JAZZ NEWS 2005 … (4) - Phi-Psonic / The Cosmic Tones Research Trio / Organic Pulse Ensemble / The Circling Sun

JAZZ NEWS 2005 … (4).


Etiquettes trompeuses ?
Réalité d’une esthétique qui n’en finit pas d’évoluer tant que se revendiquer telle ?
Ouverture XXL à LA musique dans toute sa dimension, sa splendeur même.
Identités culturelles présentes, parfois omniprésentes.
L’idée qu’on se serait faite du jazz ne cesse d’évoluer de nous surprendre.
Allons voir du côté spirituel, onirique et psychédélique ce que ça donne aujourd’hui.

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(Vous pouvez sauter ce paragraphe et aller directement aux albums si vous le souhaitez)

Ca y est Eudeline se réveille et s’en prend à l’IA.
Il choisit l’angle d’attaque du bon vieux blues, relifté par une IA, il s’en prend au sampling, home studios et autres outils de substitution aux « vrais » musiciens.
Ras le bol de ce débat…
Il reste stérile.
Et historiquement lui balance à la tronche plein de contre exemples.
Me vient comme ça, Zawinul et son Big Band synthétique WR – tiens Weather Report « remplaçait » donc une section de cuivres par des… machines…
Dans la même trace, Jaco dans « Crisis What Crisis ? » a utilisé une technique innovante, ce même pour un rendu hyper jazz quasi free, ou disons d’un modernisme post bop des plus déroutants en exploitant un truc proche des idées de Eno-Bowie période « Heroes » …
J’en reviens toujours là, les craintifs de l’avancée technologique oublient toujours une chose…
Un outil technologique est soumis à l’imagination créative de l’humain…
Hendrix a changé le monde de la guitare électrique tant au niveau lutherie, périphériques que jeu instrumental et il n’a jamais caché sa fascination pour les avancées qu’offraient le studio.
Cela ne date pas d’hier…
La société évolue, tout va très, trop vite.
Comme toujours, certains n’ont de génie que de profiter des avancées pour se faire du fric. Spotify en tête de liste pseudo musicale.
Et comme toujours d’autres comprennent que ces outils, ces « machines » vont leur permettre de développer, imaginer autre et autrement, optimiser … leurs esprits et parfois génies créatifs.
Que serait « Bladerunner » sans les « machines » musicales dont use avec génie le grand Vangelis ?

Eudeline écrit bien, très bien même et je lui laisse cette grande capacité.
Sa révolte est la légitimité d’un autre temps et pour un mec qui a cru - à une époque donnée, désormais passée et dont la musique n’a pas révolutionné grand-chose si je la compare au free jazz qui lui était réellement l’expression politique et révoltée d’un peuple – renverser le monde avec trois accords, un son crade et une récup’ d’une mode au départ de fringues et de look dévastateur londonien, son discernement de « sommité » du rock dépasse la suspicion.
Il reste un dandy bourge bien français qui a profité d’un mouvement pour se faire sa révolte d’ado…
Il est le problème de la France en ce domaine et le cristallise en une rock attitude qu’il a cru authentique, mais qui n’est que de papier.
Papier dont lui et Manœuvre ont su habilement (ne leur ôtons surtout pas ça) se servir pour reprendre à leur actif une revue bien connue. C’est sûr qu’avec ça ils ont bien mieux gagné leurs vies qu’avec leurs groupes douteux, mais certes, restés cultes, car éphémères et seuls représentatifs sur l’hexagone, d’une époque non révolue, mais – en France en tout cas – fort peu utile.
Preuve en fut un certain Bertrand de plastique, consommable, consommé et très vite jeté, même pas recyclé.
Et ce n’est pas positionnement supérieur d’Eudeline qui lui, sait ce qu’est un concerto, un maestro et un soprano (pour ces trois-là, il avance un argumentaire que je lui accorde), rocker bourgeois dandy de rive désormais empanachée, va me faire changer d’avis envers ces verbieux has been du rock qui n’est plus grand-chose.
Un plus grand-chose qui, sous leur aura, serait presque de leurs responsabilités de vieux au refrain « c’était mieux avant ».

Et Manœuvre, de son côté, qui profite de la sortie d’un duo soit disant retrouvé entre Hallyday-Berger à l’occasion de l’anniversaire de « Rock’n’Roll Attitude », qui, au passage, n’a de rock’n’roll que le nom, pour nous annoncer fièrement sous un éclairage de leds qui mettent en valeur son teint blafard de vieux bougon du rock à la voix de fausset haut-perchée de mégère que… les maisons de disques savaient que ce titre existait…
Et qu’elles attendaient ce moment pour le sortir…
Ben oui mon maigrichon, mon Dieu, mais quelle découverte que de démontrer aux gens que c’est… du showbiz…
Mais bon, Manœuvre, comme toujours, il est à l’affut de tout et une bonne émission, en invité, ça remplit le compte en banque. Alors Johnny, tu parles ! L’AUBAINE !!!
Il a tout de même attendu 40 ans… quelle patience !

Dans la foulée (et con-cernant l’IA il a déjà commencé…) il nous manque, sur le sujet, notre YouTubeur favori, ce type qui est passé de pédagogue exclusif (entendons là, enfermé dans un seul axiome avec de la fausse vulgarisation permettant au zicos d’apprendre ce qu’il sait déjà et au non zicos d’être admiratif) à lanceur d’alertes n’alertant personne…
Le musicien, au quotidien a bien d’autres choses à foutre qu’entrer dans ces débats stériles.
Il n’a pas de chaine YouTube pour bouffer, il n’a que son cachet d’intermittent du samedi soir, au pub du coin, pour 101 balles et des poussières (smic intermittent) et la technologie qui lui a coûté tout de même un max (et qui lui coûte chaque année) lui rend bien service… et si demain, l’IA l’aide à gagner du temps pour paramétrer son matos je pense qu’il sera preneur.
Et cette année, pour le réveillon, il a eu deux choix possibles… le passer en famille car maintenant les DJ sont dans la place ou baisser son tarif, et dire à ses potes (en général bassiste et batteur) que eux, peuvent justement rester en famille car seul ou en duo, il a réussi en cassant le budget, à trouver un gig et que grâce à pfff, … , Spotify, il pourra même faire des pauses syndicales.

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PHI-PSONIC : « Extanting to One » - Gondwana Records 2025.
Seth Ford Young : acoustic bass | Sylvain Carton, Randall Fisher : ténor saxophones, flûtes | Josh Collazo, Jay Bellerose : drums | Zach Tenorio : Wurtlizer piano | Mathias Künzli : percussions | Minta Spencer : harpe | Dylan Dya : guitars.

Après tout ce fatras généré par ces parasites de l’à côté de la musique, un temps de quiétude, de plénitude et de méditation musicale s’impose.
« Phi-Psonic est une exploration spirituelle du partage et du lien » - Seth Ford Young.
Cet album, enregistré live au magasin de disques Healing Force of The Universe, à Pasadena – Californie se veut immersif. Le public a été convié à six séances pour lesquelles les musiciens étaient changeants mus par une volonté de partage communautaire et de paix intérieure.
« Le public était composé chaque soir d’auditeurs attentifs, assis sur des poufs, les yeux fermés, se laissant porter par la douce mélodie de la musique. Désormais, en écoutant cet album confortablement chez eux, les auditeurs peuvent partager ce moment et s’immerger dans la douce beauté de l’univers musical de Psi-Phonics ».

Je n’ai lu ces notes qu’après l’écoute intégrale de l’album, au petit matin et elles reflètent parfaitement l’atmosphère qui s’en dégage, parfois japonisante, délicate et chargée de cette intention de bien être qu’effectivement ces pièces collectives procurent.
Beaucoup de flûtes au langage improvisé plutôt issu de la musique traditionnelle, le-les ténor-s sont de reptiliens improvisateurs, ma mention spéciale va à l’usage revendiqué du Wurtlizer, ce piano électrique à la couleur diaphane et à la sonorité assez « sèche », rapport au Fender Rhodes, permettant ici un jeu s’assimilant à un instrument à cordes.
Le jeu du leader à la contrebasse qu’il soit au doigt ou à l’archet guide ces espaces improvisés sans heurts, avec intentions, sollicitations ou dialogue et avec lui batterie et percussions organisent l’espace tant sonore que rythmiquement pointilliste.

Plonger et s’immerger d’un tel album fait sans nul doute un bien incommensurable, installant immédiatement cette envie de « se poser », de se laisser porter par la musique, le lien que les musiciens font entre elle, eux, et nous.
Le packaging de ce bleu tant doux qu’intense avec ces tracés de mélodies graphiques filaires ouvre le champ de cet imaginaire introspectif que ces moments de grâce suggèrent.
Pas d’image, pas de rapport réellement au concret possible, juste un repli sur soi pour être enfin, en paix.
« We’re All One » semble droit sorti de certaines sessions méditatives d’un certain Miles électrique (« Guinnevere » en guise d’exemple…) et insiste de fait sur l’idée de collectif qui place cette musique face à nous – fascinant.

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THE COSMIC TONES RESEARCH TRIO : « The Cosmic Tones Research Trio » - Pyramid Records 2025.
Harlan Silverman : cello, flûte, modular synth, small percussions, fretless bass | Roman Norfleet : saxophones, alto clarinet, flûte, vocals | Kennedy Verrett : piano, electric piano, duduk, percussions, vocals.

Alice et Trane ont ouvert la voie de ce « spiritual jazz ».
Ici le jazz de The Cosmic Tones Research Trio – dont c’est le second album - se place à la frontière de la musique traditionnelle (usage très fréquent de « bourdons » et autres « drones ») et s’apparente instantanément à une world music où l’improvisation est la ligne collective.
L’atmosphère est très onirique, méditative et quasi transcendantale.
Une sorte d’ambient jazz.
Une forme hypnotique pénètre l’auditeur-trice, mettant l’objet sonore en lévitation, semblant surgir d’un ailleurs que l’on n’avait pas entendu depuis un passé presque trop lointain, rappelant les Codona, Charles Lloyd ainsi que d’autres espaces psychédéliques plus rock qui émergèrent avec le flower power. Des espaces où l’improvisation prenait un sens hallucinatoire, communicatif sans être pour autant véloce ou démonstratif – restant un langage participatif.
Un sens spirituel, élevant l’âme.

Un trio avec l’avantage de la multi-instrumentalité même si certains communs (vocaux, percussions) sont prolongation de capacités instrumentales individuelles.
Les souffles (sax, flutes, anches) exprimés par Roman Norfleet semblent suspendus dans l’espace et le temps.
Les ambiances digitales de Kennedy Verrett installent la trame, l’envoutement.
Les chants contraires de Harlan Silverman créent le lien émotionnel.
Tout cela est collectivement organisé, sans réel dialogue, ni même trilogue mais juste avec une rare osmose qui fait que ces trois là n’agissent que comme un.
Et proposent une aventure introspective et recueillie fascinante.

« Eternal Love » au thème clairement exprimé conclut ce bien trop court voyage, alors on ouvre les yeux et le matérialisme de la vie reprend malheureusement ses droits. Mais on sait désormais qu’il existe encore des possibilités d’y échapper, avec et grâce à eux, quand le besoin s’en fera impérieusement sentir.

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ORGANIC PULSE ENSEMBLE : « Ad Hoc » - Puro Productions 2025.
Gustav Horneij : all instruments.

Il est suédois, lui aussi s’est barré dans ce jazz spirituel.
Et, « ensemble » … avec juste lui-même et la magie du re-recording qui permet d’enregistrer en pistes superposées, soi-même, ou en invitant qui bon nous semble, un-des titre-s, il se suffit aussi à lui-même.

Le re-recording permettrait de remettre le débat, la technologie … et celles ou ceux qui savent-peuvent en tirer avantage artistique ; Et je referme cette parenthèse sans fin ))))))))))……

Vous ne savez pas qu’il réalise cela à lui seul en écoutant chaque titre tant cet idéal de création de groupe, collective est bien perceptible.
Admirable cette façon de tenir tous les rôles, tous les instruments et de proposer une telle intensité musicale.
J’écoute et j’essaie de comprendre le « processus », connaissant moi-même parfaitement comment « ça marche » et quelles astuces pour bien démarrer un titre, poser une base et s’organiser autour, bref, avoir un fil, un tracé…
Là…
C’est comme si réellement un groupe interactif agissait, ce qui suppose un recul extrême sur le sujet que l’on veut exprimer et il s’agit là réellement d’une écoute où l’improvisation et les fluctuations tant de son que de tempo interagissent. Déjà, côté usage tech de l’outil ça laisse admiratif, mais ça ne s’arrête pas là, car la musique proposée est conceptuellement attractive et motivante.
Une bien curieuse plongée dans l’univers spirituel et collectif … d’une seule personne…
Chez nous Teddy Lasry avait tenté ces échappées…

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THE CIRCLING SUN : « Orbits » - Soudway Records Ltd 2025
Cameron Allen : Tenor Saxophone | Julien Dyne : drums | Carla Camilleri, Samara Alofa, Semisi Ma’ia’l, Kenny Sterling, Navatakoa Tekela, Abigail Aroha Jensen as « Love Affinity Choir » : voice, choir | Finn Sholes : trombone, trumpet, Flugelhorn, vibraphone, marimba | Cory Champion : synthesizer |  Joey Kaptein : piano, fender rhodes | Jong Yun Lee : flute, baritone & soprano sax, bass clarinet | Ben Turua : bass.

Vous vous souvenez de l’étonnant « Caravanserai » de Santana ?
Vous  avez quelque par en tête Azimuth, Roland Kirk et tout ce jazz s’échappant du jazz-rock pour chercher, tel parfois Gong, des espaces différents, stellaires, profondément spirituels ?
Ce collectif Néo-Zélandais est là pour vous.

Tant en présentation sonore (une production semblant sortie des seventies), qu’en présentation collective The Circling Sun à l’intitulé sans aucune équivoque a réellement illuminé une de mes journées de quête d’autre chose, de musique permettant l’échappatoire.
Le chœur « Love Affinity Choir » est forcément pour quelque chose à cette sensation de palper une dimension immatérielle – il est au centre du propos et la musique s’organise autour et avec ces voix.
Alors le groupe et sa rythmique jouent en apesanteur des rythmiques pourtant très ciblées (« Flying », latin jazz samba, par exemple) et leur approche en fait oublier le fonctionnel.
Les vents sont mixés dans la même atmosphère que les chœurs ce qui les met eux aussi dans un espace réverbéré leur accordant une réalité moins intrusive qu’à l’accoutumée.

Avec The Circling Sun je fais un saut vers un passé resté en plan, rarement ressurgit, souvent négligé et quelque peu oublié. Celui où Santana rencontrait John Mc Laughlin, celui où Miles se posait pour « Big Fun », celui où Magma se chargeait trop rarement d’optimisme, celui où Gong s’évadait vers des territoires irréels …
Un univers musical tourné vers l’infini et l’espace et désireux de se détacher du terrestre.

C’est avec cet album enthousiasmant et apaisant, tout comme les précédents d’ailleurs, que ce termine ce voyage à travers un jazz empreint de spiritualité, un jazz tendant vers le cosmique, vers d’autres dimensions et faisant appel à nos envies d’évasion des âmes.
Cette vision du jazz semble revenir en force afin de permettre à nos quotidiens l’évasion dont ils ont bien besoin tant nos repères matériels et communs s’effritent, se délètent, dégradent.
Certains choisissent la révolte, d’autre l’évasion.
L’art est aussi fait pour cela.

Bientôt s’achèvera 2025.
Ces jazz news m’ont réconforté quant à l’avenir de cette musique qui n’a cessé d’emplir ma vie et donc l’évolution semble toujours possible alors que d’autres s’engluent encore, peinant à sortir de leurs poncifs.
Cela me charge d’optimisme – et ces temps, l’optimisme est un bienfait qu’il ne faut surtout pas négliger.

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