NED DOHENY, ART FARMER/BENNY GOLSON, BOBBY HUTCHERSON, SPHERE.
NED DOHENY, ART FARMER/BENNY GOLSON, BOBBY HUTCHERSON, SPHERE.
Petite virée au gré de mes disquaires internationaux favoris que je suis par
les réseaux.
Comme toujours, des découvertes à prendre (ou non) en compte.
On commence.
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NED DOHENY « Hard Candy » - Legacy recordings 1976.
Encore un obscur de ce rock dit Calif’…
Une pochette qui rappellerait celle, kitichissime, d’un certain « Double
Fun » de Robert Palmer et si l’on s’arrête là ce sera difficile d’aller
plus avant, tant ce côté visuel ados insouciants concons de série B américaine
qui envahit encore aujourd’hui les programmes et pas que de Netflix saoule par
son inconsistance irréelle.
Mais comme toujours il faut dépasser l’impression hâtive de première vue et
écouter.
Calif’ pur jus, dirais-je, avec tous les ingrédients, les recettes efficaces et
bien concoctées, qu’elles soient culinaires ou de cocktails savamment dosés.
Les amateurs du genre auront la banane, les détracteurs du genre feront leur
moue habituelle.
A chacun ses goûts et ses choix.
Ici le casting est, comme il se doit, de haute tenue.
David Foster est aux claviers, on trouve Steve Cropper (ce qui n’est pas rien)
aux guitares, John Guerin, aisément reconaissable, partage la batterie avec le
moins connu Gary Mallaber, il y a trop de bassistes dans le studio pour que je
les nomme tous et par contre un autre habitué des séances de ce genre est là,
Victor Feldman aux percussions. Et puis Findley et Scott (« The swing
Shift ») aux sections vents, c’est forcément attractif.
On oscille entre une pré version vocalisante de ce qu’a fait David Crosby
récemment, les balades soupe et les groove-beat funkysants en 16 usuels chez
Michael Franks ou chez les Doobie.
Le travail d’écriture et de réalisation des chœurs est somptueux et luxueux,
comme du CS&N ou du Steely Dan (« Sing to me ») de ciselage.
Une reprise (on disait pas cover à cette époque), sortie du répertoire du
Average White Band – « Love of your Own » et « « Get it up
for Love » qui fut un tube chanté par David Cassidy et composé par Ned
Doheny himself.
« Valentine », si j’avais découvert ce titre plus tôt, je l’aurais
volontiers joué au piano pour la Saint Valentin … qu’à cela ne tienne, je le range
dans ma tête, un bonbon comme ça, même présenté dur, ça s’imprime, avec le
goût, dans la tête.
On se laisse flotter, caresser par cette petite brise douce et chaleureuse et,
cheveux au vent, on se prend à se dire qu’on aurait bien aimé investir dans une
décapotable en même temps que dans les chemisettes hawaïennes (autre mode kitch
d’une autre époque), afin de donner une substance plus concrète à ce
déferlement de parfaite coolitude.
Vivement l’été.
Il a sorti quelques autres albums ce « beau-gosse.com », va falloir
que j’aille creuser ça.
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ART FARMER-BENNY GOLSON JAZZTET « Another Git Together » - Mercury
1962.
Trois cuivres pour ce sextet, Art Farmer au bugle, Benny Golson au ténor et Graham
Moncur III au trombone et la section rythmique avec Harold Mabern au piano, Herbie
Lewis à la basse et Roy McCurdy à la batterie.
J’ai toujours été attiré par ce son feutré et moelleux du bugle et en
particulier de ce qu’Art Farmer a pu en faire. Une sonorité qui ici a une
teinte toute particulière aux côtés du son caressant et reptilien de Golson sans
parler du jeu toujours subtil de Moncur III.
La section rythmique même si elle n’est pas une montagne envers laquelle irait
toute mon admiration a au moins la qualité d’être en parfaite adéquation avec
ces arrangements taillés sur la mesure des trois personnalités cuivrées. Elle
se cantonne presque à un jeu d’écritures stylistiques (« Another Git
Together ») qui agit avec une grande efficacité, mais semble s’installer
en une gestion type pattern.
De là, les solistes surfent avec aisance sur cette rigueur confortable et au
beats assumés.
Les arrangements surgissent, de ce fait, dans toute leur valeur d’écriture.
Une écriture où chaque voix a une place qui s’associe comme se détaille tant la
pertinence de celle-ci est forte d’intensité de couleur, en témoigne le
formidable « Along Came Betty » tant en thème qu’en riffs internes
post solos, cette composition de Benny Golson - compositeur de ce mouvement
hard bop trop peu joué et dont pourtant les thèmes sont de pures merveilles.
« Another Git Together » est l’un de ces albums où l’on sait qu’on
embarque pour un moment de véritable jazz, tel que l’on aime à s’en délecter, à
s’y ancrer, à se laisser aller.
Une expression de ce jazz cool à l’écriture soigneuse et ciselée, complètement
maitrisée et magnifiée.
Et, chose à noter, le trois temps est à l’honneur (« This Nearly was
mine » - « Domino »).
« Reggie » termine en beauté l’album, up tempo, mais toujours soft
comme l’étaient ces quelques quatre frères qui, sur des tempos de feu
n’oubliaient jamais, de rester … cools …
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BOBBY HUTCHERSON « Montara » - Blue Note 1975.
Une rythmique « latino », sans aucune équivoque, irise ce délicieux
album de Bobby Hutcherson, ce claviériste percussif (vibes, marimbas et autres)
… une rythmique comme échappée d’un Santana première mouture, là où le
guitariste flirtait encore avec le jazz dit rock et son
« Caravanserail ».
Cuivres obligatoires et le plaisir de retrouver ici Ernie Watts, tant au sax
qu’à la flûte.
Oscar Brashear est à la trompette.
J’ai également aimé retrouver le jeu toujours électriquement subtil et
mirifique de Larry Nash aux claviers.
L’album défile sur ce tapis de percussions qui installe cette infinie malléabilité,
arrondissant le jeu du bassiste Dave Troncoso et adoucissant le drumming, tout
en finesse, de Harvey Mason.
Les marimbas ou les vibraphones de Mr Hutcherson, réel virtuose (« Yuyo »)
des instruments (qui pourtant n’en fait nullement montre), peuvent alors
prendre une place minutieuse et pointilliste, véritables leaders aux textures
sonores magiquement placées sur l’échiquier de ce jeu où la finesse est
maitresse d’ouvrage.
Entre échappées salsa, balades langoureuses et grooves légèrement fusionnels
avant l’heure Spyro Gyra, le flash d’éclairage commercial Grover Washington, ou
les appuis plus rock, donc radicaux de Santana ( il reprend ici formidablement
l’incontournable, d’ailleurs, « Oye Como Va »),
« Montara », mi seventies, met l’accent sur le jazz tout en
considérant avec lucidité la mouvance qui l’entoure en s’en emparant avec
intelligence et souplesse.
Un album qu’il faut certainement – un de plus – avoir dans ses étagères et
surtout sortir sans hésitation dès qu’un besoin de bien être se fait
nécessaire.
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J.R. MONTEROSE « J.R. MONTEROSE » - Blue Note 1956.
J.R Monterose, Saxophone Tenor - Ira Sullivan, Trompette – Horace Silver, Piano
– Wilbur Ware, Contrebasse – Philly Joe Jones, Batterie.
Là, directement on entre dans le lourd…
J.R Monterose est souvent considéré comme un musicien underground, il est
estimé, respecté mais se veut inclassable, même si son jeu est, de fait, ancré
dans le post bop, hard bop.
Il a été influencé comme tant d’autres par Coleman Hawkins, Trane, Stan Getz ou
encore Sonny Rollins.
Jeune il intègre le Big Band de Buddy Rich pour le quitter assez vite estimant
que la place de soliste n’était pas suffisante.
Il a joué avec Mingus, Thornhill, Teddy Charles ou encore Kenny Dorham, un
joyeux CV s’il en est.
Puis il est parti en Europe principalement Belgique et Pays Bas et a vécu de
petits clubs en petits clubs ce qui, côté carrière, l’a vite fait oublier et
classer dans le registre pour amateurs avertis, collectionneurs compulsifs, de
là son aura underground.
Ici pour son premier album le voici remarquablement entouré ce qui donne à l’ensemble
une dimension d’excellence. Le jeu d’Horace Silver est tonique de bout en bout,
l’éternel drive de Philly Joe Jones est réjouissant et lumineux, le soutien de Wilbur
Ware ne s’en laisse pas conter et Ira Sullivan, magnifique, déchire le spectre
sur son passage.
Quant au leader et principal compositeur des titres à l’exception de « The
Third » (Donald Byrd), Ka-Link (Philly Joe Jones) et Beauteous (Paul
Chambers) il tient à ce point la comparaison avec Sonny Rollins, par exemple,
que cet album est considéré comme l’un des joyaux oubliés du label Blue Note.
Et en effet, on se demande comment un tel monument de post bop a pu passer sous
les radars tant ça envoie, ça pulse, ça s’excite, ça swingue, ça débite, ça
joue donc…
On découvre donc un excellent compositeur doublé d’un soliste très branché dans
le style de son temps mais avec cependant une réelle et puissante personnalité.
Les amateurs de ce « genre » ne pourront qu’apprécier et savourer.
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SPHERE « Inside Ourselves » - Strata 1974.
Eddie Nuccilli, Trompette - Larry Nozero, saxophones soprano et ténor - Jimmy
Peluso, Drums – John Dana, Bass – Keith Vreeland, keyboards.
Le hasard total que d’être tombé sur cette petite perle rare, ce groupe inconnu
à mon listing que Sphere.
Enregistré live à l’institut des arts de Detroit le 28 Juin 1970 et paru en 74,
ce concert est une véritable plongée dans ce jazz en mode jam session tel qu’en
ces années mode Woodstock il était commun de jouer en considérant l’espace
musical comme collectif.
Ce groupe est d’une rare pertinence et d’une qualité de propos remarquables ce tant en cohésion collective qu’en compositions
- les thèmes sont vraiment originaux et très mélodiques, l’organisation
structurelle est dirigée par une réelle vision – sans parler des solistes qui
se font pousser par une rythmique luxuriante, nous voici face à un « objet »
tant unique que de grande valeur musicale.
Il est des instants capturés qui peuvent défier l’éternité…
En voici un et ce groupe inconnu, tout comme les deux derniers titres présentés
ici… est bien l’une de mes découvertes les plus remarquables de ce début d’année.
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Terminer cette chronique avec Sphère était certainement la porte la plus
ouverte possible vers un bel univers.
J’en resterais donc là et puisque rien ne se referme avec une telle musique (de
telles musiques), bonnes écoutes à tous.
2012, J’ai un peu écouté le monsieur d’après le bouquin « HOTEL CALIFORNIA de Barney Hoskyns ». Mais c’est toi qui le replaces sous un projecteur, une place bien méritée. C’est une bonne pioche, ensuite lui pas de succès alors que par exemple un Jackson Brown cartonne – je dis ça pour ne pas avoir encore réussi à l’apprécier à la hauteur de son succès là-bas – le mystère du pas de chance ou bien pas de gros tube ? Trop cool ? Trop de concurrences ? Trop tard ? J’arrête les nœuds dans la tête.
RépondreSupprimerQuand j’écoute Cette soul blanche teinté de rock un peu, impossible pour moi de ne pas entendre aussi Hall & Oates. J’ai lu que « A Love Of Your Own » était aussi une de ses compositions.
Un chouette moment out décontract. Merci
Re,
SupprimerOui bien sûr Hall and Oates, ces duettistes que j'adore.
Le soleil appelle à ce rock décontract', cette soul blanche, etc...
Je ressors ça des bacs, chaque année.
Pour le reste c'est corrigé, merci.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
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