QUAND LE JAZZ EST LA … (01) HOWARD ROBERTS - HARLEM RIVER DRIVE - LES BAXTER – REUBEN WILSON - RUDOLH JOHNSON
QUAND LE JAZZ
EST LA … (01)
HOWARD ROBERTS - HARLEM RIVER DRIVE - LES BAXTER – REUBEN WILSON - RUDOLH
JOHNSON
Quelques albums… cinq…
La playlist peut faire découvrir, mais les choix d’écoute liées installent de
différentes écoutes.
Et puis, dans un album intégral, il faut pénétrer la volonté de l’artiste.
Cerner au-delà d’un titre, d’un extrait…
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HOWARD ROBERTS « The Swingin’ groove of Howard Roberts » - Fresh
Sound Records 2018.
Cet album regroupe des enregistrements réalisés à la fin des années 50 (56 à
59).
Plusieurs combos pour accompagner et tenir le niveau à Howard Johnson, sorte de
guitariste virtuose avant l’ère du guitar-hero, au jeu limpide, incisif, précis
en diable, débridé, imaginatif et d’une rapidité à se mettre en face de Bird lui-même.
Tout un esprit purement bop, mais exprimé à la sauce West Coast, est posé en
quelques lignes au tracé immédiat, sans la moindre hésitation, quelques traits
jetés instantanément et propulsés d’emblée par le drumming hyper motivant (et
motivé) de Bert Dahlander aux balais (purée quelle prise de son, on est
carrément l’oreille sur la caisse claire) pour un swing à pâlir.
Victor Feldman oscille dans cette première partie de sessions entre piano et
son toucher si pur au vibraphone. Curtis Counce est à la contrebasse.
Vibraphone/Guitare, l’association miracle (ce n’est pas Gary Burton qui dira le
contraire), l’accord corde-métal.
Voici pour le premier combo.
Les autres sont tout aussi enthousiasmants, c’est bien le mot ! (Avec des
pianistes décapants de swing et emplis d’aise).
(Pete Joly piano, Red Mitchell bass, Stan Levey batterie / John T Williams
piano, Joe Mondragon bass, Jack Sperling batterie / John T Williams piano,
Curtis Counce bass, Jerry Williams batterie)
Vous voulez un album de pur fun jazz bien trempé dans son temps d’éclairage parfaitement
bopisant ?
C’est, sans détour, là qu’il faut aller chercher à s’esbaudir, à se pâmer de
bonheur, se surprendre à, enfin, claquer les 2 et 4e temps de ce
plaisir immédiat, direct, sans fioritures car employant un usage de langage
au-delà de la simple maitrise, mais totalement inspiré, assumé et assuré.
Jouer à un tel niveau d’aisance relève presque de l’inconcevable aujourd’hui –
pourquoi ? Parce que cette attitude « naturelle » face à la
difficulté et la virtuosité oblige malheureusement aujourd’hui trop souvent à
la démonstration, qui masque alors la réalité du propos musical.
Ici c’est juste leur façon d’exprimer la musique, rien n’est en ajout et de
toutes façons que pourraient-ils bien ajouter tant leur survol du sujet est
total et parait… facile.
Je me laisse alors emmener dans ces contrées, ces terrains de jeu où tout
semble insouciance, juvénilité, clin d’œil complice, merveilleuse camaraderie
musicale et amitié humaine.
On admire…
(et) on se tait…
(et) on se demande pourquoi Howard Roberts … on n’en parle pas, ou si peu, ou
plus… du tout…
(ça m’a rappelé cette compil’ triple vinyle « From West Coast to East
Coast » que j’avais en K7 et que j’ai épuisé jusqu’à en user la bande
magnétique…).
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HARLEM RIVER DRIVE « Harlem River Drive » - Roulette 1971.
Un album culte.
Un…
Sous la houlette des frangins Palmieri (Eddie et Charlie) nous voici face à une
véritable fusion déferlante de tout ce qui se joue, fait, produit en ces années
fin sixties, début seventies.
Et la réunion de musiciens participant à ce témoignage représentatif de la
synthèse de ces mouvances en atteste.
On trouvera regroupés çà et là :
Randy Brecker, Burt Collins (trompette), Victor Venegas, Gerald Jemmott
(basse), Bernard Purdie, Reggie Ferguson, Dean Robert Pratt, Nick Marreno
(batterie), Cornell Dupree, Bob Mann, Bob Bianco (guitares), Eliado Perez
(congas), Robbie Cuber (saxophones), Barry Rodgers, Bruce Fowler (trombone)… et
Jimmy Norman (chant).
Ce type de consortium me fait directement penser à ce que fit bien plus tard
Kip Hanrahan sous cette forme de « collectif », mettant dans la même
pièce des artistes représentatifs d’un style, d’un jeu, d’une esthétique et
œuvrant vers et pour une direction nouvelle.
Miles électrique fit cela aussi.
Aujourd’hui, on retrouve aussi ce concept chez Snarky Puppy.
Le plaisir que l’on prend à l’écoute de ces albums c’est qu’ils sont à la fois
bien trempés dans leur époque mais aussi volontairement tournés vers l’idée de
défricher ce que pourrait être une sorte de futur, mettant en somme additionnée
le meilleur des tendances musicales mais également socio culturelles, voire
politico culturelles de leur « temps ».
Alors ce mélange soul, latin jazz, groove, funk émergeant par-delà le
rythm’n’blues, afro jazz, free music, cuban jazz et latin rock, entre tellement
de tendances apparaissant çà et là, au gré de cette passerelle
sixties/seventies, a une saveur unique.
Ce trait d’exception qui rend effectivement culte cette seule expérience, mais
qui fera date.
Comme chez Miles, la basse est centrale, comme chez Miles le piano Fender annote
tout de sa douce et folle couleur traficotée.
Comme dans ce rock de jam sessions flower power l’orgue Hammond gicle en
nappes, en traits, en clusters, de part et d’autre et les congas, invités bien
souvent à jammer sont impérieux.
Les arrangements de cuivres sont incisifs, audacieux et parfaitement pensés
pour ces développements improvisés vers l’infini sidéral que les chants vocaux,
mais aussi leads de saxs… aident au transport.
Quant aux batteries… elles aussi sont dans l’exacte vérité des jeux de cette
période et Buddy Miles chez Hendrix ou avec Santana, comme Al Foster en
puissance chez, encore une fois Miles, ne sont pas fantômes… mais bel et bien
références omniprésentes.
Les guitaristes semblent droit sortis des avancées de Gil Evans reprenant
Hendrix, émergeant du fatras des arrangements des cuivres.
Vous l’aurez compris, un album qu’il faut avoir de façon essentielle, aux côtés
de « Coup de Tête » en autres, de Kip Hanrahan, de « plays the
music of Jimi Hendrix » de Gil Evans, de n’importe quel Snarky Puppy, de
« Agharta et Pangea » de Miles ou même de « On the Corner »,
« Santana » pour son premier album ou encore le
« Caravanserail » et… de tant d’autres de la même veine, tant ces
collectifs regroupés en jam sessions sont captivants d’intelligence, de
musique, de réalité contemporaine d’une époque.
Foncez, il est… il va de soi… rare.
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LES BAXTER ORCHESTRA AND CHORUS « The Colors of Brazil – African
Blue » / GNP 1991 – enregistrements de 1966 & 1967.
Si vous avez envie d’un peu de lecture en mode catalogue, bottin ou inventaire
de magasin, allez jeter un œil intrigué sur wikipedia en tapant simplement le
nom de Les Baxter, chantre de l’Exotica, cette musique pré lounge, easy
listening, qui eut grand succès dans les années 1950.
Cet album tombe à point pour, quelque part, sortir du pèle mêle inextricable de
l’effarante production de ce chanteur, pianiste, compositeur, arrangeur, chef
d’orchestre et producteur.
Histoire d’un éclairage estival aux couleurs brésiliennes marquées par une
dimension et une vision orchestrale de pub ou de carte postale sonore, ou aux
teintes africaines auréolées de percussions lancinantes… il faut savoir, au gré
des titres, se laisser porter par ce kitch un tantinet décalé, presque
décadent, cette vue cinématographique idéaliste, idéalisée, idéale.
D’entrée un qu’est-ce-que c’est ? semble s’interroger en nous.
Avec en toile de fond l’idée… de jazz.
Mais pas de tromperie ici, juste une différence qui ne nous est pas franchement
familière, mais pourtant, si… si l’on y réfléchit.
Le foisonnement est de mise, la surenchère est légion, l’orchestre est tel ces
orchestres de la télévision Carpentier-Jacques Martin-Drucker-Lux des dimanches
ou samedis, chargés d’assurer le taff pour toutes et tous, surdimensionné.
Mais au moins y’avait un orchestre et… du travail pour tous.
Chœurs qui vocalisent les douceâtres mélodies, flûtes jusqu’à la subtile alto,
qui chantent, cordes de soie, cuivres de surbrillance, rythmique(s)
remarquables et marquées, percussions orchestrales surabondantes et nous voici
entrant dans cette carte postale, dans cette photo cliché, de plein pied comme
ces fims qui survolent, usent d’un exotisme d’image pour l’illusion d’évasion.
Le club med musical des années cinquante, de l’après-guerre, de l’exotisme naturaliste,
tout ça en un exemplaire melting-pot sonore et pseudo réaliste
(« Berimbau ») magnifiant « l’idée » des contrées en les
traversant par et avec leurs musiques et emblématiques thèmes.
Un arc en ciel traverse la pièce, toutes les couleurs sont bien là,
resplendissantes, éblouissantes, flamboyantes.
La terrasse du grand hôtel palace s’est emplie, tout est recouvert d’un blanc
virginal et vaporeux, la douce brise fait voleter le tissu léger des robes de
soirées, ces messieurs ajustent leurs nœuds papillons fièrement ajustés à leurs
smokings, le champagne coule à flots et l’orchestre… ah ! quel
orchestre !
Tous de blanc vêtus, rutilants tels des sous neufs, additionnés de sublimes
choristes mises en couleurs vibrantes, le sourire d’un blanc éclatant aux
dents, ils et elles jouent avec élégance et grâce ces « tubes »
exotiques, ces mélodies que tous ont aux lèvres et qui font déhancher
subrepticement, avec langueur et lancinance, avec classe érotico sexy, cette
haute société empanachée, distinguée et précieusement festive.
James Bond, OSS 117, et tous ces mythes… pour une autre BO… mais quasiment, la
même.
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REUBEN WILSON « Love Bug » / Blue Note 1969
Reuben Wilson, organ / Grant Green, guitar, / Lee Morgan, trumpet / George
Colemn, tenor saxophone / Leo Morris, drums.
Groove, soul, rythm’n’blues, blues bien sûr, ces ingrédients font et sont la
saveur de cet album, puissant, dense, intense, aux sonorités forcément roots,
d’une épaisseur compacte ancrée dans la jouissance du rythme.
Tout ici entre dans ce truc épidermique qui fait que, dès l’entrée et au fil de
l’écoute, on est, et, se sent bien, chez soi, à l’aise et simplement :
« comme on aime ».
Certes, on n’invente pas grand-chose, Jimmy Smith est passé par là, bien avant
cela et l’orgue Hammond - qui dispense de la basse instrumentale puisqu’en
général celle-ci est jouée au pied (pas si fréquemment que cela), sinon en main
gauche avec une astuce qui permet de transférer le son du pédalier sur les
octaves de celle-ci (second clavier) – est chose courante dans la production
musicale et inonde même le rock, de Deep Purple à Santana en passant par Steve
Winwood et autres Joe Cocker( Woodstock beatlesien…).
En ce qui concerne le jazz, l’axiome orgue tend fréquemment à sortir des
chemins des standards du « great american songbook » ou du jazz-blues,
pour se trouver un répertoire plus en relation avec sa texture et son usage
ancestral (celui de l’orgue, véritablement) du jeu churchy.
Aussi la soul, le funk et le rythm’n’blues sont des terrains de jeu qui permettent,
eux aussi, l’improvisation, le blues mode… mais avec une attitude musicale plus
hip, plus fun, plus dans l’air d’un temps que ces musiques insufflent.
Dans cet album, ils s’amusent.
Et ceux-là ne sont portant pas des plaisantins, côté musique entendons-nous…
Retrouver tant Lee Morgan (son solo dans « Love Bug ») que George
Coleman (idem – « Stormy ») dans un tel contexte, dans cet
environnement vigoureux, aux marquages forcés, aux rythmes appuyés pour les
écouter décoller en solistes féroces est déjà une source de bonheur.
Grant Green est, quant à lui, habitué à mettre sa guitare et son jeu au service
de la texture organique et même si c’est le cas et qu’on le sait, cela
n’empêche en rien l’appréciation de son savoir-faire en la matière qui ici
énonce l’évidence.
Reste Leo Morris, rare, (« Shape of things to come » / Benson - CTI),
propulseur d’un groove précurseur, qui drive tout cela avec un punch
impressionnant de tenue et de clarté.
Une sorte de pré-Gadd, en somme.
N’oublions pas le leader, sous influence et perfusion churchy, tendancieusement
rock, véritablement funky et hip, souple comme une panthère, efficace comme un
groupe à lui seul, énergique et complètement imprégné de cette sueur qui perle
généreusement au gré des plages.
Et puis les quelques « reprises » telles « I say a little
Prayer » ou encore « Hold on I’m comin’ », vraiment up, ajoutent
le petit plus d’assaisonnement curiosité qui vient forcément à la l’écoute de
leur apparition.
Vraiment sympa tout ça…
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RUDOLPH JOHNSON « Spring Rain » / Black Jazz Records 1971.
Rudolph Johnson, tenor saxophone / John Barns, piano / Reggie Johnson, bass /
Ray Pounds, drums.
Entrons maintenant de plein pied dans un post bop-hard bop, engagé, caressant
le free, sans concession, ultime et urgent.
Urgent serait véritablement et probablement la première sensation qui émane de
cet album qui passe d’un trait mais laisse derrière lui une ineffaçable trace,
tant ce qu’il « dit » est fort, intentionnel et instantané.
Une forme d’envoutement est immuable dès le premier titre et on se laisse
faire, pris par ce qui se dégage ici tant dans le jeu de chaque artiste que
dans ce qu’il tient véritablement à nous exprimer.
Sentiment tant individuel que soutenu par une âme collective indissociable –
tous vont… « dans le même sens, la même direction ».
Cet album est habité par l’âme profonde du jazz, il s’inscrit pleinement dans
la direction qu’aura pris le jazz sans détours, depuis ses racines.
Il n’y a ici aucun « cliché », juste ce langage jazz exprimé avec
actualité et possédé par son passé et même si l’attrait de la mouvance
funk-soul pointe son nez (« Diswa »), le tracé général, lui, ne
change pas de cap.
Penser individus et solistes ici serait presque inutile, leur degré
d’implication individuel se valorise par l’expression collective et même si le
« leader » a la part belle du jeu (« Spring Rain »), c’est
certainement par l’axe instrumental plus que par sa faculté à émerger du
spectre intense qui est, non son tapis accompagnateur, mais son alter ego
musical et général.
Je remarque bien sûr l’incroyable pianiste qu’est John Barns, je suis
enthousiasmé par le drumming de pousseur de Ray Pounds et admiratif face à ces
lignes de basse rebondissantes de Reggie Johnson…
Mais c’est surtout cette cohésion de propos qui me fascine ici.
Il faut pas le louper celui-là (l’album)…
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En voilà cinq (albums).
Faites votre marché.
Et.
Bonne soirée.
Une nouvelle salve..merci, je trie en commençant par le bas..ou plutôt par les 60's et 70's, le son l'époque, j'ai moins le risque de ne pas aimer quand le son et l'âme plane de ce côté. Là je bloque sur Ruben Wilson..je vais le garder, lui et sa discographie pour la journée. Charlu
RépondreSupprimerCharlu, merci de passer par ici et écouter.
SupprimerL'orgue jazz, c'est un peu comme l'orgue en classique - un nombre d'artistes phénoménal et des têtes de file qui ont presque tout pris en popularité, mais quand tu creuses.
Un peu comme au delà de Bach tu as Buxtehude et tant d'autres
Au delà de Jimmy Smith y'a, par exemple Reuben Wilson entre jazz - soul - groove et ce son churchy qui m'enthousiasme définitivement.
Sa disco, c'est un régal et tu vas te régaler.
Belle journée, alors.