ORGAN … (03) ... jazz, jazz-rock, rock prog, rock ...
ORGAN … (03)
01- KANSAS : « Point of No Return » - Album :
« Point of No Return » / Epic 1977.
Rich Williams : guitars | Kerry Kivgren : guitars and keys | Jeff
Glixman : keys | Dave Hope : bass | Phil Ehart : drums | Robby
Steinhart : violin, viola, cello, vocals.
On sous-estime ce groupe de prog bien estampillé américain, tant en production
sonore qu’en manière, avec cette volonté d’inspiration « classique ».
Pour forcer le sujet, l’apport du violon n’est pas négligeable.
Quand ce groupe est apparu tous les amateurs du genre progressif se sont rués
dessus, je n’ai pas fait exception. Il faut dire qu’il était bien médiatisé
dans les rares revues spécialisées, tant en pages de pub qu’en articles et
chroniques. Alors ados b-moutonneux qu’on était on s’est précipités pour
« voir » ce que donnait le style outre atlantique.
On n’a pas été déçus, Kansas cochait vraiment toutes les bonnes cases.
En plus il proposait un concept au format chanson, avec des titres au timing ne
s’étirant pas en longueur, ce que certains de nos groupes européens avaient
désormais la fâcheuse tendance à faire (double album océanique – 4 faces, 4
titres pour Yes, par exemple).
Si on réfléchit un peu plus loin, on peut presque penser que sous cet aspect
élaboré ils ont participé au déclanchement d’un certain rock FM, n’oublions pas
que les premiers Toto s’inclinaient pesamment vers cette direction musicale
prog.
Quand j’ai entendu ce titre pour la première fois il y a eu, je m’en souviens
bien, ces deux accroches qui restent encore aujourd’hui, d’abord la voix de Steinhardt
qu’il soutient de façon très intéressante avec son violon et surtout les plans
arpégés de l’orgue de Kivgren, entre Wakeman, Emerson et même Jon Lord. Une
sorte de résumé en un instant de ce que l’orgue prog a dans ses usages de jeu.
Bien saturé, bien rock et au jeu sorti de l’écriture classique européenne – un
excellent cocktail.
Aujourd’hui Kansas c’est « Dust in The Wind » sur Radio Nostalgie et
cela semble se résumer à ça. Pourtant ils ont bien participé à l’envie de faire
évoluer le progressive rock, à la « façon » américaine (Foreigner,
Journey, Utopia, etc.) mais ces quelques années et heures glorieuses, malgré
quelques reformations (dont une avec Steve Morse) n’ont pas permis, hors fans,
de franchir cette barre des années bénies du style.
Et quand j’écoute ce titre, je me dis que, tout de même qu’est-ce qu’il était
bien écrit, structuré, plein d’idées et magistralement exécuté.
Un autre temps…
02- TRIUMVIRAT : « The Walls fo Doom » - Album :
« Spartacus » / EMI 1975.
Hans Jürgen Fritz : keys | Helmut Köllen : bass, vocals, acoustic
guitar | Hans Bathelt : drums, lyrics.
Revendication totale, sans honte, sans blasphème, sans vergogne même … ce, de
la texture et conception musicale jusqu’à la formation en passant par le son,
la production et tous les usages possibles.
Comme un copié-collé, comme une ramification directe, une filiation même.
Triumvirat, c’est E.L.P façon teutonne, façon orchestrale, à la culture
germanique et là, côté références classiques il faut admettre et reconnaitre
que le listing symphonique, concertant, pianistique, romantique, etc. est très
très long.
Alors comme c’est leur culture, ils puisent dedans, ce trio.
E.L.P …
Là où Keith Emerson n’a jamais été réellement à la tête de son super trio car
les personnalités de Greg Lake et de Carl Palmer ne lui permettaient pas les
réels pleins pouvoirs (en attestent les deux volumes de « Works »),
Triumvirat est tout de même soit l’affaire de Hans Jürgen Fritz, soit une véritable
affaire tripartite.
C’est certainement ça qu’on remarque en différence, au sortir, de façon
particulièrement notable.
Ce même si le parallèle dépasse l’évidence, que l’orgue et les synthétiseurs
naissants « font » symphonique, ambitieux, fourni, orchestral, grandiose,
etc.
Triumvirat j’ai toujours voulu leur faire dépasser cette première sensation
accolée à « Tarkus » et une fois cette volonté de scission réalisée,
j’ai pu réellement, sans rapports obligés, adorer ce trio franchement excellent
qui, tiens donc, lui aussi coche toutes les bonnes cases quand on est un
adorateur du son de l’orgue, des synthés, mais aussi, bien évidemment, du rock
dit progressif et symphonique.
Et ce titre en est une belle illustration.
03- LARRY GOLDINGS : « The Grinning song » - Album :
« Big Stuff » | Warner 1996.
Larry Goldings : Organ B Hammond, piano, melodica | Peter Bernstein :
guitar | Bill Stewart : drums | Bashiri Johnson : percussions
Quand j’ai découvert Larry Goldings chez Macéo, j’ai immédiatement compris que
ce serait l’un des organistes qu’il me faudrait suivre. Il a un jeu d’un
feeling phénoménal, des lignes de basse qui groovent sans réelle difficulté.
Un jeu qui oscille entre douceur et énergie et une gestion complète de la
sonorité « organique ».
Pourtant Larry Goldings reste très traditionnel.
Pas la moindre esbroufe, tout au ressenti, un ancrage profondément blues, un
positionnement forcément jazz, ce même quand il va plus que caresser le funk,
le groove et le rythm’n’blues de façon assez catégorique.
Une intervention en leader, en invité, en sideman, de Larry Goldings et c’est
l’orgue tout entier qui s’illumine, rappelant à quel point cet instrument doit
trôner, royalement, magistralement, sans la moindre équivoque, raflant la mise
à tous.
Mais pour cela il faut aussi l’artiste et que l’instrument en soit sa
prolongation.
Et avec Larry Goldings, ce fait est indiscutablement établi.
04- RHODA SCOTT : « Mood Indigo » - Album :
« Summertime » | Verve 1991.
Rhoda Scott : organ | Michael Silva : drums.
Avec cette entrée quasi liturgique, Rhoda Scott, accompagnée très minimal par
une batterie circonstancielle s’empare, plein jeu, de cette merveilleuse balade
ellingtonienne.
La profondeur du chant, la spiritualité de l’expression, la douceur du choix
des registres, toujours sous parfait contrôle nuancé – l’orgue dans toute son
immense splendeur.
Un must tant musical que de rapport avec cet instrument qui ici est
« exploité » à son maximum d’expressivité.
Un temps magique.
05- LARRY YOUNG : « The Cradle » - Album : « Heaven on
Earth » | Blue Note 1968.
Larry Young : Organ | Eddie Gladden : drums.
A deux (en général, orgue-batterie, comme ci-dessus avec Rhoda Scott), il peut
y avoir tant d’approches musicales comme personnelles, normal, c’est cela
aussi, le fait musical.
Larry Young choisit l’axe bossa, tempo assez rapide, il joue pédalier, main
gauche en rythmique et droite en mélodique, improvisation.
Eddie Gladden est un soutien rythmique de choix (j’ai toujours beaucoup
apprécié ce batteur souvent oublié des cadres usuels).
Larry Young c’est le premier chemin réel vers la modernité de l’instrument,
vers une direction qui va progressivement permettre de s’approcher du rock tout
en gardant les fondamentaux initiés par le jazz et le rythm’n’blues dont
l’instrument aurait peiné à se sortir.
Il ira expérimenter cela avec le Lifetime de Tony Williams, sorte d’alien
futuriste inimité et resté culte.
Larry Young connait bien son instrument, il sait, comme ici, en sortir
l’essence même d’un jazz tourné vers le futur, brisant sans révolutionner, mais
progressivement, les codes, malgré l’axe combo initial, resté là comme un
patrimoine.
Il a beaucoup apporté à la vision de cet instrument et l’a bénéfiquement
« dépoussiéré ».
06- JACK MC DUFF : « Yesterdays » - Album : « It’s About
Time » | Concord 1996.
Jack McDuff : organ B3 | John Hart : guitar | Rudolph Petshauer :
drums.
Extrait d’un album où Brother Jack Mc Duff joute avec Joey De Francesco, ce
titre, solo est magistralement dédié à l’Hammond B3 dans toute sa magnificence
tant soul que jazz.
Intro et coda solo, au jeu directement sorti de la paroisse du quartier, ligne
de basse irrésistible en walking qui va faire entrer la batterie et ouvrir le
champ de l’habituelle organisation orgue-guitare-batterie, ce combo dont nous
avons maintenant l’habitude et qui n’en finira pas de faire vibrer l’auditeur
est ici sous sa formule classique quasi définitive.
Le jeu de Jack Mc Duff est blues à souhait et la prise est d’un tenant (en
atteste quelques loupés de pédale dans l’intro, très vite récupérés…).
Le thème, « Yesterdays », un pur joyau de la couronne du Real Book et
du Great American Songbook résonne comme un hymne au jazz et… à l’orgue.
Allez, je file me servir un whisky et savourer, après tout … l’album.
07- SHIRLEY SCOTT : « Gee, Baby, Ain’t I Good To You » - Album :
« Shirley Scott Trio » | Prestige
1959
Shirley Scott : organ | Wendell Marshall : bass | Arthur
Edgehill : drums.
Pas de guitare cette fois au sein de ce trio formé par cette artiste
emblématique et ayant beaucoup de fans, de l’orgue.
Avec la contrebasse et la batterie en soutien, cela réorganise le son
d’ensemble et oblige, par contre la soliste à œuvrer complètement sur les
registres de l’orgue.
Ainsi entre thème et improvisation Shirley opte pour un changement de jeu de
tirettes et de fréquences. Et, selon, elle va avoir un mode en voicings-block
chords très orchestral et très prenant.
Là encore un thème à mi-chemin entre blues et jazz où, si l’on connait le
texte, on ne sera pas surpris de l’entendre de façon sous entendue dans le jeu
même de la brillante organiste.
Brillante et qui est un fleuron féminin de l’instrument.
08- JOHNNY « HAMMOND » SMITH : « Speak Low » -
Album : « The SoulFull Blues » | Prestige 2000.
Johnny « Hammond » Smith : organ | John Abercrombie :
guitar | Grady Tate : drums | Houston Person : tenor sax.
Sur ce thème du compositeur juif-allemand Kurt Weill sorte de pendant Gershwin
du tout Broadway de comédies musicales, dont la musique fait tant le bonheur
des jazzmen-women le quartet dépote grave. La tendance est bop plus que hard
bop.
La première partie au drumming afro-jazz sur quelques mesures, avant de partir
en pur swing laisse Grady Tate s’emparer pleinement du propos rythmique (il va
d’ailleurs prendre place soliste en fin de parcours).
C’est un plaisir de trouver ici John Abercrombie qui fait une pause ECM pour
plonger bénéfiquement dans le jazz de club qu’il doit-devait aimer savourer
lorsqu’il est-était à NY.
Mais John est un habitué du travail avec organiste, il a d’ailleurs sorti chez
le label allemand des albums en trio avec Jan Hammer à l’orgue et Jack
DeJohnette à la batterie.
Ici, pas de place à la respiration, c’est envoyé de a à z, avec ténacité, brio,
virtuosité et débit.
Quand c’est – comme ici – mené avec envie, rage, impulsion et implication, ça
laisse… pantois et admiratif.
Et le titre terminé on se lève, pourquoi faire ? Mais applaudir bien
entendu.
09- RONNIE FOSTER : « Swinging’ » - Album :
« Reboot » | Blue Note 2022.
Ronnie Foster : organ | Michael O’Neil : guitar | Jimmy Branly :
drums.
On va quitter cette première face avec encore une fois ce schéma du trio,
version 2022, chez Blue Note avec le tourbillonnant Ronnie Foster, poussé au
taquet par ses acolytes, jusqu’à la tenue inévitable qui permet à la Leslie de
prendre le spectre en fin d’un solo imposant.
Là encore, ça sent le live studio sans grosse préparation. On entre, on lit le
thème qu’on a surement un peu répété et présenté en session de club, puis trois
quatre et go !
Le thème est d’ailleurs bien succinct, juste un prétexte blues pour laisser
filer le feeling, les doigts et l’énergie.
Jimmy bourre tout le monde pour les pousser en retranchements, Michael entre
solo et rythmique fait de même et le leader est simplement grandiose.
Pour clore une face, rien de tel qu’un hommage tant à l’orgue qu’au … swing.
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FACE B
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01- SANTANA : « Evil Ways » - Album : »Santana »
| Columbia 1969.
Carlos Santana : guitar | Gregg Rollie : organ, vocals | Mike
Carabello, Jose « Chepito » Areas : congas, percussions | Mike
Schrieve : drums | Dave Brown : bass.
Cet album.
L’histoire perso qui va avec… (cf une autre playlist).
L’image sonore de l’orgue est totalement imprégnée dans ma mémoire.
Jusqu’à l’abandon du plein jeu vers le choix percussif par Gregg au départ de
son solo, pour revenir à cette puissance surchargée de saturation de Leslie et
de voicings en imitation de section cuivres.
Ce latin-rock fraichement exprimé, unique encore en son genre va tout balayer
et réjouir tant les pistes de danse que les festivals.
Y’avait un truc, vraiment et même si Carlos reste indétrônable, son groupe ici
est lui aussi lié à son succès interplanétaire.
02- JOURNEY : Walks Like A Lady » - Album : Departure » |
Columbia 1980.
Steve Perry : vocals | Gregg Rolie : organ | Neal Shon : guitar
| Ross Valory : bass | Steve Smith : drums.
Un super groupe c’est quand se réunissent de stars, sommités, emblèmes de
plusieurs groupes et qu’ils se décident à en former un version XXL.
Plus grand, plus fort, plus célèbre, plus commercial aussi, forcément…
Chaque fan de chaque groupe et de chaque musicien se rue dessus et le succès
avant même qu’un titre sorte, avant même que l’album n’ait été écouté est…
garanti.
C’est cool, non ?
Journey, c’est le pré Toto du truc…
Puis il y en a eu plein d’autres, la formule Blind Faith ayant donné
certainement l’idée jusqu’à Asia censé relancer le prog en perte de vitesse,
très vite rattrapé par UK…
Et à ce titre de super groupe ils en ont pris, mais vraiment pris, plein la
tronche…
Rock’n’Folk en tête, incapables de faire une part musicale des choses et
mettant dans le même panier la médiatisation, la starification oubliant, de
fait… la musique.
Pour l’album « Departure » je me souviens de la critique avec
un : « départ, vers quoi ? vers où ? » …
J’ai découvert Journey par le live qui était parallèle me semble-t-il à cet
album, une tournée giga stadium où l’on retrouvait l’essentiel de cet album que
je me suis précipité d’acquérir juste après et dont je suis incapable de me
lasser…
J’ai alors fait ma totale Journey et acheté tous leurs albums, pigé leur
évolution jusqu’à l’arrivée notoire de Perry. Il leur fallait un chanteur et
changer de cap.
Le côté jam session post Woodstock de ces gars biberonnés à la sauce bab’,
hésitants à s’incliner vers le prog à l’américaine (un genre pas encore bien
déterminé chez eux), ça allait droit dans le mur.
Aynsley est parti, Gregg s’est concentré sur ses claviers et a acheté tous les
nouveaux joujoux qui sortaient et tellement occupé à les traficoter il a
préféré laisser le chant-champ libre au nouveau venu, Steve, à la voix haut
perchée pour les stades bondés, au physique avantageux pour les groupies et
puis, surtout son charisme et son poste le mettait au-devant de la scène.
Alors Steve Smith est arrivé et a donné des leçons de batterie aux batteurs
admiratifs de sa technique, de son pluralisme – le gars capable de jouer sans
discernement rock, métal, jazz et jazz rock…
Et Neal a pu de son côté déployer sa panoplie de requin de studio et tel un pré
Lukather libéré du carcan seventies il est entré toutes guitares dehors dans le
rock FM eighties devenant lui aussi une sorte d’idole de l’instrument.
Ce titre est une réussite absolue.
Le jeu de balais de Steve Smith, la basse rebondissante de Ross, la voix haut
perchée de Steve Perry, perçante, pointue, rock juste ce qu’il faut, le solo de
Neal, absolument fantastique, le solo et le background de Gregg, mettant
l’orgue point final comme instrument claviériste ultime du rock, car bientôt
Hammond va être rangé au placard.
Amusez-vous à écouter chaque instrument, c’est carrément de l’orfèvrerie…
Et puis … ouais… ça swingue grave cette affaire…
Normal, c’est des américains.
03- DEEP PURPLE : « High Ball Shooter » - Album :
« Stormbringer » | Purple Records 1974.
David Coverdale : vocals | Glenn Hughes : bass, vocals | Ritchie
Blackmore : guitars | Jon Lord : keyboards | Ian Paice : drums.
Quand cet album est sorti, j’avais 14 ans.
J’avais acheté « Burn » avec ma tirelire… puis dans le rayon du
supermarché Continent, il y avait deux choix possibles dans ce que j’aimais et
connaissais (c’est dire pas encore
grand-chose) : le « Relayer » de Yes et
« Stormbringer » de Deep Purple.
Yes, je ne connaissais absolument pas mais la pochette, mais quelle
pochette !
Mais mes économies ne me permettaient absolument pas l’essai aussi Deep Purple,
zone de confort et de sécurité fut le choix immédiat.
Et quel excellent choix ce fut !
D’abord le groupe venait de prendre un virage funky que « Burn » ne
semblait pas autoriser et ce virage m’a ouvert d’autres perspectives, Glenn
signant et chantant là des titres absolument merveilleux qui me firent aller
lentement mais surement vers Stevie Wonder.
Puis David devint très vite mon chanteur rock de piédestal, il détrônait Ian,
d’un revers de Baaabe et de feulements bluesy.
Mais dans cet album, avec toute l’évolution tech des claviers je pouvais enfin
et peut être me découvrir capable d’apprécier le jeu fantastique de Jon Lord,
dont déjà enfant, je ne cessais d’essayer la reproduction sur mon piano droit.
Et vint le flash de ce titre avec ce solo d’orgue, court, incroyablement tendu
et efficace, royal, qui met tout le monde d’accord et place définitivement Jon
Lord au sommet des « pratiquants » rock de l’orgue.
Et encore aujourd’hui je réalise à quel point ce groupe reste marquant et
essentiel dans ce qui m’a fait pencher définitivement vers le rock, ces
musiques qu’on a ensuite définies comme « actuelles » et ce jazz qui
chez Purple, sous couverture de blues, n’est jamais lointain.
Jon Lord était un fan de Bach et de … Jimmy Smith.
04- BRIAN AUGER’S OBLIVION EXPRESS : « Total Eclipse » -
Album : « Oblivion Express » | RCA 1971.
Brian Auger : organ | Jim Mullen : guitar | Barry Dean : bass |
Robbie McIntosch : drums.
Lui, il est quasi inclassable.
Jazz-rock, Rock, Blues, Funk … faites votre choix.
Il est cependant l’un des organistes les plus célèbres et représentatifs de
l’instrument.
Mais sa musique reste une affaire d’afficionados, de spécialistes, de fans, de
curieux – bien dommage.
J’ai fait comme tant d’autres, par le hasard, pour le découvrir et savoir qu’il
existait.
C’est, je crois par son partenariat avec le batteur Alphonze Mouzon, une sorte
d’hybride entre Billy Cobham et Lenny White, que j’ai dû cibler son nom et de
là m’intéresser à lui.
Brian Auger aux claviers c’est un pionnier, un expérimentateur, un gars qui ose
et tente.
Avec l’orgue c’est la même chose, il pousse l’instrument vers des contrées
inexplorées et en dehors des clous que les habitudes d’écoute nous ont façonné.
Sa discographie, sous son nom, avec cet Oblivion Express, groupe absolument
fabuleux trempé dans le jazz rock avec une teinte de progressive rock mais
aussi comme sideman (il a joué avec un nombre incalculable d’artistes) est
impressionnante et atteste de la reconnaissance professionnelle du milieu
envers son talent.
Dans ce titre comme sorti des avancées jazz-rock d’un certain Larry Coryell, il
va chercher au creux de son orgue pointu et réverbéré (son solo à mi-parcours…)
des sonorités qui étoffent son piano, son piano électrique et qui vont finir
par prendre la prépondérance.
Un jeu orchestral, qui trouve des atmosphères inédites à cette époque et qui
sur ce riff immuable, obsédant, obstiné et envoutant, me laisse admiratif et
fait même passer la guitare qui pourtant est lead et affirmée telle (rappelant
sans hésiter le jeu de Tommy Bolin chez Cobham) … au second plan.
05- THE DOORS : « The WASP – Texas Radio and the Big Beat » -
Album : « L.A Woman » | Elektra 1971.
Jim Morrison : vocals | Ray Manzarek : Hammond organ | John
Densmore : drums | Jerry Sheff : bass | Robby Krieger : guitar.
Je ne saurais plus dire aujourd’hui quel est l’album des Doors que je
« préfère ».
J’ai pourtant mis un temps fou avant de les apprécier, les comprendre, capter
la personne complexe de Jim Morrison et appréhender correctement leur musique.
Il y a des personnes pour lesquelles le fanatisme absolu ne s’embarrasse pas de
réflexions, c’est direct, immédiat et avec les Doors il y en a eu tant et tant
de fans.
Ado, je n’accrochais pas, je préférais un rock aux performances tant
instrumentales que vocales plus démonstratives.
Mais… cet album trainait en permanence dans la chambre d’une amie et à force de
l’entendre j’ai fini par l’écouter.
Et le chemin a été anarchique mais passionnant, car les Doors c’est un groupe
passionnant qui ne se réduit pas à Jim, mais où chacun est un élément essentiel
de l’architecture de leur musique.
Le film m’a confirmé cet intérêt, sans pour autant que j’en sois accroc alors
que c’est par ce film qu’un revival de fans de mes élèves ados envers les Doors
a refait surface.
Exactement comme avec le film mettant en évidence Freddie Mercury et Queen, ce
film auréolant Jim Morrison et les Doors
les a complètement subjugués et il fallait, obligatoirement, mettre un
titre des Doors au programme de chaque groupe d’ados, cette année-là, en
musiques actuelles.
Et trouver… des élèves claviéristes…
Ca limitait le champ d’action.
Quand j’inscrit le mot Doors face à moi, c’est avant tout le son nerveux et le
jeu rythm’nblues tant que jazz de Ray Manzarek qui surgit, même pas besoin
d’écouter un titre, la seule évocation du nom du groupe et cette sonorité
semble être totalement associée à ce nom, puis vient la voix, la poésie de Jim
qui m’a amené vers Kerouac.
Ici Ray joue l’Hammond et en tire une sonorité hargneuse, incisive, agressive.
Il avait l’habitude du Farfisa, modèle suitcase pour les tournées, avec ce son
aigrelet caractéristique et le voilà au volant de l’énorme machine qu’est
l’Hammond.
De riffs qui vont l’amener vers un solo trempé dans le blues, il magnifie
l’instrument et Ray Manzarek, fait de toute façon partie des organistes qui lui
ont donné la noblesse dont il s’est paré.
Encore un titre incroyable des Doors, posé sur un riff obsessionnel implacable,
où Jim talke plus qu’il ne chante, où l’écriture orgue – guitare est collée,
mêlée ne faisant qu’une seule et unique personne musicale ce qui, au moment des
solos de l’un et de l’autre renforce leur impact, du fait de cette échappée de
cette fusion initiale.
Extraordinaires, ces Doors…
06- GENESIS : « The Knife » -
Album : « Tresspass » | Virgin 1970.
Peter Gabriel : vocals, flute | Tony Banks : keyboards | Anthony
Phillips : guitars | Mike Rutherford : bass, guitars | John
Mayhew : drums.
« Tresspass », presque au commencement, juste … avant.
Phil n’est pas encore arrivé et John fait largement le taff, on aurait tendance
à l’oublier.
Steve n’a pas encore pointé son nez ni son fauteuil d’où il tirera les cordes
magiques de ses guitares et là encore Anthony fait largement le taff, lui
aussi.
Genesis à cette période, c’est déjà très créatif, avant-gardiste, novateur et
ça nous amène le rock, autrement. Cela deviendra vite l’étiquette prog, il
fallait bien classer ce truc inédit, improbable et qui agit comme un poème
symphonique rock, afin de le ranger dans les bacs.
Peter est déjà largement au centre charismatique du propos, il inonde de sa
présence vocale, de ses textes, de son chant, de sa flûte … et de son jeu
théâtral tout le spectre.
Mike, toujours sobre et discret, le « John Paul Jones » de Genesis
est le pilier, la fondation, le socle sur lequel tout repose et puis il y a
Tony Banks.
Tony Banks, cet orchestre de claviers à lui seul, figé là sur son orgue, qu’il
sature et auquel il va, sous un jeu aux caractéristiques classiques, tout
simplement donner la force représentative de ce titre. Il y est essentiel,
indispensable et c’est avec et autour de lui, Tony et son orgue que tout s’est
construit. Il tisse de tirettes en Leslie, en saturations, en jeu de pédale de
volume une toile orchestrale d’une richesse infinie et exploite l’instrument
vers des contrées sonores qui n’étaient pas encore réellement en usages
jusqu’alors. Celui-ci était souvent exploité sous des langages chargés de jazz,
funk, rythm’n’blues. Pas encore vraiment … ça.
Et la fin en boléro avec ces arpèges directement sortis des pièces liturgiques
(ou du « Child in Time » de Purple), puis cet ostinato…
Cette intro en chevauchée fantastique, détournant le rythme rock du boogie,
shuffle pour en faire une chose épique et symphonique…
Oui, « Tresspass » est plus qu’un album prémonitoire, il est peut
être bien l’un des plus beaux de ce Genesis naissant.
07- JACK DEJOHNETTE : « Lay Lady Lay » - Album
« Hudson » | Motema 2017.
Jack Dejohnette : drums | Larry Grenadier : bass | John
Scofield : guitar | John Medeski : organ.
Du jazz, la reprise d’un titre de Bob Dylan, un « super groupe », le
genre de quartet avec des têtes d’affiche qui te fera dire qu’en achetant cet
album de toutes façons on sera pas déçu, heureux même.
Heureux comme à chaque fois que Scofield empoigne sa guitare et prend sa place
sinueuse dans la musique qu’il joue, avec amour, conviction et passion.
Heureux de se laisser emporter par le jeu foisonnant de Jack, immense, qui
tourne autour du sujet rythmique sans l’exprimer dans sa fonctionnalité totale.
Heureux de l’écouter aux côtés de Larry, en pleine puissance, en pleine
intelligence et porteur du tout avec un groove qui respire, détend et assoie l’édifice.
Et puis il y a l’autre John, cet amoureux des claviers dits vintage, de cet
orgue qu’il maitrise à la perfection et avec lequel il accompagne souvent John,
alors qu’il soit là, c’est en même temps logique comme synonyme de cette
continuité tant musicale qu’amicale.
Les deux John évoluent là, dialoguent là, partagent là, sur cette rythmique de
rêve, leur amitié musicale. Complices, à l’écoute, interactifs.
Parfait pour terminer ces deux faces d’orgue…
Et pour conclure l’année.
Je vous souhaiterais la suivante en temps 2026 utile, en attendant
j’orgue-anise de mon côté un réveillon musical, en trio guitare, orgue,
batterie … trop rare, tellement précieux.
Je vous laisse donc finir 2025 en tout, amitié, famille, musique bien entendu.
Et … à l’année prochaine !
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