CHRISTMAS 2022.

 CHRISTMAS 2022.


J’aime bien l’exercice chaque année de me pencher sur les productions artistiques, quasi obligée, si ce n’est passage traditionnel presque incontournable, de ces « christmas songs » relus et corrigés par des artistes de tous bords.

Premier constat.
Là où à l’accoutumée on se retrouve envahi de propositions cette année je trouve que c’est un peu chiche.
Et certains grands (!) manquent encore à l’appel alors que d’autres ont déjà réitéré (je pense à Tony Bennett, mais le crooner en papy attachant reste mon favori en tête de liste).
Second constat.
Mariah Carey ressort, systématiquement du chapeau et forcément son compte en banque sous ce saucisson en poncifs s’en voit à nouveau réapprovisionné.

J’ai donc dû aller chercher ailleurs où en fait juste sous mon nez, on passe toujours à côté de nombre de pépites, curiosités…
Le jazz semble encore et toujours avoir été une ligne directrice.
On va voir.

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JIMMY SMITH « Christmas Cookin’ » - Verve 1964.

C’est en grande pompe que ça commence, à renfort de timbales et fanfares.
Les arrangeurs Billy Byers et Al Cohn de ce giga big band ont sorti – car l’occasion est trop puissante que de barrer grandiose et scintillant (« Silent Night »), parfois solennel (l’ouverture de « We three Kings ») – le grand jeu.
Jimmy balance toute la sauce de ses traits bluesy et véloces, soutenu, ponctué, incité comme dans « The Cat », par cet écrin rutilant.
En père Noël parcourant les ghettos au volant d’une somptueuse (mais petite) décapotable flambant rouge, chargé de cadeaux, Jimmy porte le message pacifique, jovial, jubilatoire de Noël.
On n’échappe pas à un « Jingle Bells », truffé de blues licks et partout c’est bien sûr le gospel en mode preacher qui inonde ce petit bijou de Noël.
Le trio qui l’entoure en rythmique c’est du luxe (Grady Tate à la batterie et Kenny Burrell à la guitare).
« Christmas 1964 » était l’intitulé d’origine puis ce fut rebaptisé « Christmas Cookin’ » en 1966 en réédition.
Jimmy groove, swingue (« The Christmas Song » en tempo mi lent… souligné par les sections du Big Band… pfff…) , éructe (« Greensleeves » et son tempo efflamé), jubile (« Baby, it’s cold outside »), s’amuse (« Santa Claus is coming… » et ses contre chants inhabituels à l’orgue) et s’autoparodie en clichés sur ce prétexte festif.
Il va jusqu’à détourner « White Christmas » en bossa nova à la Quincy…
Le pied quoi !...

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 « An Oscar Peterson Christmas » - Oscar Peterson / Telarc 1995.


Fin de carrière…
Oscar Peterson en 1995 est carrément un emblème du jazz.
Sur la télé française on le voit et l’a vu souvent, grand échiquier, émissions varièt’ diverses mais peu variées.
L’image du pianiste aux doigts qui cavalent en tous sens, prenant de temps à autre le temps de s’essuyer le front trempé de sueur d’une serviette éponge posée à droite du piano, c’est certainement celle qui, ado me sera restée…
Mon père ne le loupait jamais, admiratif.
Et moi, voyant cela je me disais que le jazz à ce niveau, c’était quand même certainement bien trop de boulot.
Voici que le grand pianiste s’attaque à Noël.
Un tapis de cordes quasi soyeux mais sous mixé, la contrebasse joueuse de David Young, le jeu délicat et discret de Jerry Fuller à la batterie et le magique vibraphone de Dave Samuels, réputé pour être l’un des fondateurs du groupe de fusion Spyro Gyra.
Un coup de bugle, moelleux et la guitare pas spécialement attirante de Lorne Lofsky agrémentent le tout.
La recette se déguste à coup de langue gourmande, à coup de mise en un palais se délectant de ce quasi-pointillisme éternellement swing d’où s’échappe, forcément, ces songs qu’ici l’on va directement mais discrètement fredonner.
Oscar a rangé au placard sa virtuosité souvent étouffante et sorti l’habit scintillant de Noël où chaque détail mérite un attardement, une attention d’écoute et une délectation sous le signe du bonheur.
Pour le nôtre, il va de soi.

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« A Dave Brubeck Christmas » - Dave Brubeck / Telarc 1991.

Je reste dans les pianistes et Dave Brubeck, ici en solo, s’empare du répertoire.
Son stride est exemplaire ce, dès « Jingle Bells » qui ouvre le cadeau tel une boite à musique laissant échapper ses chants séculaires.
Un jeu « d’école », un feeling farceur et rêveur, aguicheur, séduisant et amusant.
Tel Papy qui invite ses petits enfants à se réunir autour du piano afin de chanter avec lui ces hymnes que tous connaissent, le voilà qui s’éclate avec un bonheur évident à amuser sa galerie d’admirateurs.
Les yeux brillants de bonheur, à la fin de chaque titre ils en demandent encore.
Nous aussi.

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JETHRO TULL « Christmas Album » - Fuel 2000.

Le débat Jethro Tull, les fans d’un côté, les autres de l’autre…
Ian Anderson en trublion festif gnome ou farfadet à la jambe levée pour une virée celto rock.
Groupe tellement associé au prog…
Groupe qui a permis au détour d’une Bourrée à certains profs de flûte classique de croire faire jouer du rock à leurs ados rebelles…
Groupe à la discographie qui mériterait quelque part qu’on s’y penche un peu - chose que j’ai effectivement oublié de faire.

Un florilège en sorte de best of que ce « Christmas Album ».
Le trad est de mise, la veillée familiale ou encore de pub vient à l’esprit.
Une sorte de voyage dans un passé qui peut être universellement retrouvé et rejoué.
Oublier les images et les clichés autour de ce groupe et juste partir en voyage dans ces contrées nordiques où Noël reste ancré en eux, en nous.
Le vin est chaud, la bière forcément de Noël et n’oubliez pas votre pain d’épices.


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« Merry Christmas, Love » - Joss Stone / S-Curve Records 2022.

Entre swing, atmosphère digne de Broadway, pop ou soul bien marquées, Joss Stone se lance dans l’exercice du genre.
Paillettes, sapin disneyen, voix miraculeuses…
Les ingrédients sont multiples et telle une Aretha habitée par la foi et la magie de ce traditionnel rendez-vous, Joss Stone met le paquet.
Le chœur gospel a été convoqué, l’orgue ronfle, l’esprit Motown ou Stax inonde la stéréo, les cuivres envoient du lourd, la rythmique sait faire groover et embarque tout le monde, là encore l’orchestre est somptueux, riche et luxuriant, sans oublier les clochettes de traineau, quasi impératives.
Bref, toutes les recettes de Noël pour se faire un bon repas avec les interdits qu’on brave car l’occasion, hein c’est pas tous les jours…
Dispensable d’apparence, intéressant dès qu’on s’y penche.
Tout est question d’attention ou d’inattention.
Mais là on est certains que ça peut sans difficultés accompagner la « magie de Noël » car ça « fonctionne », même si je ne reste pas « fan ».

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« Christmas » - Michael Buble / Reprise 2021.

Qui de mieux pour terminer que cet éternel crooner, ce chanteur biberonné à Frankie, Tony et autres Dean ou Paul…
Alan Pasqua qui égrène sa magie pianistique, Peter Erskine qui vient prêter son jeu tant technique que subtil. David Foster à la prod…
Un big Band qui comme toujours chez Buble rentre dedans en tuttis, ou ponctue en caressantes touches de swing, du grand art !
Alors, forcément, on se laisse faire, ce swing coule tout seul, on hoche du chef, on claque des doigts en after beat (tant qu’à faire).
Les filles en doowop sont de sortie (« Jingle Bells »), les tempos évitent la redondance et nombre de reliftings penchant vers le traditionnel chant collectif issu des barber songs émaillent ces standards.
Au passage, quelques ami(e)s sont invité(e)s à partager la dinde ou le champagne bien entendu.
Car ici tout n’est que classe et paillettes, bal de promo, costard-nœud pap’, robe de soirée et grands chandeliers. On danse en toute pudeur sur une piste qui brille de mil feux et les sourires sont de mise.
De swing (« Winter Wonderland ») en ballade popisante, de symphonisme moelleux en solennité.
Un peu timide, Michael, muni de son cadeau monte les escaliers…
Un film de Noël ?
Les chœurs angéliques, les touches de glockenspiel, la harpe – « Silent Night », « Ave Maria » …
La Nouvelle Orléans, « Blue Christmas » …




Bon, et bien, bonnes fêtes de fin d’année à toutes et tous.
Un petit peu de légèreté par ces temps plombés et plombant(s), ça ne peut que faire du bien.
Sûr qu’il ne se fête pas avec ce break d’insouciance de la même façon à d’autres endroits du monde.
Et puis chargez bien votre enceinte Bluetooth, et mettez en interne sur vos tels ces albums… Ils sont bien capables de nous couper le jus, juste pour voir, le soir du réveillon…
Alors finalement à la lueur des bougies et avec quelques heures d’autonomie, ou encore votre guitare ou votre piano, on peut s’en sortir et éviter qu’ils nous gâchent ce qui reste de lueur.

Allez…
Restez gourmands.














Commentaires

  1. Francis est en train de se pencher sur le Palmarès de l'année, vu par la presse. Et il te rejoint un peu. Y compris sur les tendances actuelles, l'année 2022 ne semble pas être en grand cru. Peu d'album qui font vraiment l'unanimité et ce qui figure en haut montre des albums qui sont tout à plus bons plutôt que grandioses, pour ce que j'en ai écouté. Juste pour se prouver qu'on reste connecté au monde d'aujourd'hui et que je peux encore un peu parler musique avec mes enfants sans faire trop donneuse de leçons.

    Les disques noël, c'est une tradition effectivement...

    Jethro Tull: j'écoute. Je suis pas à fond dedans, mais ce mélange folk/prog a un côté intrigant
    BRUBECK: à part Take Five... Faudrait que j'enrichisse la palette

    Mais c'est JIMMY SMITH qui me tenterait le plus de découvrir.

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    Réponses
    1. Re,
      merci de ton passage ici.
      j'aime bien cette idée de palmarès.
      ça permet de voir qui est en phase ou si on barre vraiment dans nos propres sens.
      j'ai jusqu'à maintenant réussi à suivre régulièrement l'actualité musicale, pourquoi ?
      là encore histoire d'ados...
      j'enseigne ces musiques dites actuelles et mon public d'élèves est principalement adolescent, aussi, on a toujours établi un partage à double sens - ils me font découvrir ce qu'ils aiment et écoutent, en choisissant même ce qu'ils veulent jouer (encore hier soir, une élève qui présente son projet de fin de parcours a procédé ainsi en me proposant ses titres actus pour le travail) et de mon côté je parcours aussi cette actu en allant chercher des trucs parfois improbables, inconnus et en fouillant çà et là, me laissant bien évidemment aider par certains blogs dont vous faires partie afin de guider mes choix.
      et parmi cela j'ai toujours mis un point d'obligation à leur faire jouer des titres de tous genres et périodes, des nouveautés et systématiquement un titre en français.
      un axe formatif et éducatif...
      donc en ce qui concerne les nouveautés, sorties, etc... bref je parle là de nouveaux artistes, pas de ceux installés qui sortent un nouvel opus, j'ai pu penser quelques années durant que rien n'évoluait vraiment et ça reste encore constatable en règle générale.
      cependant, chaque année, il y a des découvertes plus qu'intéressantes au delà de ce critère "pédagogique", des découvertes que j'écoute réellement et pour lesquelles je me dis que... parmi cette pléthore de choix désormais d'un accès hyper facile et trop souvent abordé en mode zapping, il y a de l'espoir et des artistes qui sortent du lot.
      alors forcément ceux là, je m'oblige à les faire découvrir et je suis souvent surpris de constater que les élèves les plus avancés en études les connaissent car ils ont pris habitude, en fait, de faire la même démarche que moi.
      d'ailleurs ceux qui font par la suite métier sont vraiment dans cette optique créative et rien que ça - c'est réjouissant... d'autant qu'on reste en relation ce qui me permet de les suivre. la scène fr regorge de jeunes artistes créatifs et malheureusement ils peinent à tourner et dès qu'ils sont repérés c'est les secteurs étatiques culturels qui s'en emparent et là... c'est le normatif qui recadre tout ça sous couvert de culturelo/socio embourgeoisé.
      bon,
      mais comme je suis en retraite d'enseignement dès ce 01 janvier, cet axe d'écoute avec obligations j'ai bien peur qu'il finisse par s'estomper, on retourne toujours à ses vieux trucs, je pense qu'au bout du compte c'est ainsi.
      et la musique que je joue ne peut être sur cette dynamique actualité, faut aussi rester en phase avec soi même.

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    2. plus généralement ce débat d'actu on l'a eu souvent (je peux parler au passé vu qu'il ne me reste qu'une mini semaine de cours à donner) en réunions avec collègues.
      j'ai souvent argumenté que le répertoire se devait d'être au regard de l'intitulé de la compétence enseignée à savoir musiques actuelles empreint tant d'actualité (donc faire cet effort de la suivre et d'en tirer ce qu'on estime utile, le meilleur ou autre) que d'obligations stylistiques à savoir jouer.
      on forme de futurs musiciens aussi le panel se doit d'être large et culturellement ouvert.
      ne serais ce que pour être en capacité de rester créatif même dans l'axe cover qui est obligatoirement celui qui professionnellement en live permet de bouffer...
      et là... bref j'évite de m'étendre.
      mais cette conscience est loin d'être prise en compte dans les espaces de formation car il faut sortir des zones de confort personnel et oser faire jouer ce que l'on n'irait pas forcément jouer soi même.
      ceci dit, en classique le pb formatif est le même...

      sinon, Jethro Tull m'a aussi particulièrement intrigué et m'a fait ressurgir une époque où je jouais dans un ceili band (musique trad de bal irlandais).
      dave brubeck, je te conseille son album "jazz impressions of japan", une suite où il explore les modes musicaux du japon, passionnant... et Brubeck's time ou encore Brubeck's plays Brubeck's... il y a là ses plus grands standards.
      quant à jimmy smith, au delà de cet excellent album de noël, penche toi sur off the top avec benson, tate, ron carter et l'immense stanley turrentine. juste ce que j'aime...

      de bonnes fêtes ;)
      merci.

      Supprimer

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