ROCK (Classic ?) – Rival Sons / Jared James Nichols / Randy Mc Stine.
ROCK (Classic ?) – Rival Sons / Jared James Nichols / Randy Mc Stine.
On serait tant et tant à aimer se dire : « le rock est mort, le rock
n’est plus »…
Et retourner vers nos veilles galettes, ressortir nos vieux Led Zeppelin, se
faire, après tout, un bon vieux Clapton, Mayall, quelque Who, vibrer sur un
Purple bien oldies ressorti d’un Japon où à l’époque l’on n'aurait pu croire
que les japonais étaient enclins au rock…
Les envahisseurs rap ont plombé la stream-osphère, les chanteuses
folky-pop-bluette à guitares enrubannées et voix érotico susurrée sont devenues
légion, les soi-disant punky ou grungy (au choix) en attitudes et sons salis au
lieu de l’être y croient encore, relayés par une mode fringue réhabilitée par
Vinted…
Quant au métal prog du théâtre du rêve, ils ont lentement cessé de fatiguer mes
pauvres enceintes, on s’est gavés de cette chantilly grasse et virtuose et
finalement il n’en reste qu’un goût lointain, trop sucré, trop riche.
Satriani, Vai, Bonamassa posent désormais en dinosaures, le rock a toujours été
rapide, très rapide et s’est réinventé en réduisant les décennies par moitiés,
puis par années.
Comme le rasoir jetable, certains n’y survivent, d’autres mieux conçus et
meilleurs concepteurs durent et leurs lames peuvent même rester affutées et
acérées.
Comme toujours, et désormais, l’actualité sous couvert de curiosité ne me vient
pas ou plus des revues qui sous les habiles m(M)anœuvre(s) de relooking
pathétique et tardif inutilement médiatiques dans des émissions de bobos où le
rock fait non plus musique mais « style », l’information vient de la
blogosphère, par des passionnés chercheurs de pépites et des réseaux par des
passionnés eux aussi avides de partages, actifs, instantanés et qu’on chope à
la volée, zappant ou en se disant, tiens « why not ? ».
Cette fois ça s’est fait par un gars qui décrypte le jeu des guitaristes
électriques, qui conseille telle ou telle position digitale pour jouer tel ou
tel riff célèbre et faire éviter aux débutants hasardeux le sacrilège de
l’approximatif.
Au passage il leur conseille telle ou telle pédale d’effet afin de
« sonner comme » et enfin d’écouter attentivement untel ou unetelle
afin d’avoir un minima de culture et aussi de découvrir par l’illustration ses
dires techniques et pédagogiques.
Un monde de guitaristes pour guitaristes, essentiellement rock, mais justement,
c’est par ces gars-là (comme les fans de jazz que je suis régulièrement, idem,
d’ailleurs en classique, car là aussi ça s’est considérablement démocratisé et
accessibilisé) que la réalité artistique actuelle spécifique prend corps. C’est
aussi par eux que les artistes sortent de l’ombre et passent du coin de la
scène du club, du fond de la scène où ils sont accompagnateurs de
« grands », sous le projecteur de leurs projets solistes qui met en
évidence leur immense talent, savoir-faire, génie, créativité, etc, etc.
J’en ai repéré trois…
Et là, accrochez-vous bien.
Votre réflexe sera immédiat, vous relever pour simplement pousser le volume au
paroxysme et vous laisser envahir par ce déluge électrique, ces saturations
bienfaisantes, cette énergie ultra positive qui, si elle était récupérée
habilement, ferait fonctionner un périph entier de voitures électriques…
Le pied !
A vous de juger.
Mais là, le mot rock a repris le sens dans lequel je m’étais engagé il y a… si
longtemps…
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JARED JAMES NICHOLS : « Black Magic » / Listenable Records 2017.
Jared James Nichols : vocals, guitars, bass / Eric Sandin : bass /
Anthony Perry : keyboards / Aquiles Priester, Benjamin Tileston, Dennis
Holm : drums / Jessica Childress : backing vocals.
Quelques albums, des tournées à foison, en clubs mais aussi en premières
parties de « grands », un côté multi-instrumentiste qui n’est plus à
admirer, mais à préciser…
Jared n’est pas un complet inconnu obscur du monde du rock et en particulier
des guitaristes.
C’est presque un jeunot, né en 1989 dans le Wisconsin.
Sa particularité présentée par les guitaristes est son jeu sans médiator, ce
qui confère forcément une couleur, une personnalité et un axe sonore, auréolé
d’une énergie peu commune et d’un axe planté dans le blues rock teinté sudiste,
le plus profond qui soit.
Ca y est, j’ai brossé le personnage et l’axe d’écoute.
Jared a tourné et s’est fait repérer en première partie de Lynyrd Skynyrd, de
ZZ Top, de Kid Rock, de Blue Oyster Cult, de Joe Bonamassa, de Glenn Hughes, de
Saxon, UFO etc… etc…
Il a joué avec Frampton, Vai, Leslie West, Slash…
On reste dans ce monde guitaristique, on en a pour notre tracé d’écoute et on
va droit dans cette direction, sans surprise, sans hésitation, le terrain est
conquis, connu, lacéré de blues, émaillé d’overdrive, rutilant de plomb.
Jared connait son affaire, il a le métier, l’expérience, le style, le terrain
des tournées et est reconnu par ses pairs, qu’ils soient en haut de podium, en
ligues 2 et annexes, ou besogneux du rock.
Cet album au personnel changeant (Jared y joue même la basse sur certains
titres en ayant ensuite forcément enregistré ses parties de guitare en overdub,
re-recording, bref, chose désormais commune même à la maison) est d’entrée de
jeu, une grosse claque.
Vous aimez les power trios, vous avez adoré West Bruce and Laing, Cactus et
autres Jeff Beck Group, Johnny Winter ?...
Ici vous allez immédiatement trouver avec une sonorité reboostée à l’actualité
high tech qui sait désormais réchauffer le son, ce bonheur extrême, ultime, inimitable
et presque inavouable qui parcours tout le corps quand un riff implacable vous
colle au mur et vous intime de ne faire autrement qu’adhérer.
Jared a peu d’albums à son actif, il préfère tourner, il préfère très
certainement la chaleur humaine à la froideur des studios, même si, coincé dans
ces espaces confinés il sait en sortir des riffs massacrants (« Don’t Be
Scared » sur cette lige de basse énorme) et faire hurler ses guitares, sa
voix afin – à coup de lampées de whisky – de faire surchauffer les lieux.
« Old Glory and the Wild Revival », son album live sorti en 2015,
agit en uppercut sur tout bon accro de rock pur, dur, sans chichis.
« Ghost », son dernier single, qui vient tout juste de sortir et dont
les lampes des amplis n’ont toujours pas trouvé comment se refroidir confirme
cette pugnacité issue, à l’évidence, du blues certainement le plus profondément
sudiste qu’il n’a aucune envie de ne pas revendiquer.
« Black Magic » est une belle entrée (dont décliner le moindre titre
est totalement inutile tant c’est enthousiasmant de a à z), mais très vite vous
bifurquerez vers son album éponyme « Jared James Nichols », sorti en
2023 absolument monstrueux lui aussi qui comporte des compositions posant une
possible évolution du genre (« Down the Drain ») …
Car une fois cette puissance entrée en vous, il est impossible de s’arrêter à l’écoute,
même en boucle, d’un seul de ses albums.
Jared a 36 ans – il est accompagné par un band de fous furieux, parfaits,
baignés du sujet.
Tous les espoirs de faire perdurer ce rock là sont donc permis, ce gars là vit,
dort, mange, passe son temps avec … le rock et sa guitare.
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RANDY MC STINE : « Unintentional » - Label Randy Mc Stine 2024.
Randy McStine : guitars, bass, vocals / Marco Minnemann : drums.
Randy McStine…
Un gars tout droit sorti du prog, qui s’est illustré chez, entre autre
Porcupine Tree et Steven Wilson… assez suffisant comme carte de visite et
certainement qu’avec ça nombre de portes s’ouvrent.
Malgré cette étiquette prog à tendance évolutive que l’on peut d’ailleurs
apprécier dans son autre album : « Mutual Hallucinations », hautement
recommandable Randy reste attaché au blues, au rock qu’aujourd’hui l’on va
qualifier de classic.
Bref, ce son chaleureux, profond et que l’on aime à pousser à un certain
paroxysme.
Qu’un festival de blues le sollicite, rien d’étonnant.
Que, pour ce même festival, Randy en profite pour composer une série de titres
bien trempés, rien, là non plus, de bien étonnant…
Seulement voilà, le festival terminé, que faire de ce « matériau »,
au demeurant excellent…
Randy entre dans son studio, pose guitares, basses et vocaux et il envoie le
tout à son ami batteur Marco Minnemann histoire de donner du corps, pour
voir…
Sort alors, en autoproduction cet album initialement non intentionnel et assez
éloigné de l’idée que l’on a du guitariste expérimentateur, représentatif de ce
nouvel engouement pour un prog qui enfin se détache du métal prog, pour
repartir, Steven Wilson en chef de file, vers une prolongation tant actuelle
que restée sur la ligne de l’ambition musicale.
Un album de blues-rock, tel qu’on aime que cela existe et soit.
Et ça on le comprend dès l’entrée drummistique en matière où le groupe virtuel
réalisé par Randy va prendre place.
Aucune équivoque ne sera possible et ce sera un florilège de références sonore,
liées, mélangées, cocktail-isées pour un mélange des plus attractifs qui va s’ouvrir
tout au long de l’album.
La production, qui plus est pour un album simplement imaginé, au départ, comme
enregistrement témoin de titres qui ne veulent pas terminer sur une étagère ou dans
un placard, dépasse ce qui n’aurait pu être qu’une « démo ».
Un son mat, présent, dense.
Des compositions qu’elles soient instrumentales, ou chantées qui relèvent le
niveau du style.
Un jeu instrumental qui, forcément, côtoie les sommets et ce, sans esbrouffe,
considérant la simplicité du propos initial souhaité.
Nombreux sont les groupes de rock qui auraient aimé sortir de leurs doigts
guitaristiques un riff d’entrée tel que celui de « « You Van’t Change
the Truth », dont la partie vocale, par ailleurs, ne démérite pas et à la
structure en phases multiples qui apporte un regain d’intérêt d’écoute.
On écoute cet album avec délectation et si l’on n’a pas été « averti »
qu’en fait il n’est le fruit que de deux seules personnes, l’idée que cela
émane d’un groupe réel ne fera nul doute.
Ici l’intelligence et le savoir faire ne sont nullement artificiels.
C’est bel et bien l’humain qui a pris le pouvoir sur la machine et lui a simplement
commandé d’enregistrer – le maitre des commandes c’est Randy McStine et avec
son acolyte et ami Marco Minnemann , ils ont produit là, à partir d’une
simple idée d’archivage, un de ces albums rock qui ne peut être anecdotique…
Un de ces albums qui aura fait tant ma semaine, que mon mois, que, finalement
mon plaisir suprême de réécouter, enfin, un rock qui ressemble à ce que j’attends
vraiment de lui et rassemble tout pour ce faire.
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RIVAL SONS : « Feral Roots » / Atlantic 2018.
Jay Buchanan : vocals / Scott Holiday : guitars / Michael Miley : drums / Dave Beste :
bass, keyboards.
Rare sont les groupes se revendiquant ouvertement jusqu’à un presque mimétisme
de Led Zeppelin, ou du moins rares sont les groupes capables de caresser ce
haut niveau, sans être observés avec suspicion, étiquetés d’un « bof »
ou d’un « bon bref, mais encore » …
Qui plus est, quand les médias s’en mêlent et s’emmêlent en exorbitantes similitudes
et appréciations référencées, la suspicion est de mise.
Je parle à mon ami de Rival Sons, lui demande s’il connait.
Oui – me dit-il, mais le groupe lui a été présenté par une personne dont le
souvenir pédagogique que ce soit pour lui ou moi, rappelle des « difficultés ».
Heureusement que le nom du groupe ne m’a pas été associé à l’époque à cette
personne, il y eut de fortes chances que je refuse tout net ne serait-ce que de
les écouter.
Va-t’en comprendre pourquoi certaines associations sont à ce point certainement
rédhibitoires.
J’ai donc écouté tous leurs albums.
Le plus récent, décliné en deux volumes, « Lightbrinder » et « Darkfighter »
- de 2023 – en studio et puis cet extraordinaire live lui aussi en deux volumes
« Pair of Aces », auraient pu, à eux seuls largement nourrir cette
petite chronique les concernant.
Mais j’ai préféré jouer la carte de la similitude zeppelinienne avec cet album
truffé de ré-assimilations et de réappropriations de ce qui reste l’un des
groupes hard devenu métal qui en une décennie augmentée a traumatisé la planète
rock.
On va commencer par le jeu de batterie de Michael Miley, dépassant la seule
zone d’influence Bonham, tant il semble, ce même au-delà du fils de John,
complètement habité par ce mentor, cette sorte de Dieu s’exprimant par peaux et
métaux.
Les divers plans, la frappe tellurique, le jeu totalement inscrit dans les
gènes, comme la prolongation de Bonham lui même … similitude dépassant l’incroyable
et pourtant … malgré toutes ces évidences, Miley a la capacité de transcender l’affaire,
phénomène assez inexplicable qui une fois le choc passé permet de l’apprécier,
non pour ce qu’il est en fonction de, mais pour ce qu’il est tout court.
Et s’en prendre plein la tronche avec un nouveau Bonham, j’avoue que c’est
carrément jouissif.
Passons maintenant à ce qui devrait être, dans la continuité, le clone vivant
de Page et dont le nom m’a incité à découvrir le groupe, par – je le rappelle –
cet influenceur de réseaux guitaristiques : Scott Holiday.
Là aussi et c’est l’évidence, ce jusque dans les recoins acoustiques comme
sortis du Vol III, l’incroyable se produit, on est face à Page, sans Page…
On est face à l’immense imagination musicale de ce dernier augmentée de celle
personnelle et intimidante de Scott Holiday.
Dire si la sauce prend est un doux euphémisme…
C’est le jeu de Page mais actuel et tourné vers l’avenir, tel que Page certainement
l’eusse fait avec le Zep si toutefois aujourd’hui ils créaient encore.
Au passage, les compositions, même si, encore une fois l’on souhaiterait qu’elles
entrent dans cette aisance et zone de confort de références faciles et
tellement faciles, sont vraiment originales et le mélange de jeu référent, des
idées réappropriées, et d’une vision de groupe qui s’assoit dessus pour prendre
un envol plus personnel donne un tout absolument décapant et original, de fait.
Il faut un John Paul et on l’a. Un gars discret, efficace, hyper musicien,
pilier solide et flegmatique, pragmatique, organisé, subtil… toutes ces
qualités et bien d’autres, musicalement parlant et certainement humainement,
Dave Beste semble en faire montre, jusque dans les moindres détails.
Et des détails le concernant, si l’on pense à dépasser le mur du son des trois
autres, il y en a… à la basse comme aux claviers.
Alors reste Jay Buchanan, vocaliste hors pair, aux inflexions forcément que l’on
voudrait… et bien, pas de bol… certes on n’en est jamais loin, mais on n’y est
pas vraiment.
On ne mimétise pas Plant, l’affaire est perdue d’avance.
On peut en choper les schémas, clichés, façons et même techniques, cela s’appelle
chanter le hard ou le métal, comme vous voudrez…
Alors de ce point de vue, Jay est un de ces chanteurs qui envoient de l’exceptionnellement
lourd, avec hargne, justesse, gueulements sortis d’un blues rock bien saturé. Jay
est bien évidemment, aux côtés de Scott, le premier axe de ce bonheur qu’on se
prend tous décibels sortis.
De là, Rival Sons a largement suscité mon intérêt, mon envie de dépasser la
zone de références – admettons élogieuses – dans laquelle ils semblent
tellement aisé de les enfermer et dont je n’ai pu, là aussi me détacher, ce
afin d’inciter à les apprécier mais aussi, imaginer qu’il puisse en être
autrement…
D’ailleurs, « Lightbrinder » et « Darkfighter » attesteront
de leur rapide évolution sur terreau zeppelinien, comme quoi, une zone d’influence
si elle est et reste n’est pas obligée de s’enfermer à ce que tous veulent en
représentatif mimétisé.
Mais ici, il suffira d’écouter attentivement « Shooting Stars » pour
se dire que, l’Amérique profonde reste bien en eux…
Quoiqu’il en soit, terminer ce tour d’horizon avec Rival Sons, permettra de –
toutes guitares sorties – donner un bon coup de jeune à votre chaine Hifi, qui
sera heureuse de vibrer comme au bon vieux temps.
Quant à vos haut-parleurs de voiture ce sera l’occasion pour eux de découvrir
qu’ils ont la capacité de sortir de leur zone de confort radio pour oser d’avantage…
D’avantage…
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Une affaire de guitares.
Une affaire de rock.
Une affaire de gros son.
Et tellement de plaisir que de savoir que non rien n’est mort, il manquerait
plus que ça !
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