EN TOUT SENS OU EN VRAC, SI VOUS VOULEZ … (01) - Z.KODALY, L.CORYELL, E.REMLER, COLD BLOOD, S.STILLS
EN TOUT SENS OU EN VRAC, SI VOUS VOULEZ … (01) - Z.KODALY, L.CORYELL, E.REMLER, COLD BLOOD, S.STILLS
Tout neufs, rééditions, découvertes, « tiens donc »…
De quoi satisfaire l’envie et la curiosité.
Et en profiter pour l’été.
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KODALY / DOHNANYI / NOVAK / WIEDERMANN / SOKOLA – « Organ Works » /
Iain Quinn | NAXOS 2024.
Enregistré sur les grandes orgues de PreachTree Methodist Church – Atlanta,
Georgia.
Dès que je vois le nom de Kodaly, j’ai immédiatement un petit rejet, un petit
soupir compulsif dû au rabâchage que j’ai subi, tant par des formateurs
« agréés » que des convaincus imbibés ou encore des collègues
aveuglés par sa « fameuse » méthode d’initiation musicale pour la
petite enfance et l’enfance tout court.
Cet immense arbre, au demeurant pas forcément et fondamentalement « mauvais »,
loin s’en faut, mais disons uniformisé et unilatéral – vision surtout promue
inintelligemment de façon générale par ses adorateurs dont le discours
s’apparenterait presque à celui d’une caste, voire d’une secte pédagogique –
m’a longtemps caché la forêt somptueuse et verdoyante de créativité que
représente la musique de Kodaly.
Je ne connaissais absolument pas son œuvre pour orgue – en général il faut
savoir que la littérature pour l’orgue est considérable, bien plus dense et
copieuse que celle pour le piano et que nombre de compositeurs ont écrit des
pièces extraordinaires pour cet instrument forcément connoté « répertoire
religieux ».
Je suis aussi très loin d’être un « spécialiste » de cet instrument
(à part en jazz et rock où l’Hammond, vous le savez, est l’un de mes
instruments de prédilection), alors, quand je franchis ce répertoire c’est à pas respectueux et à
tâtons et ainsi, j’entre dans le prestigieux lieu (église, cathédrale, temple,
abbaye…), puis en général ma tête se lève… et là je n’ai de cesse d’admirer ces
instruments monumentaux à l’imposante tuyauterie, aux registres multiples et
variés, à la sonorité unique, à la teneur prestigieuse.
Voici une porte d’entrée inédite vers ces compositeurs de l’Europe de l’Est,
dont la musique est très souvent guidée par l’axe populaire, le chant
traditionnel, les racines et une foi intense … qu’ils mettent en lumière pour
inscrire ce patrimoine de tradition orale dans la pérennité du langage dit
« savant » (ce savant étant l’écriture, l’orchestration…).
L’intimisme et la grandiloquence se côtoient, selon les compositeurs ici
présentés et interprétés par Iain Quinn sur cet orgue aux couleurs sonores
magnifiques et amples.
L’orgue c’est l’orchestre sous les doigts, sans oublier d’ajouter le pédalier
qui selon les ouvrages relève d’une rare virtuosité. Être organiste c’est avoir
une indépendance mentale pour une réalisation physique hors pair, c’est avoir
une capacité de lecture musicale de chef d’orchestre pour savoir la réaliser
soi-même.
L’organiste peut vivre en autarcie musicale, être une personne isolée du monde
et retirée … son instrument peut le contenter, en soi.
Les Epigrammes initialement écrits pour voix et piano – composés par Kodaly –
ainsi que son Prélude et sa messe ont retenu toute mon émotion.
Il y a dans les fondamentaux de cette musique une telle vérité, une telle force
interne et spirituelle que son écoute impose le silence, la quiétude et le
recueillement, ce qui vous pourriez dire est quelque peu logique pour un
répertoire destiné à l’office religieux…
Et effectivement cela devrait être généralement le cas, mais parfois la
grandiloquence des possibilités de l’instrument emmène vers des puissances
flatteuses qui, même si elles célèbrent une grandeur céleste, détournent du
recueillement.
Me voici désormais face à un manque réel dû à un détournement
pédagogico-musical que je ne connais que trop mais qui m’a fait effleurer la
musique de ce compositeur en place de la connaitre et surtout la reconnaitre.
Une récupération en sommet d’iceberg que je déplore et qui, sous l’égide
habituelle de bonne volonté, a finalement détourné de sa musique la popularité
d’un créateur pour un usage certes louable, mais qui en battage identique à une
campagne de candidat politique aura désintéressé l’autre partie, majeure, de
l’auditoire.
La musique de Kodaly (mais également ici des autres compositeurs présentés)
mérite plus que l’initiation à l’enfantillage musical – elle mérite, en atteste
ici une œuvre, qui plus est, pas spécialement d’un abord instantané évident,
une découverte plus qu’une écoute en souvenance, que je vais m’employer à
faire.
En attendant, entrez dans l’église…
Priez si vous en avez envie…
Admirez l’architecture, l’original chemin de croix, la beauté des fresques,
tableaux, vitraux… un « pictural » merveilleux.
Ecoutez vibrer cet orgue…
Et en ces jours de canicule, mettez-vous, simplement, également… au frais…
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LARRY CORYELL – EMILY REMLER « Together » - Concord 1985.
Larry Coryell est un habitué des duos de guitaristes, son association avec
notre Philippe Catherine (pas le chanteur de « nu » …) fut des plus
motivantes tant à l’écoute qu’en gestion duettiste des instruments.
Les duos guitaristiques (jusqu’aux trios avec par exemple le légendaire Paco De
Lucia, Al Di Meola, John McLaughlin) si on veut bien s’y intéresser on peut
vite devenir accro de cette magie souvent acoustique, mais qui comme avec
Abercrombie/Towner chez E.C.M peut aussi prendre des directions très, très,
innovantes.
Je reviens parler ici de la regrettée Emily Remler, cette jeune guitariste qui
fut plus que prometteuse et est devenue en une poignée d’années de carrière une
sorte de culte du genre guitaristique jazz.
Culte ? Pour les amateurs de ce jazz au langage volubile, expressif, très
digital, avec cette sonorité de la demi-caisse si prisée, entendons-le.
Mais ici, elle prend également la guitare acoustique.
« Together » est un album de « plaisir », joué simplement
de la sorte par une sommité du genre (Larry Coryell) et celle pour laquelle il
pourrait aisément faire figure de mentor.
Mais ne nous y trompons pas, l’équité entre les deux artistes est ici de mise.
L’équilibre de parole entre l’une et l’un est faite d’un véritable dialogue où
l’écoute et le partage réel de couple (qu’ils furent) sont respectueusement
présents.
Les standards choisis pour cette complicité sont présentés avec une infinie
délicatesse (« Ill Wind ») et leur choix est agencé sur la même ligne
directrice, mettant en avant des compositeurs comme Earl Zindars ou encore Pat
Martino.
Deux compositions (dont le précieux « Six Beats, Six Strings » qui
m’a littéralement empli d’émotions) de Larry Coryell complètent ce tableau
intimiste qui fut enregistré d’un trait, en deux pistes, ajoutant effectivement
une sensation de fraicheur et d’immédiateté qui transparait au gré de chaque
plage.
L’entente est absolue et le jeu complémentaire des deux artistes rend cet album
certainement indispensable pour les amateurs du genre et, pour les amateurs de
guitare(s) tout court.
Quant aux amateurs de musique, sans distinguo, ils sauront apprécier pleinement
ce voyage de cordes entremêlées.
Le soleil va se coucher, je me pose en terrasse, sirote tranquille mon cocktail
préféré et je vais les laisser m’accompagner de leurs traits véloces, de la
subtilité de leurs sonorités additionnées et complémentaires, du chant avec
lequel ils prennent chaque phrase, chaque thème, chaque fulgurance, de la
beauté, simplement, de leur union musicale, respectueuse et amicale.
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COLD BLOOD « Sysiphus » - San Francisco Records 1970.
Enregistré sur le label de Bill Graham, voici le second album de Cold Blood, un
groupe décapant qui mixe en version funky-rock-rythm’n’blues, façon jammin’
sessions des grands festivals, un savant mélange duquel émergent çà et là des
réminiscences de Santana, Miles, James Brown (« Understanding »),
Tower of Power, Hendrix, Janis, le blues, le gospel, la soul – enfin bref, tout ce qu’on aime dans cette
arrivée aux seventies et l’entrée de plein pied dans cette décennie fumante.
Le terme de fusion bien avant l’heure est celui qui me vient en priorité.
La chanteuse Lydia Pense à fond dans le mood Janis envoie du lourd, des
invitées de marque telles les Pointer Sisters enfoncent le clou sur ce titre
gospélisant-churchy de Hayes « your good thing (is about to end) » …
Que des inconnus ici, réunis pour une cause des plus enthousiasmantes, une
sorte de giga célébration à la sauce flower power côte West où l’esprit
collectif prime, où le partage est légion et où la musique s’assimile à la transe.
C’est du « pur jus », trempé, authentique, unique et surtout
directement jouissif.
Ces cuivres ! Ensemble et solistes !
Ces chœurs !
Cette voix !
Ce claviériste sorti de l’église voisine qui vient célébrer la grand-messe de
la musique (Raul Matute), ce soutien rythmique débridé… ce jeu de guitare
pluriel et central (Larry Field).
Ce don total ! ...
par la musique.
Il y a de fortes chances que notre amie Susan Tedeschi ait eu ça de façon
entêtante en jeunesse…
Vous aurez du mal à vous en séparer…
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STEPHEN STILLS « Manassas » - Atlantic 1972.
Voici bien le genre d’objet musical ambitieux qu’il faut absolument mettre en
platine(s).
Cet album aurait dû être le troisième en solo de Stephen Stills. Il deviendra
le premier de Manassas (nom de la gare où la photo des musiciens fut prise) ...
La « réunion » des musiciens de studio accompagnateurs du projet deviendra
finalement le groupe Manassas.
Ici Stephen Stills ratisse, sur un album généreux, tout ce qu’il possède en « mains
musicales ».
Et le « travel » au fil des paysages présentés par celles-ci est un
résumé de ce qui fait la culture rock US de ces seventies.
Du blues, car au fond tout est question de blues.
De la country, car finalement sa présence enrobe tout.
De l’influence latino car cette mixité est devenue fusion rythmique.
Du folk, et même du trad… et c’est bien logique car Stills c’est le second nom
de C.S & N puis viendra Neil Young.
Aveuglé par Neil, intéressé par David, souvent attiré par la voix de Graham, j’ai
mis très longtemps à accepter Stephen et même à l’écouter, d’où ce « compte
à rebours ».
Stephen va bientôt rencontrer Véronique et dans « le maudit » on saura
se rappeler et apprécier la participation des zicos présents ici. C’est peut-être
bien l’un des seuls liens qu’il m’a été possible de faire en ces temps
lointains.
Je rattrape donc ce temps probablement perdu en me disant que si j’avais pu
entrer plus véritablement dans cette musique peut être bien, ou même
certainement, quelques autres influences eurent pu m’inciter vers d’autres
voi(es-x).
Mais, me dis-je, ado aurai je vraiment été apte à apprécier de passer de la gigue
irlandaise (« Fallen Eagle ») au mi-gospel (« Jesus gave love
away for free ») – il fallait certainement un peu plus de culture que je n’en
avais à 12 ans pour être en capacité de prendre en compte ce kaléidoscope musical.
Au fait, malgré l’immensité de la démocratisation de l’écoute musicale aujourd’hui,
qu’écoute réellement un ado de 12 ans… ? Ma petite fille qui a cet âge m’a
donné quelques pistes et réponses.
C’est toujours intéressant de faire le rapprochement.
Malgré un florilège de titres aux directions apparemment éparses, dont seule la
guitare de Stills et sa voix sont le lien, ici c’est bien l’osmose du groupe
qui, au-delà du « service » envers l’artiste et son projet, accroche
et rend cet album « américain » définitivement unique et obligatoire.
Un « son » qui n’a pas pris une ride, qui reste en mémoire et qui a
été capté avec une incroyable clarté, cohésion et réalisme.
Du … « classic rock » … pour sûr.
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Cette chronique a touché sa fin.
Quatre albums c’est bien assez pour emplir les doux moments de vacances.
Profitez et stay tuned !
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