PIANO – PIANISSIMO … (Chloé Antoniotti, Mira, Tony Ann, Aurélien Froissart)

 PIANO – PIANISSIMO …


Aujourd’hui les réseaux sociaux et en particulier Instagram, qui a relégué Facebook à un espace « pour vieux » et qui est déjà largement supplanté par Tik-Tok en attendant le suivant, car c’est exponentiel et sans fin, sont incontournables, obligatoires, communs et font partie de la, de nos, vies qu’on le souhaite, qu’on aime à les critiquer, ou non.
Tout y passe, blagounettes à moins de dix balles, cuisine, sports divers et variés, passion animale … j’arrête là, ou avant de le faire je ne vais pas oublier la politique en me disant que certains passent plus de temps à alimenter ces réseaux et à se montrer dans les médias qu’à bosser les dossiers dans leurs bureaux, ce qui en dit long sur l’immédiateté que ces réseaux ont et sur l’impact qu’ils engendrent.

Alors si tout y passe, de fait, la culture n’échappe pas à cette règle.
Vous voulez en connaitre plus mais rapidos sur Kandinsky, Beethoven, Lovecraft, Druillet ?...
Entre Gemini, Wikipedia, Google et son ok installé à la maison, l’I.A et les réseaux sus cités, un tour d’horizon vite fait et parfois même bien fait vous permettra d’y voir plus clair. Et y’aura bien un petit podcast qui traîne sur le sujet.

On me demande souvent où je trouve tous ces artistes récents et même anciens et oubliés, quelles sont mes « sources » …
Je n’ai aucune honte à dire que c’est par le biais de ces fameux réseaux (en particulier Instagram, plus rarement Facebook, mais quoique et sporadiquement car il y a des « groupes » selon les intérêts, Tik-Tok - très occasionnellement) que je me renseigne, m’intéresse, reste curieux. Comme au temps où j’allais chez le disquaire ou à la mediathèque-discothèque pour farfouiller et, me renseignant, ou pas, auprès des vendeuses et vendeurs ou agents qui étaient de véritables professionnels, osais des choix et des aventures sonores.
Ce quelle que soit l’esthétique musicale.
C’est ainsi que je suis entré jeune dans le jazz, le free jazz, le jazz rock bien entendu, pour le rock, Best et Rock’n’Folk faisaient encore correctement leur « travail » et écrivaient des articles dignes de ce nom.
Et ai creusé plus avant mes connaissances en classique.

La fée internet est arrivée et avec elle un téléphone dont le but initial, à savoir téléphoner a très vite muté pour devenir la prolongation de nous-mêmes.
Paume ou oublie ton désormais smartphone, ou, comme ce qu’il m’est arrivé récemment, à savoir la batterie et carte mère qui crament et là, c’est entre le sevrage et la coupure avec une forme sociale qui nous est essentielle.
« Tu réponds plus au téléphone ? » …  en gros t’existes encore ?

Le « c’était mieux avant » n’est toujours pas mon crédo et j’aime à dire et me rassurer en constatant que comme pour toute avancée il y a ce qu’on en fait, du bon, de l’intelligent et du mauvais, cela restant éminemment subjectif et vu d’une génération comme la mienne c’est à considérer avec ce recul.
Parmi la multitude de vidéos que mon petit-fils regarde et qui frise parfois l’indigestion vu de notre côté, l’autre fois le voilà qui me raconte une tonne de légendes mythologiques, grecques, romaines, égyptiennes, le tout très détaillé.
Je lui demande s’il a appris tout ça à l’école.
« Non » me répond-il « C’est sur YouTube que j’ai appris ces légendes » …
Si avec ça on ne révise pas ses a prioris…
Moi, je lisais Contes et Légendes…

Je n’échappe strictement pas à cette « manie » des réseaux.
Je suis « abonné » à un nombre grandissant et devenu incalculable de passionnés de telle ou telle musique, de disquaires ayant pignon dans le monde entier, de collectionneurs de musiques en tous genres …
Paris, Tokyo, NY, LA, Rio, Londres, Vienne, Berlin …

Et puis, je suis attentivement toute la jeune génération de musiciens qui n’échappent pas et même usent au max de ces espaces pour présenter leurs compositions, interprétations, albums en streaming, clips vidéos les accompagnants, moments live captés par leurs potes, par des pros, par un auditeur placé dans le public et qui partage.

Partage… ce dernier mot est un axiome essentiel.
Même virtuellement on partage.
Nous le faisons entre nous et nous échangeons en commentaires dans nos blogs respectifs qui résistent comme ils peuvent à cette invasion de rapidité. Comme des potes autour d’un verre mais sans la réalité humaine que l’on aimerait tout de même, ces échanges sont constructifs, conscients, interactifs et amènent des débats, des découvertes…
Des désaccords aussi (voir plus bas jusqu’où cela peut déplorablement aller).

Cette jeune génération me surprendra de façon infinie.
Et avec cela l’optimisme reste la clé de toutes les entrées.
Elle ne cessait de me surprendre et de me captiver quand j’étais enseignant au conservatoire, m’imposant une « adaptabilité » de chaque année, de chaque mois, semaine, jour…
Elle continue de me surprendre et de me fasciner tant son fonctionnement ancré dans sa génération brise intelligemment les modes archaïques, usant de façon normale, parce que devenu ainsi, ces espaces de partage que sont ces réseaux pour faire connaitre leur art et se faire connaitre.
Des centaines, que dis-je, des milliers d’artistes.
Ca chante, ça mixe, ça gratte folk, pop, rock, ça te fais des tutos pour tout et avec tout, ça enseigne et donne des trucs utiles, pour certains, inutiles pour d’autres et parmi cette liste minimale et absolument pas exhaustive ne concernant que la musique … ça joue … du piano…

Hé oui, désolé, mais je reste passionné par les pianistes.
Et là… le choix est tant vaste que représentatif du pouvoir qu’a encore l’instrument aujourd’hui sur la musique en général.
De l’inconnu-e du bataillon à la star d’un style, chacune et chacun ouvre son espace, se livre, partage sa vie sociale, ses voyages, ses tournées et … son art.

Pays de l’Est en tête pour ce qui est de la récup’ sauce partitions complexes ou simplissimes de tout, entendons là Bach, un jazz dénué de swing mais textuellement joué, de la variété internationale truffées d’effets et enrubannée d’arpèges multiples tant qu’indigestes, puis vient l’Asie, avec cependant des critères un peu différents, au niveau du jeu et surtout de la mise en scène.
Aux States, c’est pléthore, c’en est presque vertigineux.
A Dubaï c’est paillettes avec des pianos au design à pâlir, mais aux pianistes enfilant les lieux communs.
En Europe, c’est tout de même le côté créatif qui prédomine.
Il y a aussi des sommets de podium, comme cette pianiste autrichienne (Gazmada) star du web et des réseaux qui reprend la pop et le rock sous une forme personnelle très trempée et qui met tout cela en scène avec une excellente valeur de l’à-propos.

En France… (et francophonie) …
En France les réseaux sociaux pianistiques sont très fournis et, de l’étudiant-e de conservatoire à l’interprète renommé ou non, il y a de quoi là aussi se vanter de n’être à la ramasse.
Des cours, des tutos, des podcast… de la pédagogie en veux-tu en voilà.
Laurent De Wilde explique en les triturant, les vieux synthés, Alexandre Tharaud pose sur Insta, Katia parcours le mone et nous en fait profiter, posant devant les affiches de ses concerts, dans sa loge …

Et puis il y a celles et ceux qui composent, créent, proposent.
Les circuits habituels de l’art sous labélisation ont explosé.
Le support physique, même si le vinyle revient en force, enregistré numérique pour être analogisé… faudra qu’on m’explique … est passé au degré de collector, d’affect, de possessif et le virtuel a supplanté tout cela.
On crée, on enregistre, on clippe, on informe, on showcase en même temps qu’on lance sur les plateformes…
Le « produit » a autant d’importance qu’avant et son packaging tant en looking de l’artiste qu’en présentation mais aussi degré de lisibilité par les réseaux prend là une valeur et une dimension qu’il faut savoir gérer et utiliser à bon escient.

En voici quatre, complètement et concrètement émergés-es de ces espaces de partage.
Ils sont passé de la chambre à l’étage ou au fond du couloir chez les parents, du studio de 20m2 où trônent le Casio, Yamaha ou Roland numériques, avec parfois empilés de façon Tetris d’autres claviers, le tout relié à l’indispensable ordinateur-computer … lieux de prédilection et d’intimité qui va permettre l’expression, à … la popularité.
Bonne gestion, nombre galopant de followers, hasard du clic …
Mais aussi et encore heureux, qualité indiscutable du propos musical proposé, exprimé, joué et créé.

Honneur aux dames.

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CHLOE ANTONIOTTI.
« Bouquet »
« Bouquet - One more Flower »
« Bouquet II ».

Chloé Antoniotti | Label Cinq7

Il suffit de suivre ce lien et de suite à gauche de la bio succincte, simple et suffisante en efficacité on a la liste … des réseaux.
Aucune surprise puisque c’est par Instagram que je l’ai découverte et de suite été intéressé, intrigué et captivé par l’univers de sa musique florale.
Un environnement montagneux, paisible que je connais bien (Aix les Bains où j’ai été musicien dans le studio de mon ami Michel Martinier et où, en l’observant manipuler nos prises de son, j’ai appris tant et tant de choses pour plus tard, m’en servir quand le home studio est arrivé dans nos vies), une pièce organisée, bien rangée avec les claviers posés avec exactitude, organisation, pragmatisme.
Un Nordlead pour les pianos, d’un réalisme total.
Un Juno 106, dont j’ai la chance d’avoir également un exemplaire, sorte d’outil sonore aux données qui forcent à la créativité.
Un Moog, magique.
Un combo sonique parfait pour créer, replié-e sur son espace intime (lisez la présentation de son dernier album et vous comprendrez), s’envelopper de sonorités et développer de longues et belles trames arpégées, octaviées et mélodiquement subtiles, à partir du piano.
Le Mac est là à droite, la caméra est là plantée au-dessus et apporte une vision panoramique, l’enregistrement live et multipistes commence – barre espace.
C’est parti.

C’est parti, mais, une fois passées les 1mn maxi des mini moments musicaux, imagés, des comm’s pour concerts, des invités en prise de micro, je préfère aller pour ma part, directement à la musique.
Ça tombe bien et c’est là aussi logique, Chloé tu la retrouves sur toutes les plateformes de streaming.

Et en tout cas, sur Qobuz, le son HD va me permettre de plonger d’avantage dans son univers.
Et ça tombe d’autant bien qu’avec Noël, j’ai du temps à passer en cuisine et … comme j’aime cuisiner en écoutant la musique, ce sera une première étape pour découvrir sa musique, naturaliste.
Je me suis réservé l’étape suivante seul et au calme et pour conclure celle encore plus détaillée, au casque, le soir.
Impossible de détacher un album, parmi ces trois, plus que l’autre.
Il y a certes et probablement, une « progression » en expérience, maturité a-t-on coutume de l’expliquer, mais le ressenti reste le même : la musique de Chloé est un espace paysager dans lequel on est bien, dans lequel on se ressource, comme elle, dans lequel la quiétude n’exclue pas, sous couvert d’une atmosphère proche de l’ambient, l’émotion et la sensation, les sentiments et la sincérité expressive.
Sa musique n’est nullement « de surface », mais elle est bien présente et réelle.

Chloé aime les fleurs et chacune semble être un prétexte à l’évasion mais également à l’expression des sentiments.
La musique de Chloé aime l’accord de 7e Majeure, celui qui permet une dimension tonale et des progressions harmoniques s’y référant, mais qui permet aussi un savant et subtil mélange entre Majeur et mineur, vers un champ dit modal qui tout en teintes pastels a séduit tant une école française debussyste (avec l’incontournable Satie) que la mélancolique bossa nova et bien entendu Bill Evans.
Mélancolique, le mot semble approprié.
Et que ce mot induit en poésie, comme sa musique.

Le jeu de Chloé aime les arpèges et les octaves pour la mise en valeur des thèmes, ce style pianistique très technique est souvent synonyme de surcharge, de remplissage et de broderies inutiles, mais, dans sa musique, l’exploitation et la mise en forme de ce jeu pianistiquement séculaire - que l’on retrouve dans tant de pièces classiques qu’il faudrait des heures d’écoute pour le constater – est utilisé dans une direction qui évite tous ces clichés et donne un sens réel à son propos musical, en faisant même quelque part, sa pâte identitaire.
Chloé exprime les synthétiseurs avec douceur, avec nuance, avec raffinement. Véritables outils sonores complétant ou positionnant ses compositions, complétant le piano central, leur apport pour sa musique est essentiel et participe aux voyages qu’elle propose.
Chloé réverbère son piano pour lui donner un irréalisme qui pousse les titres vers une dimension bienfaisante.
Un piano qu’elle sait nuancer et auquel elle offre l’exploitation de tout son espace tant d’ambitus que de nuances.
Qu’elle valse puissamment et de façon contrastée en « Pensée »,
Qu’elle nous fasse admirer ce magnifique « Jasmin » d’où surgit des pétales synthétiques pitchés qui finissent par exciter le piano qui va s’épancher en octaves de basses,
Qu’elle semble avoir retrouvé son vieux piano droit en le mélangeant à cette mélodie ritournelle irréelle en admirant cette « Anémone » qui va lentement s’ouvrir vers des basses de synthèse profondes et amples, suivra « Azalée », où le Juno 106 prendra la place principale pour s’effacer et que le piano redevienne royal,


Chloé nous emmène avec sa musique et son espace floral prétexte vers un univers onirique, intimiste, féminin où les sentiments sont musique et sonorités.

Trois albums, EP, à écouter dans leur ensemble, cohérents, intenses, subtils tant que brillants et luminescents.
Avec Chloé, on « s’échappe » du quotidien et justement, c’est également le titre de l’album de l’artiste qui suit.

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MIRA.
« A L’échappée ».

MIRA LISZT’S LINKS | Instagram, TikTok | Linktree

Mira…
Elle, cela fait un bail que je la suis.
Du moins sur Instagram.
Environ 3 ans et des poussières.
C’est une de mes dernières élèves (d’avant retraite de l’enseignement) qui m’a montré, lors d’un cours, son espace.
« Tu connais Mira ? C’est une super pianiste ! Elle est sur Insta, je te montre, elle explique comment jouer le morceau que tu m’as montré la semaine dernière, c’est pareil que ce que tu me disais - du coup j’ai fait comme elle expliquait » …

Son Insta…
Un lieu virtuel fourre-tout qui a évolué au fil du temps et dont certains trucs pédagogiques du genre tu peux apprendre ce titre en 5 mn max, gommettes sur touches ou autres repères visuels à l’appui m’a effectivement rappelé ces ficelles que j’ai souvent tiré pour parvenir à des résultats accrocheurs et permettre aux élèves d’aller plus loin.
Mira a maintenant son école.

Mira est très suivie, son nom – avatar c’est Miraliszt.
Ça peut agacer, ça peut faire rire, sourire et être narquois … paraitre prétentieuse aussi.
Mais bon, elle, au moins, sait jouer plus que basiquement du piano là où certains s’autorisent soprano, pour n’en citer qu’un.

Mira a un nombre de followers dépassant l’imaginable.
Et c’est exponentiel … vertigineux même pour une artiste qui joue « classique », en général et uniquement du … piano.
Quel engouement !

Elle utilise son Insta pour le piano, la musique, sa vie quotidienne qu’elle raconte et met en scène ce qui lui permet une proximité virtuelle auprès de ses fans de tous âges (mais son public est principalement constitué d’adolescent-es), ses relations avec ses amis-es, cop’s, autres musiciens-nes et ses tenues à connotation romantique, relookées actuelles, mettant sa chevelure rousse en évidence (comme ces séries Netflix usant de ce melting-pot significatif d’un attachement à un passé mais qu’on réassimile à la vie présente).
Mira danse aussi, hiphop, loin de l’idée enrubannée qu’elle promeut dans sa musique.
Chez Mira on navigue entre romantisme, larmes, fête, folie et humour – la vie quoi… qu’elle nous partage…

De fait, Mira serait presque l’archétype du personnage issu des réseaux qui pourrait insupporter, faire immédiatement tourner la page et aller, croirais-je, vers un propos moins superficiel, plus musical.
En fait, ce type de considération négative pourrait s’appliquer à de nombreux-ses de ces pianistes de réseaux, certain-es remplissant aussi de leurs arpèges foisonnants les espaces tels que les gares. On en parlera plus bas avec un autre artiste.
Face à Lucchini, je les ai défendus et je continue de le faire – la musique comme l’art n’appartiennent pas qu’à une élite autoproclamée, embourgeoisée et méprisante face au populaire. Et ce n’est pas parce que Lucchini clame haut et bien trop fort sa condescendance envers le « petit peuple », à grands coups de Victor Hugo ou d’humour précieux qu’il me fera retourner (même s’il arrive parfois-rarement à me faire esquisser un sourire) ma veste en son sens.
Mais voilà, Mira est une sacrée musicienne. Non seulement elle le sait et elle use naturellement, car c’est sa génération, des réseaux pour passer au-delà des habituels modes passéistes de reconnaissance, de repérages, de communication…
Pianistiquement et techniquement, dans l’univers post classique, néo romantique, estampillé easy listening qui la caractérisent (s’il fallait une étiquette), Mira est irréprochable.
Un toucher précis, détaillé, expressif et limpide caractérise son jeu tant que ses compositions d’ailleurs.

Son premier EP, fort de seulement 5 titres est représentatif de la part romantique qu’affiche sa personnalité et en cela, comme elle ne la cache nullement puisqu’au quotidien elle la met à jour, sans filtre, ça permet d’être « en phase » immédiate avec elle.
Cinq titres qui coulent avec la rare limpidité d’une eau de source précieuse et lumineuse.
Cinq titres où les chemins musicaux et harmoniques profondément ancrés dans le système tonal, avec ses résolutions de cadences caractérisées, tracent pour l’auditeur des voies que l’oreille sait suivre. Easy listening …
Cinq moments courts, minimalistes, élégants, posés dans l’espace de façon gracile, mus par un véritable jeu pianistique qui se déploie pour un usage total de l’instrument.

Dans « à l’échappée », Mira n’use d’aucun artifice. Le piano est là dans toute sa logique instrumentale et avec ce qui le caractérise.
Il est seul et se suffit à lui-même et les compositions de Mira n’ont nullement à être « analysées », car si l’on s’amusait, comme mon YouTubeur que j’épingle mais pas dans mes favoris, aime à le faire, il est certain qu’on retrouverait çà et là des influences, réminiscences, clichés … bref, tout ce qui fait que cette musique actuelle tournée vers les usages du passé existe et charme encore.
Et apaise.

Mira en revendiquant ainsi un ensemble, un packaging entre musique et personnalité permet – et c’est absolument admirable – à une pléthore de jeunes et moins jeunes pianistes de se tourner vers une musique « classique », de leur ouvrir la porte vers un lieu culturel immense, souvent regardé avec crainte, ou laissé de côté avec le « c’est pas pour moi ».
Non seulement elle brise des barrières là où tant essaient par la démagogie de les faire franchir, mais, du fait de sa sincérité envers cet univers musical qu’elle prône, qui lui sied totalement et de sa « représentativité » qui la place à une proximité véritable envers ses auditeurs, elle remet tant la musique classique que le piano en vedette musicale.
Avec ses possibilités créatrices, techniques et son exigence.

Super prof, super artiste, super pianiste, réelle compositrice.

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Et maintenant, ces messieurs.

TONY ANN.
« 360° ».

Il a détrôné Lang Lang côté box-office des vues, followers, bref tout ce qui fait les stats des réseaux sociaux dont sa popularité est issue. Il est d’ailleurs le seul « featuring » sur l’un des albums du grand pianiste : « Piano Book II » où ils jouent à quatre mains sa composition « Icarus » parue initialement sur son album « Awakening » sorti en 2023.

Autre phénomène émergé des réseaux, Tony Ann, canadien né à Vancouver a commencé comme bon nombre à se faire connaitre en publiant des vidéos courtes présentant sa musique via ces espaces.
Ses compositions étiquetées néo-classique ont immédiatement attiré le public et l’ont rendu rapidement populaire à un degré défiant, là encore, toute imagination.
Cela relève, quelque part, de la magie.

Tony, sur son Insta est désormais en tournée permanente et il partage cette vie tant passionnante que trépidante, apparaissant aux côtés du père Noël, photographiant de son smartphone les salles immense où il se produit, sur des pianos de rêve, se promenant dans les cités qui l’accueillent…
Il est discret, secret et partage pudiquement sa vie faite essentiellement de musique et liée à son piano …
Son statut de star de l’instrument piano lui offre des salles systématiquement à guichets fermés et ce ne sont pas des petites salles.
Il y met en scénographie spectacle sa musique, le plongeant dans des univers au décorum féérique, lui, modestement centré sur ce piano et honoré, presque gêné, de tant de reconnaissance.

Pour Tony Ann, on met désormais les moyens comme en atteste l’enregistrement de ce dernier album au packaging magnifique, à la promotion très médiatique et la tournée qui s’en suit qui va parcourir le monde.
Un gigantisme qui, pour une musique instrumentale aux réminiscences minimalistes et fondamentalement classiques, peut véritablement surprendre.
Un gigantisme digne des plus grandes stars du rock, de la variété internationale.
Certes, sa musique, délicate, aérée, étincelante, onirique et irréelle a effectué le « travail » et gagé son succès.
Sa jeunesse aussi et le fait qu’il s’adresse à toutes et tous par et avec son piano, simplement.

Une musique où l’axe pianistique si l’on veut bien détailler un peu prend plus aisément le pas sur l’axe mélodique, qui s’il est présent, n’est pas spécialement la donnée auditive qui nous prend.
Dans sa musique c’est avant tout le piano qui règne, comme élément, comme dimension, comme emprise sonore, comme présence, comme immersion, comme réalité.
Un jeu très digital, très ample et rempli d’usages essentiels liés à l’instrument caractérise son emphase musicale de laquelle s’échappe quelques points mélodiques.
Quelques rares respirations, beaucoup d’aisance, de geste, chez Tony Ann, le piano est là, sans relâche et on l’apprécie, aime comme tel.
Sa musique est envahissante, omniprésente et très hypnotique. C’est sa force.

Elle nous plonge véritablement au cœur d’un instrument qui reste indétrônable, royal, essentiel et qui de par sa conception permet (et a toujours permis) la composition musicale dans une dimension orchestrale rare tant qu’unique.

La musique que nous offre Tony Ann est précieuse, elle l’est d’autant que là encore, sa starification due à un phénomène social actuel permet à une musique dénuée d’effets de mode ou de réelle appartenance de caste d’aller vers le plus grand nombre avec … juste un instrument, dix doigts et surtout un véritable talent créatif.

« 360° » nous fait parcourir les signes astrologiques sous une vision pianistique et musicale féérique.
Il fallait bien un prétexte à développer une telle musique.
Il faut toujours un prétexte pour créer.
Mais il n’y peut y avoir de prétexte pour éviter une si belle musique.

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AURELIEN FROISSART

Un vague titre sur Qobuz … Chopin.
Aurélien Froissart c’est via ses pages Insta et un YouTube particulièrement attractif et fourni qu’on ira le découvrir.
Aurélien Froissart - piano

Il veut faire redécouvrir la musique classique, la sortir de sa poussiéreuse image, la jouer partout et pour tous et qu’elle continue à émouvoir universellement.
Et quelle a été sa démarche ?
Le piano-gare…
Et encore une fois j’épingle Lucchini et son embourgeoisement élitiste.
Et encore une fois, cette salle à public ouvert qu’est la gare où trône un piano n’est pas qu’un lieu où des pianistes non reconnus, en herbe ou en mal de reconnaissance s’expriment – c’est aussi un lieu où le concert le plus improbable peut se faire et où le public le plus bigarré peut être touché.
Aurélien Froissart n’y joue pas que le classique, dans ces gares.
Tout y passe, il a une culture musicale (tant qu’une technique) époustouflante et même si désormais ses vidéos sont peut-être moins « spontanées », entretenues avec un soin professionnel dû à son succès et à son « aura », il est bien rare que, à travers le filtre du web, on ne se laisse porter par l’émotion, la surprise, la magie.
Comme avec cette jeune fille de  9 ans qui chante avec lui ces chants de Noël…

Avec lui…
Oui, il n’est pas exclusif et-ou centré sur son piano.
Il partage à de nombreux degrés, avec d’autres, avec le public, avec l’atmosphère du lieu.
Aurélien invite, Aurélien se met au service de celles et ceux qui ont envie, idée, souhait … de venir chanter, jouer, danser même, avec lui.
Le niveau sera forcément excellent, car si on l’a entendu là, dans le hall, jouer seul, on sait qu’il y a défi du partage à un degré minimal obligatoire.
Il y organise aussi ces rencontres et maintenant ça attire du monde, à tel point qu’une de ses récentes prestations a dû être interrompue – ce qui a renforcé le buzz sur le net – tant la foule s’amassait, créant un doute sécuritaire inattendu.

La foule, les gens…
Il en passe tant dans ces gares. Immanquablement il y a tant de ces artistes qui en tournée prennent le train et vont le croiser, au détour d’une correspondance, d’une attente, d’un retard (alors pour le coup, merci la SNCF d’être spécialiste en la matière et merci Aurélien d’être là pour les faire oublier), en passant, seuls-seules, en groupe, en chœur...
Violoniste d’orchestre en transit, Kenji Girac, chanteuse de soul, chorale, trompettiste de renommée … quel que soit le « registre », le style, il s’adapte, capture à l’oreille si besoin depuis le smartphone de l’élu-e du moment et accompagne respectueusement, se laissant surprendre et insufflant dans ces rencontres uniques l’émotion qui fait s’arrêter les passants, transforme leur vie quotidienne en moment privilégié, les fait rire, sourire et même pleurer.
Au cœur du piano, au cœur de la musique, au cœur et avec le cœur – et le chœur – des gens, là où tout le monde, universellement passe un jour ou l’autre, dans une de ces gares bondées, Aurélien a trouvé le véritable espace pour le partage musical et avec lui, le piano est, encore une fois, au centre de toutes les attentions…

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Noël est passé, un de plus au compteur.
On a parlé en introduction d’échanges et de commentaires.
Et de partage …
Ailleurs et pas loin virtuellement, ça bataille, en place de cette notion de partage, à qui mieux mieux pour un débat rouge feux où Miles est inopinément invité. Comme ma chienne qui ne peut lâcher son jouet de Noël, possessive outre raison, la connerie ne lâche jamais l’affaire et outrepasse la raison à coup d’arguments se voulant justement, raison.
Il faut certainement laisser ces rabat-joie frustrés s’exprimer haut et fort, ces sachants aux œillères tellement bien ancrées dans un savoir encyclopédiquement désuet jouer à ce jeu de gagne petit.
Le net peut être magique, les réseaux aussi et les blogs avec, mais on n’évite pas les Lucchini ou Manoeuvre de service.
Faut faire avec.

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Et en attendant le passage à 2026 où je vais tenter d’éviter de remettre un éclairage sur la trop longue multitude d’albums que j’ai chroniqué cette année riche en découvertes musicales (et en musique tout court), je vous souhaite une bonne fin de semaine transitoire entre deux et ce passage vers le quart de siècle suivant.
Pianistiquement vôtre…



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