PETITE PAUSE IMPULSE !
PETITE PAUSE IMPULSE !
Un pas de côté, juste à côté…
Le label Impulse, les emblèmes ?
Mingus, Coltrane… et bien d’autres soit issus de leurs formations respectives,
soit engagés dans une forme de new thing, un jazz dit moderne, parfois free, souvent
aventureux…
Mais pas que.
Charlap, Diana Krall…
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« MINGUS PLAYS PIANO – Spontaneous compositions and improvisations »
- Charles Mingus | 01/01-1963.
Commençons à contre-courant.
Charles Mingus, compositeur, contrebassiste incontournable quand on parle de
jazz et de l’instrument, quand on parle de jazz et de composition, quand on
parle de jazz et d’engagement culturel et politique, social et racial.
Une parenthèse dans son œuvre, une curiosité pour certains que cet album.
1963, Charles Mingus se confie, au piano.
Il décortique, met « à plat », ce, sentimentalement et
spirituellement - entre standards, compositions mingusiennes et improvisations
- sa pensée musicale « instantanée » sur un piano.
Croire ou encore imaginer qu’un compositeur de cette trempe ne connaisse que
peu l’instrument et s’en surprendre serait ignorer que création musicale et
espace du clavier sont bien souvent entremêlés dans l’histoire ce depuis que
des touches blanches et noires (parfois inversées-cf certains clavecins) se
sont mises au service de la musique, permettant de clarifier le son, de
l’organiser, de le « visualiser » et de l’orchestrer sur un espace
miniaturisé avant de le déployer, souvent en orchestrations… ou pas… ou les
deux (cf Ravel dont de nombreuses œuvres sont tant pianistiques
qu’orchestrales).
On s’attendrait à un jeu minimal tant en spectre qu’en technique…
Il n’en est strictement rien – à l’écoute et si l’on s’amusait à mettre l’album
sans que le nom de Mingus soit déclaré au préalable, nombre de pianistes,
forcément de jazz (ou pas que, finalement…), chercheraient de qui il s’agit…
Il suffira de se plonger dans « Body and Soul » qui est loin d’être
le plus aisé des standards et se prendre ce jeu s’écartant de l’habituelle
balade pour s’orienter vers un stride facétieux pour s’en convaincre.
S’en convaincre…
Ou encore se prendre « Meditations For Moses » en pleine face… il y a
là ce qu’un certain Keith Jarrett a forcément assimilé, sans parler des
promenades hispanisantes si chères à Chick Corea.
Ou des impressions debussystes tant recherchées par Bill Evans (« Old
Portrait » - « Medleys Anthem and Folklores »).
Charles Mingus est un pilier du jazz, son nom ne peut et ne doit être omis dès
que le mot jazz est prononcé.
Ses groupes, ensembles, formations, se sont aventurés pour que le jazz
s’implique différemment dans un contexte social et politique racial et raciste
en accentuant une volonté identitaire.
Charles Mingus connait la musique, les musiques.
Sa science, son écriture… son savoir-faire…
Ce savoir, il l’a mis au service de cette identité musicale pour la porter
encore plus au statut d’art, de patrimoine, de langage spécifique,
d’appartenance.
La musique de Charles Mingus n’est pas spécialement aisée d’approche, ce bien
que non expérimentale. Beaucoup ont expérimenté et nous ont gratifié de leurs
errances avant de peut être trouver leurs voies, c’est un choix et on l’aura parfois/souvent
subi.
Charles Mingus n’erre pas – il sait ce qu’il fait, sa musique même la plus
aventureuse est une pensée et forcément, quand elle prend forme sonore, ne
reste qu’à chercher à la saisir – cela peut demander un effort. A chacun sa
volonté de le faire ou non.
Ici avec cet espace pianistique en forme de parenthèse délicieuse et intime,
presque introvertie, il n’y aura aucun « effort » à faire – Charles
Mingus s’est offert et nous a offert au passage, un album « de
piano », un cadeau, une pause certainement sereine et délicieuse.
Un de ces moments d’une infinie exception qu’il nous faut savourer, comme il le
fait, ne pouvant s’empêcher de murmurer, un instant, le chant bluesy
gospelisant dans « Orange was the Color of her Dress, Then Silk Blues »,
sans la moindre hésitation, prolongeant ainsi sa voie(x) de l’instant.
« Medley, Anthem and Folklore » est une bien spirituelle conclusion,
une sorte de résumé de ces plages instantanées, témoignages d’un moment
privilégié, d’une envie artistique posée un beau jour en studio, par l’une des
plus impressionnantes figures artistiques du jazz.
Indispensable.
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« GREAT SCOTT !! » - Shirley Scott Trio | 1964.
Shirley Scott-Organ-Vocals / George Duvivier, Bob Cranshaw-Bass / Osie Johnson,
Otis Finch-Drums.
Arrangements et direction orchestrale : Oliver Nelson
Un album qui ravira les amateurs d’orgue Hammond, cet objet mythique dont, dès
qu’on l’évoque l’image de Jimmy Smith se dessine en haut de liste. Mais il n’y
eut pas que lui, preuve en est.
Un album qui ravira les amateurs de grosse artillerie orchestrale – un peu
comme son pendant « The Cat », Jimmy Smith – avec de surcroit un
orfèvre en la matière, Mr Nelson…
ça s’écoute fort, car c’est fort !
ça groove autant que ça swingue, souvent l’axe shuffle plus marqué, plus blues,
prend le pas sur le léger « chabada » drumistique.
Les sections d’un big band éclatant, écarlate, rugissent en tout sens sur un
drumming martelé toute grosse caisse pulsée dehors.
Mais d’autres espaces plus soft, en simple trio font la différence.
Voix trop réverbérées sur « Shadows of Paris », mais qu’importe,
comme un regain du « Samouraï » avec Delon pour les amateurs
d’imagerie cinématographique relayée.
Oui, le blues avec sa couleur churchy est à chaque angle, à chaque détour, en
chaque trait jouissif, en chaque trille organique, orgasmique. Percutant ou
moelleux, enveloppé de Leslie, saturé ou droit dans ses bottes, l’orgue est ici
le roi d’une fête qui pourrait s’étirer au plus profond d’une nuit urbaine.
Shirley le chante d’ailleurs, elle le magnifie, l’affirme (« The blues
ain’t nothin but some Pain »), le fait vibrer à en chanter la
moindre parcelle jusqu’à son solo, doublé en toute logique continuelle.
C’est brut et au son âpre et abrupt, direct, immédiat, sans fards – les titres
orchestraux s’insèrent dans ceux exprimés juste en trio, avec une ferveur et
une intensité urgente, immédiate et addictive.
L’album est court, ramassé, réduit à son plus simple timing, on en
redemanderait volontiers une fois le magique « Make Someone Happy »
posé en conclusion, tirage de rideau obligato, de mise.
Mais l’artiste et ses acolytes ont donné, en quelques minutes passées trop
vite, un essentiel dont finalement une surenchère n’eut pas apporté grand-chose
de plus.
L’orchestre arrangé par O.Nelson a éclairé et émaillé le nécessaire de façon
essentielle.
Le trio nous a plongé dans une féminité affirmée, en avant, clairement
positionnée avec un talent immédiat, sans contours, sans parures.
Il est des albums qui produisent un effet affectif instantané.
« Great Scott !! » est de ceux-là.
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« ART BLAKEY AND THE JAZZ MESSENGERS » | 1961.
Lee Morgan-Trompette / Wayne Shorter-Tenor Saxophone / Curtis Fuller-Trombone /
Bobby Timmons-Piano / Jymie Merritt-Contrebasse / Art Blakey-Batterie.
De la très haute volée qu’un tel album et ce dès l’entrée en matière avec
« A la Mode », c’est up, hard bop, le combo est somptueusement
arrangé, chaque soliste estampille de sa pâte son intervention et Blakey tient
tout ce beau monde, toute cette fébrilité, cette jeunesse fougueuse « à la
baguette ».
Je crois bien qu’adolescent j’ai vu Blakey au moins quatre fois et qu’il a été
un des artistes qui ont déclenché en moi l’idée du jazz à la batterie.
Puissant, rentre dedans, un tempo de feu, une technique laissant pantois – Art
ne lâche rien, pousseur de solistes, fédérateur d’idées… un véritable
soleil !
On n’a nul besoin de s’étendre sur le paquet de jeunots qu’il a sorti de
l’ombre des clubs pour les éclairer au grand jour – ici ça ne dément pas.
Et en plus avec Shorter et Timmons il s’offre de sacrés compositeurs…
Un vrai leader, genre exigeant, bienveillant, imposant le meilleur à son équipe
et centralisant tout cela pour un jazz « Blakey » identifiable dès la
première seconde.
Un point d’honneur à ce contrebassiste Jymie Merritt, parfait contrepoint et
contrepoids du torride batteur.
On ne connait que trop le « Invitation » joué à la sauce Pastorius,
on se délectera de cette version, tout comme l’on saura entrer directement dans
ces rythmiques latino-jungle (« Circus ») jouant l’alternance
swing-binaire, du grand art.
Wayne Shorter est ici magistral, caractéristique, nerveux.
Curtis Fuller possède un rare moelleux qu’il met au service d’une vélocité
toute bop et en parlant de bop, il n’y a pas une intervention, un solo de Lee
Morgan qui ne fasse décoller – lui c’est un plaisir rugissant de chaque instant,
une décharge d’adrénaline permanente, un choc énergique incessant.
Bobby Timmons est l’un de ces pianistes qui n’ont pas bénéficié d’une
reconnaissance plus que méritée – son jeu respire le compositeur, des idées, des
complémentarités, du contre chant, de l’inventivité… écoutons attentivement son
jeu background dans « You don’t know what love is », ce jeu
coloriste, éclairant, à la rythmique hors des sentiers battus par tant d’autres.
Art Blakey est, lui, l’incitateur, la flamme, il met le feu aux poudres, il est
le conducteur de ce véhicule rutilant, neuf et qui dévore tout sur son passage.
Petit break par ci, toujours parfaitement sous contrôle, gros swing par là avec
un jeu tant foisonnant que sobre et efficace, selon la motivation à induire au
soliste. Il est au cœur de l’action et bien entendu, même si cela ne semble pas
spécialement apparaitre car il n’est pas démonstratif, il en est indubitablement
le leader.
Ses interventions soliste sont au compte-goutte, minimes et mesurées et il n'en use
en aucun cas de façon envahissante (« I Hear a Rhapsody »).
L’album se termine par un arrangement retors de « Gee Baby Ain’t I Good to
You », se jouant des dédoublements de tempos, présentant des riffs de
cuivres sous thème improbables et permettant à chacun de décomposer la
pulsation à son propre infini. Bobby Timmons s’ancre dans le blues et Wayne
Shorter est tributaire d’un thème qu'il approprie directement à sa sonorité.
Alors s’il est un Art Blakey… je prends direct celui-ci.
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« Jazz’n’Samba » - Milt Jackson | 1964.
Jimmy Heath-ténor saxophone / Paul Chambers, Richard Davis-Contrebasse / Connie
Kay-drums / Hank Jones, Tommy Flanagan-piano / Barry Galbraith, Howard
Collins-guitars and Milt Jackson-vibraphone.
Immédiatement plus « classique », cet album aux droits repris par
GRP, prend instantanément sa place en swing dans le spectre de la chaine hifi.
« Blues for Juanita » est effectivement et tout simplement un blues,
délicieusement abordé et soutenu par les machines à swing que sont Chambers et
Kay.
« I got it bad and that ain’t good » nous installe le jeu si
reconnaissable de Milt Jackson, ces phrases lyriques et qui s’égrènent par traits
presque baroques, chargés de petits trilles, ornements et autres appogiatures
qui enchantent.
« Big George » et ce blues à peine thématique qui sert de prétexte à
s’échapper, décoller. Milt déploie tout son art bluesy du phrasé, caresse le
bop de ses mailloches. Il faut écouter le jeu de Connie Kay, ses relances,
points d’accents, un must du jeu de batterie swing et Paul Chambers qui se joue
des tessitures de l’instrument… Alors le tapis se déroule et Jimmy Heath peut
poser un immense solo de sax… sans parler de celui de Flanagan…
Et ça continue avec « Gingerbread Boy », ponctué d’incisifs petits
riffs écrits et qui avance sans faillir au gré des accents toniques de Kay.
« Jazz’n’Samba » (« So danço Samba ») avec Lillian Clark au
chant vient flirter avec le chaloupement bossa à la mode – efficace et oui,
rafraichissant, tout comme l’amusette « Oo oo bossa nova » qui laisse
place à la guitare. Milt a un peu de mal à lâcher son phrasé swing et semble
retenir son jet de notes habituel et Jimmy caresse ce nouvel horizon rythmique
qui a tant séduit son collègue Stan.
« I love you » va également partir pour un voyage ensoleillé. Milt a
repris du jus et se replace comme leader perlant de sa délicate sonorité ce
titre standard qui se laisse transformer en toute sobriété actualisée.
La plage s’étend à l’horizon, Milt a chopé le truc, Jimmy est parti avec lui et
les amis de la rythmique sont désormais bien positionnés sur ces ondulations
syncopées – Lillian est de retour pour « Kiss and Run », le genre de titre
qui reprendrait bien un coup de haut du pavé aux côtés de ces bossas devenues
tellement communes entendues à grand coups de soleil d’été.
« Jazz Bossa Nova » est un titre et également un style… Un tempo up,
pas langoureux comme la bossa mais pas aussi rapide que la samba… un axe
permettant le développement improvisé dont Milt s’empare forcément suivi de
Jimmy, autre trait lumineux de cet album à deux facettes.
Une face swing, l’autre bossa.
On termine portés par l’immuable et incitant Connie Kay… ce beat et ce petit
gimmick restent entêtants, réducteurs, simples et d’une grande efficacité…
J’ai retrouvé le Milt Jackson qui m’avait fait entrer dans le swing il y a fort
longtemps.
J’ai suivi sans la moindre hésitation son détour brésilien en vogue.
Un album charmeur et truffé de petites touches qui ne peuvent que ravir l’amateur
de ce que le mot jazz induit.
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J’aurais pu-dû mettre là John Coltrane, emblème absolu de « Impulse ! »…
J’ai préféré prendre les chemins de traverse, même avec l’autre emblème que fut
Charles Mingus…
Mais ce n’était qu’une pause. J’en fais maintenant souvent… des pauses…
|| c’est bien ce logo sur le bouton…
On y reviendra chez « Impulse ! », car comme chez les autres labels
de légende jazz, on a de nombreux artistes à sortir du catalogue et à ne pas
oublier, retrouver ou faire découvrir, qui sait ?
Régalez vous de Charles, de Shirley, de Art et de Milt.
Entrée, plat, fromage … et dessert, ce avec tous les délectables breuvages – un
bien savoureux menu que nous avons là !
Deux expériences: Mingus un régal, et j'ai un peu réagi à ton "introverti" Je pensais apaisé, calme Introverti j'aimais l'attribuer à Monk pour l'avoir vu jouer dans un docu où il était filmé de plein pied et profil, c'était étrange.
RépondreSupprimerEt le Scott, bien remué, quelle énergie, quelle pêche!! Je l'ai cherché pour l'occasion - Mingus j'avais - et après le Mingus wouahhh
Bon je prends du retard mais c'est sans regret tant à découvrir
Merci de ton retour.
SupprimerIl te reste encore du chemin alors, prends au hasard...
Je fais mon max pour faire repartir en découvertes et aventures...
Ce Mingus est captivant.
Et Shirley Scott est une organiste vraiment intéressante, mais comme tant d'autres de cette période elle aura été étouffée par le charismatique et excellent Jimmy Smith, mais comme j'aime les alternatives...
à très vite et bon parcours ;)