CLASSIQUE STARS (1...).


CLASSIQUE STARS (1...).

La musique classique, tout comme les autres musiques a et a eu ses stars, ses divas, ses « vedettes », ses références...
Célèbres solistes, elles et ils ont envahi tant la média-sphère musicale qu'une presse sans réel rapport avec l’artistique.
En écrivant ces lignes je songe à Maria Callas, star des stars du genre dont la voix et la vie se sont mélangées en ma mémoire gamin.
Mon père en était fan. Moi, pas vraiment.
Un peu comme ces stars du cinéma d’une époque contemporaine à Callas, je n’ai jamais vraiment aimé ces films où l’acteur semble prendre le pas sur le film en lui-même.
On écoute Callas, pardon, LA Callas, puis on se souvient qu’elle interprète... une œuvre.

Ce phénomène allie médiatique outrancier qui mélange interprète, vie privée, opinions et engagements politiques et aussi parfois à moindre échelle musique, car il est acquis de fait qu’un Pavarotti – par exemple – n’ait pu être en deçà de sa réputation.
La starification en classique... oui elle existe... aussi.

Roberto Allagna...
Nathalie Dessay...

Les divas stars ont compris que pour tenir il faut s’adapter et savoir non s’arrêter (la voix dans ce cas précis est un muscle qu’il convient de maintenir en forme)...
L’opérette et la canzona pour l’un, le jazz mâtiné Broadway pour l’autre.
« Elle et il » sont bien entourés – ce sont des musiciens, des artistes intransigeants et même si leurs virages ont pu faire fuir un public ancré dans un traditionalisme rassurant (N. Dessay en concert cet été à Ramatuelle, un lâché de vieux enfermés dans leurs apriori quittent en débâcle le théâtre de verdure – ils n’étaient pas venus pour écouter de la comédie musicale ou du jazz nougarisant, mais au fait seraient-ils bien capables de dire ce pourquoi ils étaient venus tous ces hocheurs de tête englués dans le symphonisme traditionnaliste ? je n’en suis pas sûr), ces changements de cap leur ont assuré un nouveau public, mais aussi ils ne s’en cachent pas, un grand bol d’air.

Si Callas eut été de cette génération apte à considérer la musique en tant que telle et non comme un espace sectaire et élitiste, la musique dite classique  aurait, qui sait, franchi depuis longtemps un cap de popularité différent.

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NATHALIE DESSAY – « Pictures of America » / Mozart Paris orchestra direction Claire Gibault.


J’aurai donc parlé de Nathalie Dessay.

Elle est partout dit-on dans le milieu fermé du classique avec cette réserve sous entendant qu’on admire à la fois son audace et sa promptitude à avoir réagi sur sa carrière, mais aussi qu’on voit cette médiatisation sur fond de musique populaire comme suspecte, « déshonorante », regrettable...
Alors les débats s’enflamment.
Pourquoi ? Comment donc ? Qu’est-ce qui a pu... ?
A Ramatuelle, cet été, en lectrice installant un voyage sur les tableaux d’Edward Hopper soutenus par les compositions de Graziane Finzi ou en interprétant quelques standards de Broadway et de jazz, elle a, à mon sens fait taire toute velléité visant à critiquer négativement ses choix, commencés par une association amicale avec Michel Legrand.

Un album pour découvrir cela « Pictures of America » où le Mozart Paris Orchestra dirigé par Claire Gibault met en valeur tant des orchestrations ciselées avec soin pour la diva redevenue chanteuse que des compositions d’une rare définition musicale de la compositrice Graziane Finzi.
Une affaire de femmes, donc...
Une affaire de sensibilité, de finesse et de sensualité aussi.
Une affaire d’audace et de prise de parole, en douceur, en subtilité mais avec une fermeté qui ne laisse pas vraiment la contradiction s’installer.
Face à cela je serais resté rêveur là où la vieille garde des esprits aigris et étriqués n’aura eu que la lâcheté de s’enfuir. Ils n’étaient que peu... le reste de l’auditoire semblait suspendu à cette voix divine venue nous séduire et nous envouter.
Le concert, l’album, l’engagement de l’artiste et la qualité qu’elle a su réinvestir dans sa nouvelle direction, voilà qui laisse admiratif et qui m’a forcément forcé le respect.

« Respect »... dit-on quand face à une attitude on ne peut que s’incliner tant celle-ci l’impose.
Ce projet féminin, cette qualité et cette perfection tant de l’interprétation que des choix, du concept imposent ce respect et même si Nathalie Dessay multiplie les interviews et rapports médiatiques pour expliquer (justifier ?) ce que certains estiment revirement – je laisse la diatribe à ce qu’elle est.

La musique et le soin qui est apporté à celle-ci dans ce cas présent, parlent d’eux-mêmes.
Ce concert estival, certainement l’un de mes plus beaux souvenirs depuis bien longtemps...

Merci mesdames.

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Nathalie Dessay m’a ici aisément servi de préambule.
Le rapport starification avec cette outrance Maria Callas puis le Pavarottisme, chers tous deux à mon père qui, génération oblige, mettait avant tout le rapport de l’artiste avant celui de l’interprète (ne nous méprenons pas, Callas et Pavarotti sont de merveilleux interprètes, il serait insulte de dire le contraire – j’ai juste précisé que leur sens de l’interprétation passait avant celui de l’œuvre proprement dite).

Aujourd’hui l’approche a changé.
Les stars du classique ont un statut médiatique plus diffus mais aussi plus diversifié.
Et elles savent s’en servir et non le subir.
Elles savent donc en user pour parvenir à gérer leurs choix, leurs projets, leurs envies.

Quand on pense star, ou diva, le rapport « chanteuse » est immédiat.
Cecilia Bartoli est un de ces autres exemples, mais je lui ai déjà consacré un long article voici quelques années aussi je mettrais l’éclairage ailleurs, pourtant Dieu sait si elle illumine le spectre tant musical que médiatique avec, qui plus est des choix musicaux assez engagés et surtout permettant la découverte et la réouverture de pages musicales de l’histoire.

« Diva » c’est un terme que l’on a donc finalement appris à coller à des personnalités capricieuses, prétentieuses, se posant sur des piédestaux supérieurs pour traiter tout voisinage avec dédain et mépris...
Le rock et la pop, la variété ont leurs divas...
L’axe médiatique occulte parfois leur réel talent, leur incroyable carrière, leur véritable amour de la musique.
Parmi ces divas j’ai eu l’occasion d’aller admirer l’une de celles les plus médiatisées, les plus montrées du doigt, les plus estampillées par la critique de tout bord, il s’agit de Lady Gaga.
Je me suis rendu à Barcelone pour cela.
En famille.
Et j’ai assisté à un show incroyable, émouvant ou dynamisant, propulsé par une musicienne indéniable doublée d’une personne d’une sensibilité à fleur de peau, d’une personnalité attachante, d’un charisme et d’un pouvoir hallucinants...
Ce n’est pas racontable...
C’était juste extraordinaire...
Elle aussi a pas mal joué avec ses envies et sa carrière, donc, son public...
Avec Tony Bennett elle a prouvé son respect pour le jazz et s’est positionnée de suite sur l’échelle des grandes du genre et son dernier album, « Joanne » est juste un petit chef d’œuvre pop, bien loin des tubes bardés d’électronique dance aux axes récupérés par un certain Guetta.

Diva...
Ce terme ne s’applique pas qu’aux chanteuses (Dion, W. Houston, A.Keys, D.Krall...), parfois il dérape... et va même entacher la star d’E.C.M, à savoir le pianiste Keith Jarrett.
On le dit intraitable, capricieux, exigeant, colérique.
Un piano mal accordé et hop, le voilà qui referme le couvercle et repart à son hôtel...
Un bateau qui fait pouet pouet dans la baie d’Antibes et il se lève en rage, pour partir et planter le public laissant les organisateurs interloqués...
Pourtant je peux comprendre... Keith Jarrett en concert c’est un moment unique, le temps suit sa concentration, la vie musicale qui émane de son esprit via ses doigts, alors si un événement extérieur perturbe ce cheminement de pensée, c’est certainement, en fait, toute une architecture du momentané qui s’effondre.

Etre Diva, c’est aussi avoir un sens artistique aigu, une volonté du mieux, du meilleur, de la perfection et si, pour l’atteindre il faut s’autoriser une attitude que d’aucuns ne peuvent situer, alors, c’est effectivement ne pas avoir ce sens réel de la conscience artistique.
Mais revenons à des artistes, des étoiles, divas ou pas... peu importe, dont on parle et qui ne laissent indifférents.
Pour cette chronique, trois suffiront à emplir nos appétits mélomanes.

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KHATIA BUNIATISHVILI

Jarrett, le piano...
transition aisée...

Depuis quelques temps s’il est une pianiste qui défraie la chronique, qui est au cœur de bien des débats, qui elle aussi multiplie les apparitions télévisées, les interviews et qui a un sens particulièrement aigu de l’image, de la mise en valeur par celle-ci, c’est bien Khatia Buniatishvili.
Il faut retenir ce nom, il faut l’écouter mais aussi bien entendu l’admirer, la « regarder » saisir l’instrument.
Il n’y a pas qu’en musique d’ailleurs qu’il faille l’écouter.
Ses prises de position tant politiques que féministes, jaillissant de façon aussi réfléchie que naturelle dans le franc parlé d’une jeune femme qui ne peut que susciter l’admiration, sont tour à tour des flèches très ciblées faisant mouche sur notre capacité de réflexion, ou des remarques pertinentes incitant à la révision de certaines copies auréolées d’archétypes.
Quand j’ai exprimé à mes collègues classiques que je ne cachais pas mon immense admiration pour cette artiste j’ai eu des remarques allant dans deux directions.

La première était forcément rapport au physique absolument irrésistible et sensuel de la pianiste et de l’aura qui se dégage de sa seule présence.
Cela ne peut laisser un homme insensible, logique que mes collègues féminines aient pu me chambrer là-dessus, mais... pas de pot, je leur ai de suite répliqué que je n’ai pas découvert la pianiste par cet aspect médiatique apparemment indissociable de sa personne, mais par son album « Motherland », à la pochette justement différente ou du moins ne laissant pas entrevoir le moindre coté glamour de cette immense artiste.

Khatia Buniatishvili - "Clair de lune" - Claude Debussy - YouTube
Suite Bergamasque, L. 75: III. Clair de lune - KHATIA BUNIATISHVILI - Deezer

L’écoute de cet album m’a immédiatement conquis – c’est donc par la musique et avec la chance de n’être passé de prime abord que par celle-ci que j’ai été fasciné par la vision musicale de Khatia Buniatishvili et par, entre autre, ses interprétations des pièces phares de Debussy et Ravel (« Clair de Lune » et « Pavane pour une infante défunte »).
Ces pièces semblent ici rester en suspension dans le temps, chaque note est ici chantée avec une infinie délicatesse, là où l’on a pour habitude d’écouter la mélodie dans l’axe harmonique, ici celle-ci suit son chemin réel et installe au sortir l’harmonie en place.
Cela donne alors une sensation de légèreté et de fluidité et intervient comme un arrêt sur image afin de saisir toute la beauté d’un instant.
Voici ce que m’a immédiatement évoqué ces deux interprétations de pièces dont je crois connaitre nombre de recoins. Ces deux compositeurs m’ont toujours fait voyager – avec ces interprétations j’ai pu faire une halte et me poser pour admirer les paysages sonores.
La puissance est ici retenue, ce qui intervient sur le tempo, et sur le tracé filigrane des pièces, sans jamais que celui-ci ne perde de sa métrique infiniment stable.
La souplesse dans la rigueur métrique...
Cela alors respire, cela, au sortir, amplifie l’émotion et la sensibilité à l’excès.
Et quand cette puissance, en certains moments d’écriture de mise en quasi « forte » a besoin de surgir, alors le contraste n’est plus qu’expression et non un juste respect textuel.
L’émotion s’intensifie, le véritable sentiment face à cette infante ou assis en paix devant ce clair de lune peut enfin véritablement réellement s’épancher, dans un instant reflet de « romantisme ».
Et le jeu des couleurs de ces compositeurs prend alors tout son sens.

Puis il y eut ce documentaire Arte où elle jouait les tableaux à Kiev, dans un hôpital militaire, sur un piano de fortune, afin de donner la musique aux blessés de guerre, aux malades – cela m’a troublé et fasciné.

Cette œuvre de Moussorgski, sorte de flambeau de la musique romantique russe, orchestrée par Maurice Ravel, justement, déviée par le groupe de rock progressif Emerson Lake and Palmer, m’a toujours captivé.
Suite à l’intérêt et à l’émotion que me produisirent ce documentaire où l’artiste apparaissait dans toute sa simplicité, sa fragilité et son humanisme mais aussi son engagement je me suis empressé de me procurer « Kaleidoscope », un album consacré à Moussorgski et ses tableaux, mais aussi à Ravel avec une interprétation de sa Valse absolument décapante ( La valse - KHATIA BUNIATISHVILI - Deezer ) sans parler de la vision pianistique de « Petrouchka » de Stravinsky passant ici de la réduction pianistique à pièce maîtresse ( I. Russian Dance - KHATIA BUNIATISHVILI - Deezer )


Ce rapport créatif des tableaux, illustrant par la musique l’image, ponctué d’une promenade dans une galerie d’art permettant en redevenant soi-même, de transiter de tableaux en sensations, chacune de celles-ci altérant forcément progressivement ladite promenade au fil de la visite, voilà bien un moment « figuratif » privilégié de l’histoire musicale. 

Cette promenade finit par prendre place comme un refrain, un leitmotiv, diraient les romantiques wagnériens.
Khatia Buniatishvili s’en empare avec une densité peu commune dès son exposition initiale et cet espace intérieur permettant le transit de tableau en tableau va s’emplir, au fil du défilement de la visite, de chaque arrêt et des sensations qui l’ont accompagné.
Ici le jeu de la pianiste est d’une incroyable densité doublé d’une précision implacable qui permet à chaque dessin musical d’être clair, lisible, détaillé, comme les traits tracés par le peintre.
Ces tableaux deviennent enfin réalité et leurs plans visuels apparaissent en sonorités et couleurs, en phrases et chants divers.
On sort de cette vision comme hypnotisé tant la masse expressive qui ne faiblit jamais s’impose.
On réalise alors une prise de son remarquable qui donne au jeu pianistique (et au piano en lui-même) une assise dans le spectre, hors du commun.

La seconde direction, une fois passée cette étape boutade, a été heureusement de parler réellement musique et justement vision de cette interprète qui ne laisse finalement personne indifférent.
On aura mis en lien l’idée de dépoussiérage du répertoire tant que de l’image de l’interprète classique – en effet, une jeune femme digne au physique digne d’un top model, habillée sur scène de la façon la plus fashion qui soit et qui s’attaque à un répertoire physiquement souvent accaparé par la gente masculine, pour lui donner une puissance inégalée, ce avec un geste musical d’une rare souplesse et finesse, voilà qui a de quoi interpeller et donc faire débat.

Si j’ai positionné Callas comme mettant la personnalité devant la musique, ce quitte à effacer jusqu’au nom du compositeur ne lui laissant que la substance d’un air, il serait faux de comparer, malgré des similitudes qui seraient des raccourcis de base, ne serais ce que musicalement les deux personnes.

Le jeu de Khatia Buniatishvili me fascine, sa lecture tant personnelle que respectueuse du texte musical emmène l’œuvre vers d’autres écoutes, d’autres approches.
Tel trait souvent noyé apparait ici avec une dimension qui insuffle un nouveau sens.
Telle respiration va donner une dimension à la phrase musicale là où ce n’était qu’un « arrêt ».
Telle profondeur dans les basses va donner au chemin harmonique une clarté là où la verticalité n’était que « de fait ».
Son sens rythmique et de tempo est permanent et elle en use afin d’un plus grand contrôle de l’expression ce qui permet sensation de suspension ou sorte de transe hypnotique (« Musica Ricercata N°7 » - Ligeti - Musica ricercata No. 7 in B-Flat Major - KHATIA BUNIATISHVILI - Deezer ).
Les contre chants sont d’un réalisme saisissant, comme des traits lumineux dans un paysage.
Et, son sens romantique évident n’est pas ampoulé, suranné, démonstratif ou exacerbé – il est juste, entendons par là adéquat, sensé, réfléchi tout en étant empreint d’une immense sensibilité, féminine forcément et plus qu’assumée.

J’ai parlé de la puissance de son jeu.
Rarement une telle puissance, une telle implication avec une telle préhension du clavier permettant d’en sortir toute la richesse ne me sont apparues.
J’admire aussi son recul sur le répertoire qu’elle choisit et qui est passé à une analyse rigoureuse afin d’en faire sortir les moindres détails.
Alors les pièces même les plus connues prennent une nouvelle dimension, apparaissent sous un autre jour, se déclinent sous de nouveaux angles qui ne contrarient pas les lectures faites auparavant par d’autres grands interprètes, mais qui au contraire, les augmentent, les bonifient, les repositionnent.
Pour exemple sa lecture de la sonate en si mineur de Franz Liszt (que j’ai découvert de façon fascinante gamin par mon prof d’analyse, Mr André Tissot, un de ces passionnés d’un temps où l’enseignement musical savait faire encore appel aux sens mais aussi faire interagir et réfléchir) replace l’œuvre dans le véritable contexte romantique, tel que Liszt lui-même j’imagine pouvait l’aborder. Mais elle y ajoute non seulement sa part personnelle de sensibilité romantique (ce qui est de fait, logique), de féminité et de sensualité, mais aussi de grandiloquence spectaculaire, en correspondance avec son statut médiatique, un statut finalement identique à celui de Liszt, en son temps. 

I. Lento assai - Allegro energico - KHATIA BUNIATISHVILI - Deezer

J’ai pu lire qu’elle faisait « à sa façon », sans réelle préoccupation de passé, de tradition ou autre.
Je pense donc le contraire de cela, je pense que sa façon de voir la musique aujourd’hui est simplement le reflet générationnel d’une lecture et d’une approche chargées de culture, de connaissance, mais aussi d’ouverture, de non enfermement, de conscience sociale contextuelle.
On ne peut jouer un répertoire en 2018 comme en 1950.
Des évolutions tant sociales que politiques, qu’humaines mais aussi esthétiques et artistiques ont inondé en un temps record la planète.
La condition féminine s’est, elle aussi, considérablement modifiée et elle est régulièrement au cœur des débats. Khatia Buniatishvili sait oser le débat extra musical, social, politique et la jeune géorgienne, opposante à la politique de Poutine, admiratrice de Martha Argerich symbole de la femme artiste ne mâche pas ses mots, étant en parfaite correspondance avec son temps, sa génération.
C’est avec de telles artistes que la musique classique peut espérer sortir de sa prison dorée.
Le débat basé sur les idées reçues disant que la musique classique n’intéresse pas ou plus les jeunes ne sera  bientôt plus avec de telles personnalités.
Et c’est bien certainement l’une des meilleures nouvelles culturelles de ce 21e bien engagé...

Pour en savoir plus sur l’artiste, c’est par exemple, ici (mais il suffira de taper son nom sur le web pour se faire une idée tant musicale que médiatique) :

mais il suffit finalement de l'écouter parler du piano...
Khatia Buniatishvili - Claude Debussy: Clair de lune with interview - YouTube

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ISABELLE FAUST

Isabelle Faust est une violoniste allemande, pas franchement une petite nouvelle, mais dans cette rubrique je veux lui octroyer une bonne place.

Je l’ai découverte par un enregistrement des deux concertos pour violon assez mythiques dans mes référentiels du genre à savoir, le Concerto à la mémoire d’un Ange d’Alban Berg et le Concerto pour violon de Beethoven ; deux œuvres essentielles, marquantes, incontournables du répertoire où en soliste elle partage l’interprétation avec le grand Claudio Abbado dirigeant le Mozart Orchestra.
Claudio Abbado est un chef pour lequel j’ai une admiration sans faille, quel que soit le répertoire abordé, quel que soit l’orchestre qu’il aura dirigé (avec cette consécration lui ayant fait reprendre le Philharmonique de Berlin) ou créé, il reste pour moi une exception.
La musique sous sa lecture prend toujours une dimension particulière chargée d’une intensité émotionnelle qui n’est jamais ampoulée, exagérée, mais toujours, là encore, juste.

Aussi j’ai automatiquement prêté une attention toute particulière à cette interprète, ce grand chef ne pouvant que choisir pour, qui plus est, ces deux concertos de légende, qu’une artiste de la plus haute qualité, du plus haut niveau et avec une philosophie d’approche des œuvres dépassant forcément la superficialité.



Mon père m’avait tout petit initié à Beethoven et son concerto pour violon je l’ai eu dans l’oreille par Isaac Stern depuis l’enfance. Puis je l’ai réécouté maintes fois par de nombreux interprètes fixant par la suite l’une de mes préférences envers l’autre star et diva de l’instrument : Anne Sophie Mutter.
Il y avait bien eu également la version de la jeune Hilary Hahn, là aussi...
Mais dès les premières notes du Concerto de Berg, que j’ai, là aussi décidément, découvert par mon professeur André Tissot j’ai de suite perçu qu’un autre espace, qu’une autre vision, qu’une autre dimension même s’imposaient à moi.

La musique de l’école de Vienne est et reste débat.
Il m’arrive encore de tenter de convaincre que cette contemporanéité est bien plus abordable et évidente qu’on ne veut le faire croire et que cette musique en son entier doit prendre une place dans la culture musicale en général, au même titre que, justement Beethoven ou tant d’autres classiques.
Avec une telle lecture par, à la fois un chef toujours soucieux du détail (souvent mélodique d’ailleurs) et une interprète qui a su, dans ce cas précis, toucher l’âme réelle de l’essence émotionnelle de l’œuvre,  voilà qui directement m’a fait adhérer à cette artiste.
Sa version de Beethoven n’aura pas démenti ma première sensation et surtout, là encore, elle sera allé plus avant, en creusant d’avantage le sens musical en repositionnant une œuvre du répertoire pourtant usitée.

J’ai donc installé, aux côtés d’Anne Sophie Mutter et un peu d’Hilary Hahn, Isabelle Faust.
J’ai découvert une artiste à l’implication musicale particulièrement exigeante, aux choix tant d’œuvres que de lecture toujours personnels tout en restant fidèles à une vision respectueuse du texte, sachant en tirer le détail qui fait à l’analyse, la différence.
Isabelle Faust a une discographie au répertoire vaste et couvrant des périodes bien diverses et il est intéressant de constater que ce souci de précision, de détail et d’authenticité s'associent toujours à un sens d’interprétation là encore juste, ce, quel que soit le projet auquel elle s’attaque, symphonique, musique de chambre, soliste...

Récemment elle a enregistré avec le claveciniste Kristian Bezuidenhout les sonates de Bach pour violon et clavecin. J’avoue avoir eu du mal à m’extraire de l’écoute répétée de ce projet tant sa qualité et sa pertinence mettent là encore Bach sur un autre registre, sur une autre dimension.
C’est assez inexplicable...


Je ne suis pas un auditeur inconditionnel de Bach, disons qu’il m’a fallu beaucoup de temps et l’arrivée d’Hogwood ou de Gardiner, par exemple pour l’aborder enfin avec une clarté qui jusqu’alors me m’apparaissait pas.
Là encore les cours d’analyse sur l’œuvre fuguée du grand compositeur m’ont servi après coup à appréhender son œuvre incontournable de notre histoire humaine de façon lisible en ne négligeant pas la matière scientifique et mathématique mais en trouvant au-delà de cet aspect qui m’était butoir, l’essence réellement émotionnelle et sensible qui est théoriquement en chaque musique ou se doit d’être exprimée.
Avec les versions de ces sonates (auxquelles j’ai de suite ajouté celles pour violon seul enregistrées par l’artiste - Sonata I BWV 1001 in G Minor : I. Adagio - Isabelle Faust - Deezer), ces axes d’écoute se sont fusionnés, enfin, pour ne faire qu’un – et ce seul fait m’a automatiquement redirigé dans l’écoute de Bach, chose qu’en fait j’attendais depuis fort longtemps.
Ne savoir décrocher de Bach, voilà bien un effet inattendu qui ne m’était arrivé depuis des lustres, depuis une messe en si mineur par Gardiner, depuis des suites version Hogwood...

Isabelle Faust , on la retrouve également chez Mendelssohn, pour une version lumineuse du concerto pour opus 6 en mi mineur avec le Freiburger Barockorchester dirigé par Pablo Heras-Casado et là encore la partition est redimensionnée, je dirais presque « réactualisée » en tout cas nettoyée des poncifs qui s’étaient installés au fil des temps, d’interprètes, d’habitudes oserais-je...mimétiques.


Du baroque au romantique en passant par le classique avec des interprétations d’une précision métrique, rigoureuse et tout à la fois sensibles des Concertos de Haydn (là encore un des compositeurs pivots de l’histoire ayant modifié tant la forme que la compréhension de la musique pour la rendre lisible, claire et « pédagogique » envers un public las des frasques et ritournelles des temps baroques),  j’ai retrouvé Isabelle Faust toujours aussi pertinente, impliquée et encore une fois juste et au jeu d’un rare réalisme. 
Le Munich Chamber Orchestra officiant  sous la direction de Christoph Poppen décline ici une sonorité éloignée du symphonisme ample avec lequel l’on a l’habitude d’écouter Haydn, le souci d’authenticité s’imposant ici dans la lignée des avancées des baroqueux.


Pour les curieux il ne restera plus qu’à puiser dans son imposante discographie et ses nombreux projets et lorgner vers des contrées plus contemporaines – un choix vaste dans lequel j’ai inscrit Bartok ou encore Martinu, parmi tant d’autres sans pour autant croire qu’Isabelle Faust ne se livre à une boulimie médiatique d’enregistrements, on est ici bien loin du pavarottisme.



Il est des étoiles qui brillent sans souci d’aveugler mais dont l'intensité ne faiblit pas.

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NATACHA KUDRITZKAYA

Je reviens aux pianistes.

Natacha Kudritzkaya si l’on en croit sa biographie plutôt rapide est une baroudeuse de la musique.
Ukrainienne, tournées aux Etats Unis, en Europe, de nombreux concours, un passage parisien au CNSM... brr...
L’allure bien plus cool, mais au look, époque oblige, particulièrement travaillé pour une médiatisation bien relayée ( http://www.elle.fr/People/La-vie-des-people/Une-journee-avec/Une-journee-avec-Natacha-Kudritskaya-2714824 )... mais éloquente.

Là encore c’est par un album, une forme de mise en relief sonore du rêve que j’ai découvert cette artiste : « Nocturnes ».


Cet album est un appel à la méditation, à la rêverie, il est quiétude et intemporalité.
J’y ai retrouvé mes fétiches français Debussy et Satie exprimés avec une grande délicatesse et une retenue véritablement impressionnistes, par touches, par teintes, par demi teintes aussi, quelques éclats, des douceurs, un relief qui ne s’impose pas mais se dessine prudemment et surtout un mise en paix de la musique, comme un besoin vital d’un repos, d’une sérénité, d’un arrêt dans ce monde tour à tour hargneux, hostile, guerrier, masculin et belliqueux que l’artiste certainement connait bien, malgré sa jeunesse ...  
Un toucher fin et sensible donc, féminin,  ou du moins, l’idée qu’on puisse s’en faire, il va de soi.
Au fil de cet album j’ai aimé découvrir un compositeur qui m’était totalement inconnu : Abel Decaux 1869-1943 qui fut surnommé le Schönberg français – rien de tel pour attiser mon intérêt...
Et quelle découverte que ce compositeur...

Le premier album de l’artiste est lui, consacré à un autre pan de la musique française avec Rameau.
L’interprète ose Rameau au piano et lui donne ainsi une texture inhabituelle. 


Tout en respectant le texte et le jeu obligatoirement sans pédale elle arrive à proposer cette musique, souvent abordée de façon austère, dans un espace calme et méditatif qui modifie la perception du compositeur sans pour autant en changer l’essence rigoureuse et métrique, voir méthodique.
Rameau a souvent été le prétexte d’ouvertures et d’expérimentations, sa musique à la fois minutieuse et mathématique permet cependant de multiples possibilités d’appréhension et d’adaptation. Très minimale et posée, la musique de Rameau permet l’ouverture et l’actualisation sans pour autant que sa substance ne soit dénaturée.
J’ai en mémoire ce qu’en fit Bob James encadré d’une bardée de synthétiseurs, orchestrant par là l’antique compositeur. J’ai également comme un souvenir cher ma rencontre avec François Raulin, venu présenter en master classe l’album de Sclavis (E.C.M encore une fois...) « Les Violences de Rameau »... deux visions, deux extrêmes mais au sortir toujours cette base, comme inébranlable, au-delà des traitements possibles.
Alors, Rameau au piano, j’ai de suite adhéré au point de ne pas décrocher là encore de l’album pendant un bon bout de temps et d’y revenir encore souvent.
Natacha Kudritzkaya est donc progressivement entrée dans mon quotidien musical pianistique, installant par sa délicatesse (ce même dans les œuvres contemporaines les plus âpres d’apparence), la couleur de l’instrument et des œuvres dédiées à celui-ci comme un havre de paix, tel un pont suspendu au-dessus de l’espace social et quotidien agité dans lequel nous nous laissons embarquer à contre volonté, à contre-courant, à force de vie et de stress inapte et inutile.

Il me restait un album à ajouter à ces deux-là, intitulé « Les Années folles », un album de musique de chambre où elle perpétue, en duo, en compagnie du violoniste Daniel Rowland sa quête d’une musique française qui lui semble chère pour un partage particulièrement délicat, respectueux et imagé. Et où elle se souvient de l’Amérique...


Poulenc (admirable musique que celle de ce compositeur), Debussy, Ravel côtoient le classicisme du jazz de Gershwin, la sensualité de Piazzola et elle nous fait découvrir un compositeur américain, George Antheil (1900-1959), venu vivre à Paris, puis à Berlin pour enfin retourner aux Etats unis et s’installer à Hollywood... un autre baroudeur...
Belle époque, affres de la guerre, excès, montée du nazisme, modification des comportements compositionnels vers le film, la comédie musicale, Broadway, temps « modernes », art déco, montée du jazz... cet album est un livre d’images ou plutôt de photographies noir et blanc, sépia, un reflet musical d’un siècle qui en a vu à la fois du progrès comme des guerres... là encore la pianiste fait mouche.
La rêverie fait place à la multitude d’approches d’écriture musicale que cette vie de première moitié de XXe siècle a forcément imposé aux compositeurs, artistes et interprètes ayant subi cette période agitée.
Son jeu s’est durci, il est plus  « direct ».
Une implication dans le dialogue musical et ce projet ont modifié tangiblement l’interprétation ici en lien social avec le concept.
Cet album défile comme une galerie d’images et de personnages... un autre plaisir, un autre regard, une BO qui finalement illustre nos souvenirs ou idées de cette époque de bouleversements.

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On a fait un tour réduit mêlant « stars » en reconversion, interprètes à la carrière sure et sans heurts
Il me resterait aussi tant de jeunes étoiles montantes à évoquer.
Les frères Capuçon, eux aussi sous les projecteurs médiatiques... à la carrière là aussi bien ancrée dans le paysage.
Lucienne Renaudin Vary... qui impressionne déjà.
Les sœurs Berthollet... autre coup de cœur.

Qui a dit que la musique classique s’enfermait et se refermait sur elle-même ?
Qui a dit que la musique classique n’intéressait pas les jeunes générations ?...
Qui plus est, cette jeune génération ne s’y cantonne pas, elle écoute tout et sait, justement intégrer toutes les musiques comme un seul axe, justement... la musique.
Il était temps qu’on y arrive – ça y est, je crois bien que la sortie du tunnel de l’élitisme et des œillères est juste là, à portée de lumière...
Enfin !











Commentaires

  1. Bon, tu poses la question du comment aborder une telle chronique. J'ai décidé, un de lire puis de choisir ce qui me tente le plus à l'écoute. Je ne pense pas facilement alterner les deux. à suivre

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  2. Complètement séduit par le papier sur Dessay et les idées qui vont avec, du coup je n'ai pas (encore) lu le reste. D.Krall? Diva? Mais revenons à Pavarotti (ou Monsserat Caballé) je reste sensible à cet aspect artiste qui dépasse l'oeuvre par son comportement, je comprends ce que tu dis mais j'avoue aimer le cabotinage associé à du talent. Mm Caballé c'est celle qui dans les grands moments d'Opéra oublie son personnage pour s’approcher du public et jouer sa star, comme pour un récital et tant pis pour l'intrigue. Le public lui est aux anges. Finalement Pavarotti en s'éloignant du travail éprouvant de l'Opéra a gagné probablement en notoriété et en repos, je pense à son duo avec Bono qui continue à me toucher énormément "Miss Sarajevo". Après, rien ne nous empêche de rappeler d’autres grands qui sont restés fidèles aux oeuvres: Comme un Alfredo Kraus qui m'a tant ému et donc ouvert sur Massenet et même Mozart (Note la prépondérance de l'Espagne à cette époque).
    Enfin Nathalie Dessay, j'ai écouté tes extraits et je meurs d'impatience d'attaquer le reste. Le "On A Clear Day" que je ne connais que par les Peddlers. Finalement désolé j'ai craqué et ai commenté sans avoir lu le reste... Partie remise

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    1. En fait, tout est question d'approche.
      Les baroqueux avec leur éthique de recherche et d'authenticité ont modifié très sensiblement l'approche de telle ou telle oeuvre.
      Aussi quand on écoute du classique les choses ont changé et ce comportement a maintenant dépassé le mode baroque pour inonder l'ensemble du domaine musicale classique.

      Jusqu'à ce "mouvement" tu écoutais sans trop référer à cette notion d'authenticité.
      Karajan interprétant Bach ou Vivaldi avec un orchestre massif et une interprétation empreinte de romantisme, on se disait certes, ou bof... mais bon... on avait peu d'alternative... Marriner ? (trop jeune et pas encore référent mozartien), Harnoncourt ? (pas encore célébré)... etc...
      Puis ils sont arrivés en masse (Christie, Hogwood, Gardiner, Marriner, Pinnock et tant d'autres Savall) et ont tout chamboulé et alors les divas et autres vedettes ont eu l'aura modifiée par ces nouveaux comportements d'écoute.
      Bien sur que j'aime Pavarotti, les divas telles Callas, ou Gould là n'est pas la problématique car il faut des guitar héros aussi...
      ou des Sinatra ou des Ella...
      Mais il y a eu adaptation, regarde Bartolli qui est la nouvelle passerelle entre ces deux approches elle respecte l'une et transcende par son charisme, sa voix, sa technique en réelle diva.
      Mais j'aime aussi la modestie rapport à l'oeuvre, le réalisme de l'interprétation qui passe avant tout par le compositeur plutôt que par ce qu'en fait le vedettariat.
      Ceci étant chez Wagner par exemple ce vedettariat ne semble pas simple alors qu'il est de mise et même je dirais "incontournable" chez Puccini...
      c'est curieux, mais il apparaît que certains compositeurs aient pris en compte cet aspect - est ce que ça aurait pu commencer avec l'air de la reine de la nuit ?...
      Faudrait y réfléchir.
      Et il y a Rossini... pas possible sans divas...

      Le bol d'air tu en parles justement avec Pavarotti/Bono, j'adore ce titre...
      N. Dessay a changé de cap mais reste, comme pour Roberto A, une telle maîtrise vocale, que du coup ça arrive à te transcender un sujet là où par exemple Barbara Hendricks avec pourtant le trio extra de Monty Alexander se révèle de la plantade totale...

      La partie est donc remise car faire une telle chronique là encore ça ratisse large et tu sais bien qu'en classique il faut arrêter le temps, y revenir, réécouter, chercher parfois la clé et se dire qu'en repassant pourquoi pas ....
      Mais ça tu sais largement faire et ça me surprend d'autant plus que c'est un "effort" qui se perd...
      à plus vite donc.

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  3. Pour le coup, je me trouve devant ce fleuve classique en découvrant quasiment tout. Quasiment, car je connais Khatia, cette pertinence ravageuse au piano que tu m'as déjà présenté. Un talent, une rage, une facilité et je n'ose imaginer les années de travail, en plus du don je pense. Les 2, obligé.
    Dessay n'a pas réussi à m'attirer dans ses filets.. pourtant..
    Pour les voix, je me fie à ma petite maman, elle n'aime pas du tout Alagna, je vais essayer pour avoir un petit peu de crédibilité auprès d'elle. Par contre, elle m'a parlé de Jonas Kauffman que j'ai découvert y'a peu avec les victoires de la musique classique. Je suis resté paff, mais pourquoi ?? je vais revenir donc mon Pax ;D

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    1. Bon, il te reste à piocher alors.
      Je n'ai pas parlé de Kauffman, ça viendra, surement, avec Capuçon et les autres sus cités.
      En ce moment j'écoute bcp de musique classique, c'est un besoin, ainsi que de l'ambient et bien sur ECM.
      Par périodes donc, le temps ? la saison ?...
      Va t'en savoir.
      La voix, pour résumer, on le sait, ça te touche... ou pas.
      C'est organique, alors ça ne s'explique pas vraiment.
      Certains vont adorer telle ou telle voix, d'autre y rester insensibles et là rien ne peut y faire.
      N. Dessay m'a tj fait vibrer, comme Bartolli d'ailleurs, même si elles n'ont pas grand chose à voir si ce n'est sens musical, implication et bien entendu technique imparable.
      Khatia c'est un "alien" du piano...
      Mais je suis resté admiratif devant les interprétations de Rameau de Natacha - au point d'avoir écouté cet album des dizaines de fois, te dire...

      Bon, à bientôt alors...
      Bizs (j'ai vu que la Claptonite revient - je vais le réécouter histoire de me sortir de cet univers et de retrouver d'autres classiques).
      Amitiés

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  4. KHATIA BUNIATISHVILI, je suis donc revenu, davantage intimidé par ce qui devait suivre, et finalement non, mon répertoire pianistique en tant qu'auditeur est pauvre en classique. Mais le hasard, vive lui. Je connais bien le Moussorgsky (orthographe?) et comme dans ton histoire d'abord via ELP (avec un H... Je n'avais pas fait attention au jeu de mot possible pour leurs détracteurs) et ensuite différentes interprétations orchestre et piano. Mais surtout le Liszt, je l'ai dévoré encore une fois avec cette dame qui donne elle aussi ce que tu appelles "grandiloquence", obligatoire avec ce film dont les images nous manquent si peu. laisse moi te raconter: En 2014 le blogueur AREWENOTMEN nous propose "Denis Matsuev - The Carnegie Hall concert" Dernier été avec Catherine, une location, je suis dans la cuisine avec un petit appareil pour écouter les MP3. Rien pour rêver ou s'échapper. Le choc que j'ai ressenti! Tu imagines sa puissance pour que je l'évoque si précisément. Dès les premières notes j'ai arrêté tout ce que j'entamais (mollement). Je devais à jamais changer de discours sur le sens de ROMANTIQUE. Toutes les émotions dans un parcours littéraire (Tolstoï) ou cinématographique (Welles), j'entendais un chef-d'oeuvre et c'était ma première écoute et pas un moment de répit, juste des variations, des ruptures mais toujours dans l'étonnement. Du coup régulièrement je me repasse les scènes, ce que j'ai fait encore avec Khatia B. et je suis incapable de distinguer qui de Liszt ou de Khatia trouve le moyen une fois encore de me transporter.
    Tu parlais des années 50... J'ai une version de Vladimir Horowitz de 1934... Époque, qualité de jeu et d'enregistrement, rien n'y fait il semble. Intemporel. Ceci dit je cherche des grands interprètes en supposant l'oeuvre exigeante? Comme discriminante.
    Le voyage continue. À suivre
    PS: Dimension politique aussi avec "Denis Matsuev" soutien de Poutine ... j'imagine une chronique tendue sur l'artiste et les enjeux politiques

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    1. Bonjour Antoine,

      Merci de partager ici un souvenir , des images, une part de vie donc.
      Cette sonate de Liszt représente à mon sens l'aboutissement du romantisme, une sorte de somme d'expressions, une forme d'un bloc, une virtuosité au profit du sentiment romantique ultime, comme si avec cette sonate tu tournais la page de ce "comportement" romantique pour entrer dans le XXe siècle.
      Mon prof de musique (et surtout d'histoire de la musique et d'analyse musicale - deux domaines dans lesquels il était un sommet) Mr André Tissot m'a fait découvrir nombre d’œuvres qui me sont toujours restées en mémoire comme essentielles.
      Pas des tubes, mais des oeuvres, qu'elles soient référentielles, symbolisant un style, une époque, une forme d'écriture, un exemple de mode compositionnel, d'orchestration, etc... à sens essentiel.
      Ces oeuvres elles me sont restées intégralement en mémoire car il avait cette pédagogie (que j'ai beaucoup "copié") qui consiste à l'anecdote, à l'histoire, à l'imagerie tout en fixant la musique de façon indélébile dans un cadre avant tout culturel.

      On avait abordé cette sonate suite à Wagner avec lequel il avait fait le rapport du respect entre ces deux hommes, Liszt devenu beau père de Wagner. Le sujet Wagner avait pris du temps avec l'axe du leitmotiv, le pangermanisme, l'aspect mythologique germanique et la grandiloquence orchestrale.
      Puis, ayant étudié jusqu'à une forme de familiarité avec la forme sonate et plus exactement le dessin classique de la sonate, le voilà qui arrive avec celle ci, grosse partition en mains posée sur le bureau.
      Je feuillette et réalise que là je suis face à un monument de répertoire et d'histoire - c'est noir de notes, de traits d'arpèges, on distingue des traits mélodiques noyés au sein de cette surenchère apparente d'expression...
      Les nuances jouent les extrêmes, la forme est respectée mais en un bloc avec un leitmotiv (l'intro) - il y a la fugue (le traumatisme des romantiques qui se penchèrent sur Bach), etc, etc...
      Il met le vinyle et là en suivant la partition je me souviens être entré dans une autre dimension, un autre monde musical qui mettait la difficulté virtuose non au profit de la seule démonstration mais au profit de l'intention musicale.
      Extraordinaire.

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    2. Cette sonate j'en connais donc nombre de recoins et je pourrais passer beaucoup de temps dans ma vie à l'écouter afin d'en redécouvrir d'autres car elle a cette capacité à être à facettes multiples et à proposer à l'interprète des choix selon sa perception, c'est très intéressant de comparer les artistes qui se sont lancés dans ce pavé à poser d'un bloc, donc avec une exigence analytique et un recul incontournables.
      J'aime à comparer sans aucune idée de concurrencer (car justement les degrés de lecture ouvrent l'oeuvre de façon à ce qu'elle semble défier le temps et les époques) les visions des interprètes.
      Je suis un fan d'Horowitz qui est certainement la lignée suivante de Liszt la plus proche de l'idée du compositeur et qui est un interprète majeur de l'histoire du piano et de la musique.
      J'ai beaucoup aimé la version d'Hélène Grimaud (dont on parle pas mal ces temps en blogosphère) et celle de Khatia B m'a apporté d'autres découvertes du texte - son incroyable capacité virtuose et sa puissance (à certains moments on entend que le piano est à saturation, qu'il n'en peut plus et les cordes frisent même jusqu'au désaccord...) associées à une vision forcément actuelle, personnelle (car revendiquée) et donc en rupture diraient certains avec les us et coutumes des précédents poseurs de jalons de l'oeuvre.
      Khatia B donne à celle ci une puissance assez inégalée qu'il faut intégrer, appréhender, accepter, mais qui en tout cas ne me laisse pas indifférent.
      Cette approche ne fait pas l'unanimité et en parlant de cet enregistrement on m'a même dit je cite "un char d’assaut à l'attaque du romantique", sans pour autant dénier cette approche.
      Tu imagines si je ne suis pas d'accord avec cette sensation - la puissance d'un jeu est pour moi une affirmation et un acte musical, tant qu'une implication réelle.
      On aime, ou pas... mais si comme ici elle permet la réelle palette de nuances alors, j'adhère.
      Question de point de vue.

      merci de ton passage et de tes coms, tj à sens de rebondissements.
      Amitiés.

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