AUTOUR DE LIGHTHOUSE BAND – Chapitre 3

 AUTOUR DE LIGHTHOUSE BAND – Chapitre 3


« The Game of Love » - Jake Wilkinson Quintet featuring Michelle Willis / Sounds like This Records-2009.
Jake Wilkinson (Trompette) – Mark Eisenman (Piano) – Joel Haynes (Batterie) – Jon Meyer (Contrebasse) – Michelle Willis (Chant).
Jake Wilkinson est de Toronto, juste pour situer…
Son style soliste est très hard bop, caressant les aigus sans frémir, usant d’une vélocité issue des grands tels Dizz mais bien sûr Clifford (première référence qui apparait dès l’entrée en solo), bien lumineux, bien pêchu, efficace et rentre dedans comme l’on aime à l’entendre dès que d’entrée ce jazz s’installe.
Mark Eisenman est un pur pianiste du style, ses solos parfaitement dans l’esprit avec ce jeu si pétillant, pointilliste en ballades, up dans les tempos enlevés et absolument pas démonstratif. Il est le point d’équilibre de l’album – équilibre harmonique, de contre chants, de prise de lumière(s) diverses et variées, il est au centre du sujet et répartit, de là, les rôles.
La section rythmique semble tout droit sortie des sessions d’enregistrement de ces immenses référents Blue Note, tel que notre esprit en a pris l’habitude.
Michelle Wills peut ainsi en toute tranquillité - sans la moindre esbrouffe de « vibes » et autres effets de saturation du langage vocal, devenus trop courants - mettre en valeur ces songs.
Le sentiment au fond qu’une voix pop chantant dans cette esthétique, se pose sur un groupe (ici quartet) de jazz pur et qui de dur s’adoucit à son contact.
Joni Mitchell sait faire cela à la perfection (et s’entourer plus que de perfection).
Michelle Willis est dans ses traces…
Quelques cordes sur « Love at All » et ces chansons d’amour – au cœur du sujet – s’installent au coin d’un feu crépitant.
On commence bien ce chapitre trois…

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« So Many Me » - Michael League / 2021 Groundup Music.

En quarantaine, en Espagne, Michael League s’installe, multi-instrumentiste oblige et produit cette miraculeuse somme musicale de sa carrière.
Fondé sur des percussions (« Touch Me » - « Fireside ») réelles ou programmées, empruntées à la tradition marocaine, turque et kurde,
Chargé de synthés tous aussi antiques les uns que les autres (« I Wonder Who You Know » - « Best of All Time »),
Poussant chaque titre d’une voix rare et souple, intimiste, comme un David Sylvian (par exemple) pourrait en être tributaire, généralement harmonisée (le contact Crosby ?),
Déclinant des pianos vaporeux (l’incroyable « Right Where i Fall » - le conclusif chargé d’émotion « The Last Friend »),
Inventant ces éternelles lignes de basse groovantes (« Since you’ve been by » - « Fireside ») dont il a le secret en les posant là, tel un sceau,
Usant de peu de guitares (« In your Mouth » -« Sentinel Species » et son solo torturé digne d’un Belew ou d’un Pete Cosey échappé de chez Miles – « Fireside »…),

Voici un album absolument et résolument fusionnel, représentatif d’un artiste à la carrière multiple et sans limites ou barrières musicales, artistiques, créatrices.
Une sorte de curieux éternel touche à tout tel un Beatles de notre ère, capable d’intégrer une idée, une influence, un langage et tant d’autres flashs nécessaires à la création pour directement les mêler à ses projets.
Et quel arrangeur !... car bien entendu ici, sous ce travail solo, solitaire, intimiste et unique c’est bel et bien cette autre faculté à l’assemblage, à l’arrangement d’éléments et forcément à la mise en exergue par la production sonore - ici également fantastique de clarté et de distinguo de chaque axiome instrumental - qui attire, interpelle et laisse admiratif.
Inclassable comme le peut être d’ailleurs Snarky Puppy même si l’étiquette jazz veut se le récupérer…
pop, certainement… ambiant probablement, parfois…
Bref, une de ces véritables musiques, universelles, de ce XXIe telle qu’elle se doit d’être et représentative de la synthèse créatrice de notre temps.
A ne surtout pas louper… le voyage est total.

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« Traces » - Jessica Deutsch and Ozere / Label Jessica Deutsch and Ozere 2020
Adrian Gross (mandoline & guitares) – Lydia Munchinsky (violoncelle et chant) – Bret Higgins (Basse).
Guests : Michelle Willis (chant, claviers) – Todd Pentley (Wurtlizer et orgue) – Magdelys Savigne Carrion (percussions).

On parle donc de voyage…
On trouvera peu de renseignements sur cet album, juste le site web de l’artiste.
Cela permet d’avoir une oreille d’autant plus attentive qu’aucune référence réelle permettant d’être influencé n’apparait.
Est-ce folk ? réminiscence classique ? pop ? pseudo celtique ?
Un peu de tout cela ?
« L’identité du groupe ne correspond pas parfaitement à quelque chose. Je veux maintenir un son libre » - Jessica Deutsch.
« Une version enracinée du quatuor à cordes » - Boston Globe.


Peut être que cela se résume là.
On est embarqués dans un tourbillon violonistique traditionnel, entre danse, chants et mélodies intemporel(le)s, douceur ancienne, le passé, au présent s’inscrit en lettres et sceaux qui sont des rappels, des évocations, des souvenirs sépia, des photographies d’antan.
Mandolines et guitares égrènent de délicieux et mielleux arpèges.
Le violoncelle agit en semi continuo et s’échappe en contre chants de demi teintes, en rythmiques parfois presque guitaristiques.
La contrebasse lance, relance, agit, pousse…
Les invités sont insérés dans le projet et le parsèment sans flash particulier, ils apportent juste la seule touche, ni supplémentaire, ni vraiment nécessaire, aux titres auxquels ils participent et dans lesquels leur présence est juste logique et naturelle.
Michelle Willis n’échappe pas à cette règle, son chant est simplement là quand il est utile de chanter, à savoir passer de l’instrumental au song ("The Bones of Clouds").
T.Pentley apporte la touche de couleurs que le Wurtlizer se doit de mettre.
Les percussions (« Traces ») sont là, à l’identique, juste quand le besoin semblait évident.

Un album boisé, ancestral et pourtant "écologiquement" actuel - s’il pouvait en être, hors mode du terme récupéré politiquement.
D’immenses paysages, des collines, des monts au loin, des forêts à l’automne, des traditions de vie villageoises ("Every Woman"), le feu qui sort des cheminées, développant ses volutes de fumées, ces brumes disparates dans la vallée, ce soleil pâle, au loin.
L’humain est là, au centre et cette musique accompagne sa vie, son quotidien simple, fait de labeur, de fêtes, de plaisirs, de bonheurs comme d’affres de vie – cet autre temps transposé ici mais dont les réalités restent actuelles.
Un autre voyage, à faire et là on ferme les yeux… pas besoin de billet car c’est un voyage dans une autre … vie, ou peut être un autre temps qui est transposé ici.

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Là s’arrête le chapitre trois.
Un peu de jazz, une somme d’actualité sonore, un passage-paysage dans le passé…
de quoi choisir.

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