L’ETE AVANCE…


L’ETE AVANCE…

Août pointe son nez, la chaleur s’est écrasée sur presque la bonne humeur générale.
Je dis presque, les vacances…
Hmm on le voit bien - socialement, budgétairement, humainement - avec un gouvernement qui a compris qu’il pouvait faire pire que ses prédécesseurs en profitant pleinement de cette période de « tranquillité sociale » où chacun vient oublier sa vie quotidienne, le français reste méfiant et est sur ses gardes.
Que va-t-il lui tomber sur la tête à sa rentrée ?...
On n’est plus sûr de rien, en tout cas ce qu’on est sûr c’est que, de toute façon on sera encore dans une histoire de dindons et de farce, une farce qui ne fait plus rire et fait grincer…
La musique semble bien se porter cet été, c’est justement dans les périodes difficiles que le besoin de détente est presque compulsif, impératif, nécessaire.
La musique et en particulier celle live avec la sueur, l’énergie, l’envie des musiciens acteurs de styles tout aussi divers que variés prend donc toute son importance sur l’échelle de l’oubli d’un quotidien qui de toutes façons rattrapera on le sait bien, tout à chacun d’ici environ trois semaines.

Ramatuelle nous a encore comblé d’une soirée, cette fois lyrique, plutôt inoubliable ou du moins qui m’a donné l’envie d’approfondir ces compositeurs français à cheval entre romantisme et impressionnisme, entre classicisme d’écriture et audaces modernistes.
Massenet a pris une place prépondérante sur le gré de ces approfondissement et un Werther n’a pas vraiment réussi à quitter mes journées de quiétude musicale.
Carreras, Von Stade, Sir Colin Davis – juste merveilleux, comment ai-je pu passer à côté de si belles notes ? Va-t’en savoir…
De Massenet me voici passant au gré d’un album « France Espagne » au travers des interprétations de ce chef particulièrement  précis, inventif, rigoureux et respectueux de contexte qu’est François Xavier Roth avec son ensemble « Les Siècles ».
Une pléthore d’albums, dont certains en live - ce qui en classique demande une extrême précision, qui revisitent les interprétations d’ouvrages tels que la Symphonie Titan de Mahler, le Stravinsky du Sacre, de Petrouchka et de l’oiseau de feu, Debussy ou Ravel mais encore Dukas et tant d’autres de nos Poulenc, Chabrier et Massenet (Jules de son prénom).
Instrumentarium de cette époque permettant la couleur réelle des œuvres telles que créées, souci d’authenticité poussé à l’extrême et balayant d’une écoute passionnante en redécouverte les redites surannées, les habitudes de tempis, de traits, de couleurs, même si…
Mais là, ces relectures sont captivantes.
Découvrez les, au hasard, vous serez conquis et je gage même que ces nouvelles approches vous feront ranger – comme je l’ai déjà fait – celles pourtant magnifiques des tenants des titres…

Le piano m’a réenchanté, pourtant j’ai un peu l’impression de ne trop le quitter ces temps.
Mais l’art Schubertien porté de façon limpide et délicate par ma chouchoute Khatia Buniatishvili m’a simplement transcendé et son nouvel opus est repassé sans cesse sur mes ondes personnelles, celles qu’on ne m’impose pas mais donc le choix reste mien.
Ces impromptus sur cette idée diaphane de jeune fille et la mort, thème d’un des plus beaux quatuors à cordes de l’histoire de la musique prennent sous ses doigts une importance et une différence qui réactualisent d’un trait de touches noires et blanches ce mal social sous une douceur d’apparence qui tente de cacher le profond émoi romantique de ces pièces.
J’ai déjà dû en parler de cet album, qu’importe, quant on aime on ne compte pas – radoterais je ?...

J’ai retrouvé avec délectation mon Stan Getz favori.
La disparition de Joao m’a touché, voir affecté et si vous le voulez pur, beau, magique et délicat, grand au sommet d’un art que lui seul pouvait prétendre estampiller avec authenticité, alors ruez vous sur son Amoroso, un album de toute beauté qui vous fera certainement sortir un petit kleenex, sans honte d’être submergé par une émotion obligatoire face à tant de beauté simple et directe.
Mais je reviens à Stan…
Trouver ses deux albums « Another World » et Children of the World », que je possède en vinyle (ouf), ça se mérite, mais mon petit qobuz a là rempli sa mission et j’ai pu redécouvrir ces deux pépites peu plébiscitées avec un bonheur rare.
Stan s’y balade avec quelques effets, chambre d’echo, etc… est accompagné par le casting de luxe et l’orchestration idem – on avait oublié que le bonhomme surmédiatisé en bossa ou coolitude pouvait s’aventurer en côtoyant de jeunes loups vers des contrées qui ne pouvaient ravir les jazzophiles les plus réacs – ces deux albums prouvent que le lascar avait de la perspective et savait s’entourer.
Il leur tire la bourre même, ah, ces anciens, quant ils en ont sous le capot ! ...
Et puis posez vous et admirez ou sirotez ce que vous voulez sur « Blue Serge », vous m’en direz des nouvelles de cette balade en mode quiétude modale absolue.

Un besoin d’énergie m’a remis David Bowie « Stage » sur le tapis. La tournée post « heroes » dont le vinyle m’était mythique s’est vue augmentée de quelques excellentes surprises et la track list du concert est redevenue telle que Bowie la présentait alors à son public ébloui de néons futuristes, de cuirs rigides, de sonorités de synthèse inédites.
Roger Powell débauché de Utopia, Adrian Belew complètement barré, Dennis Davis lourdingue à souhait, usant d’une double pédale de grosse caisse et abusant d’une china tonique comme une boisson énergisante et la rythmique d’Alomar, Miles avait Reggie Lucas, Bowie avait Carlos Alomar à cette époque.
Dans ce « Stage » le formidable Bowie tord avec l’appui de ses compères son répertoire du moment et d’antan, débarrassé de ses frasques identitaires pour lui redonner une substance musicale digne d’une renaissance.

Je saute allègrement du coq (un emblème à Cogolin) à l’âne (il y a aussi des journées de l’âne par chez nous – respect envers ce digne animal tellement pointé du doigt et utilisé en bonnets ou autres superficialités par une autorité scolaire qui on le regrette d’ailleurs, n’est plus…).
« Maddalena and The Prince », sorti chez DG et mené de baryton (une viole de gambe) de maître par la gambiste Maddalena Del Gobbo en hommage à Nikolaus Esterhazy, the magnificent.
Si l’instrument semble connoté baroque, cet enregistrement met en évidence l’usage en période classique de l’instrument et cette « couleur » musicale oriente différemment les sens auditifs forcément ancrés dans Jordi Savall et référencés par le Marin Marais de Tous les matins du monde (regretté JP Marielle).
C’est somptueux, ample, chargé de plénitude et d’un pouvoir relaxant indescriptible. C’est intemporel et c’est bien là ce qui donne à ce projet une dimension inédite en mettant en avant finalement un répertoire peu usité sous l’égide d’une sonorité apparemment ancienne mais qui frappe par sa faculté à devenir instantanément « familière », comme si un recueil s’ouvrait et laissait s’échapper une fluidité mélodique magique et envoûtante.

On parle de douceur, de fluidité…
S’écouter un bon vieux Franky c’est s’ouvrir une bonne bouteille de champagne, un whisky avec un âge avancé, un vin qui reste en bouche…
« September of my years » m’a fait cet effet – tapis de cordes soyeux, hollywoodien, à fleur de peau dès les premières notes, dès le premier grain de harpe…
La douce mélancolie mélodieuse... l’écran de ma télé s’est comme par magie énormément agrandi et ma place de ciné m’a tendu les bras.
L’Amérique, tout de même quand elle prend réalité sous le rêve, c’est quelque chose…
Il faut prendre le temps d’apprécier les (très) bonnes choses de notre courte vie.
Franck Sinatra s’inscrit dans la petite liste de celles-ci.
Comme Ella, d’ailleurs et une petite merveille intitulée en coffret « The Complete original songbooks » - allez, asseyez-vous, savourez, swinguez en claquant cet after beat souple et félin en enchainant sans  heurts ces … oui vous l’avez bien lu 244 titres…
Les cuivres côtoient les cordes, la rythmique est un modèle de swing, oui ce mot qui prend ici toute sa simple « valeur ».
Ella Fitzgerald divissime et sublissime diva…

Au chapitre des grands moments de plaisir je me suis délecté avec « The Fellini Album » magistralement interprété par la « Filarmonica della Scalla » sous la direction de Ricardo Chailly.
Accordéon mémorable, cuivres swinguant à l’italienne, lyrisme grandiloquent et le populaire immédiat qui rentre d’un coup en un éclair dans la mémoire – Nino Rota est à l’honneur et il n’est pas besoin réellement de l’image pour se laisser embarquer dans cet univers loufoque, fantasque, immédiat, chantant, rythmé en marches de chapiteaux étoilés.
Des gens, un peuple de bizarreries instantanément tant inquiétant qu’attachant et décalé prend place devant nous, il n’y a aucune raison de s’inquiéter face à ce sarcastique fatras de sonorités car très vite le chant si présent dans toute la musique italienne vient nous rappeler tout son puissant pouvoir.
Alors l’on sifflote ces airs qui semblent nous avoir bercé depuis des lustres et l’on est heureux, juste heureux… Et je crois bien que ça suffit en soit, non ?...

Philippe Bianconi n’est pas spécialement un pianiste qui est mis sous le feu et les lumières d’une rampe médiatique qu’il faut savoir soit contourner, soit comme Khatia, apprivoiser et surpasser.
Sa maison de disques La Dolce Volta est à l’image du soin qu’il apporte à toutes ses interprétations, comme celle de l’intégrale des préludes de Mr Debussy qu’il distille avec une parcimonie délicate, une finesse de lecture d’une immense fidélité – alors les voiles de ces bateaux jouent sur l’horizon de la mer, puis l’on plonge au fond de celle-ci pour retrouver cette massive et pourtant dégagée de tout poids cathédrale engloutie depuis un temps immémorial et au fur et à mesure que l’on s’approche d’elle la voici qui prend toute sa dimension impressionnante… et légendaire.
Dans la forêt d’automne l’on joue avec ces feuilles mortes, l’on est surpris par ce léger brouillard avec lequel on fait un cache cache inquiétant… les grandes bruyères s’étalent à perte de vue et on le sait tous, les fées sont d’exquises danseuses. Peut-être sont-elles là-bas, dans la clairière ?
Une bien belle lecture de ces préludes restés longtemps sur le chevet de mes écoutes et sur le pupitre de mon piano d’études.

Mon voyage de ce soir se terminera par l’univers si féerique électronique du Sieur Jon Hassell avec un album E.C.M « Last night the moon Came Dropping its clothes in the Street », un programme en soit…
Le jeu reconnaissable de particularité de cet explorateur sonore prend place dès cette aurore, dans le son, tel la pièce d’un puzzle electronico-rythmique d’un envoûtement sans égal – on est aspiré par cette seconde dimension qui ne peut que nous intriguer et nous attiser en curiosité.
Le référencement instrumental n’existe plus, seuls les sons sont légion et transportent par leurs textures inédites le voyageur que l’on se surprend à être devenu en l’espace d’une poignée de minutes d’enchantement.

Allez, bonne soirée, bonne semaine et bonnes vacances aussi à tous.
Profitez pleinement de ces moments de bonheur musical – merci de passer ici, je n’y suis pas souvent mais j’ouvre parfois la porte et pose quelques affaires à vous faire partager.
Servez vous.


Commentaires

  1. Je suis au boulot et dond un vite fait arrêté sur la pichenette Massenet: J'y entre en période de recherche volontariste, à travers un grand ténor Espagnol, jugé moins star mais tellement talentueux, Mozart et donc Massenet.
    J'avais commencé par MANON et ensuite WERTHER avec une surprise, c'est d'entendre ce croisement opéra dentelle français et soudain des envolées très wagnérienne.
    Alors pour poser une autre version, tente Alfredo Krauss, direction Michel Plasson.
    Encore, comme tu dis.
    Si beau.
    Ensuite Massenet, je suis lentement mais sûrement, son Don Quichotte me faisait chantonner... Mon frangin a découvert récemment MANON et est tombé sous le charme, lui qui ne jugeait que par le big Wagner.
    à suivre et attention au coup de rosé/soleil

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    1. Massenet a été une sorte de déclic en cette soirée ramatuelloise...
      je ne suis pas friand du romantisme à la française, Berlioz me gonfle, Gounod ne m'a jamais intéressé et Gluck j'ai laissé sur l'étagère il y a si longtemps après l'achat en vinyle d'opéras parce que j'y participais et forcément j'achetais les œuvres.
      Il y a eu cet album dont j'ai parlé de sabine devieilhe, et puis ce concert avec réductions au piano ce que je n'aime pas particulièrement mais ça a au moins le pouvoir de te laisser imagine ce que ça doit être avec orchestre. et puis je me suis lancé dans thais avec mes élèves , pas terminé sera au programme l'an prochain...
      donc... il était temps.
      plasson est un chef admirable, je vais écouter cela.
      merci et à plus.
      je t'envoie un email, dans la foulée, pour autre chose, tu verras bien.

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    2. et pour le rosé t'inquiète...
      on gère.

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    3. Pas encore trop avancé, car resté bloqué sur "Les Siècles & François-Xavier Roth" ça me disait bien de comprendre ton engouement, médiathèque où je trouve la dame Sabine... par contre les oeuvres Ravel, Dukas, Mahler à croire qu'il y a de l'actualité ou bien ton info a circulé, tout est sorti... sauf ... sauf... Carl Craig + Roth et les siècles réorchestrent quelques "classiques" de M. Craig. Tout en me souvenant d'un Craig (& Moritz Von Oswald) recomposant du Ravel et du Moussorgsky. Me voilà espérant de l'ubiquité, du temps qui s’arrête, qui trop embrasse mal écoute? Bon, cela sera la combinaison de la jeune Devieilhe (j'ose!!) sélection de Lakmé qui m'a tellement envoûté et quelques Craig que je découvre lentement mais sûrement. Ensuite, seulement ensuite je reviens ici.

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    4. Devieilhe Sabine, ma révélation de l'année...
      j'écoute je reste accroché à cette voix et plus rien n'existe.

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  2. L'été est déjà bien cuit... je me lève il fait à peine jour. En musique j'avance en ricochet, je prends et je cherche les liens, les aspirations.. Micus m'a embarqué sur le catalogue bradé d'ECM. J'ai fait un carton, 20e les 4CD.. comme je les trouvais un peu chers.
    Aussi, pour ce billet, je me suis arrêté sur Stan Getz, je vais me reconcentré sur ces 2 albums en ".. world".. et tu parlais de Marielle pour le film "Tous les matins du monde".... ce film m'hypnotise, tous comme "La belle noiseuse" pour d'autres raison. J'ai lu son bouquin à JP, il était grand fan de Stan Getz. Je crois bien qu'il va être mon week end.. tt en peaufinant mes questions ;D

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    1. Bon, comme quoi on trouve des connections partout...
      De Marielle à Getz en passant par la viole de gambe... j'ai pas fait exprès, crois moi.
      Ces deux albums de Stan tu vas te régaler, celui de maggdalena est un voyage dans le passé absolument merveilleux quant à Micus, j'ai adoré dès son premier album, hou là, que ça fait loin tt ça...
      je suis prêt pour tes questions, mais ça tu le sais.
      bizs

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  3. une suite avec lente lecture: tu m'as perdu avec la quatuor de Schubert, les impromptus de la dame s'en inspire? Bon, en terme de musique classique j'ai mes difficultés. D'autant plus que j'ai un penchant naturel à apprécier les oeuvres piano, alors que la fille de mon meilleur ami se perfectionne (Concours, enseignement en tant que prof etc..) au violon et que je n'arrive pas à dépasser l'écoute agréable. Anecdote et peut-être une méthode d'appropriation: sur un épisode de la série SENSE8 un long moment d'orchestre qui joue le concerto 5 "empereur" de Beethoven. Scotché + recherche et me voici enfin à apprécier autrement que agréable, à écouter au moins la première partie. à "entrer" dedans. Le visuel fonctionne bien chez moi, je pense me faire une raison. Même effet que la sonate "clair de lune" vu et entendu chez Ziegel par François-Frédéric Guy, sans oublier leur enthousiasme communicatif. Bon, ensuite? Stan?

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    1. Schubert est vraiment soumis à l'interprétation je pense.
      C'est un constat étrange mais vérifiable.
      Il faut savoir l'apprivoiser comme Fischer Diskau quand il chante ses recueils de lieders...
      Là Khatia m'a fait (enfin) apprécier ces impromptus.
      Stan, je t'attends.

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