HERBIE HANCOCK – « Coda ? » - Saison 5 (dernière).

 

HERBIE HANCOCK – « Coda ? » - Saison 5 (dernière).

Enfermé dans la multiplicité ?
H.H en a produit, fait, généré, créé… des albums…
A partir de là, je vais le suivre en mode « Chameleon », il passe de l’acoustique au funk, s’électronifie encore et encore, conceptualise, rend hommage(s), est invité, invite…
Pour autant pas de « boulimie » - juste une parfaite maîtrise.
H.H navigue sur tous les flots, il est ouvert, infiniment…

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L’un des derniers albums de cette météorite funk que H.H a jeté sur terre n’est pas « récent ».
Peu importe.
Fidèle à son concept de positionnement puis en fin de parcours d’une porte s’ouvrant vers le futur, cette porte va m’embarquer vers un truc inédit « The Twilight Clone »…
1981, King Crimson est de retour. Fripp, désormais bien vissé sur son tabouret et entouré de ses joujoux frippertronifiés jette à la face du monde son « nouveau » KC.
Il va chercher un passionné de cris d’animaux, un type de « chez Zappa », à la sonorité immédiatement reconnaissable et qui sera usitée par tout un pan de new wave (Talking Heads…), mais pas que (Bowie…) – C’est Adrian Belew.
Le voici donc invité pour conclure un album « comme dans ces années-là ». Un album empreint de ce funk interplanétaire qui vient secouer les âmes terrestres.
« Magic Windows » est une pierre de plus et peut être l’une des dernières de cette époque radicalement tournée vers cette immuable attirance de dance floor.
C’est l’avant « Future Shock », la frontière…
C’est un album qui est lourd, massif et synthétique à l’excès, ce qui n’est pas pour me déplaire et qui va me permettre d’aller puiser nombre de gimmicks de genre.
Chronologiquement il se place entre « Lite me up » et le « H.H Trio », mais son modernisme et cette vision synthétique en font l’un de ceux que j’ai le plus écouté, pour le fun direct qu’il induit, mais aussi pour cette gestion d’un funk plus radical, aux vocaux et chœurs délicieux et kitchs, bardé de synthés aguichants.


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Cette dernière saison sera donc en vrac, car désormais, au regard de sa production je vais continuer à le suivre, H.H, mais en « piochant » çà et là.

 

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« Gershwin’s World », sorti en 98 sera l’un des grands chocs musicaux que je vais me prendre avant le passage au 21e
Le rapport G.G-H.H m’est non seulement apparu évident, mais ici la musique de Gershwin a pris son « autre dimension », au-delà de la transposition en mode standard jazz usuelle.
Le dernier choc avec Gershwin que j’avais reçu était l’album « Porgy and Bess » arrangé par Russell Garcia et chanté par Ella et Louis.
Pas d'hier donc...
En voyant que H.H entrait dans l’univers du grand compositeur (et pianiste), c’était plus qu’alléchant.
Avec un listing impressionnant d’invités (Joni Mitchell, Stevie Wonder, Kenny Garrett, Chick Corea) et qui plus est, présentant les « périphériques » tels que Ravel (dont on sait qu’il admirait Gershwin et qu’ils eurent de nombreux échanges) ou encore les sources Ellingtoniennes (où la sonorité âpre et roots est ici présente mais arrangée avec une paradoxale modernité, permettant de resituer Duke et Gershwin comme universellement modulables), ou des racines blues du jazz... H.H au détour d’arrangement tous aussi modernistes/réalistes/pertinents/denses et aux facettes instrumentales multiples (cordes soyeuses, cuivres jungle, rythmiques percussives, formation « jazz » traditionnelle…)… nous trimballe dans « tout le jazz », avec délectation.
On ne s’arrêterait presque « que » sur la version de « Saint Louis Blues » propulsée (harmonica puis vocalisé et chantée en partie B) par Stevie Wonder, tellement l’implication des deux maîtres arrache tout, mais ce serait passer à travers tant de merveilleuses surprises, espaces où les musiques naviguent par et avec le jazz dans un raffinement d’écriture rare et délectable.
L’une des plus belles sera « The man I love » avec une Joni Mitchell qui éblouit par son feeling et qui,  dans ce registre, laisse indéniablement pantois, ce sans parler de son interprétation de « Summertime ».
Un album obligatoire… incontournable (et ce, sans se réduire à la seule discographie de H.H, mais pour tout amateur de jazz).

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« River – The Joni Letters », 2007.
Herbie rend justement l’hommage respectueux et forcément amical à Joni Mitchell en lui consacrant un album au cours duquel va défiler un « florilège » de ses compositions qu’il va entièrement revisiter « à sa manière ».
Le casting du projet est savoureux…
Wayne Shorter est bien sûr là, encore et comme toujours l’ami sans lequel cela est impossible…
Larry Klein, bassiste de Joni participe avec souplesse et implication à l’ouvrage, simplement en le produisant.
Vinnie Colaiuta prouve sa capacité à s’intégrer avec musicalité dans un tel projet…
Là où l’on a l’habitude d’un déferlement drummistique étouffant de sa part il est ici d'une surprenante sobriété.
Il a à ses côtés Dave Holland, cet incontournable contrebassiste pour lequel, d’ailleurs il me faudrait faire une chronique.
La guitare discrète mais efficace de Lionel Loueke « rythmise » ou « ambiantise » tranquillement le tout.
Norah Jones s’empare d’emblée de « Court and Spark » pour une version éthérée et libre et la porte va s’ouvrir alors sur cet univers musical et poétique de la grande dame Joni Mitchell, une « influenceuse » musicale…
Tina Turner prend le relai pour l’une de mes chansons favorites de Mme Mitchell « Edith and the Kingpin », là encore la surprise est au rendez-vous, Tina dans un tel contexte force le respect et s’autorise une sortie de route quant aux habitudes que l’on croit avoir reçues d’elle…
Les chansons de Joni sont donc ici réappropriées, réharmonisées parfois, réinventées souvent, redimensionnées et restructurées avec cette liberté jazz toute hancokienne (« Amelia ») qui reprend avec subtilité les caractéristiques de ces couleurs guitaristiques de l’open tuning chères à l’artiste pour leur donner une sur-dimension pianistique.
H.H use de toute sa palette digitale harmonique pour ouvrir le champ coloriste déjà riche initialement et l’exacerber.
Et ce n’est pas pour rien d’ailleurs qu’H.H glisse là le « Nefertiti » de Wayne/Miles… sa richesse thématique, harmonique mais également d’ouverture structurelle est ici évidente pour étoffer par une « lettre personnelle » un tel projet.
C’est un album qui laisse en suspension, comme ces accords dits suspendus d’ailleurs… (sus…4,2…) qui donnèrent un certain « Maiden Voyage ».
Il se concluera dans ces sphères éthérées avec Leonard Cohen, subtil narrateur d’une « Jungle Line » envoutante et sublime.
Le genre d’album de chevet, s’il en est un…

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1985 – Herbie embarque son synthétisme vers des contrées world.
Avec le griot Foday Musa Suso, accompagné de sa Kora, qui nous conte un imaginaire qui ne regarde que nous, ils s’inventent « Village Life », passerelle africaine, retour à des sources, des racines, mélange entre tradition et modernisme groové délicatement par quelques rythm boxs.
Le genre d’album qui dépayse de vérité, de subtilité et d’intelligence partagée et dialoguée.
Le genre d’album qui d’emblée dépasse le simple concept de « world music » qui souvent va prendre position en occidentalisant la tradition alors qu’ici il s’agit juste de partage, d’échange et de dialogue…
Et de respect mutuel.
J’y ai découvert cette Afrique, j’y ai encore plus admiré H.H pour sa pertinence et sa créativité là encore hors toute attente.
Une musique « sur le fil » où chaque moment suggère une écoute en finesse qui embarque vers des contrées inédites et réinventées.
H.H n’a pas vraiment continué dans cette nouvelle direction et c’est bien là l’intérêt de cet « écart ».
De cette parenthèse …

 

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Herbie Hancock / Roy Hargrove / Michael Brecker « Directions in Music – Celebrating Miles Davis and John Coltrane – Live at Massey Hall – 2001 ».
Brian Blade – Drums / John Patitucci – Bass.

Un concert exceptionnel pour un hommage à nos deux figures du jazz incontournables.
Herbie s’entoure de ce qui serait presque un New VSOP…
En tout cas d’une génération plus jeune.
Ici tout est de la plus haute volée, on dépasse le seul cadre de l’idée de concert, chaque titre se revêt de moments grandioses, de solos qui pourraient entrer dans un panthéon discographique.
La modernité de ce jazz et de ces thèmes issus des plus grands génies défricheurs est ici transcendée, démultipliée…
Le duo Brecker / Hargrove fonctionne à merveille et lorgne vers les aïeux Miles/Wayne (ces thèmes exposés avec ce petit décalage – un régal) et, comme solistes, ils sont à tomber par terre de feeling et de capacités techniques. Le must !
La rythmique Patitucci / Blade est tant souple que tonique, libre et créative que généreuse.
H.H, quant à lui, renoue avec tout ce pan d’un passé ultra avant-gardiste dont il fut et au sortir, reste, acteur éclairé.
« So what-Impressions » enfin réunis, sur un tempo sensuellement lent culmine d’aisance, de liberté, de tension et surtout d’intelligence de langage ce concert qui pourrait bel et bien recevoir le qualificatif d’historique (le solo de Hargrove, le drumming tenace et librement inventif de Blade, les volutes et insistances de Herbie, la tenue d’écoute de Patitucci, l’art de la mise en forme soliste sous couvert free de Brecker…).
Immense !

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1 + 1 with Wayne Shorter.

1997, l’épouse Wayne (Ana Maria – écoutez le titre qui lui est dédié dans l’album de Wayne « Native Dancer ») est décédée dans l’explosion du vol 800/TWA. H.H et Wayne se réunissent alors pour un partage intimiste, tels les deux meilleurs amis du monde afin d’un dialogue chargé d’émotion, de spiritualité (ils sont tous deux bouddhistes) et d’une amitié inébranlable.
La beauté et l’émotion sont au détour de chaque note, de chaque trait, de chaque propos…

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C’est ici que je vais conclure ce dernier chemin parmi les multiples albums de Herbie Hancock, parcourus en format série/saga car son œuvre immense, ses directions musicales, son jeu pianistique et claviériste, tant que sa personnalité si proche, humaine, attachante méritaient largement qu’un jour – fan de cet artiste devenu indissociable de ma vie – je fasse « le point » de cette passion envers son art.
S’arrêter à ces nombreux albums que j’ai ici sortis d’un lot subjectif, mû par un rapport avant tout personnel que j’ai avec l’artiste et sa musique serait bien trop limité.
Il m’eut fallu mettre en avant d’autres albums comme « ‘Round Midnight » et sa B.O où il officie en sideman aux côtés de Dexter Gordon pour un transfert de rôle du pianiste Bud Powell vers le grand saxophoniste – un rôle qui pourtant aurait pu lu convenir à merveille.
Et puisqu’il s’agit de B.O ne pas négliger de mettre en évidence celles pour lesquelles H.H fut compositeur un certain Justicier dans la ville en tête.
Herbie Hancock, c’est bien évidemment aux côtés de Miles dans une pléthore d’albums tant live que studio qu’il faut l’appréhender initialement et de là la « navigation » au gré de sa carrière semblera s’éclairer d’une lumière plus explicative.
Herbie Hancock, c’est bien sûr l’un des piliers d’un nombre de sessions Blue Note auxquelles il a apporté sa pâte, son expression et son inventivité, ce, souvent, au profit de créations qui deviendront des standards.
Herbie Hancock c’est un passionné touche à tout, capable de la plus immense liberté, du groove le plus dense et inimitable et qui a sous ses doigts un langage d’une ouverture culturelle, technique et libre qui intimide, impressionne et qui pourtant n’est jamais surfait, démonstratif ou cliché (car même les siens, identifiables, sont tellement multiples qu’il ne sert à rien d’imaginer les « lister », juste les prendre en compte, en repères, quand ils surgissent).
Herbie Hancock c’est enfin un artiste qui fait l’unanimité, dans tant de sphères, de milieux, auprès de tant d’artistes, de publics que c’en est étourdissant de reconnaissance et de respect.

Sa musique reste et me reste un guide.






Commentaires

  1. Merci pour ces repères pour continuer d'explorer son œuvre. J'ai suivi tes conseils pour Pharoah Sanders, du coup j'attends un peu pour revenir vers HH.

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    1. Merci d'être passée.
      Il est vrai que l'œuvre de HH est assez monumentale aussi ça méritait qq épisodes... ;)
      Pour P.Sanders, j'ai ressorti un album de Joey de Francesco, l'organiste multiinstrumentiste, à l'occasion de la sortie de son nouvel album "more music" (excellent d'ailleurs) et je me suis souvenu qu'il avait collaboré avec P.Sanders, "in the key of the universe" où il reprend "the creator has a master plan"... un album qui change un peu des habitudes souvent débridées de cet organiste surdoué...
      à mettre en parallèle si t'as le temps.
      bonne journée (ou semaine d'ailleurs)

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