre des étiquettes pour vendre...

Herbie était parti explorer le funk stratosphérique.
Chick mélangeait le romantisme avec le médiéval, sous le soleil d’Espagne.
John rêvait Stravinsky et œuvre majeure tout en penchant sérieusement vers l’Inde...
Plein de petites étoiles sorties de Miles creusaient leur sillon.
Le voyageur mystérieux pouvait faire son rapport – le Mage Noir avait bien rempli sa mission.

La suite de ce voyage météo dans un prochain épisode...

Commentaires

  1. Tous mes vœux mon Pax.. pour commencer l'année, j'ai mis dans ma besace ferroviaire du Charlie Mingus et du Taj mahal, jazz & blues. Et puis je viens lire ton post..il est à parier que je change de choix pour la semaine. Je découvre ici Weather Report comme Michael Franks la fois dernière. Mahavishnu, Jarrett, Davis, Al Di Meola, Hancock je m'y promène quand le besoin me titille.. je vais explorer Weather avec tes mots.. merci.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tous mes voeux à toi également et à tes proches.

      Après avoir eu un bon mois consacré à l'écoute de musique classique, sorte de cure musicale qui m'a fait grand bien, me voici de retour dans le bain du jazz rock.
      Je voulais déjà depuis longtemps leur consacrer un gros article à ces climatologues de l'électricité, puis j'en ai écouté, ré écouté et j'ai compris qu'il me faudra largement deux chapitres, tant le sujet est vaste, aventureux et digne d'un billet sans retour pour un voyage planétaire et jazz électrique.
      Alors, j'ai commencé à égrainer l'origine de ce qui me fait adorer ce groupe, puis on ira prochainement se balader au gré des vents et marées de nombreux titres, en vrac, ou pas, j'en sais encore rien.

      Bon départ d'année.
      merci de ton passage et bons moments ferroviaires
      Bizs

      Supprimer
  2. Je viens de lire ton billet en vitesse......je m'y replongerai plus avant et plus attentivement à la fin de semaine car nous partons quelques jours pour la Creuse profonde ( vu le changement de temps depuis hier nous aurons peut être de la neige...!)
    Mais il faut quand même que je te dise que je me pose des questions sur ce don que tu sembles posséder à savoir lire dans les pensées car depuis samedi j'ai fait du classements dans mes enregistrements de Weather Report et les deux premiers à passer en boucle dans les enceintes sont "Mysterious traveller" et "Black Market"

    Qui donc a vendu la mèche ????
    Beau début d'année en musique
    Amicalement
    francis

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Double Causalité...
      synchronicité, vas t'en savoir ?

      C'est presque en classant et rageant mes Cd sortis et empilés à la hâte que je me suis baissé et... là tout en bas, lettre W...
      Et cette volonté que j'avais eu de leur consacrer depuis longtemps un article.
      Tu vois pas de hasard...
      Pas de mèche vendue... juste le classement rangement finalement.

      Bon début d'année à toi également et merci d'être passé commenter ici.
      à bientôt et bonne vacances

      Supprimer
  3. Weather Report, un nom qui était apparu sur une cassette que m'avait fait un prof de jazz dans ce genre "jazz rock" (?) au milieu d'autres qui ne me reviennent pas là...ah si il y avait Pat Metheny...
    Je n'en ai malheureusement pas d'autres souvenirs, je n'ai jamais écouté d'albums en fait, voila) peut-être l'occasion... alors que les noms que tu cites ne me sont pas étrangers...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Hello Chris,
      Bon passage météorologique par ici...
      W R a été très prisé puis un peu oublié - je m'en suis beaucoup servi pédagogiquement...
      Si tu as l'occasion tente l'écoute leur carrière est un véritable trésor et l'étiquette jazz-rock n'est finalement pas, à la réflexion (depuis que je scribouille à leur sujet), très appropriée...
      Du funk, beaucoup de jazz, de l'africain, de la soul, mais du rock... c'est vraiment du "jazz électrique"...
      c'est de la world avant l'heure, mais de façon interplanétaire, avec des langages de mimétisme.

      Me reste un troisième volet et je les aurais décryptés - un moment que je voulais le faire, ça y est, je me suis donc lancé.

      merci du passage - selon tes écoutes, prends un parapluie.
      :)
      à +

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

« A EUX LA PAROLE » - ELOISE MINAZZO : « En Boucle ».

FELICIA ATKINSON.

REDECOUVERTES, REDECOUVRIR… (Syndrome de l'île déserte ?)