VOYAGE BAROQUE – STEPHANIE VARNERIN.
VOYAGE BAROQUE – STEPHANIE VARNERIN.
Ce qu’il y a de toujours remarquable chez les interprètes
des périodes baroques, anciennes et classiques c’est cette quête permanente de
répertoires oubliés, rangés sur l’étagère poussiéreuse de l’histoire, ce désir
de mettre en lumière des compositeurs évoqués mais dont l’on n’a pas
spécialement d’airs, de pièces ou autres œuvres, en mémoire.
Si je vous dis Giovanni Paisiello, Niccolo Piccinni, Baldassare Galuppi, Felice
Alessandri, Giuseppe Scolari ou Gioacchino Cocchi, Carlo Francesco Cesarini, ces
noms vous évoquent t’ils quelque musique ?
Pour certains certes et certainement…
Pour même le féru mélomane, pas forcément.
Stéphanie Varnerin j’ai la chance de la connaitre un peu, très, ou… trop peu,
car sur une courte période toute aussi courte que celle qui m’amené d’une
rentrée scolaire de pédagogie musicale à un départ en retraite, j’ai pu avoir
le plaisir de la cotoyer comme « collègue ».
Il n’y a pas besoin de mois ou d’années pour cerner une personne et surtout
penser avoir avec elle des échanges sur notre métier qui soient constructifs –
la nature des choses fait qu’il y a des personnes vers lesquelles d’emblée l’on
« va » et d’autres dont l’on sait qu’à part les avoir face à soi en
réunions la relation s’arrêtera là.
J’ai donc eu quelque peu l’occasion de discuter avec elle, hors le marasme
pédagogique dans lequel on l’avait engluée et, l’écoute de ces deux
projets/albums, n’a pu que renforcer mon opinion éminemment positive à son
égard.
Son engagement éthique envers l’esthétique musicale ancienne qu’elle défendait
afin d’être entendue comme réelle interprète mais également pédagogue de cette
spécialité/spécificité s’entend et du moins se comprend ici sans la moindre
équivoque.
Une jeune femme passionnée, engagée, passionnante et solide dans ses choix et
arguments afin de non défendre, mais simplement expliquer sa démarche tant
artistique que - dans le cadre de nos relations – pédagogique et donc
professionnelle.
Il est ici question de qualité, de style, d’élégance, de conscience, d’engagement
et quelque part d’une forme de mission envers ces ouvrages qui se doivent,
comme tout un pan de cette musique passée aux oubliettes de l’histoire
(repensons à Vivaldi réhabilité vers 1930…
Et dont on ne cesse de retrouver des œuvres… une véritable mine d’or
musicale), d’être enfin (ré)exposés au grand jour.
Dès que vous l’écouterez chanter, vous classerez sa voix et son nom comme une
artiste à suivre, aucun doute.
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« Opera arias in Turin in 18th Century from Societa del Whist –
Accademia Filarmonica » est sorti en janvier 2024, label CPO.
Elle m’a informé de sa sortie via les réseaux sociaux et de suite, l’argument
m’a intrigué et incité à faire le détour. Il faut toujours faire le détour,
c’est là qu’on découvre les plus belles choses, les plus beaux endroits, les
plus beaux ouvrages.
Stéphanie est accompagnée par l’Astrée et, ensemble, ils nous emmènent voyager
à Turin - en particulier à cette époque (1740) où la cité va se doter d’un
théâtre, le Teatro Regio, haut lieu de la culture vers lequel convergeaient sur
une courte durée de programmation les amateurs de drames musicaux et de danse.
Le reste de la programmation était donné dans un autre théâtre, le Teatro
Carignano, plus modeste.
Nombre d’opéras furent composés pour être donnés dans ce haut lieu culturel,
politique et social que fut le Regio, mais nombre de pièces de théâtre et
d’ouvrages, représentations en tous genres (et langues) trouvaient place au
Carignano.
Tout cela est détaillé dans le livret de l’album qu’il faut absolument lire
afin d’un guide en « complément » d’information.
Parlons musique, comme toujours ici.
Face à nous sur cette scène que l’on peut maintenant imaginer, virtuellement ou
d’après quelques gravures d’époque, cet ensemble… précis, « joueur et
enjoué », délicat et subtil et … la voix, cette voix, virtuose, pure,
limpide, qui se joue avec la plus grande aisance de ces vocalises, de ces
traits qui ne souffrent la moindre faille technique et qui n’oublie jamais, au
passage la charge émotionnelle qui est inhérente à ce style.
Autrement dit, seule la musique et la partition suffisent à l’expression, nul
besoin de surenchère, d’effets de « manche »,
« d’interprétation » ampoulée.
Le rôle, la musique…
On est simplement en voyage, dans cette époque de faste et de sentiments de
cour aux affres soupirants, aux enflammements de cœurs en émois, dans cette
dramaturgie musicale qui est le reflet de l’humain d’une société
« haute » où l’apparat, la politique et les méandres des affaires
s’emmêlaient dans l’admiration de ces interprètes stars virtuoses de la voix,
vecteur charnel et émotionnel de ces « divertissements ».
Ces arias s’écoulent et s’enrobent sur ce tapis instrumental à l’effectif resserré,
tel qu’en ce temps afin de faire mieux briller la voix, il était coutume.
On admirera ce magnifique « Air de la Fauvette » de Gretry où la voix
s’entrelace dans une écriture magique avec la flûte et cet air conclusif du
voyage turinois ne donne que l’idée de le refaire, depuis le début et ainsi qui
sait, commencer à pointer tel ou tel compositeur pour tenter d’aller trouver ses
œuvres afin – curieux que nous devrions être – de faire des détours et de
s’intéresser d’avantage à ce pan d’histoire musicale bien trop peu mis en
lumière.
Des détours…
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« Cantatas » / Carlo Francesco Cesarini - Stephanie Varnerin, L’Astrée,
Giorgio Tabacco – Academia Montis Regalis | Aparté 2017
Partons maintenant à Rome, début 18e siècle, dans l’entourage du Cardinal
Benedetto Pamphilj avec cet album consacré à la musique de Carlo Francesco Cesarini
et plus particulièrement, ici, à ses cantates profanes.
Cesarini, compositeur et responsable de l’Académie Musicale se mit dès l’âge de
vingt ans au service du Cardinal et composa de la musique sacrée, des
oratorios, des opéras et des cantates profanes (« de chambre ») dont
environ soixante-dix nous sont aujourd’hui parvenues.
Le Cardinal est l’auteur de quatre des textes des cantates présentées ici, il
était également guitariste amateur et son rôle dans la vie culturelle romaine
était très important.
Il s’entourait de compositeurs tels que Corelli, Scarlatti ou encore du jeune
Haendel.
Cette lecture historique me fait encore une fois réfléchir abondamment sur
cette notion de soutien, de mécénat, d’engagement envers l’art, la création qui
à cette époque étaient choses communes, représentatifs de personnalités
éduquées, cultivées, intéressées par l’art tant que quelque part,
désintéressées, sachant qu’elles œuvraient pour aider à la postérité.
Le mécénat… existe encore aujourd’hui ou du moins en a gardé le nom et l’acte est
souvent estampillé « partenariat ».
Les banques ont pris la place des personnalités, les associations telles que
Rotary et autres Lion’s aussi et bien entendu l’état, qui a instauré la
pyramide érigée en dossiers.
Quant aux Sacem, Spedidam et autres Adami, je passe mon tour.
Nous sommes ici pour parler musique …
Revenons à cet album qui fera certainement découvrir ce compositeur romain
incontournable de cette période d’un baroque dit « tardif ».
Qui plus est, soulignant encore une fois ce travail de recherche historique,
musicologique, il faut savoir que les cantates présentées ici n’ont jamais,
jusqu’alors, été enregistrées, ce qui donne à cet album une saveur toute
particulière.
Des œuvres pleines de contrastes, de ferveur et de rôles, d’une grande
sensibilité et d’un caractère précieux que Stéphanie interprète justement, sans
préciosité, mais avec une densité vocale et intentionnelle particulièrement
prenantes.
Là encore, l’ensemble Astrée est bien plus qu’un point d’appui et une totale
osmose entre la chanteuse et l’ensemble se dégage tout au long de cet autre
voyage dans le temps, avec, qui plus est, une prise de son absolument limpide
et détaillée, d’une grande et naturelle présence.
Dans les récits d’une parfaite précision, au gré des arias où la voix impressionne
par son aisance technique, là encore au service du texte musical, par la
remarquable diction, par la justesse tant de propos que de tenue musicale, cet
album émeut … et magnifie, très certainement, ces pièces sorties, là encore,
des bibliothèques et autres archives, pour retrouver le faste qui leur est dû.
Une entrée dans la musique de Cesarini, ce compositeur du reste trop peu connu,
quasi obscur qui ici, sous couvert d’inédit, reprend place en pleine lumière,
défendu, interprété, présenté avec un certain volontarisme par l’Astrée et Stéphanie
Varnerin.
Ce voyage romain ne pourra que vous enchanter et suscitera, de pair, l’image de
cet esprit pastoral représenté par nombre de peintres de cette époque.
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Turin, Rome …
L’art vocal …
La délicatesse du baroque …
J’ai choisi et plongé avec délectation dans « Opera Arias In Turin In 18th Century », j’avoue qu’à m’être familiarisé avec des opéras de Mozart j’ai gagné en plaisir d’écoute des œuvres de l’époque. Et c’est étonnant de comprendre qu’il y avait un climat musical qui inspirait de nombreux auteurs alors que les moyens de diffusion était bien … hum .. différents.
RépondreSupprimerParmi ces auteurs, il y avait un nom qui ne m’était pas inconnu. Giovanni Paisiello. Cela commence avec la musique du film Barry Lyndon et cet extrait « Cavatina From "il Barbiere Di Siviglia" » À l’époque je me pensais malin « Houaaa l’autreuuuu, il ne sait pas que c’est de Rossini » Sauf que l’air ne me disait rien et pour cause. Il y a eu un autre « Barbier » Du coup j’ai cherché et trouvé l’opéra (et aussi Le Monde de la Lune).
Probablement que Mozart domine mais ce serait dommage de se passer de la joie qui se dégage de ces airs. Et tu as raison, quel voix madame Varnerin ! Ligne claire, pas de vibrato, et surtout pas de montagne russe qui impressionne au début j’avoue mais qui fatigue vite
Merci, cela donne un lundi tout joyeux
JE voulais aller l'écouter pour l'un de ses concerts à Sainte Maxime en Décembre, mais pas de chance, des olbigations autres ont pris le dessus.
SupprimerElle tourne beaucoup en PACA, t'auras peut être l'occasion d'aller l'écouter, en tout cas suis attentivement son actu, c'est une artiste à aller écouter.
Merci pour ce comm' éclairant, comme tj.