COMPOSITRICES – « New Light on French Romantic Women Composers » / Palazetto Bru Zane - 2023
COMPOSITRICES – « New Light on French Romantic Women Composers » / Palazetto Bru Zane - 2023
Un coffret, luxueux, 8 CD…
Une somme…
Un panorama d’œuvres de compositrices françaises couvrant la fin du XIXe et le
XXe siècle.
Romantisme, impressionnisme, modernisme…
Musique symphonique dans les mains de nos plus grands orchestres et chefs,
musique de chambre, duos, mélodies … le panel est large et permet de cheminer au
travers de ces créations, certaines à peine entr’écoutées par quelques initiés
curieux et très mélomanes, la plupart restées étouffées, oubliées… du nom de l’œuvre
jusqu’au nom de la créatrice elle-même.
Mel Bonis…
Henriette Renié…
Cécile Chaminade…
Hedwige Chrétien…
Marie Jaëll…
Rita Strohl…
Charlotte Sohy…
Lili ou Nadia Boulanger, bien sûr.
Louise Farrenc…
Pauline Viardot…
Augusta Holmes…
Jeanne Danglas…
Marthe Bracquemond…
Clémence de Grandval…
Marie Foscarine Damaschino…
Madeleine Jaeger…
Marthe Grumbach…
Virginie Morel…
Madeleine Lemariey…
Augusta Holmès…
Hélène De Montgeroult…
Je lis et relis ces noms, m’imprègne de leurs musiques…
Pourquoi ces oublis ?...
Je me souviens, parfois, une pièce pianistique travaillée en « parallèle »
du « répertoire »… au détour d’une « méthode », d’un
feuillet à œuvre unique glané dans un de ces magasins de partitions, à la
ville, enfoui sous un monticule d’autres morceaux.
Odeur de papier jauni, vieilli…
Feuilles cornées, impression sans âge, notes enchevêtrées promettant, qui sait,
un déchiffrage puis une appropriation possible.
Je relis la bible de l’histoire de la musique, « Histoire universelle de
la Musique » de Roland de Candé, ces deux volumes obligatoires que l’on
devait s’être procuré en classe à horaires aménagés musique.
Il fallait les avoir sur le bureau de la chambre et s’y référer de façon
systématique.
Pas de la littérature… juste de l’encyclopédique… austère, d’un « autre »
temps…
Du mien.
Je parcours les appendices, cherche en vain ces noms.
Rien…
Un gigantesque néant entoure ces femmes, presque fantômes, presque illusions,
presque légendes, mythes incertains. Un gigantesque néant qui en dit long et
rappelle cruellement la condition féminine, on relègue, on renie, on méprise,
on croit impossible de… et il est bien impossible d’admettre, de penser que, d’admirer.
Un flash.
Je repense à Camille Claudel.
Je revois Rodin, je me refais le film jusqu’à l’idée de « folie ».
Oui, il y avait certainement de quoi le devenir… folle … quand, on le sait/je
le sais … la vocation créatrice ne peut s’imaginer, qu’il faut se battre tellement
plus, ce jusqu’à certainement laisser tomber et-ou garder « pour soi »,
les ami(e)s.
J’extrapole.
Peut-être, pourquoi pas, certainement…
Mais enfin, force est de constater la profonde ignorance de l’histoire pour ces
femmes (celles représentées ici, mais encore pour tant d’autres comme Fanny Hensel
Mendelssohn, Clara Schumann ou encore Alma Mahler Werfel ou encore cette chère
Hildegarde Von Bingen…) qui ont, finalement, autant composé que leurs contemporains
masculins (faut-il s’en étonner ?) et eurent pu -si leur mise au placard
volontaire par compositeurs, interprètes et historiens n’avait été - qui sait,
modifier sensiblement (à prendre dans les deux sens) le sens de notre évolution
créative musicale.
Il aura donc certainement fallu attendre le quasi quart d’un XXIe siècle désastreux
- ce surement tout autant que les précédents - pour que plus qu’un simple voile
se lève enfin sur cette idée jusqu’ici presque saugrenue de la femme
compositrice.
Alors évidemment remercions jazz (un peu…) et rock (beaucoup plus) qui ont
permis, époque et modifications sociales obligent, de laisser un peu plus de
place aux femmes créatrices… mais surtout interprètes, certes, parfois de leurs
propres œuvres, certes plus souvent d’autres.
Mais, le « classique » dans tout ça, lui est resté sur son quant à
soi normé, cloisonné, habitué finalement à ce que la musique « sérieuse »
soit et reste… une affaire d’hommes.
Interprètes exceptées, là encore.
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Je parcours toute ouïe, tous sens en éveil - curieux tant qu’interpellé, réjoui
tant qu’agacé si ce n’est écœuré par les constats sus cités – ce florilège de
merveilles.
Cette inédite poésie de chaque instant, cette délicatesse qui se glisse sous
chaque note, mélodie, harmonie – des musiques « de leurs temps »,
certes, mais d’emblée avec une vision de celui-ci qui est tout autre.
Cela apparait logique.
Une approche créative féminine donc.
Là j’enfonce des portes ouvertes, j’enfonce le clou de la lapalissade et dire
ainsi que ces œuvres se distinguent par leur « féminité » semble
juste évident.
Et c’est pourtant ce qui – justement – change, en un éclairage, en une seule et
simple écoute, l’idée que l’on a eu jusqu’alors de cette contemporanéité « classique ».
J’embarque – au fil des plages - vers le subtil, le précis, le précieux, le
sentimental, le doux rêve, la délicatesse, le ciselage, le soin du détail, du
contour, de la courbe, le sens de l’abouti et de l’aboutissement, l’idée du
merveilleux, l'amour aussi, bien sûr.
J’entrevois la pudeur, la retenue, la retouche incessante jusqu’à l’idée de parfait,
l’éducation retenant la « folie » ou la débauche, ou la démesure si
ce n’est la grandiloquence.
Je retiens le dessin mélodique instantané, pris dans la dentelle des usages
transformés pour s’ajuster au détail prêt.
Je pense aquarelle, paysages, voyages, pastels, ombrelles, beauté et sourire
éternel.
Le piano danse, le chant magnifie l’art poétique, parfois tristesse ou même
drame prennent leurs places sur un mode mélancolique, profond mais jamais
exacerbé avec une écriture d’une formidable maitrise (Charlotte Sohy –
Symphonie en ut dièse mineur – 1917).
L’art de la « mélodie » devra maintenant puiser dans ce répertoire d’une
profonde richesse, d’une merveilleuse poésie. Celles de Hugo, Morand, Leconte
de Lisle, Pierre d’Armor, Verlaine et tant d’autres, certaines compositrices
ayant elles même composée leurs poèmes pour leur musique (Marie Jaëll),
trouvent là des écrins rares et exquis, fins et empreints d’une distinction qui
auréole le mot.
L’on va trouver une « Cathédrale Blessée » (Mel Bonis) – autre vision,
autre dimension, autre espace. Et presque d'actualité...
Et l’art de l’écriture chambriste, tel qu’en ce « D’un matin de Printemps »
(Lili Boulanger) ou encore en ce « Trio pour violon, violoncelle et piano »
(Louise Farrenc) ne pourra plus s’affranchir de ces entrelacs sentimentalement
réfléchis et pesés.
Que n’ai-je découvert, au piano, cet « album pour les tout petits »,
qui s’ouvre comme un livre d’histoires enfantines avec les dessins qui font
rêver avant de s’endormir. Des petites histoires, des petits flashs mélodiques
représentatifs et illustratifs si pertinents, si immédiatement merveilleux d’enfance…
comme je me serais plu à jouer ces miniatures, ces instantanés. Ce jusqu’à ce « gros
chagrin » que seules les mamans savent consoler.
Et je me suis laissé transporter, littéralement, avec ce somptueux et irrésistible
« Ludus pro Patria - interlude, la nuit et l’amour » d’Augusta Holmes
qui par vagues prend « au cœur »…
Détailler un tel coffret, s’emparer de telle œuvre est peu possible en l’instant,
mais le deviendra au fil des écoutes.
Il permet la juste valeur et le juste retour des « choses » et ce n’est
déjà pas si mal.
Il permettra de s’évader autour d’un cadre que l’on sait connaitre mais qui,
une fois ce voyage achevé va finalement prendre une autre forme.
Reconsidérer, découvrir, ne cesser la curiosité.
Avec ces compositrices il y a de beaux voyages, de belles découvertes et de belles
œuvres à inscrire en soi.
Extraordinaire tant que merveilleux et étonnant à chaque instant.
Merci Mesdames.
Il était temps.
Votre musique est si belle.
Lecture fébrile, j'écoute QOBUZ et une question puisque tu parles de coffret... l'achat est il richement accompagné? J'ai commandé compulsivement l'encyclopédie énoncé, écouter ou même télécharger ne pose pas de problème, accompagné de ton papier envoûté. Mais le coffret avec un peu de lecture? Dis moi tout!!
RépondreSupprimerMerci pour ce retour passionné 😊
SupprimerSi tu as Qobuz le livret est avec en pdf et il est très intéressant et fourni.
Quand à l’encyclopédie de Cande c’est un excellent témoignage d’un passé. Elle a eu l’avantage d’être quasiment la seule… on a été un paquet d’étudiants à l’avoir. Nos profs s’y référaient systématiquement 😉.
En tout cas ce coffret est captivant et propose vraiment la découverte.
À +