VANGELIS – 29 Mars 1943/Agria (Grèce) | 17 Mai 2022/Paris.
VANGELIS – 29 Mars 1943/Agria (Grèce) | 17 Mai 2022/Paris.
Le temps passe et son lot d’artistes qui ont parcouru la vie
s’éteint.
Il y en a sur lesquels l’on passe, car l’on aura que peu (ou pas) suivi leurs
carrières.
Il y en a pour lesquels l’on aura une pensée respectueuse, un « tiens …
pff dis donc » ou autre…
Il y en a pour lesquels l’on est pris par l’émotion, les souvenirs liés à leur
art, avec lesquels l’on s’est liés, attachés à eux d’une façon ou d’une autre à
un moment de nos vies.
Vangelis Papathanassiou est, pour ma part, de ces derniers.
Ça a commencé tout gosse, chez mon oncle.
Je l’ai déjà raconté, j’y passais mes samedis après midi ou mes dimanches matin
pour les voir (mon oncle et ma tante) et m’installer pour écouter de précieux disques.
De ceux qu’il m’était impossible de mettre à la maison, temple du classique et
de la culture chanson rive gauche en mode coco.
Et puis, il y avait la magie mélo-maniaque de mon oncle, cette obsession du son
Hifi, de la qualité à tout prix (qu’il m’a d’ailleurs transmise), ce souci
apporté au détail sonore, au spectre, et… la puissance (un Led Zep ou un Purple
chez eux… et c’était directement stratosphérique).
Mon oncle m’a offert nombre de disques et il m’a transmis le pouvoir de la
mélomane attitude.
Une pochette, un album mystérieux…
« L’apocalypse des animaux » / une actualité encore plus,
malheureusement, tangible.
Souvent, quand j’arrivais, chargé de mon rock qu’aujourd’hui l’on qualifie de
classic, sous le bras, stock hebdomadaire de vinyles empruntés aux divers potes
du collège, il était posé dans le canapé, se délectant de son café et se
chargeant d’émotions musicales orchestrales, opéra, rock et là, parmi cette
ouverture il y avait ce disque improbable, étrange, quasi classique mais sans
en avoir la véritable sonorité. Je me posais alors avec lui et m’embarquait
dans cette musique inédite, indéfinissable et tellement nouvelle côté textures,
sous un emballage si proche de cette musique classique à la vertu tonale et
mélodique dans laquelle j’était délibérément éduqué.
A l’âge de 13 ans, quand l’on est un petit gosse prometteur de conservatoire et
de maîtrise (ORTF), nourri et plongé chaque jour dans le bulldozer formatif,
éducatif, culturel et même politique, les « écarts » musicaux sont,
soit rebelles et part de vie intime (tels un journal), soit des moments
privilégiés pour lesquels l’on ne se pose pas la moindre question – on se
contente du profit du moment et de ce frisson qui parcours le corps. C’est déjà
largement suffisant.
Et c’est bien ce qui me venait (et ce, encore aujourd’hui) à l’écoute de cet
album.
Je n’y comprenais pas grand-chose, juste capable d’inscrire (car oreille
absolue dès très jeune – vous ne le saviez pas ?... c’est fait) le dessin
mélodique (resté encore aujourd’hui dès l’écoute de ct album, comme un ADN
musical) et l’ensemble des notes environnantes (l’oreille harmonique sera pour
bien plus tard…).
L’idée même de … synthétiseur ne serait même pas apparue.
A 13 ans en pleine découverte (1973…) l’on a peine à imaginer qu’un instrument
puisse presque virtuellement en « remplacer » un autre.
A 13 ans seule la musique parle.
A 13 ans l’on a même pas l’idée que, par exemple, l’orgue de Jon Lord est
co-tributaire du riff de « Smoke on The Water » de Deep Purple… même
si on l’écoute tous les jours depuis le sacro-saint 25 mars 1972 où il sort…
Oui, seule la musique parle…
A 13 ans l’on est juste un gosse (pas encore vraiment un ado) et une éponge
curieuse qui prend ce qu’il est possible de prendre, sans véritablement l’envie
« d’analyser » - c’est juste… organique (orgasmique parfois).
Vous savez ce qu’est la magie ?
Ce truc indéfinissable qui vous prend d’émerveillement quand on est face à
« l’incompréhensible ».
Et bien, c’est exactement cette magie qui m’a dès « la petite fille de la
mer », pris à l’âme.
Ce piano dont je n’avais aucune référence, ces espaces de nappes irréelles, ce
voyage…
Dès lors Vangelis Papathanassiou s’est inscrit avec l’image de cette pochette,
la particularité sonore de cet album et son immense pouvoir créatif et addictif.
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Dès lors, Papathanassiou, à la consonance grecque, me rappelant mes origines,
pris sa place « à part » dans le fatras rock anglo/américain, dans
les échappées franco-progs.
Un parallèle, un artiste inclassable…
A part.
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On peut remercier (ou pas) Best et son Picart de défenseur
d’un prog qui en peu d’années déclinera dans une décennie seventies mouvementée
d’avoir suivi l’actualité de Mr Papathanassiou, devenu directement Vangelis.
Best… Extra… Rock’n’Folk…
On se ruait chaque mois sur l’un, l’autre ou l’entier package de ces sésames
plus ou moins orientés, mais seule réelle info de ce qui pouvait faire casser
nos tirelires chez les disquaires.
On avait donc nos « rubriques », nos chroniqueurs et finalement ils
avaient le pouvoir en deux mots, un pamphlet… d’encenser ou de détruire un
album, un artiste, une… carrière.
On les suivait, « crétinement », presque aveuglément..
Leur plume était éloquente, leur passion certainement authentique et leur envie
de partage probablement véritable.
Vangelis et ses nombreux albums a bénéficié d’une reconnaissance qui aura
permis, ainsi, à qu’à sa musique, de franchir le cap fermé de l’ado boutonneux
en mode rock rebelle.
Présenté souvent comme un génie des claviers, posant au milieu de ceux-ci, empilés
comme à un salon de démonstration, il faisait rêver…
L’on a imaginé qu’il eusse peut remplacer Wakeman chez Yes…
J’ai du mal à imaginer telle chose.
Et pourtant ses collaborations avec Jon Anderson sont de pures merveilles.
mais ne sautons pas les étapes…
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Vangelis, c’est aussi le mystère du « tout en un » …
Le gars capable de créer un univers à lui seul, enregistrant piste par/sur
piste ses strates sonores, ses textures orchestrales, pianistiques,
synthétiques.
Fascinant…
Intriguant…
Légendaire…
Talent musical, instrumental, technique…
Autonomie créative…
Un statut qui m’a fait rêver ce jusqu’au jour où le sacro-saint Fostex
multipiste est entré dans ma vie et dans mon étagère de K7s… cumulant avec lui
quelques synthé bon marché, bien loin de ces machines mirifiques qu’il
utilisait, s’additionnant d’une boite à rythme rudimentaire mais tellement
utile.
Home studio.
Autonomie créative et indépendance.
Vangélis…
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On pourrait parler de « grandes années » avec des albums qui ont
marqué et se sont vendus à la pelle…
Les « Albedo 0.39 », « Pulsar », « Spiral »,
« Opera Sauvage », « See you later »…
Mais ce serait infiniment réducteur tant sa discographie et son catalogue
créatif sont impressionnants.
Cette faculté de faire « tube » avec quelques arpeggios, quelques
mélodies minimalistes et le seul axe instrumental m’a toujours fasciné…
Quand la musique instrumentale, par son chant, remplace le chant, que dire de
plus ?
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En 1989 sortira « Themes ».
Cet album sera pour moi le centralisateur de mes explorations vers sa musique.
Une compilation organisée de main de maître résumant une part de sa carrière.
J’avais fait installer dans la voiture l’un des premier autoradio CD, un
Yamaha.
Comme mon métier l’impose, les longs trajets en voiture sont quotidien de la
vie.
« Themes » les a jalonnés en restant pendant plusieurs années dans le
vide poches ou installé dans l’autoradio sans en sortir, comme un support mental, moral, un axe créatif à ne jamais oublier ou
négliger, comme une musique dont le caractère bienfaisant et bienveillant peut
s’inscrire dans un environnement journalier.
« Themes » m’aura servi de support pédagogique, à toutes les sauces
(interventions en milieu scolaire, formation musicale, choix de textures de claviers
en groupes d’élèves).
« Themes » m’aura permis d’aller vers d’autres Vangelis, que ce
soient les albums plus « expérimentaux » comme ses incroyables B.O.
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« Bladerunner » m’est devenu culte.
K.Dick dont je dévorais les nouvelles, bouquins… l’un des héritages culturels
de mon père, féru de SF.
Ce film, qui synthétisait dans un espace temporellement intemporel, tout cet
univers qu’ado puis « jeune adulte » j’avais en addiction.
Et la musique, directement intrigante, mystérieuse, installant une ambiance à
la fois onirique, majestueuse tant que glauque, angoissante.
S’il est un (des-car dès la sortie non attendue mais tellement surprenante du
« second ») film que j’ai revu nombre de fois pour son interaction
musicale avec l’image, l’intrigue, l’atmosphère, c’est bien celui-ci, à tel
point que, quand j’écoute et c’est souvent le cas, cette B.O, je ne peux me
sortir l’image de l’esprit.
« Love Theme » nous aura fait passer de long moments de discussion
avec mon ami Roland.
La musique réunit.
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Puis il y a eu « Le Bounty » avec ce galion heurtant les vagues de
l’océan, parti pour un voyage qui se terminera en révolte. Une seconde version
cinématographique où, là encore, dès cette insistance ostinato synthétique, la
musique du maître prend l’image à bras le corps pour la faire sienne.
« Chariots de Feu », « Antarctica », sans parler de
l’incontournable « 1492 » - mêmes sentiments, mêmes addictions.
J’aurais donc réalisé que j’allais au cinéma pour « voir » la musique
de Vangelis.
Etrange constat.
Mais réalité.
Et « Troy », passé en réel symphonisme instrumental n’échappera pas à
la règle.
Les B.O de Vangelis sont des échappatoires sonores inexplicables.
Les thèmes musicaux de ces B.O sont des incontournables pianistiques que nombre
de mes élèves ont un jour joué. Je les ai repiqués, puis enfin édités (au compte-goutte
dans une compilation minimale), ils ont fait mon bonheur.
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Vangelis a pu, au regard de son succès, s’embarquer dans des créations bien
plus aventureuses qui m’ont là aussi fasciné et augmenté son aura de légende,
d’autonome, de créatif, d’indépendant.
Il faut se pencher attentivement sur « Beaubourg » qui aura forcément
dérouté à sa sortie nombre d’habitués ou de suiveurs. Un étrange amalgame
synthétique, un univers improvisé-écrit capable de faire la nique à n’importe
quel zozo tête pensante d’un IRCAM alors en mal de reconnaissance créative.
Tout comme avec « Invisible Connections », Vangelis a pu s’offrir des
espaces déconcertants, novateurs, expérimentaux et divergeants.
Là encore il a prouvé le possible de certaines directions.
Et que le statut de célébrité ne pouvait empêcher la part d’audace, quitte à
égarer un certain public.
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S’il est des espaces où la voix pure et diaphane a su rejoindre en symbiose sa
musique pour des chants irréels et diaphanes c’est au gré de ces duos avec Jon
Anderson qui, dès « Olias », qu’il réalisa seul, de son côté, ne
cacha pas sa fascination pour Vangelis.
Trois albums, trois perles d’une rareté musicale qu’il est impossible de ne pas
prendre en considération tant dès l’ouverture de l’un d’eux l’on est happé par
cette intemporalité, là encore, semblant s’installer en quelques fractions de
notes.
J’ai écouté infiniment ces albums, à chaque sortie de l’un d’eux c’était la
promesse de moments de quiétude, de poésie, d’espace.
Peu à voir avec les partenariats magistraux et orchestraux, dense et souvent
pugnaces tant que traditionnellement ancré, que Vangelis aura réalisé avec
Irène Papas sur lesquels je ne saurais m’étendre, car j’ai zappé cette partie
de sa carrière. Tout comme des Aphrodite Childs pour lesquels il m'aura fallu pas mal de décennies de gommage complet avant d'en saisir la réelle portée.
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Je pourrais et devrais parler encore longuement de sa musique, de son art et de
qu’il a (m’a) apporté tant en conception musicale, qu’en visée artistique.
Son dernier album parmi tant que j’ai écouté et en tête m’a encore fasciné.
« Juno to Jupiter » que j’ai pu chroniquer ici s’est inscrit
naturellement dans la continuité d’une fascination restée authentique de ce
créateur, visionnaire, expérimentateur et génie que fut Vangelis.
Je me devais cet hommage, lui aussi a parcouru, de son art et de sa musique,
mais aussi de son aura, ma vie.
La multitude d’albums et de titres qu’il a sorti ne doit pas, sous l’idée d’une
surproduction, effacer qu’en chaque moment musical qu’il a produit, réalisé et
joué il y a l’instantané du génie.
En cela c’est largement suffisant pour dépasser les cases, les clivages et les
critères.
En cela Vangelis reste et restera l’un des plus grands créateurs, toutes
catégories confondues, de musique enregistrée de ce XXe finissant et de ce XXIe naissant.
Qu’il repose en paix, il nous a apporté tant de bienfaits.
Yeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeees. Je vais l'écouter d'une oreille différente, la seconde également. Eric.
RépondreSupprimerBon, tu as réussi à franchir le cap pour venir commenter...
SupprimerCe qu'il y a de bien avec la musique de Vangelis c'est qu'on a un choix infini d'espaces à conquérir - à toi de jouer...
Merci du passage
Forcément je n'ai pas tout entendu. Je note tes références "Bounty" "1492" par exemple. 1976 J'achète en vinyle ALBEDO un tantinet déçu, le danger des "tubes", donc je me rabats sur les 45t (mais oui, VANGELIS cartonne en 45t) mais le jour où je prends CHINA - comme tu dis, une bonne critique - CHINA 100% écouté adoré, et du coup retour arrière pour les tous premiers. Depuis je cours après mon retard. Donc ton papier si c'était possible serait d'en ajouté un à "mon" palmarès.
RépondreSupprimerJ'ai oublié de parler de China et de cette approche onirique de la Chine ...
SupprimerEn ajouter un...
Le dernier, serait finalement le plus potentiel.
à +