ANGE – « Emile Jacotey / Résurrection » - 2014 (Emile Jacotey 1974)...

ANGE – « Emile Jacotey / Résurrection » - 2014
(Emile Jacotey 1974)...

1974 sortie d’Emile Jacotey, j’ai 14 ans, je suis fan, accro de ce groupe, je me rappelle avoir révisé tout mon brevet au son de 21st Century, Ces gens-là, Ode à Emile/Trace des fées, Dancing in the moonlight knight... sur fond de Trilogy/Tarkus épique occasionnelle ponctuée de Houses of the Holy.

A 14 ans la mémoire s’imbibe, s’emplit, fige...

Emile s’inscrit.
Aller « voir » Ange en concert dans ces années-là c’est assister à de grandes messes où se mélangent rock et poésie, pour une langue française dont ados nous n’avons pas honte. C’est entrer dans un univers féérique, médiéval, chargé de légendes, d’imagerie, une saveur mêlant électricité parfois sauvage et poésie ancestrale. Unique, épicurien, fantasmagorique, sale et obscène parfois, juste ce qu’il faut de Rabelais.
D’un coup d’éclair, la matière « français » prendra une part de valeur au côté des maths... et l’anglais sera relégué à la traduction des paroles qui, selon les groupes paraissent bien pâlichonnes face à la teneur évocatrice de Mr Descamps (Christian).

Emile Jacotey sera presque la Bo d’une certaine adolescence fantasmant sur des fées en diaphanes sorties du chapeau de Hamilton, grimaçant sur le pouvoir tel ce nain/gnome/fou du noble qui Coluche la fierté des nouveaux seigneurs ou encore réalisant que l’ancien, là au coin du village a peut-être autre valeur imagée que celle du vieux con.

Ange, un fait social ?...
Après tout je me dis que pourquoi pas...
Je vois d’ici Christian Descamps rire à de telles allégations, je comprends.
Mais Ange, vu de l’extérieur, du côté d’un public comme je l’ai été, ce n’est pas loin d’être ça.
D’ailleurs, voyez, je m’applique côté français, puisque je parle d’eux, moindre des choses puisque certainement ils font partie de ces influences qui m’ont donné le gout d’écrire, quel que soit le mode d’écriture.

J’ai eu de nombreux débats d’idées rapport à Ange.
Le plus difficile à tenir a été celui mettant en table, au cours d’une soirée épicurienne incitant de fait, à parler d’eux entre zicos, l’idée qu’Ange manquait de « culture »...
Voilà bien qui, ce soir-là me fit quasiment trouver vinaigre le nectar rouge du verre que je portais, heureux qu’Ange fusse là en discussion, à mes lèvres, en cette soirée d’amitié.
Il n’était pas loin le concert de Porcieu, ce lieu de campagne paumé où je les vis se produire aux suites d’un 11 septembre sur lequel ne point réagir eut été impossible.
« Sur l’échiquier du monde il reste encore le fou... », cette phrase résonne encore en moi et a prouvé toute sa véracité.
Derrière ce débat de racines culturelles il est apparu finalement que celui-ci cherchait avant tout à positionner l’axe musical, laissant de côté l’axe littéraire et poétique des protagonistes...
Je reste mitigé sur ce débat, j’ai toujours aimé Ange dans son intégralité, texte et musique ne faisant qu’un, sorte d’univers chargé d’éléments absolument indissociable et, à ce titre, il me parait complexe d’aborder le groupe uniquement dans son aspect musical.
Il est vrai que, si l’on cherche la petite bête, parfois, sans le secours du texte, on pourrait estimer la chose pauvrette... c’est du moins ce que je refusais d’admettre dans ce débat, mais que je pouvais comprendre.
Quand on aime, parfois, on refuse le discernement qui mettrait cet « amour » à mal.

Je suis un jour devenu fan d’Ange, me suis inscrit à UPDLM, leur fan club, ai passé quelques vagues mots dans le forum, mais il y a fan et fan et justement l’amour frôlant parfois la connerie ou la niaiserie, voir l’aveuglement, je sais que je ne serais surement jamais un vrai fan, au sens débile du terme, un jour.

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L’arrivée d’un nouveau Emile m’a rendu perplexe et il m’aura fallu quasi une année et demi avant de me décider à écouter le pourquoi et la raison qui peuvent pousser à remettre le couvert sur une œuvre marquante, sur un incontournable, sur un passage obligé, d’un groupe.

Zygel, que j’ai eu le plaisir mitigé de situer en concert tant en conférencier qu’en improvisateur aime à raconter qu’à « l’époque » de Mozart, un compositeur se faisait huer s’il « reprenait » l’une de ses œuvres et qu’il lui fallait donc pour satisfaire son public toujours innover.
Derrière cet avis dont je soupçonne un passéisme douteux, le bonhomme affiche clairement qu’aujourd’hui l’inverse est de mise, le public venant pour écouter ce qu’il écoute à longueur de temps dans sa bagnole, chez lui, bref dans son quotidien, en mode conso, jusqu’à épuisement et mise parfois à la poubelle pour enchaîner vers une autre redite.
Ce mode comportemental je l’ai vécu péniblement et à l’extrême lors d’un concert de Renaud, il y a bien longtemps.
J’y avais apprécié les musiciens, au professionnalisme irréprochable et, à l’écoute d’une épave naviguant sur des accords plus que sommaires, j’y avais détesté le public chantant plus fort que l’artiste lui-même, chacune de ses paroles haranguée par une masse moutonnée réunie là en un immense karaoké géant. Je n’ai retenu que bien peu de Renaud et ai subi les braillements d’un entourage imbibé, hypnotisé, stupide et auto satisfait de lui-même de gommer son artiste à son insu.

Pourtant j’aime à réécouter, remettre, redire...
Cela fait partie du plaisir, comme découvrir, d’ailleurs.
Mais ce plaisir de réécouter, c’est pour la réécoute, le souvenir qu’elle procure, au-delà de la musique, la poussée d’adrénaline, le besoin de nostalgie, ou encore l’accoutumance ?
Je n’ai pas forcément de réponses (une idée, pour sûr, mais tout se mélange, parfois, hein ?...).

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2014, Ange ressort donc Emile.
Pourquoi faire ?
Je ne me suis pas penché sur le moindre article, n’ai tenté aucune piste, juste pris ce fait pour m’imposer d’y réfléchir et de comprendre ce qui peut pousser à cela.
Et me voir réagir...

2013-14, je propose à un des groupes d’ados que j’ai au Conservatoire de bosser « La Trace des Fées », « Ode à Emile » et « Ces gens-là ».
Je veux juste leur démontrer que le rock français ne se résume pas Téléphone et à la rime boutonneuse d’Aubert et qu’on peut faire autre chose de la langue française sur un véritable « autre axe musical ».
Encore un de ces faits que je n’attribue plus au hasard que ce nouveau Emile qui va bientôt pointer son nez...
Brezovar est installé à Fréjus/St Raph, on entre en relation avec lui, je veux qu’ils le rencontrent, rendez-vous est pris, il ne viendra pas.
Je me souviens que nous avions piqué colère sur une interprétation en mode voice kids de ces « gens-là » par une des deux chanteuses. Nous partîmes alors dans une explication de texte, allant jusqu’à parler de Frida, sortir Brel du chapeau – ces gens-là ne supporte pas le superficiel.
Elle le réalisa bien plus tard lorsque justement, à the voice un candidat fit la différence.
Je me souviens l’autre chanteuse de « la trace des fées » réalisant que la poésie pouvait s’installer dans la chanson et voulant lui donner le maximum d’expression.
Le guitariste soliste s’était mis en obligation de jouer le solo texto de l’ode émilien bossé en sus, tant celui-ci semblait obligato.
Nous avions insisté sur les relances du batteur afin d’obliger le texte à prendre sa conscience, enfoncé les clous de la basse, choisi des synthés en mode vintage, souci d’authenticité impératif...
Bref, le prétexte à la panoplie du genre et le merveilleux outil social et pédagogique.
Avec Ange, on ne triche pas et l’on ne se cache pas – faut y’aller et se mouiller.
Ils ne mirent pas longtemps à s’en rendre compte, c’était aussi mon but que d’insister sur ce fait.

La mémoire...
La redite...
L’habitude.

En posant le CD dans le lecteur ayant juste regardé la liste des titres (tiens, en voici quatre dont je n’ai pas souvenir...) je connais déjà le chemin de l’album et je reste curieux, plein de scepticisme – je sais qu’il va me falloir hésiter entre déception, enthousiasme ou encore indifférence.
Ce sont finalement les trois sentiments principaux qui nous font réagir à toute nouveauté, et pas que musicale.

Je sais déjà que la voix de Christian Descamps a désormais des accents plus enclins au lyrisme, voire à crooner hors cadre, rapport à sa verve tonique et hargneuse d’antan.
J’ai appris à m’y habituer, même si je regrette souvent cette théâtralisation outrancière choisie par le leader dont l’univers pourrait se passer de toute cette surenchère tant il se suffit en soi.
Je m’attends forcément à un relifting des claviers, Tristan est un nouveau sorcier du genre, créateur d’ambiances, d’images, d’évocations, de paysages sonores.
Je veux triper sur la magie guitaristique de Hassan, lui est de ces guitaristes hexagonaux qu’il faut absolument retenir.
Et puis, je sais que peu de surprise m’attend côté rythmique, du plomb, du au fond du temps, des relances collées aux textes, de l’efficacité...
Du moins, ça je peux déjà l’imaginer.

L’album est donc passé plusieurs fois à la moulinette de mes écoutes depuis ce moment où la familière boite à musique introduisant la chèvre mise en lumière par une « ouverture » symphonisante, allant même jusqu’à, en un accord Majeur, bouleverser un fugace instant l’habitude.

On a beau s’imposer un minimum de volonté de découverte, (comme quand on se procure un live dont on sait qu’il va proposer des versions « différentes » aux originaux), face à ce nouvel Emile en studio me voici donc face à mon dilemme sus cité.

J’ai de prime abord opté pour l’option plaisir, celle du vieux fan qui va remettre le couvert d’un passé dont il connait les moindres détours, au texte ou à la note près.
Il a tenu ses promesses. 
Finalement le conditionnement d’écoute serait-il réel ?

Avec celui-ci j’ai apprécié d’abord la qualité du son, excessivement détaillé, soigné et précis.
A la guitare près, au médiator de jeu de basse près, à la nappe vintage ou numérique amplifiant la dimension stéréophonique près, à la compréhension/lisibilité des textes près...
J’ai complètement adhéré au travail du passeur familial Tristan Descamps, confirmé ici en orchestrateur unique, à la technique rigoureuse permettant un jeu riche de réel claviériste allant chercher ailleurs que dans des nappes de synthèse « de formule », des orgues juste de caractère ou encore des pianos éculés. Son travail créatif ici rend Emile plus profond, plus présent – il revitalise le texte, il dessine encore plus avant les contours de l’imagerie des sujets, il colle à son père et fait passerelle avec les autres compagnons de voyage.
Fervent admirateur du jeu de Hassan, j’ai évidemment énormément apprécié sa façon d’user des traces mémorielles de guitare impliquées dans chaque titre pour savoir tant les repositionner que les détourner, amplifier, modifier en restant personnel tant que respectueux du sujet initial.
Ça, peu eussent pu-su le faire... 
Il faut sacrément connaitre son sujet, il faut être en capacité de mettre sa personnalité dans le sujet tout en sachant la dégager – c’est une affaire bien complexe.

Emile en résurrection est augmenté de quatre nouveaux titres, brise lames qui collent à l’actualité humaine, sociale, politique, passée au crible par nos Anges depuis un retour sur terre présente, laissant en filigrane le "médiévalisme" devenu identitaire qui les avait poussé dans les seventies.
En plein fil conducteur des habitudes d’écoute d’un album en son espace intégral ils sont peut-être bien la surprise, la découverte.
Une fois passés au travers de cette chronologie où l’ode s’est vu relégué en coda presque ultime, lors de mes réécoutes, j’aurais peut-être préféré les garder à part, comme un EP bonus, comme un « ensemble » rattaché à, mais n’arrivant à s’inclure en...
Ce sont de véritables perles qui donnent aux nouveaux protagonistes la capacité d’expression de leurs talents créatifs et d’interprètes instrumentaux. Sortis du carcan obligato d’Emile, les voici s’emparant du propos pour l’amener ailleurs.
L’intelligence aura fait que trois de ces titres sont regroupés, au moins, cette parenthèse avant de revenir dans le vif du sujet m’aura permis de « changer d’émission », comme l’on zappe pour mieux revenir.
Là la section rythmique (Thierry Sidhoum-basse et Ben Cazzulini- drums) y fait preuve de sa prise de pouvoir crépusculaire, là Tristan est encore plus vorace en sonorités obsessionnelles, là Hassan se libère pour charger le propos d’acoustiques limpides ou de solis électriques incisifs et inventifs, là Christian s’égare en d’autres verbiages et se complaît en s’abreuvant de ses propres mots, dans le plaisir du verbiage pour le verbe, du tarabiscoté pour rimer, pour un jeu vocal où ce plaisir du plaisir de la langue m’éloigne encore plus de l’Emile que j’ai mémorisé .
Un Emile où les mots ne cherchaient pas encore à se complaire eux-mêmes.
Un Emile où ce français si habilement travaillé apparaissait comme naturel et évident.
Un Emile où le soin de la langue apportait à l’ode une dimension d’une rare intensité émotionnelle.

Emile en trace commune et connue est donc traité textuellement, que ce soit musicalement ou encore bien entendu en paroles.
J’y ai retrouvé à la quasi note près l’ensemble de sa texture, pourtant celle-ci est étoffée d’orientalisme, de déviances, de détails insidieux soucis d’une production soignée et parfois savante.
L’utilité musicale de tout cela ?
Je ne l’ai pas toujours trouvée ou encore comprise, la réactualisation d’un monument du passé rénové mais à la fois sensiblement modifié m’a procuré le plaisir de base mais ne m’a pas procuré, en premières écoutes, l’enthousiasme ou la curiosité que je pensais de mise dans un tel projet.

Les textes de Christian ont gagné en clarté, en articulation et en présence, d’un univers flou et imagé ils sont devenus réels et tangibles, ré-exprimés avec une proximité qui les place en premier plan, les expose au couperet de la critique, de l'identification, là où ils s’incluaient dans un tout indissociable.
L’immense travail d’arrangeur de Tristan est la clé de voûte qui m’a permis de quasi comprendre la véracité du propos et le pourquoi, certainement d’une telle ré-aventure, comme ces films à redite où l’on a adoré un univers nouveau, inédit et qui reviennent pour nous le recharger en mémoire mais augmenté de nouvelles technologies, personnages, effets spéciaux, intrigues.
La 3D s’invite, la dimension se surdimensionne, le son s’élargit...
Le nouveau Star Wars, le nouveau 007 dont le petit gimmick chromatique chopé au fond du poinçonneur s’invite sous les doigts d’une Adèle pour le coup sur-inspirée, quelques divergents ou un Total Recall relifté et sur vitaminé...

Le nouvel Emile ?... (Enthousiasme...)

Ouais, côté son, côté réactualisation du propos, côté passage à la moulinette du « vintage » en gros numérique, côté guitar hero, côté drumming massif en post prog double pédale, côté grosse basse des abysses ou à l’attaque de médiators, côté surcharge d’effets de verbe, la vache... ça dépote !
Tu le ranges aux côtés d’un bon gros Dream Theater, d’un massif Porcupine Tree, d’un nouveau Crimson, finalement, là où tu rangeais l’ancien aux côtés d’un bon gros Genesis, d’un bon vieux Crimson en larmoiements / armoiries Lake/Sinfield, d’un mediévalo-yes.

Et puis il y a Emile, vous savez, le vrai, celui à la voix familière, qui refait le monde de l’avant XXIème, de la fin du XXe, des années pré PS Pompidou/Giscard, en légendes, conscient que "l’on ne peut aller contre le progrès", et avec lequel on se prendrait presque à la tendance passéiste...

Sacré Emile, je crois bien qu’aujourd’hui tu changerais de registre... ou pas, après tout pourquoi faire ?

Que voterait Emile aujourd’hui ?...

FN ?
Car accroché aux propos populistes et racoleurs anti européens d’une Marine allant creuser dans le sillon rural, là où ça fait mal, là où l’identité si précieuse part en bordel complet il aurait vu sa campagne, sa retraite, ses valeurs progressivement érodées, abîmées, détruites par le magnat chinois ayant racheté toutes les terres autour de son lopin, le même magnat attendant cruellement qu’il passe l’arme à gauche pour se saisir impunément de sa parcelle ?
Car dégoûté d’avoir tant bossé et donné à son atelier de maréchal ferrant la noblesse du travail fait avec passion, le voilà avec une retraite de misère.
La Marine a tant de discours racoleur pour le monde rural mis à mal d’aujourd’hui... qu’Emile est son premier client à récupérer dans ce le bordel dont elle tire d’habiles ficelles.
Sarko ?
Vraiment pas sûr que Emile apprécie l’arnaqueur aux fanfaronnades parisiennes de banlieue riche et au costard cravate si éloigné de ses préoccupations quotidiennes simples, normales, humaines, logiques, vitales.
Emile à qui l’on aurait certainement offert une télé plasma taille correcte, signe du progrès, aurait impérieusement appris à zapper dès que l’excitant personnage aux casseroles bruyantes comme le festival de trash métal estival qui s'est invité dans le champ d'en face, pointe son air sérieusement sérieux au journal de 20h.
Emile aurait forcément l’âme du vote utile, pas du vote VIP-pognon-auto satisfait. J'ose y croire.
PS Hollande ?
Ah... ‘tain, il y avait cru notre brave, attachant et formidable petit vieux quand ce paradeur de la foire européenne, de la croisade pour redonner au « monde rural » sa noblesse, se présentait là, il y a 5 ans... 5 ans c’est moins long que 7, il avait cru en Chirac, cet ancien ministre de l’agriculture... tu parles...
En moins de 5 ans la vie d’Emile sous le règne napoléonien de Hollande a encore changé au gré du progrès. Emile doit désormais prendre l’autobus qui passe le chercher sur la place du village, ce, grâce à une association. Avec ses potes, il va au bourg pour chercher sa retraite, se faire soigner, faire quelques courses et au passage se boire un ‘tit canon (le bar du village est fermé, puisque l’épicerie s’en est emparé)...
Hé oui, la poste a fermé, le toubib s’est barré et l’épicerie, elle, est devenue bien trop chère pour sa maigre retraite. Alors il va au bourg, chez Lidl, il a essayé leader price – ben c’est pareil... heureusement qu’il braconne encore un peu, qu’il a un bout de jardin et quelques poules, Emile.
Mais bon, il a tout de même besoin de PQ et de lames pour son rasoir.
Mélanchon ou un reste d’Arlette ou encore un postier tapageur ?
Finalement peut être bien... mais pas si sûr.
La gauche dangereuse, concept ancré dans son patrimoine éducatif, il sait pas trop Emile...
Il a bien compris que le progrès on peut pas aller contre, de là à filer le pouvoir à des mecs qui passent leur temps à râler, râler des vérités, mais râler... pas sûr qu’il franchisse réellement le pas.
Il aime bien Arlette, mais Mélenchon, avec son costard et sa cravate rouge ça lui inspire pas vraiment confiance... les beaux parleurs et Emile...
Il aimait bien le postier, par contre, ah ce gamin, lui au moins...
Tiens, justement...
Y préférait ces jeunes, là, ces Anges un peu hippies qu’avaient débarqué d’la ville qu’y croyait...
Eux au moins, étaient curieux, respectueux, cherchaient à comprendre, estimaient ses valeurs, même qu’ils avaient raconté sa vie et celle du village dans un disque, un 33 tours... tu parles d’une aventure.
C'était en... 74 ? hé bé...
Et on en avait sifflé des bouteilles de gnôle maison... sacrée descente ces Anges là.

Finalement, Emile ne sera peut-être pas monté dans l’autobus pour aller voter au bourg, car le bureau de vote, lui aussi n’existant plus (l’école ayant fermé toutes ses classes depuis que son village est entré dans un truc appelé communauté de communes qui lui ponctionne ce qui reste de sa maigre retraite, le bureau de vote est parti avec...), il n’aura pas ressenti l’utilité d’aller mettre un bulletin dans l’urne, cessant là l’indécision morale qui l’effleurait à coup d’infos, de débats, de matraquage médiatique télévisuel et ce, jusqu’au fond de sa cuisine quand il écoute le match à la radio.

Les nouvelles chansons du nouvel Emile viennent donc insérer l’actuelle actualité, presque semblable, mais pire, à celle contemporaine de notre cher petit vieux.
Le progrès chargé des innocents aux mains pleines que nous sommes tous, petit rappel angélique, est allé bien vite.
Il aura permis que ce nouvel Emile en bénéficie, en son, en production, en clarté musicale et instrumentale, en technique instrumentale aussi et il continue à démontrer en puissant et logique paradoxe l’écueil du progrès outrancier, ou du moins de la notion de progrès annihilant, asservissant, abêtissant, contraignant, détruisant, malmenant... l’humain.

Finalement (passé l'indifférence et resté curieux), j’aime bien ce nouvel Emile.
Je ne sais plus maintenant si je lui préférais l’ancien.
Ils sont pareils et pourtant bien différents.
J’ai laissé de côté mon débat culturel, après tout, même si la question m’a encore effleuré, elle n’a pas vraiment raison ou lieu d’être.
J’ai réappris à m’habituer aux progrès lyriques et vocaux de Christian, il faut respecter le choix des artistes, d’autant plus qu’ici il s’agit de l’âme du groupe, de sa ligne, de son tracé, celui-ci ayant été jusqu’à une filiation. Ce n’est donc pas rien.
J’ai (re)pris part à leur débat politique et social, humaniste et patrimonial – je les ai toujours suivis là-dessus, même dans l’utopisme le plus poétiquement flagrant.
J’ai réappris les paroles, auréolées d’un jour nouveau, de ce monument du rock estampillé AOC France.
J’ai retrouvé les fées, la chèvre légendaire, le nain sarcastique, ce, jour après jour car effectivement, écoute après écoute ce nouvel Emile parait surement différemment plus beau.
Je me suis laissé emporter par la transe des noces, sublime moment d’énergie festive à l’accordéon de circonstance et j’ai bien sûr pensé, et rêvé, comme il se doit, à Aurealia.
Emile a encore une ode digne de sa vie simple et pourtant exceptionnellement normale et ego et deus m’a encore saisi de puissance évocatrice.
J’ai appris à intégrer dans toutes ces habitudes réactualisées quatre actualités, quatre périphériques, quatre limpidités.

J’ai bien cru les bouder mes Anges, ou n’y plus croire.
Mais non, finalement, ancien ou renouvelé, relifté...
Emile, leur (notre) héro simple et familier, quotidien et amical, a encore beaucoup à nous dire et repartir avec lui et eux est une aventure à (re)tenter.







Commentaires

  1. Bonsoir Pascal,
    Magnifique billet.
    Prenant, profond, instructif de la première à la dernière ligne.
    Je ne peux que ré-écouter cet album à l'aune de ce que tu nous en dis...........( ça fait une éternité qu'il n'a pas tourné sur ma chaîne )......MAIS ce n'est pas gagné pour moi car je n'ai jamais été fans d'Ange ( pas vraiment transporté ni par leur musique ni par le chant de Christian Descamps.)
    Plus de 30 ans après, sait t'on jamais ??
    Il n'y a que les (oreilles) imbéciles qui ne changent pas d'avis !!
    Je te rejoins par contre sur la richesse et la beauté de leur poésie.
    Sur ce je vais retrouver l'Emile....
    francis

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    1. le chant de C.Descamps, justement... un des axes de cet article...
      mais bon, à dépasser ?... ou intégrer ?...
      Bon retour vers Emile.

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  2. Ah Ange ! Je connais surtout cet album, le seul que je possède, decouvert au lycée, ça nous parlait pas mal, et ils étaient presque de la région, ça leur donnait une certaine aura. ..
    Alors était ce le groupe de rock progressif français ? Je leur ai toujours trouvé un côté folk pour ma part. ..j'ai cette réédition dans mon DD mais pas encore écouté, un peu comme toi, je suis habituée à l'original, mais ça a l'air de devoir se tenter, alors. ..

    Et rien à voir mais Arte a passé un doc sur le rock progressif hier soir si ça t'intéresse. ..pas vu mais il est sûrement disponible en replay. ..;)

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    1. L'incontournable d'Ange que cet Emile et donc mon questionnement, justement... ici.
      Tu verras, expérience à tenter.

      Sinon j'ai suivi ce doc Arte.
      Pas mal, intéressant, comme tj orienté vers une direction pas forcément pluraliste car en interviewant une marge réduite (tull/anderson- curved air et le fantastique bruford ou encore c wander avec un peu de beach boys mais surtout s.wilson) ça donne un aperçu, un angle d'approche, un point de vue et c'est déjà pas si mal... mais encore une fois on retient le clivage social... chose que j'aimerais réfuter car trop simplement évidente.
      j'attends un autre angle avec anderson (jon), fripp ou encore eno voir wetton ou des mecs de dream theater, belew, p.gabriel ou p.collins, why not ? bref... plus large...

      merci du passage.

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  3. Houla la la. Comment tu as fait. Ange, c'est mon cousin qui m'annonce la sortie de "Au Delà Du Délire" qui reste donc pour moi l'abum de coeur. Emile c'est ANGE au Hit Parade de RTL que mes parents écoutaient, et moi tout fier... Maman, écoute, je connais ce groupe.. Et puis pour finir mon évocation c'est quand même le "Par les fils de Mandrin" que je me refais régulièrement, un truc perso, et souvent avec un beaujolais à la main.
    Sinon, ce "remake" Mon "Nain de Stanislas" ils ont refait mon "Nain"!! Maman!! La magie intacte malgré tout, car.. tu l'as dit, comme un ravalement mais on reste en famille, entre amis. Hein?
    Et puis tu as placé Émile face aux élections? Étrange cette sensation, comme si tu tentais d'entrer dans sa "peau" pour sortir ensuite et prendre une décision.
    Mon Grand-père a été cet Émile. Pas donneur de leçon, pas guide, consolateur par sa façon de raconter ses histoires.
    Un modèle pour nous de vieillir? Qu'allons nous raconter aux "enfants" (les moins de 60 ans) Moi je raconterai de la musique.
    Bonne soirée et merci...
    PS: pour le chant, avec cette voix qui me fait penser à Hubert Mounier (L'affaire Louis trio) ...

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  4. C'était loin d'être simple...
    Ange, c'est grande part d'adolescence, de fan des premières heures, c'est assister régulièrement à leurs concerts seventies.
    La série, cimetière des Arlequins, Par les fils de Mandrin, Au delà du délire... ça tourne encore régulièrement chez moi, comme une sorte de BO installée dans la vie.
    Puis il y a eu le choc Culinaire Lingus, pas remis de ce pavé en marre XXIe...

    Pour Emile, comme pour tant de ces gens avec lesquels tu croises les affinités, dès que ça parle politique, ça se complique.
    Je me rappellerais toujours cette petite mamie, au fond de sa cuisine/bistrot du hameau, fin fond de l'Ardèche, un midi...
    On avait joué la veille au soir pour un immense festival, fallait faire danser et le musette suivi du rock le plus festif étaient notre créneau pour ces moments ruraux épicuriens en diable.
    le lendemain, on se lève, tard, crevés.
    On va boire l'apéro au bistrot.
    On s'installe et la conversation tourne à la politique et la voici qui nous regarde et nous toise, sympathiquement, mais quand même.
    Moi, au prochaines élection je voterais Jean Marie, c'est lui qui va nous préserver des estrangers...
    mon collègue me regarde et insiste pour que je lance plus loin le débat...
    J'ose demander où ils sont ces estrangers, dans un hameau du bout du monde, ravitaillé par les piafs...
    Elle me regarde : "mais c'est vous bien sûr ! les estrangers qui nous volez nos terres, vous, de la ville !..."
    question de vue, donc... c'est bien ce qui m'interpelle dans le bon petit vieux - c'est tellement d'actualité, comme ce retour d'Emile qui veut lui coller, à l'actu en reprenant ses dires, sa philosophie simple de la vie qui nous manque, certainement ou pas...
    Le progrès...

    Sur qu'il vaut mieux raconter la musique...
    Et, ne me lance pas sur Louis Trio, j'adore ce groupe, ce chanteur ces arrangements, bref, toute leur production.
    Je n'ai pas encore fait l'article nécrologique, mais il s'en est fallu de peu.

    thx du passage.

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  5. Ca n'a jamais été trop mon monde, Ange, et pourtant, ils étaient de la famille, des Franc-Comtois, comme moi. j'avais récupéré une affiche de la tournée de 1994, la dernière sous la formation originelle avant la séparation.
    J'ai des disques vinyles d'eux, dès que j'en trouve un, je l'achète, et je l'écoute. J'aime la poésie de Descamps, et cette musique progressive à la française, un peu imparfaite, pas totalement érudite et flashante des Anglais.
    Il y règne la douceur de la campagne française des années 70, une forme d'insouciance d'où transpire le malaise de l'âme humaine, le racisme, la cupidité, la trahison, l'intolérance, la bêtise. Les sources culturelles, folks, médiévales et historiques, sont parfois naïves, mais elles sont sincère de la part de jeunes gens (à l'époque) ayant décidé de faire de la Pop music française un peu plus élaborée que la pauvre variété de l'époque.
    Ils avaient de l'ambition, ils ont ouvert des portes aux côtés de Magma, Gong, Triangle et Variations.Peu s'y réfèrent, car leur musique est finalement tellement abouti, difficile de venir après. Magma a ce même paradoxe.

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    1. C'est vraiment bien résumé...
      Le prog à la française c'est vraiment très identitaire, rarement urbain en effet, chargé de légendes et de rural, de campagne, de terroir avec tout ce que cela peut transporter sur son passage.
      Je crois qu'Ange reste un "cas" à part, tellement vrai, porté par une personnalité puissante en la famille Descamps.
      Maintenant Tristan a pris le relais.
      Ces mecs ambitieux doivent continuer, perdurer et prouver encore qu'un autre axe musical est et reste possible - c'est plutôt vital depuis quelques années.
      Savoir créer un univers, raconter en musique, raconter par et avec la musique, faire s'évader avec elle, revendiquer l'autrement, l'identitaire, le créatif... on est tellement encadré de formatif, de normatif, de produits...

      merci d'être passé ici pour un commentaire si pertinent.

      ps :
      Magma, tu imagines je reste un suiveur.
      Gong, pas toujours mais quel univers !
      Triangle je les réécoute souvent, ils font partie de ma préadolescence un groupe qui m'a mis le rock à l'étrier
      Les variations, idem...

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