AVANT L’AUTOMNE, JUSTE APRES L'ÉTÉ...


AVANT L’AUTOMNE, JUSTE APRES L'ÉTÉ...
(José James, Lisa Batiashvili, Charles Aznavour, Hélène Grimaud)

Le mistral souffle plein régime.
Les matinées piquent la peau d’un froid qui peine à s’installer.
Le soleil du soir décline en teintes aux variantes multiples et toujours féériques, celui du matin, si l’on est enclin à se lever tôt pour l’apprécier installe timidement ses rayons de chaleur.
La mer n’est jamais aussi belle qu’en cette saison, elle reprend ses droits, ses plages et laisse s’étaler de grandes vagues chargées de ce trop-plein qui l’a emplie, polluée, dénaturée cet été.
Elle rejette sur un littoral qui s’ensauvage ce dont elle ne veut en son sein et elle accueille ces régates qui la transforment en un tableau impressionniste et debussyste, ce rendez-vous où un prélude du compositeur prend chaque fois sa place dans mes rêveries.
Le piano...
Ces évocations en nocturnes, préludes, bagatelles, rêveries et autres barcarolles...

Nouveautés ou trouvailles, redécouvertes ou simples plaisir d’y retourner, ils vont et ont d’ores et déjà pris leur place dans cet espace où le temps malgré le travail, reprend ses droits, où il va se réinstaller dans l'espace vie et surtout ne vouloir être dérangé.

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« FOR ALL WE KNOW » - Jose James / Jef Neve – 2010 Impulse.


Ça c’est vraiment le hasard qu’une telle découverte.
José James informe par les réseaux sociaux qu’il sort un album en hommage à Bill Withers, intéressé, je le charge sur mon petit streaming devenu désormais mon compagnon du quotidien, au passage je fais le tour de ses albums disponibles et ce duo autour de Billie Holiday prend le dessus.
L’hommage à Bill sera pour plus tard, celui-ci, en duo (car José James a également rendu hommage à la dame avec section rythmique) autour du répertoire de l’immense Billie a focalisé mon attention.

Ce tour d’horizon de neuf titres emblématiques de la grande interprète évite le cliché, évite la redite ou encore l’interprétation parallèle, il sort des schémas auxquels l’on pense s’attendre.
Billie reste là, mais elle a simplement évolué en approche, en appropriation, en décennies pendant lesquelles ce jazz qui a été l’esthétique qu’elle a transcendé par une approche féminine, sensuelle, vocale et tant d’autres qualificatifs... de façon unique.
Elle est ici partout, respectueusement mise en scène musicale et pourtant elle a rarement été l’occasion d’une telle libération, d’une telle proximité intimiste et d’une telle ouverture musicale.

José James chante Billie mais il n’use d’aucun mimétisme. Sa voix se dirige sur les traces de l’immense artiste avec une simplicité qu’elle aurait forcément adoré et va à l’essentiel... cet essentiel qui faisait de Billie la plus grande. La proximité vocale de José James est troublante, presque fragile, surtout palpable et c’est peut être bien là ce qui nous rapproche directement de Billie, elle qui accrochait directement par une inflexion, par une simple note et en une syllabe toute l’attention des sens.
Jef Neve agit sur ce répertoire en touches impressionnistes, la métrique a fait place à l’espace de la phrase chantée et il ouvre le champ d’action musicale en suivant, incitant, soutenant, libérant celle-ci.
Un large spectre de couleurs, d’influences culturelles émaille son jeu qui organise une formidable liberté autour de la voix immédiate, dénuée d’effets tant de studio que de genre de Jose James.

Liberté...
Billie aimait ce mot, cette idée et cette perspective.
Ici il m’apparait au détour de chaque note, de chaque accord, de chaque phrase.
Le duo s’est libéré d’une métrique sclérosante pour élargir le répertoire vers une autre dimension sans pour autant négliger ce swing interne surgissant par accentuations, par ce mouvement indiciblement corporel qui propulse le jeu musical jazz.

Ce duo chante et son chant attire irrésistiblement.
La facilité n’est pas au rendez-vous ici et pourtant l’évidence ne sort jamais des rangs... normal, le blues que Billie chantait à jamais est omniprésent ici, enraciné profondément dans ce répertoire redécouvert et transcendé sans qu’en aucun instant le respect de la chanteuse au magnolia ne soit écaillé ou abîmé. 

Billie est là...
Et ces deux-là sont certainement l’une de mes plus grandes découvertes de cette année  – de celles que j’attendais depuis longtemps dans ce jazz qui a tant besoin du retour de l’expression authentique, immédiate et quasi tactile. 

Ces deux-là sont des virtuoses de l’espace et de l’expression musicale, cette autre virtuosité musicale qui est le sommet à atteindre, la véritable soul.
La liberté improbable de Body and Soul, la profondeur du blues de Gee Baby, la rêverie impressionniste et evansienne de When I fall in love, l’arrêt sur image de Tenderly...
Le temps vient de s’arrêter à nouveau me semble-t-il, ici et Billie a repris sa place éternelle.

Merci à eux, la beauté existe encore.

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LISA BATIASHVILI « Echoes of Time » - Symphonie Orchester des Bayerischen Rundfunks / Esa-Pekka Salonen (direction). Hélene Grimaud/Piano* - DG 2011.
Shostakovich – Concerto pour Violon N°1 (Nocturne-Scherzo-Passacaille-Burlesque)
Kancheli – V&V (Violin and Voice)
Shostakovich – Valse lyrique
Pärt – Spiegel im Spiegel (miroir dans le miroir)
Rachmaninov – Vocalise Op34/N°14 (Arrangement pour violon et piano*).


2011 – premier album chez DG, la célèbre maison, le graal du catalogue « classique »...

Lisa Batiashvili, jeune géorgienne exilée en Allemagne fuyant l’oppresseur soviétique présente ici un répertoire d’œuvres influencées par des actes politiques marquants, infâmes, dictatoriaux, violents, dramatiques, inhumains...
Je ne connaissais absolument pas cette artiste avant la découverte de cet album et j’ai été attrapé par l’immense beauté qui émane de chaque note qu’elle exprime ici.

On pourrait penser que – au regard des choix et de leur valeur symbolique (la pochette de l’album insiste et renforce le trait) – ce programme soit sombre.
Ce n’est cependant pas le sentiment qui m’est apparu, de la première puis au fil de nombreuses écoutes, pour qualifier ces pièces interprétées avec une infinie délicatesse, une justesse (tant dans le propos que dans l’exécution) d’une rare perfection et un sens spirituel immédiatement perceptible.
Suspendre le temps, caresser les cieux par des harmoniques exprimées avec une précision nuancée tenant du miraculeux, jouer du contraste comme d’un levier kaléidoscopique de sentiments, ne jamais perdre le sens du nostalgique et des réalités de ce monde et donner à chaque phrase à chaque sonorité, à chaque trait une valeur, une implication tenace laissant pourtant la sensation d’irréel flotter en l’espace – voilà ce qu’il me reste à l’écoute de ce chemin musical.

La virtuosité obligée n’est en aucun cas évidente car la musicalité et l’expression sont partout, effaçant la forme pour faire surgir avant tout le fond.
La vision intellectuelle d’œuvres contemporaines ou assimilées est balayée par une profondeur sensorielle et sensuelle, intimiste comme narrative. 

Lisa Batiashvili nous raconte et ces œuvres sont plus fortes que les mots pour ce faire.
La direction du grand chef Esa Pekka Salonen est ici le parfait alter partenaire de cette beauté sans parler d’une prise de son absolument limpide, claire et même lumineuse.

« V&V » pour violon, voix enregistrée et orchestre du compositeur Giya Kancheli a retenu mon souffle et mon attention de nombreuses fois.
« Avant de sauver le monde, il faut d’abord que quelqu’un sauve la beauté. La beauté ne peut rendre bon celui qui est mauvais, mais elle peut rendre meilleur celui qui est bon » - Kancheli.

La cadenza du concerto de Shostakovich est un pur moment de magie violonistique et le « burlesque » insuffle une tonicité bienfaitrice placée idéalement dans l’espace musical de cet album. Il y a Pärt aussi.
Et puis la coda de l’album, cette vocalise de Rachmaninov où le violon chante sur le piano aux reflets intemporels d’Hélène Grimaud... 

On reste en suspens, le temps a perdu toute valeur, tout repère et la seule réalité qui vient à l’esprit est d’attendre un peu pour reprendre l’album au début.

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CHARLES AZNAVOUR « Aznavour Live – Palais des Congrès 97/98 »

Charles Aznavour Live Concert, Palais des Congrès de Paris, 1997 - YouTube

Lundi 01 Octobre 2018...
Le week-end a été chargé de musique.
Les effets tardifs d’une saison estivale à rallonge ensoleillée.
Ce soir sera marathonien, il faut installer un espace scénique cette après-midi, filer donner les cours et être sur ladite scène juste après.
Juste une question de timing... et d’organisation.
de disposition mentale aussi...
Penser à tout, ne rien oublier, être dans les clous, avec un timing au millimètre.
J’appelle Roxane, mon amie violoniste avec laquelle on joue ce soir histoire de savoir si dans les effets à préparer il y a quelque chose de spécifique à ne pas oublier pour elle et refaire un tour rapide du répertoire à interpréter.
« Bon, vu la nouvelle, t’aurais pas des partitions de Charles Aznavour ?... ce soir il va falloir lui rendre un dernier hommage... ».
Je tombe sur le c...
Quoi ? Il est décédé ?
Depuis le temps qu’on en blaguait incidemment de cet hommage au grand Charles qu’il faudrait de toute façon être à même de rendre un jour, avec certains collègues, voilà que cette fois, la réalité en ce lundi, était belle et bien apparue.
Trop tard pour fouiller dans les partitions et retrouver une perle du grand auteur-compositeur-interprète, parmi tant de notes surmontées d’accords enfouies dans mes classeurs.
Je prends le tout et j’en ai forcément, je le sais.
Le soir est là, dans mon costume de scène qui me rappelle certaines paroles, un complet bleu, tiens donc... je m’assoie au piano.
Roxane a déjà charmé les invités de quelques titres en soliste.
On attaque « Nuages », de Django-Grappelli.
Une petite dame s’avance timidement vers nous, gênée mais audacieuse.
« Excusez-moi, dites, au regard de l’actualité... ».
Je ne la laisse pas aller plus loin elle a déjà trop de peine à terminer sa demande et l’émotion la submerge.
« Oui Madame, c’est évident, on va vous jouer une chanson de Charles Aznavour, on l’avait prévu, c’est tout naturel et respectueux que de le faire ».
Elle s’installe non loin de nous.

Pas besoin de partition finalement pour égrener puis affirmer les notes de « la bohème », cet hymne à l’artiste, à l’idée puccinesque de sa vie, au temps qui passe également et à l’amour, toujours.
Cette chanson, qui, comme tant d’autres d’Aznavour respecte le schéma qui sera communément couplet refrain en lui soutenant la forme issue d’une tradition classique de l’opéra, à savoir récitatif (verse) suivi de l’aria (chorus).
Le débit des couplets de cette bohème, laissant peu respirer et accrochés à une mélodie plus parlée que chantée pour s’ouvrir sur un air large et majestueux... tout un art.
Toute une culture, toute une tradition, tout un style, tout Aznavour...
Donc exacerbation du propos, lyrisme, véracité et place d’une part au texte puis de l’autre à l’inoubliable mélodie.

Charles Aznavour...
L’automne...

Pourquoi choisir cet album live de cette fin de siècle dernier ?

Mon téléphone portable, cet énorme appareil orangé à l’antenne qui dépliée me fait paraitre agent secret retentit de son bip bip sonore et envahissant.
« Dis, une collègue de boulot s’est vue offrir deux place pour le concert d’Aznavour à Valence, elle n’aime pas et me les donne, t’es partant ? » - mon épouse.
Franchement, en 98, moi, Aznavour...
Mais j’accepte sans hésiter, l’homme est respectueux des musiciens, parle avec amour de ses orchestrateurs, a une sacrée carrière.
La curiosité l’emporte sur l’a priori issu d’adolescence.

Nous avons assisté là à l’un des plus beaux concerts de notre vie, le genre inoubliable à de tels égards que les lister serait une analyse fastidieuse et inutile, mais avant tout c’est un professionnalisme et une émotion avec et envers le public qui l’ont emporté.
Une rythmique de rêve, à l’écoute et dans les clous car l’on sait que l’artiste a la métrique des mots et qu’il se joue de celle de la musique sans pour autant l’oublier... un art savant de l’interprétation qui doit être difficile à gérer en accompagnateur et qui donne à l’auditeur cette accroche à la déclamation poétique.
Une gestion économique mais efficace de la tournée... des claviers pour les cuivres et des claviers pour les cordes, venant renforcer le grain des protagonistes avec une écriture orchestrale soignée et créant une illusion parfaite de sections complètes.
Des choristes féminines très kitchs mais très justes, rappelant que ces émissions de variété de certains Carpentier c’était du direct, avec des musiciens et ces choristes avec leurs interventions à l’écriture désuète m’ont immédiatement installé dans cet espace télévisuel.
Un show mené de a jusqu’à z sans improvisation, ce même jusqu’aux interventions parlées par l’artiste s’adressant au public. La grande école du spectacle quoi...
Et un show de quelques deux bonnes heures et plus, avec entracte, une salle critiquée par l’artiste de par son acoustique et s’excusant  envers son public de telles conditions, avec pourtant un son particulièrement soigné, un confort d’écoute et d’installation réfléchis...

Je garde donc ce concert comme un moment précieux.
Pourtant Aznavour c’était déjà et depuis longtemps pour moi de la musique de et pour vieux...
Déjà l’écoutant gamin je ne pouvais m’identifier à cet homme qui parlait un langage aux soins d’écriture et de style, dans lequel les mots comme amour et jeunesse semblaient le regard d’un ainé, non d’un proche...
Dans les années 70 il me faisait cette impression, de sa musique à sa voix en passant par ses textes aussi, je trainais avec moi ce regard sur lui.
Mais ce concert a tout changé, ce sentiment s’est mué en une forme d’affection, de respect pour l’ancien, l’antan, le vétéran, le professionnel comme le roublard expérimenté.

Aznavour a composé un nombre de chansons dépassant les 1000, ce chiffre hallucine comme un record à l’heure d’aujourd’hui où l’on encense un Stromae abêtissant, une gentille Louane, une Zaz guinguette. 
Les derniers grands d’une certaine éthique et d’une certaine forme de professionnalisme ne sont plus beaucoup, Aznavour était pour moi emblématique de cette éthique du « métier » avant la starification outrancière et en non sens. 
Il était pourtant une star au sens le plus vaste du terme et il faisait partie intégrante de notre patrimoine de, non la seule réduction à l’idée de chanson française, mais de la musique française elle-même avec cet apport nourrissant de tant d’influences émigrées, de son Arménie dont il avait fait son chemin de bataille que de jazz, de pop sixties, de boléros, de chanson italienne, tzigane, flamenco, traditionnelle... 

Cette nouvelle m’a attristé, j’ai regretté pour lui qu’il ne parvienne à sa fin ultime, son souhait de paraitre encore sur scène pour ses cent années – et j’ai effacé ce mot vieux de son image pour lui mettre d’autres saveurs, comme ancien, d'antan, avant, passé, nostalgique et lui ai inscrit le terme d’intemporel, c’était finalement certainement ça que j’avais occulté avant de le découvrir en concert... erreur d’appréciation de jeunesse rebelle et/ou insouciante.

Je l’ai croisé il y a quelques années à Saint Tropez, sur le parking du port...
J’étais à l’horodateur afin de mettre quelques euros pour payer un stationnement de quelques heures correspondant à la durée de ma prestation de piano bar dans le petit restaurant, là, juste à côté... derrière moi une présence attendant que je m’exécute.
Je me retourne... Charles Aznavour...
J’ai fait signe de le laisser passer pour que lui aussi paye son parcmètre et ne le faire attendre, il a décliné de la tête...
J’ai payé à la hâte, traversé la ruelle, je l’ai regardé de la terrasse du restau, juste là à quelques 3 mètres, incapable de lui dire ce que j’aurais aimé lui dire et que j’ai dit ici.
En passant à mon côté, il m’a regardé, a jeté un œil dans le restaurant et a vu le piano avec un sourire esquissé – vu mon complet je sais qu'il avait compris.
J’ai fait chanter de nombreuses années aux enfants dans toutes les classes possibles « Emmenez-moi », cette petite perle posée comme un îlot au milieu de ses chansons et pour conclure « la bohème » a été la première chanson que j’ai joué de lui en piano bar, c’est pour ça certainement qu’elle m’est revenue instantanément sans réfléchir ce lundi 01 octobre afin de lui rendre hommage.

Donc cet album c’est le concert parisien de cette tournée, alors le flot des souvenirs... on était jeunes...
Il y a là qui plus est une maîtrise d’enfants qui vient chanter en invité avec lui... alors...

Bon, l’automne sans lui sera encore plus avec lui, car cet album on l’a de nouveau ré-épuisé et à en perdre la tête.
Je ne sais plus vraiment lesquelles de ses chansons désormais je vais devoir inscrire sous mes doigts, tant il y en a de superbes, de poétiques, d’engagées, de mélodiques, au piano afin qu’il reste à jamais dans ma mémoire.
Un soir, un instant inoubliable et le mouvement de la vie change...
Merci à lui – un grand parmi les grands.

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HELENE GRIMAUD « Memory » - DG 2018.

“Memory”, le nouvel album d’Hélène Grimaud explore la notion de la mémoire, à travers un choix de pièces pour piano seul de Chopin, Debussy, Satie et Silvestrov. Evoquant le pouvoir de la musique de réveiller des souvenirs et de sauver ce qui a été oublié, la pianiste a pensé son album comme une séquence de miniatures cristallines qui capturent le temps qui passe. Textures transparentes, ambiances nostalgiques ou mélancoliques, structures cycliques : chaque pièce est évocatrice à sa manière et inspire la contemplation.


Voilà, tout est dit, ou presque.
L’info twitter est utile et dès l’annonce de la sortie de ce nouvel opus de la discographie de la grande pianiste j’ai foncé pour le découvrir.
Je le sais, chacune de ses interprétations m’interpelle, m’incite à réfléchir, à comprendre, à chercher... sans parler des ondes positives qui en émanent et dont je suis devenu au fil des albums... friand.
J’aurais lu des critiques éternelles de froideur, de mécanisme, ou à l’inverse un encensement démesuré.

Hélène Grimaud est une immense artiste et interprète et à juste titre elle interpelle car ses projets de répertoire, ses choix et son approche sont mesurés, pensés et en correspondance avec son affect, ses réflexions, ses idées, son humeur, sa volonté de passer par la musique un message.

« Memory » est un album méditatif merveilleusement résumé en ces quelques phrases de présentation qui m’a relié à celui de Lisa Batiashvili dont je parle plus haut et dans lequel elle participe d’ailleurs.
Je les ressens comme complémentaires, curieuse sensation.
D’emblée j’ai été ici saisi par la prise de son éthérée du piano, presque ambient, comme si Harold Budd et Brian Eno s’étaient invités dans le studio.

J’aime quand les virtuoses se débarrassent par une sérénité, une maturité ou encore une volonté profondément artistique de leurs répertoires fantastiques et démonstratifs.
J’aime donc tout particulièrement cet album, découvert comme une nouveauté et laissant la place à deux compositeurs idéalement installés dans cet enchaînement de pièces de puzzle : Silvestrov (qui d’expérimentateur aura progressé – régressé, sans aucune connotation péjorative ne nous trompons pas mais plutôt chronologique - vers une écriture empreinte de manières romantiques) et plus original encore, Nitin Sawhney (cet artiste/producteur anglo-indien de hip hop, drums and bass et toute cette mouvance électronique londonienne).

Debussy, Satie, Chopin, Silvestrov et Sawhney se retrouvent sous les doigts d'Hélène Grimaud à la même table, là-bas, dans un espace où le temps, qu’il soit chronologique, historique ou de l’instant ne compte plus guère, ni pour eux, ni pour nous, auditeurs suspendus à ce piano diaphane, irréel, dont la transparence fait effectivement interagir le mental et... la mémoire.
Après tout, à chacun la sienne de mémoire et de la laisser se réveiller au gré de ce voyage qui d’apparence extérieure finira par devenir intérieur puis intime et personnel.
Le jeu de la pianiste interfère en ce sens et laisse justement le temps agir et prendre ses places multiples, se laissant découvrir à facette diverses et selon des durées préalablement indéterminées.
La phrase musicale et son dessin s’installent, il n’y a plus qu’à suivre ces méandres et alors le voyage en soi peut débuter et se faire.
Ici et c’est ce qui m’a de suite attiré, le sens d’interprétation n’a pas réellement sa place au sens commun de l’appréciation et c’est la grande force de cet album.
C’est à nous de l’interpréter.

Qui eut cru qu’un tel degré de pensée avec un matériau tel que les œuvres les plus connues des impressionnistes ou d’autres inédites mais qui s’installent directement en mémoire puisse être possible ou même imaginé ?
Il fut un temps où dès que la valse de Chopin en la mineur apparaissait dans un album je l’écoutais en boucle – ici elle s’installe dans un tout, aux deux tiers d’un chemin méditatif et laisse sa place sans pour autant que la mémoire ne sache l’oublier.
Nul besoin d’y revenir, elle sait rester...

Au cours de l’album l’auditeur s’approprie cette musique, la redécouvre ou la découvre et par elle son voyage mental et sensoriel peut se faire, Hélène Grimaud en est le vecteur et la réussite.
Encore une fois décidément le temps est au cœur du sujet.
Un signe des temps ?...

Tiens, il pleut...





Commentaires

  1. Touchant cette virée Pax, puis moi j'adore les humeurs météorologiques pour parler de musique, les paysages y sont accolés. Et puis au milieu ce cœur Aznavour. Beaucoup d'affection pour ce petit bonhomme au grand flot. J'étais impressionné par son débit, je me souviens d'un karaoké chez moi pour un petite fête de nos noces d'étain.. un truc de fou d'essayer de chanter la fin des couplets d'"Emmenez-moi".. et comme tu dis pour "La Bohème", le refrain part en planant, lyrique.
    Une énergie folle .. il était très "nerveux" ds ses débuts. Perso, c'est le bois de Trousse Chemise qui me fait craquer.

    Des mois entiers qu'il n'a pas plu chez nous.

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    1. merci de ton passage...
      ici aussi des mois sans pluie ou presque et là poum, inondations, routes barrées... refrain du sud devenu commun.
      penche toi sur josé james, je ne connaissais pas du tout puis j'ai pioché dans sa disco, jazz, hiphop sans machines, la vraie black culture - des albums avec créations, reprises comme ici, j'ai depuis écouté son hommage whiters, magnifique.
      ça a démarré avec une comm' facebook sur cet album, j'ai été curieux... je suis devenu accro à un album par jour du bonhomme.

      aznavour... le moins évident des fr...
      à chaque fois que j'ai eu à le jouer il m'a fallu réellement le travailler...
      la simplicité apparente et la difficulté bien réelle.

      j'ai parlé du dernier h grimaud à l'une de mmes collègues prof piano classique elle est intriguée, elle va écouter, j'attends son retour.

      bizs à +


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    2. Je viens d'écouter José James... ouf cette voix et cet espace.. impressionnant je vais fouiller ça, merci.

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    3. Oui effectivement, une belle découverte, je suis en train de m'écouter tous ses albums, c'est un bonheur.

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  2. Jamais je ne t'ai lu aussi vite et j'ai eu tord, là d'où je suis pas de musique, juste la lecture. Quelle frustration, temporaire tout de même. J'y reviendrais mais en écoute.
    De M. Aznavour, me vient souvent cette comparaison avec les lignes mélodiques de Michel Legrand, de longues phrases où tu te demandes si il y aura assez de souffle. "Non, je n'ai rien oublié" qui me sert le coeur, et cette façon de repartir sur une ligne mélodique sans pause, en "remontant" le ton, à la Sinatra ..".....pour un mari choisi sur sa Situation... j'ai voulu..." à suivre

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    1. Tout à fait, cette école...
      le respect des orchestrateurs, l'idée du show, cette façon de tenir la voix jusqu'au bout...
      magnifique.
      bon, à plus en attendant nous ici c'est singing in the rain... g.kelly... ça aussi extra... mais pas la pluie ici ça inonde de suite.
      à +

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  3. ... Le José James... Mmmm. J'ai écouté l'album dont tu as extrait les titres. Apaisant comme du Chet Baker, en réfléchissant, je ne connais rien de plus susurré, sauf à chercher côté instrumental pur (Bill EVans Spring?)
    Une requête, le Palais, je l'ai en mauvaise qualité, mes premieres médiathèques, l'époque où la place sur CD ça comptait (dire que je parle de ça comme si c'était pffff)

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    1. On est tous d'accord, José James c'est une belle découverte.
      J'ai creusé et suis devenu accro à cette voix, ce feeling, cette douceur... bref, coup de coeur.
      Pour ta demande je vais te faire ça propre.
      mail of course.
      à très vite et merci du passage...
      Et installe toi vite pour les autres albums ici - surprises au rdv

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  4. J'ai aussi eu la chance de voir Aznavour en concert vers 1993 je crois, avec mes parents...ça changeait un peu des concerts de rock 😆
    J'avais bien aimé, je suis fan de son Olympia 78...

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    1. Scène, public... des mots qui lui étaient familiers...
      à +
      merci du passage

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