METEO JAZZ - Turbulences et cieux cléments (conclusion) - Chapitre 3

WEATHER REPORT – Tornades, orages, ouragans, tempêtes, pluies et brouillards, soleils éclatants, cieux cléments - Chapitre 3.

Je reprends les affaires de ce bulletin météo perturbé par des changements planétaires nécrologiques climatiques qui affecteront de fait, les temps musicaux à venir.
Weather Report...

Adressez-vous au féru de jazz, ce pur et dur qui sait vous dicter sur le nom antique des doigts de son instrument les modes qui servirent de tracé conceptuel et compositionnel, et donnez-lui ce nom en substance, l’un de ses premiers réflexes sera de citer Wayne Shorter et peut être juste après lui son comparse Joe Zawinul.
« Des jazzmen, des vrais ceux-là, qui savaient composer, Môssieur, qui avaient des racines, eux, et qui connaissent leurs modes sur le bout des doigts de l’improvisation... » et le voilà parti à vous vanter le coltranien « Juju », le subtil post davisien « Speak no Evil », le quintet de Miles, justement...
A regrets il va vous parler d’un certain « In a silent way » qui fit juste avant « Bitches Brew » qu’il acheta sans vraiment l’écouter, juste parce que... Miles, tout de même...
Alors il va vous dresser le portrait du « vrai » jazz et ces deux-là avec leur Weather Report ne seront cités qu’en personnes, individus, le groupe, lui, sera esquissé, respecté certes, mais le sujet bardé de synthés et avec au passage un éphémère lyricon, fait grincer.

Wayne Shorter - Juju - YouTube
Wayne Shorter - Speak No Evil (1964).flv - YouTube
Miles Davis Album Nefertitti - YouTube
Miles Davis - In a Silent Way - 1969 - YouTube
Miles Davis - Pharaoh's Dance. - YouTube

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Toute génération confondue, vous assistez, au hasard, à une balance d’un groupe de métal, à l’échauffement d’un bassiste de 16 ans en classe de musiques actuelles, au déballage m’as-tu vu d’un jazzeux de la quatre cordes en répèt’ sur mini-scène de location de jazz club, à l’essayage en magasin d’un futur/nouveau pro venant acheter une basse pour son premier engagement GUSO consistant à partir en tournée avec le groupe de balluche « Marcel et son orchestre / Bal rétro et musette », quel est leur point commun et ce qui leur vient sous les doigts ?
La panoplie pas forcément bien ajustée, mais en tout cas en sorte de passage obligé, en « patrimoine instrumental », de gimmick, patterns, plans lignes, astuces, clichés, de... Jaco Pastorius.
La plupart de ces rengaines bassistoïdes sont référencées en général dans son premier album et, bien entendu dans la période où celui-ci débarqua comme une tornade chez Weather Report en passant par un « Chicken » obligato devenu KFC nuggets selon les cas mais pas forcément gastronomique aux écrevisses.
Jaco Pastorius - Soul Intro / The Chicken - YouTube
Je ne vais pas bouder ce fait car même si j’ai eu ma dose de bassistes clones ou maladroits du genre (difficile d’approcher le soleil gare au mythe d’Icare...), même si j’ai dû gueuler un jour à force d’entendre l’éternel  poulet à toutes les sauces (que je prends encore et toujours autant de plaisir à jouer (n’hésitons pas à le dire...) et même si j’ai eu mon ras le bol de frime à la « Donna Lee » j’ai adoré, adulé et été fan de Jaco Pastorius...
Jaco Pastorius & Don Alias: Donna Lee - YouTube
C’est même avec et beaucoup par lui que Weather Report a été, finalement, mon port d’attache fiable et concis, conceptuel et progressivement stable, là où le jazz dit rock partait en tsunami, là où la fusion mettait la haute voltige technique en place de musique, là où la surenchère tant technologique que médiatique avait fini par faire croire que le jazz (rock) pouvait et devait remplir les arènes comme le font avec habitude, les Stones.
Avec Jaco Pastorius, le degré médiatique fut certes franchi, et certainement bien au-delà des espérances de nos deux fondateurs happés par ce tourbillon de mise en lumière et de jeunesse providentielle, mais avec Jaco Pastorius, fougueux et hyperactif tant instrumentiste que tête pensante, Weather Report n’oublia jamais sa ligne de conduite, celle de la créativité, à laquelle il participa pleinement, et celle de la musique qui même en ses dépassements de grand prix F1 solistes restait à jamais présente.
Un premier album inoubliable, une arrivée en « Black Market » déjà focalisante, la magie aux côtés de la grande Joni Mitchell, le big band le plus délectable, celui qu’on attendait, celui qu’on espérait, l’ouverture en trilogue des plus inattendues...

Jaco Pastorius - Jaco Pastorius (full Album with 2 bonus tracks) - YouTube
Weather Report Barbary Coast - YouTube
Joni Mitchell - Hejira (1976) Full Album - YouTube
Jaco Pastorius- Liberty Pt. 1 - YouTube
Albert Mangelsdorff, Ant Steps On An Elephant's Toe - YouTube

L’ouragan, la tornade, la tempête... rapide, le temps d’un éclair d’une poignée d’année, une mort tellement conne et une dualité de personnage tellement... américaine, ou du moins de l’image qu’on a, nous européens vieux continent, d’une certaine Amérique.
Le climat, stable ou du moins tentant de gérer la planète avec des saisons, des turbulences logiques mais récurrentes, d’un côté...
La perturbation bénéfique ou imprévisible, inattendue et obligeant activité, réactivité, adaptabilité, remise en question... de l’autre.

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Alors au-delà de ces deux évidences, Weather Report, c’est... qui, quoi d’autre ?
On l’aura vu dans les épisodes précédents, l’après avec un Omar Hakim - vite repéré et piqué par un Scofield en jointure jazz-rock et fusion pour un album encore chaud des cendres du genre (« Still Warm »), de suite happé par un Sting en besoin compulsif de retour à son amour du « jazz » (Bring on the Night », la tournée de « The Dream of the Blue Turtles » - a été en même temps héroïsme et glas d’un groupe qui n’a jamais fatigué mais toujours cherché, ce même après la période d’or Jaco.
John Scofield-Still Warm - YouTube
Sting - Live '86 Bring on the Night (All LP) - YouTube
Les débuts furent eux, plus compliqués à installer le climat, mais tellement captivants qu’on oublierait de les écouter tant la gloire de la quatre cordes Jaco aura placé effectivement le groupe sur des données médiatiques et stratosphériques (tant par la conquête d’un public très large que par l’ouverture vers des horizons musicaux véritablement visionnaires et futuristes).
L’arbre cachant la forêt... probablement, mais cette forêt partie de la jungle foisonnante enracinée sur les nouveaux critères davisiens (tant électriques que librement ouverts en quintet) aura en ces quelques années de floraison ouvert de sacrés territoires, de sacrés horizons.
Comme avec Miles dit électrique il faudra du temps avant de se pencher au-delà de l’ère Jaco et réaliser, sans obscurantisme jazzistique rétrograde, que ces années ne furent pas errantes, mais tellement constructives qu’il conviendrait d’en faire véritablement école, hommage et non récup’, racines et non pont passager.

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« Tale Spinnin’ » devrait figurer parmi les albums à adorer, sincèrement, de Weather Report...
Je sais l’avoir épuisé en K7, cet album m’a fait énormément voyager.

Il y a dans « Tale Spinnin’ » une puissance rythmique binaire jubilatoire, une belle et bonne humeur ensoleillées qui m’ont donné une autre image du jazz et même si à cette époque on arrivait d’en dire « Ça ? Mais... ce n’est pas du jazz !... » - Je crois bien ne m’être justement jamais posé cette question.
Après tout chercher la « vérité » là où il y a évidence n’était déjà certainement pas mon mode de fonctionnement.
Je recevais cette musique comme une pluie bienfaitrice et chargée de bonheur après une canicule écrasante, comme un arc en ciel inondant le spectre d’un paysage enchanteur de forêt tropicale, comme un sourire kaléidoscopique d’humains de par le monde, comme un rai de soleil matinal se glissant sous la porte et à travers les espaces d’une vétuste mais merveilleuse maison de bambous, là en pleine nature.
Comme tant d’image que rarement le « vrai » jazz ne peut véritablement initier...
Au fil des années, « Tale Spinnin’ » a perdu de sa clarté sonore, la bande fragilisée par des écoutes en de nombreux supports (poste, radio K7, autoradio, platine K7...) érodant à l’usure ses aigus, puis ses médiums aigus, puis... je l’ai enfin acquis en CD... et même si je n’ai pas retrouvé ma chemise verte pour le savourer à nouveau en toute aisance jubilatoire, ce feu d’artifice narré en six (et non Five) petites histoires dont une située exactement dans une Badia  idyllique et racontée par un lusitanien jovial inventant en passant un feu glaçant en le masquant d’un érotisme chargé de fantasmes, je l’ai réinventé tel qu’il m’était apparu : multiple, éclatant, funky et chaleureux.

Weather Report - 01 .- Man In The Green Shirt (Tale Spinnin') - YouTube
Weather Report - 02.- Lusitanos (Tale Spinnin') - YouTube
Weather Report - 03.- Between The Thighs (Tale Spinnin') - YouTube
Weather Report - 04.- Badia (Tale Spinnin' ) - YouTube
Weather Report - 05.- Freezing Fire (Tale Spinnin') - YouTube
Weather Report - 06.- Five Short Stories (Tale Spinnin') - YouTube

N’oubliez jamais « Tale Spinnin’ » dans votre archivage des bulletins météo, c’est peut-être à partir de là qu’un changement climatique progressif mais irrémédiable s’est opéré, un véritable réchauffement et une frénésie urbaine électrique auront finalement, grouillement cosmopolite et mégalopolitain humain oblige, fait leur travail « évolutif ».

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Du jazz, du vrai, en veux-tu en voilà...
« Night passage »... et en passant Joe va s’offrir le luxe de faire réaliser, textuellement et sans fards, que son Weather Report n’est rien d’autre, finalement, qu’un vrai big band de jazz synthétique aux pupitres distincts par timbres répertoriés sous un arsenal de Korg et autres Oberheim, moogs...
Alors il s’attaque à « Rockin’ in Rythm »...
Rockin' In Rhythm Weather Report Jazz Duke Ellington cover - YouTube
Le public du jazz rock croira surement qu’il veut faire la pige à Joe Jackson, celui du jazz, du vrai, reconnaîtra bien sur ce thème de Duke et sera bien forcé de reconnaître que...
Wayne tient le crachoir avec flegme, comme au « bon vieux temps », Jaco et Peter reliftent tout ça avec force, nouveauté et précision, fougue et jeunesse, Joe fait crachoter, pitcher, soloïfier ses synthés, son Yamaha Cp tout neuf fait fureur ellingtonienne, Duke aurait sûrement apprécié.
Mais dans cet album il y a là, certainement l’un des titres de cette ère Jaco qui m’a le plus embarqué.
Il s’agit de « Madagascar », cette île posée au milieu d’une tournée, enregistrée live, chargée de suspension rythmique, d’éclats d’autant plus denses que retenus à points ultimes, de trouvailles synthétiques créant une ambiance inimitable, de percussions foisonnantes et propulsée par un Jaco Pastorius tellement grand, tellement imposant, tellement musical, tellement pile dans le sujet...
qu’on reste là à se demander ce qu’il vient de se passer et qu’on regrette de n’avoir été au Japon, ce soir, là, lors de la prise de ce moment unique, exceptionnel et flash, de ceux que le jazz est capable de nous offrir quand la magie noire opère.
Jongleur sur le fil du thème, équilibriste des quatre cordes, roi du groove, de la relance, de la percussion faite basse, du drone comme du walking, Jaco est là en un de ces sommets qu’il nous a laissé à imaginer gravir.
Et puis il y a ce solo de Joe, tout en finesse soutenu par un Rhodes phasé, ce tutti puissant, hurlant, déchirant auquel se joint Wayne, ce chant sur ligne de basse à la Jaco, en accords, sautillante, half schuffle groovy...
L’une des grandes constructions architecturales de Weather Report, oscillant entre écrits de rendez-vous et ouverture pour l’improvisation, avec cette immense confiance collective fondée sur le « ressenti » sont dissimulés là, au détour de cette île au nom qui, d’emblée, offre l’espace voyageur.
Madagascar by Weather Report. - YouTube
Alors on s’achèvera les pensées embarquées vers le dépaysement, tant imaginaire que sonore pour ne jamais oublier cette composition de Jaco Pastorius, cette valse totalement sensorielle où l’harmonique entre dans le jeu de la basse comme un ultime jeu d’expression : « Three views of a Secret » et on aura réalisé là que, véritablement et effectivement, la période Jaco aura réellement fait de ce groupe immense, une hydre à trois têtes tant pensantes que sensorielles.
Weather Report - Three Views of a Secret - YouTube

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Quand il est parti, Jaco, vers d’autres quêtes, cuivrées, guitarisées, hard rockées, alcoolisées, on les a guettés... nous les attendions au tournant, les fans étaient massés en une lente et longue « procession », le groove d’Omar et le retour à la solidité de Victor (Bailey) me firent de suite me rappeler d’un certain « Tale Spinnin’ », en plus « grave », en moins jovial... mais tout aussi groovy, tenu, dense et transcendantal.
Weather Report - Two Lines - from the album: Procession - YouTube
Un retour aux sources de ces ethnies attrapées çà et là au gré de la météo sur une planète qui servait de carte postale d’écriture au groupe.
« Procession »...
Weather Report Procession - YouTube
Omar et sa china, son groove half time si caractéristique qui fait que le jazz s’invite partout et en permanence...
Victor et ses rebonds de balle de pingpong, sa respiration du jeu, son sens de la dimension et de l’espace...
Joe et ses vocoders robotiques, comme si des bonshommes de métal devenaient peuplades primitives, œuvrant sur des contrées gorgées de soleil, d’horizons tropicaux, en vacances programmées loin de l’urbanité.
Joe encore, ce magicien des sons, comparse éternel de l’expression de Wayne (« The Well »), ici toujours aussi inventif.
Weather Report - The Well - YouTube
« Procession », des voix, des chœurs, onomatopées inidentifiables, des voix vocodées, rythmiques d’un ailleurs réussissant à accrocher le terrestre rythmique avec le son de l’autre dimension.
Un Wayne en retour improvisateur féroce (« Molasses run ») et un Joe sur le même axe d’ouverture lui rendant la politesse...  et toujours cet environnement de percussions coloristes.
Weather Repot - Molasses Run - YouTube
« Procession »...

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Pas de guitare(s) chez Weather Report ?
Eh bien, non, voyez-vous, c’est raté... voici trois exemples et des invités... de marque.
1971, second album, le groupe invite le guitariste Ralph Towner pour « The Moors » - les landes – la transposition des fameuses directions in music, chemin affiché en carte pour le groupe émergeant des Miles aventures. Le ton est osé, scabreux, contemporain et complexe, l’univers de Weather Report s’il eut embarqué vers ces contrées avec de tels propos instrumentaux eut été vraiment perturbant et qui sait, source de nouvelles découvertes.
Ralph Towner n’est pas encore dépositaire de son œuvre « Diary », chez E.C.M, mais déjà on le sait autre, différent, entre langage classique et contemporain, entre jazz libre et moderniste, acoustique sans être électrique (il ne le sera jamais), il laisse cela à Joe, bricoleur de Rhodes et à Miroslav, armé de pédales... Un écart ? Une parenthèse ? Un essai ? Un besoin ?...
Un titre à prendre en compte dans le parcours de ce groupe, en tout cas.
Que d’étrangetés, d’inhabitudes, de déstabilisation d’écoute...

The Moors / Weather Report - YouTube

1986, dernier album studio, celui des adieux, de l’amitié partagée, d’un divorce « à l’amiable ».
Pour jammer sur cette immense ouverture qui mêlera cris d’indiens venus d’une lointaine planète, cuivres synthétiques d’un jazz d’orchestre de croisière orbitale et boites mêlées de real drums le groupe invite en soliste débridé Carlos Santana avec toute sa panoplie, sa wah wah, sa saturation si reconnaissable, ses pentatoniques usées, ses tourneries menant vers des aigus hurleurs, le beat est africanisant, funky felaïsant, la jam session est tel un pont vers l’avenir, vers l’espace. C’est le premier titre de l’album et je crois bien n’avoir failli aller plus loin, je crois bien avoir pu verser une larme de regret quant à savoir ce vers quoi ils auraient encore pu nous emmener...
Wayne aura enchainé avec « Endangered Species » dont une part est ici, Joe sera parti explorer ses « Dialects », seul de prime abord, enfermé dans son laboratoire de synthèse et mélangeant des sonorités acides avec des beats immuablement robotisés. La guitare venait d’embraser les cieux de la météo, le coucher de ce soleil déclinant m’était apparu comme un feu d’artifice.

Weather Report & Carlos Santana - This Is This - YouTube
(Joe Zawinul - Waiting For The Rain - YouTube) from "dialects"...

1985, « Confians »...
Joe flûte en synthèse, Mino Cinelu a pris la guitare et chante cet perle rare, créole,, Wayne sera de la fête et viendra rejoindre la prière. Traditionnel et ethnies jusqu’alors mélangées en prétextes musicaux viennent de prendre le pli de l’authenticité et ce titre chanson deviendra l’un de ceux mis souvent en playlist – le groove y est collant, Mino est bouleversant, Wayne y est lyrique et puissant, Joe y est inventif et toujours sur le fil du rasoir, entre l’audace et la conformité...
Et la guitare, si simple, installe le groupe dans une parenthèse qu’il ne nous avait jamais présenté...
La chanson.

weather report confians.wmv - YouTube

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J’aime les covers (les reprises...), vous savez, ces titres originaux repris par des individus/des groupes qui en font soit presque oublier l’original (tant peut être celui-ci s’avérait « modeste ») en lui donnant un tout autre éclairage, une toute autre dimension, soit s’obliger à revenir à l’original en se disant que on ne peut ou quoiqu’il en soit, en ce cas présent, ils ne peuvent estimer « faire mieux », soit proposer une vision tellement identitaire mais qui ne renie ni ne fait oublier, mais juste mettre en parallèle, l’original.
Bien évidemment il serait curieux d’imaginer que de tels maitres du propos musical eussent été capable du pire – c’est bien entendu de leur version alternative du célèbre « What’s Going On » de Marvin, hommage posthume et vibrant que je veux parler ici.
L’original ?... Comment dépasser, honnêtement l’empreinte Marvin, cette âme ?...
Michael Mc Donald l’a fait, fleur de peau, larmes quasi assurées... mais quand je reviens à Marvin...
Cindy Lauper l’aura tenté et je suis vite revenu à Marvin...

Marvin Gaye - What's Going On - YouTube
Michael McDonald - What's Going On - YouTube
Cyndi Lauper - What's Going On - YouTube

Avec Weather Report, j’ai cherché Marvin, comme on aurait cru ou dû imaginer le trouver, là, directement, entre mélodie soulfull, pont porteur d’un leitmotiv conceptuel qui s’effiloche sur l’album éponyme – je ne l’ai pas trouvé là où mes recherches pensaient le trouver, il était bien là, mais caché ailleurs, dans une autre dimension, certainement encore plus respectueuse que celle consistant à une représentation textuelle ou légèrement exacerbée, mimétique ou déviée...
Juste son âme qui était là, seul véritable lien ténu entre eux et lui, preuve d’un respect défiant la simple nature de la musique, mais passant par et à travers la musique...
Ce n’est pas spécialement explicable et cela n’a pas forcément besoin d’être calculé, Weather Report a donc mis son âme en phase, en lien avec Marvin et là, il ne s’agit plus de musique...

What's Going On (Album Version) - Weather Report

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On aura cité dans ce voyage nombre batteurs, Eric Gravatt, Peter Erskine, Omar Hakim, parmi d’autres comme Chester Thompson en transit entre Zappa et... Genesis, ou encore un Gadd de passage éclair mais remarqué, voire un Tony Williams éblouissant,  mais il en est un de mes chouchous qu’il ne me faut pas oublier, Mr Narada Michael Walden, le fracasseur qui me fit placer son entrée en « Eternity Breath » (Mahavishnu Orchestra) sur le podium des gagnants du titre jazz-rock...
L’album Black Market va l’associer avec notre Jaco entrant timidement, mais surement, en alternance avec un autre tenant du titre, mais comme bassiste, Mr Alphonso Johnson.
Le titre « Black Market » met en avant la richesse inventive du jeu puissant de M. Walden, foisonnement, cymbales rutilantes, puissance et densité... il surdimensionne le titre... le rend énorme le fait s'ouvrir, s’espacer, s’élargir et il reprend à son compte le flot des percussions...
Black Market - Weather Report
Le second titre « CannonBall » l’associe avec Jaco Pastorius et ce moment est tant historique qu’unique.
Sur chinoiseries de pacotille, en HH open et avec des breaks infinis et explosant le spectre, il pousse Wayne au taquet, il s’appuie férocement sur Jaco dont il renforce chaque trait, et investi chaque espace en palette de nuances extrêmes. Un grand, un très grand qui aurait lui aussi, s’il était resté avec Jaco (mon grand regret...) pour « Heavy Weather », en place de cet Acuna peu captivant, ouvert le groupe vers des contrées inestimables...
Cannon Ball - Weather Report
Mais l’histoire aura amené sur le plateau d’argent Peter Erskine, alors... il apparait difficile de discuter face à un tel complément au jeu de Jaco.

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J’ai donc refait le parcours planétaire des bulletins météo écrits, improvisés, changeants mais toujours pointilleux et réfléchis, analysés et pertinemment présentés  par ces deux amis Wayne et Joe.
Joe n’est plus...
Il s’était syndiqué et avait parcouru les contrées africaines, japonaise, indiennes affublé de ses « vieux synthés » aux sonorités qu’il avait rendu reconnaissables, il avait produit Salif, flirté dès « Sportin Life » avec Bobby mc Ferrin certainement heureux de sortir de sa solitude de performer pour participer à de grands et enrichissants projets.
Joe Zawinul & Salif Keita: Bimoya - YouTube
CP.mov - YouTube
Son jeu claviériste m’a toujours fasciné, son in-évidence, sa bizzarerie si identitaire, cette façon comme je l’ai dit, d’être toujours « sur le fil », entre la chute et l’équilibre parfait, ses choix de textures, d’ambiance, cette façon de cuivrer tel un Count Basie synthétique, de wahwahter en funky man de churchy mercy mercy...

Wayne a subsisté sur les cendres électriques et électroniques de Weather Report puis est reparti vers un jazz dur, pur, cérébral, ardu et pour « spécialistes », il a toujours aimé cela, en VSOP autant qu’en divers « projects » - on n’a pas été l’un des plus grands compositeurs pour Miles pour rien...
Wayne Shorter - Endangered Species - YouTube
Herbie Hancock - VSOP - The Quintet - 01 - One of a Kind - YouTube
Michel Petrucciani, Wayne Shorter & Jim Hall - "Morning Blues" - YouTube
Wayne Shorter - Alegria - Full Album - YouTube

Jaco a brûlé la vie à plein régime et l’a laissée avec...
Il nous a tous laissé là, en plan, avec des illusions fantasmées...
Jaco Pastorius Smoke On The Water invitation - YouTube
Peter est retourné en sessions, il a sublimé Diana Krall, a composé pour Shakespeare théâtral, a is son jeu créatif au service de John Abercrombie, inoubliable, unique, indispensables et historiques « Current Events », « Getting There ».
John Abercrombie - Hippityville - YouTube
John Abercrombie - Thalia - YouTube
Peter Erskine, Diana Krall, Anthony Wilson & Robert Hurst - YouTube


Il est des groupes du « jazz rock » qui ont vieilli, tant de son que d’écriture, de procédé ou de concept...
Weather Report visionnaire en high tech synthétique n’a toujours pas pris une ride malgré l'indéniable évolution technologique et de lutherie synthétique, sa musique visionnaire et servie par la technologie n’a pas servi la technologie mais en a usé sans pour autant la mettre comme moyen référent.

Avec Weather Report la musique fut le seul projet, une musique à volonté universelle, une musique sans barrière, les brisant même, puisant dans tout ce que le monde était capable de lui offrir, comme si cet intitulé de groupe avait pu être précurseur d’une immense plateforme de musique planétaire, sans frontières, sans limites, synthèse de tout ce qu’un monde d’êtres ouverts les uns vers les autres et à l’écoute des uns et des autres puisse être capable de créer de positif et de commun.

Avec Weather Report la musique est peut être bien la concrétisation de ce langage dit universel.




Commentaires

  1. Une raison de plus pour avancer plus encore dans ce groupe que je suis en train de découvrir grâce à toi. Un petit bouquin que tes billets sur le Weather Pax. Merci ;D

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    1. Certainement...
      En tout cas, j'ai pris vraiment bcp de plaisir à redécouvrir leur carrière, je les ai énormément écoutés il y a de nombreuses années puis comme tj on lâche un peu, normal il y a tellement de musique(s) à écouter, découvrir...
      Weather Report était en projet dans l'ancien blog avec là aussi plusieurs chapitres car c'est tellement une "somme" que leur oeuvre...
      Ça y est, je me suis rattrapé envers eux...
      Et puis cet arbre a fait nombreuses ramifications, à découvrir en parallèle car là aussi, il y a de quoi faire.
      J'ai par exemple retrouvé Badrena avec Ahmad Jamal/Yusef Lateef - album live réécouté suite à l'article de Dev'...
      Bref, à partir d'eux tu as largement de quoi ouvrir plein de nouveaux chapitres...
      Mais je crois devoir en rester là :), de nouvelles aventures nous attendent.

      En tout cas bon voyage à toi avec ces adeptes de la démultiplication ethnique sur fond de jazz électronique mâtiné big band.
      De quoi se balader sur une nouvelle planète assez cosmopolitement virtuelle.

      THX de ton passage et de tes fidèles lectures.

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  2. C'est effectivement toujours intéressant de te lire et d'avoir tant à découvrir du coup...
    Ma très modeste bibliothèque n'a pas d'albums du groupe (pour l'instant) alors j'attendrai pour découvrir (et comme je n'aime pas trop écouter de musique sur l'ordi...)...
    Je possède néanmoins un enregistrement de Wayne Shorter (sur K7), d'un "groupe" qu'il avait formé avec Petrucciani entre autres au début des 90s (?), tu dois connaître....je l'avais bien usée celle-là d'ailleurs.
    Et je découvre Yusef Lateef (grâce à Devant) et je vois que tu en parles également....j'ai bien apprécié son live en tout cas...:)

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    1. Pour palier à ce son ordi j'ai installé celui ci dans un système son, même si je préfère largement le CD et bien sur plus encore le vinyle (hier lors d'une master classe d'élèves un des musiciens a demandé qui achetait encore des Cd aux élèves et j'ai été surpris de voir que pas mal d'entre eux ont levé la main, puis la question est passée au vinyle et là il y a tout de même sur une assistance d'environ 50 élèves une petite dizaine qui ont levé cette main... agréablement surprenant).
      Aujourd'hui les modes d'écoute sont tellement multiples.
      Mon tel est relié en voiture à l'autoradio et j'écoute pas mal comme ça pour mes trajets... on peut mieux faire, mais comme je passe un temps considérable en voiture (entre 2h et parfois + par jour), c'est une alternative convenable quand, entre autre tu cherches des idées d'articles :)...
      Mais bon, là tu vois , dimanche matin un bon Kevin Coyne en vinyle (face a acoustique, b synthétique... un régal : "politicz"), ça replace l'oreille sur le mode qualitatif...

      Cet album dont tu parles fait partie des projets que Shorter a engagés après Weather Report, c'est certainement le Manhattan Project qui a effectivement été très écouté, plébiscité et mis en avant par la presse, les médias à sa sortie.
      Je l'ai aussi bcp écouté, notre frenchy Petrucciani avait une presse incroyable en ces débuts nineties.
      Et il y a là un "casting" plutôt révélateur de la mise en avant de stars de la sphère jazz en ces années là.

      Quant à Y. Lateef je n'ai pas plus d'accroches que ça avec l'artiste, pas vraiment approfondi sa carrière, même si j'ai quelques albums de lui.
      Mais on a tellement à écouter, alors le hasard remet en face de toi des noms, des musiques et tu t'y colles... J'ai fait comme toi et suis reparti dans sa musique en me disant que j'avais surement loupé des choses.
      Mais même si on ne peut remonter le temps, il n'est jamais trop tard pour redécouvrir et trouver un chemin qu'on avait laissé de côté.
      THX

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  3. Finalement, en ce qui me concerne, tu as bien fait de revenir sur "scène". Quelles étaient les chances que je m'écoute du Weather Report. Cherche pas, assez faible. Pourtant ce sont des noms qui résonnent en moi. Wayne Shorter et son cadeau à Joni.
    Mais de l'instrumental électrique, si il s'agit d'un parcours jazz initiatique chronoqlogique j'en suis encore loin. Mais un saut, de temps en temps, pourquoi pas.
    Ok pour "Tale Spinnin". Autant j'ai vite abandonné le "What's going on" juste que cette chanson, cet album, et d'autres connait un instrument qui domine: cette voix, cela pourrait faire un débat, mais comment passer derrière lui, Al Green (Oui, Talking Head pour s'approprier un titre, bravo), Donny Hathaway etc... Autre débat.
    "Tale Spinnin" lui, tente une séduction qui suit son chemin. Avant même d'aimer ou pas, les surprises foisonnent, sans violence, pas le temps de se reposer sur un thème. La conquête est en route

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    1. Cet am notre météo sudiste habituellement très (trop ou encore souvent) clémente et ensoleillée est pourrie.
      orage et un œil rapide sur le net te dit même grêle...
      j'ai rangé mes aspirations de sortie, me plonge encore dans le taff et la boite mail résonne de comm's...

      revenir sur scène - j'aime forcément le terme.
      Je ne sais si j'ai bien fait en tout cas si cela permet à certains dont toi de partager la musique qu'on aime à faire découvrir alors, cette satisfaction me suffit.
      comme je l'ai dit chez toi à propos de musicien, ce n'est pas le nombre de personnes avec lesquelles tu partages qui compte, c'est juste qu'il y en ait qui partagent - cette situation est finalement identique quand tu te mets à exposer (t') sur la "place publique" un peu de toi.
      Ce "un peu" (ou bcp) peut avoir des aspects divers et variés, l'expression artistique et pas que musicale en est un, la prise d'écrit ou de parole sur sujets qui te touchent (affect, opinion, sensations, et tant d'autres rapports intimes) en est surement un de ce "un peu".
      c'est toujours curieux ce besoin de partage de tenter faire aimer à autrui, de chercher quelque part les liens qui peuvent (pourraient) réunir.
      Internet est un formidable vecteur pour ça.
      Weather Report ado, dans le cadre d'un bahut pourtant tentaculaire et immense comme Champo à Grenoble, on devait être qui sait, deux ou trois à les écouter... Si, de plus ces deux ou trois étaient dans des classes aux cloisonnements bien définis (imagine un fan en C, l'autre en A et le dernier comme moi en section musique aménagée...) il y avait peu de chances qu'ils se croisent.
      Au club de midi, peut être, ou alors au travers du sac FNAC laissant apparaître Tale Spinnin' et alors là, flash, oser aller vers et puis rencontrer échanger, causer, pas de la météo, mais du groupe et puis forcément, de Miles, Mahavishnu, RTF etc, etc...
      Alors qui sait, par la suite échange d'adresse, rds vs pour écouter ensemble les précieux vinyles, les échanger en relative confiance aveugle car ce minimalisme relationnel sur fait minimaliste inspirait la confiance, de fait... puis qui sait, le point de départ d'une "amitié".
      Aujourd'hui - la "masse" s'est accrue parce que ces électrons épars ont réussi grâce au net à se réunir plus aisément.
      Malheureusement ce net est aussi de par ce fait, le générateur de facilités à la monstruosité.
      C'est bien son paradoxe, comme celui de l'homme tout entier.

      J'arrête là mais on connait la théorie le + est toujours équivalent à son -, pas nouveau.
      on focalise souvent sur le moins, mais pourtant on devrait accentuer les bénéfices du +... on a pas créé star wars pour rien dans l'échelle des relations ancrées dans l'esprit.

      What's going on est une approche tellement autre qu'elle m'a fait du bien, toujours cette façon avec eux de proposer autre chose, autrement.
      C'est sur que ré écouter Marvin peut et doit me suffire, chercher d'avantage (les versions que tu cites en effet) enfonce le clou plus fort dans l'expression.
      Avec WR j'ai trouvé ou plutôt entrevu un autre sens (caché) à cette chanson, derrière les texte et l'évidence vocale et mélodique. Voilà la seule raison.
      J'aime les mots comme surprise.
      Tant de musiques qui sortent aujourd'hui et font chronique n'arrivent plus à nous surprendre, alors quand cette sensation apparaît au détour du premier titre d'un album, c'est pour moi un vecteur déterminant qui me fait aller plus loin et parfois très loin.
      thx

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