DAVID CROSBY AND THE LIGHTHOUSE BAND – « Live at the Capitol Theatre » - BMG 2022.

 DAVID CROSBY AND THE LIGHTHOUSE BAND – « Live at the Capitol Theatre » - BMG 2022.


C’est Noël et ça tombe bien, on avait besoin d’un tel album.
On a besoin d’utopie, de rêves, de magie et de bienveillance musicale et humaine.
De plénitude et de tranquillité, de repos d’âme, de croyances, de magie.

Il y a tout cela et tant encore lors de ces captations Live d’une fin de tournée de 2018 où Becca Stevens, Michelle Willis et Michael League entourent leur Papy rocker d’écrins sonores délicats, fins, soigneux et d’une rare attention.
Une petite famille, intime qui est à l’écoute et encourage David à donner ce meilleur expressif qui est sa marque de fabrique vocale.

Alors oui, cet album tombe à point nommé en cette fin d’année 2022 où l’on n’en finit pas de parler de ce fléau qui s’appelle guerre, où l’on s’est cru sortis d’une autre, sanitaire…
Bref, on aurait bien voulu effacer ce mot du vocabulaire universel, mais voilà, il n’en est jamais véritablement sorti – alors plonger dans un message de paix, de bonheur, d’utopie tant que d’engagement qui n’est en rien suranné, capté de façon magique ça tombe à pic, vraiment !...

Alors les titres défilent comme des pièces empreintes de grâce, d’élégance et de qualité.
Les récents, comme les emblématiques qui font, comme il se doit, réagir un public enthousiasmé dès les premiers open tunings d’accords.

David Crosby est un miraculé du rock.
Une production discographique avec de grands vides.

Il a eu les hauts.
Il a côtoyé les sommets, la gloire même.
Les Byrds, Crosby, Still & Nash puis CSN&Y…
Le … folk.
A prêté sa voix exclusive à nombre d’artistes avec ce sens si unique du chœur (je pense à l’album « But Seriously » de Phil Collins où il duettise avec la star montante en lui offrant un écrin émotionnel « That’s just the way it is » mémorable).
Eternel rebelle plongeant son idéologie dans le mouvement Hippie Californien, il a jeté sa fougue engagée politiquement lors de bien des festivals.

Et les bas.
Alcoolisme chronique, drogues en tout genres.
Cures et rechutes, il a largement affecté son état de santé et sombré au plus bas, passant très près de la faucheuse.
Il a fait de la tôle, ce qui a tant freiné, de fait, sa carrière mais également abîmé son image médiatique.
Mais le lascar aime trop la musique et la vie à travers elle et il y a fort à imaginer qu’elle a agit en rédemptrice sur son corps usé, fracturé, délabré.

Sa voix reste unique, son sens de la diction, de l’émotion est plus que palpable.
Une émotion non de mise ou surfaite d’effets devenus légion.
David Crosby partage sa vie, ses convictions, son passé emblématique, sa puissance charismatique instantanée au travers de sa musique, de ses chansons avec sa guitare et surtout, sa voix.

Ici, au sortir de nombre d’albums dont aucun n’est anecdotique ou à passer juste pour voir, il s’entoure en vieux patriarche auquel, tiens donc, il ne manquerait plus qu’une simple tenue de père Noël pour une totale illusion d’une équipe de jeunots au savoir-faire impressionnant.

Michael League, qui n’est rien d’autre que le directeur musical du collectif Snarky Puppy, il a longtemps joué avec Erykah Badu et quand on regarde sa bio on le voit en tous genres… (Salif keita, Esperanza Spalding, Joe Walsh, Michael McDonald, Terence Blanchard…).
Il est un multiinstrumentiste touche à tout, que l’on classerait trop volontiers dans la case jazz pour amateurs exclusifs du genre et le voici là dans un contexte à priori plutôt impensable.
Un autre exemple finalement, de cette nouvelle génération, capable de tout, ouverte à tout, pas de barrières.
La musique…
Son jeu ici, sa voix et sa musicalité au service de David Crosby m’ont touché par la finesse, l’écoute et le réalisme quant au respect stylistique envers la musique présentée.
Pas la moindre débauche, un jeu juste, à propos, précis et qui se contente d’enrichir sans dénaturer.

Michelle Willis est aux claviers. Formée à l’école du piano bar, cette canadienne a elle aussi un cv plus que sympathique tant que surprenant de pluralité de genres : Snarky Puppy (« Family Dinner Vol 2 ») y côtoie Iggy and the Stooges (« Ready to Die »), le swinguant Jake Wilkinson Quintet (« The Game of Love ») ou le pop style chez Jadea Kelly ((Love & Lust »), c’est plutôt vaste… et je ne parle pas de sa production solo ( !)…
David Crosby ne tarit pas d’éloges envers elle qu’il met à pied d’égalité en chanteuse aux côtés de Joni Mitchell par exemple. Ici ses claviers forcément d’une texture seventies (Rhodes, Korg X3, Moog…) embellissent plus que ne soloïsent, ils tissent une toile de fond à peine perceptible, parfois, mais cependant indispensable à fédérer l’harmonisation complexe tant que difficile des voix. Et effectivement, comme chanteuse, son timbre quand elle prend le lead est immédiatement accrocheur.

Becca Stevens est aux guitares. Elle aussi a travaillé chez Snarky Puppy. Sa discographie solo est plutôt copieuse et digne du plus grand intérêt, souvent répertoriée pop ou folk et ses participations en guest sont nombreuses : Brad Meldhau (« Finding Gabriel » où elle prête sa voix à ce projet biblique ambitieux), Jose James (« While you were Sleeping »), on la retrouve aussi en backing vocals sur le fantastique « Radio Music Society » de Esperanza Spalding ou en lead live chez le trompettiste davisien Jermey Pelt (« Shock Value – Live at Smoke »), comme au sein du Travis Sullivan Bjorkestra qui rend hommage à l’artiste Bjork sous l’écrin d’un jazz moderne aux arrangements décapants …
Kurt Elling lui-même la place parmi ses chanteuse et chanteurs de jazz préférés…
Là encore, vocalement, Croz a su directement s’entourer… et son jeu aux multiples guitares qu’il soit « d’accompagnement » ou de lead background (« Look in Their Eyes ») est empreint de cette féminité qui apporte tant à la délicatesse de cette musique (« Guinnevere ») devenue intemporelle.

Soyez curieux, allez découvrir ces artistes dans leurs participations, dans leurs productions artistiques solistes – il y a là de quoi se délecter et se faire un immense plaisir musical.

David Crosby & the Lighthouse Band - Guinnevere (Live at the Capitol Theatre) - YouTube
David Crosby & the Lighthouse Band :: 12/8/18 :: The Capitol Theatre :: Sneak Peek - YouTube
si vous voulez compléter l’album avec des titres complémentaires, ces prises vidéo donnent une idée vraiment captivante de l’osmose qui s’opère entre ces quatre-là.

Les voix s’harmonisent comme au temps des légendaires CSN&Y, défiant parfois l’idée de trouver réellement la teneur mélodique et nous laissant emporter par la magie de ces chœurs uniques en ce genre.
Il n’est nul besoin d’ajout instrumental complémentaire, juste ces guitares en open tuning donnant immédiatement cette couleur addictive, cette pulse sous-jacente inhérente, ce feeling de chaque instant, cette écoute rare, ce respect rare, lui aussi, cette cohésion collective et cette « qualité » suffisent largement à se laisser embarquer dans l’univers de chaque chanson.
La voix restée intacte de Croz s’insère, survole, s’émancipe, participe, se complait et se distingue dans cet environnement taillé à sa mesure.
Plus que des sidewomen et men Michael, Michelle et Becca, en toute parité d’équilibre agissent en un tout et David Crosby est là au meilleur de lui-même, encore vivant, encore star et encore mû par ce qui le tient : la musique.

Un album rare et trop précieux…
Impossible désormais de m’en défaire.






Commentaires

  1. Merci Pascal pour ce beau billet.
    Me suis offert l'album dès sa sortie et je partage ton sentiment. Bel album plein d'émotion, de plénitude , de superbes accompagnements musicaux.
    A te lire tu me donnes aussi envie de plonger dans la discographie des trois musiciens ( plus) qu'accompagnateurs qui entourent Crosby

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    1. J'ai fait pareil, j'ai été écouter les trois autres et là que de bien belles surprises...
      merci

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  2. Pour un petit moment qui dure, j'ai peu les moyens d'écouter de la musique, ton papier sur "christmas" et celui ci me font mal.. ha ha, je plaisante, disons qu'ils ajoutent à la frustration. En tout cas j'ai déjà le Crosby, à la moindre occasionje me jette dessus.
    J'apprends, comme moi (?), que tu quittes le mon de l'emploi pour une autre période?
    à suivre ... la bise

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    1. Effectivement ça doit être bien frustrant...
      j'ai du mal à imaginer ma vie sans musique...
      de tout cœur avec toi face à cela, mais bon dès que tu vas te rattraper tu vas avoir de quoi faire...
      retraite... ça y est, c'est plié...
      à suivre, pour sûr.
      merci du passage.
      Amitiés

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