BIG BAND – GRAND ORCHESTRE – COLLECTIF … Chapitre 04
BIG BAND – GRAND ORCHESTRE – COLLECTIF … Chapitre 04
Montez le son …
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01 - BOB MOSES : « Visit with the Great Spirit » - Gramavision
1984
feat : David Sanborn, David Liebman, David Gross, Tony Coe, Bob Mintzer,
Howard Johnson / saxophones – John D’Earth / electric trumpet – Tiger Okoshi /
trumpet – Michael Gibbs / trombone – Steve Kuhn / piano – Cliff Korman, Delmar
brown / synthesizers – Jahnet Levatin, Ron De Francesco, Manoel Monteiro,
Rahboat Moses, Danny Gottlieb / percussions – Jerome Harris, Eddie Gomez, Steve
Swallow, Lincoln Goines / basses – Bill Frisell, John Scofield / guitars – Bob
Moses / drums, percussions, arrangements, composer.
Vocals : Hiroshi Heida, Kyoko Baker, Rayko Shiota.
Après l’unique « When Elephants Dreams Of Music » qui reste un de mes
albums de collectifs de dessus de panier, il était difficile de croire que la
même magie pourrait opérer avec ce nouvel opus – pourtant la même flamme était
bien là.
Avec, encore une fois, un casting des plus impressionnants - Bob Moses, batteur
réputé a un carnet d’adresses particulièrement bien fourni.
La critique de l’époque dans les magazines de jazz, que je manquais pas de
dévorer (étant même abonné à certains), était mitigée, comme si, après une
réussite indéniable l’on attendait la « même chose », vous savez, ce
tic bien français qui, une fois la découverte et l’engouement passés installe
les choses artistiques dans des zones de conforts avec des étiquettes.
On a tendance trop souvent à catégoriser les batteurs dans leur et autour de
leur instrument, ce qui semblerait exclusivement limitatif et symboliquement
rythmique.
Grave erreur que cet éclairage si l’on pense aux albums de certains Billy
Cobham (pas tous), Lenny White et autres Tony Williams – pour n’en citer qu’une
infime part « américaine » (je pense à Aldo Romano, Daniel Humair et
bien sûr Manu Katche … chez nous).
Moderniste, free, jungle, hard et pesant, monkien (Monktional) ou mingussien,
peut être bien coltranien, certainement evansien et même brésilien
(« Carinho » et son solo Frisell de fin hallucinant) cet album
possède d’indéniables qualités.
L’écriture tant des compositions que de leurs orchestrations est unique et
rare, quelque part je retrouve cela chez Teo Macero (« Visit The Great
Spirit »).
Moses est un grand organisateur musical.
La proposition est réellement collective ce malgré tous les solistes dont, rien
qu’à la lecture des noms l’on sait qu’on va avoir affaire à du lourd.
Et justement, c’est bien l’art de Bob Moses que de pas jouer sur cet axe qui
serait finalement le plus facile, à savoir lâcher la bride aux solistes à
partir de thèmes bien agencés en incluant quelques bons gros backgrounds pour
les pousser au c…
Non, ils émergent çà et là d’un amalgame sonore savamment positionné, mais
jamais ils ne prennent leur statut de « vedette ».
David Sanborn insuffle la couleur par son lead de pupitre, Bob Moses donne le
dessin rythmique, souvent roots et tous fûts dehors et, de ces deux points
sonores, il n’y a qu’à se laisser emporter par le reste d’une très rare
originalité globale.
Entre les deux (Elephants/Spirit) mon cœur balance encore.
Voilà bien un album à découvrir pour se rendre compte de l’incroyable évolution
du concept orchestral issu du jazz, tant en écriture qu’en arrangement.
Inaltérable et exceptionnel – jamais vous n’entendrez cela
« ailleurs » tant – un peu comme avec George Russell – cette exploration
musicale respire le modernisme, la nouveauté et surtout l’intelligence.
Bob
Moses - Visit With The Great Spirit Full Album - YouTube
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02 – FRANK ZAPPA : « The Grand
Wazoo » - Bizarre/Reprise 1972
Frank Zappa : guitare, percussions, vocals, arrangements – Mike Altschul,
Earl Dumler, Fred Jackson Jr, Johnny Rotella : bois – Bill Byers, Sal
Marquez, Joanne Caldwell McNabb, Malcom McNabb, Ken Schroyer, Ernie Tack :
cuivres – Joel Peskin, Ernie Watts : saxophones, bois – lee Clement, Alan
Estes, Robert Zimmitti : percussions.
George Duke, Don Preston : keys – Erroneous : bass – Aynsley
Dunbar : drums – Tony Duran : guitar – Lauren Wood : vocals.
Zappa est agressé par un spectateur parce qu’il regardait sa copine avec une
certaine insistance lors d’un concert. Résultat, une longue convalescence, la
dislocation des Mothers et l’incapacité de remonter sur scène.
Qu’à cela ne tienne, cet insatiable de musique va reprendre le chemin de
certains de ses albums où il usait de formations « agrandies » pour
écrire cet album dans lequel il va revisiter l’axiome Big Band.
Il convoque une pléthore de musiciens d’orchestre et de jazz (des vents, exclusivement),
leur propose une partition à l’écriture ample et abondante, nécessitant une
grande variété de couleurs de pupitres et change de cap rock pour se lancer
dans un pseudo jazz où même le free, dont il est pourtant friand, n’aura que
peu de place.
Forcément, cette nouvelle direction n’aura pas, à sa sortie, le succès escompté
– mais Zappa est-il vraiment influencé par l’idée de succès ?...
Et cet album deviendra progressivement, non seulement l’un de ses
« meilleurs » (enfin il y en a tellement…), mais surtout une
référence d’un genre qui en 1972 osa fusionner rock, funk bizarroïde et jazz,
enfin, là encore, jazz culturellement révisé par la moulinette Zappa – tout
cela en écriture imposante et orchestrale.
On le sait, le clame, le crie parfois, Zappa fut un des rares génies réels que
le rock ait pu engendrer, dépassant tout en s’en revendiquant, le rock dans
l’esprit qu’un certain public majoritaire l’identifiait.
Passionnant, roi du pastiche, innovant, contemporain au-delà de l’idée
passéiste de moderne, boulimique, inassouvissable de musique(s), intellectuel tant
que beauf, agaçant et énervant, obscène, fantasmagorique, virtuose si l’on
considère son jeu instrumental à la guitare, là encore, unique en son seul
genre avec tant et tant de qualificatifs, Zappa est et reste une exception.
Une exception qui a fait naitre sous ses crayons-gomme de nombreux scores
déviants et captivants.
« The Grand Wazoo » en est probablement l’un de ses plus réels
exemples.
Et chaque fois que j’écoute cet album je me dis qu’un jour, ce serait vachement
bien de réunir un paquet de musiciens représentatifs de tout cet effectif
instrumental et de « monter » l’œuvre.
Car c’en est une.
The
Grand Wazoo - YouTube
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03 – ROBIN MCKELLE : « Modern Antique » - Cheap Lullaby Records
2008
Robin McKelle : vocals, piano – Quinn Johnson, Alan Mallet : piano –
Larry Khuns : guitar – Reggie McBride, Mike Velario : bass – Bernie
Dressel, Nathaliel Morton : drums - Wayne Bergeron, Gary Grant, Joe
Magnarelli, Don Clark, Larry Hall, Willie Murillo : trumpets – Andy
Martini, Jason Thor, Charlie Morillas, Craig Gosnel : trombones – Dan
Higgins, Ray Herrmann, Bos Shepard, Pete Christlieb, Andy Snitzer : saxs -
Mark Visher : flute – Glen
Berger : oboe – Daniel Ondarza : french horn.
Strings conducted by Kathleen Robertson.
Voilà le type d’album qui installe directement un côté festif, jovial, entrainant.
Une sorte … d’envie.
La plupart des titres passent par un gros reliefting et cela se fait par le
spectre du Big Band mais aussi de quelques partitions orchestrales plus
généreuses, avec cordes, bois et tout le package sentimental et coloriste.
Plusieurs des musiciens de l’album ont contribué aux arrangements, ce qui leur
confère une identité autre, tel ce « Lover Man », traité bondissant
là où on l’a souvent pleurnichard…
L’évidente influence d’Ella sur Robin McKelle n’est plus à démontrer (elle lui
a d’ailleurs dédié un album) et cela se ressent au travers d’une technique
vocale absolument imparable de précision, de justesse et de maitrise totale de
l’expression et du feeling.
Ce constat ne dessert pas, bien au contraire le propos de la chanteuse qui
profite de cette aisance pour installer sa voix sur des arrangements avec
lesquels elle interagit (le moment fabuleux de violoncelle dans « Day by
Day » qui va s’auréoler de bois et cordes délicat-e-s, avant de se
positionner sur rythmique de velours et laisser la place au doucereux bugle
puis terminer en violon solo), taillés sur et à sa mesure et bénéficiant d’une
production et d’une prise de son véritablement au profit de ce jazz
« classique », porté par un swing à l’ancienne manifeste.
On redécouvre l’éternel « Cheek to Cheek » sous un angle qui s’il
n’est véritablement novateur permet un éclairage différent avec des cordes qui
jonglent entre piano cristallin et cuivres de Big pur énergie.
On lira dans le livret que les arrangements ont été écrits une fois faits et
distribués par des copistes, donc un travail « à la main »… et oui,
cela se fait encore… et c’est, finalement, bien perceptible que ce procédé
« antique », au long de l’album.
En somme, « Moderne Antique » est l’archétype de l’album qui va
remplir avec joie et bonheur l’espace sonore que l’on aime à installer quand on
prononce le mot jazz.
Et c’est déjà beaucoup.
Robin
McKelle - Modern Antique (Full Album) - YouTube
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04 – JACO PASTORIUS : « Word of Mouth » - Warner 1981 /
« TWINS 1 & 2 » - Warner 1982.
Jaco Pastorius : bass, composer, arranger - Bob Mintzer : tenor sax,
arranger – Bill Reichenbach, Peter Graves, Wayne Andre, Dave
Bargeron : trombones – Paul Mc
Candliss, Alex Foster, Bob Mintzer, Mario Cruz : saxes, clarinets, oboe,
english horn, flutes – Elmer Brown, Forest Buchtel, Jon Faddis, Randy Brecker,
Ron Tooley : trumpets – Brad Warnaar, Peter Gordon : french horn –
Othello Molineaux : steel drums – Don Alias : percussions – Peter
Erskine : drums – Toots Thielemans : harmonica.
The Word of Mouth Ensemble.
Bien.
Là il faudrait très probablement un article complet sur ces trois albums.
Le premier, « Word of Mouth », enregistré en studio au gré d’une
tournée Weather Report où Jaco écrivait ou jouait ses idées (en les enregistrant
sur un magnétophone à K7) et quand il était en relâche, réunissait ses amis, en
studio, pour exécuter ses somptueuses compositions ainsi qu’orchestrations.
Un album décisif qui a posé Jaco Pastorius bien au-delà du bassiste
révolutionnaire et mythique qu’il était, mais qui a définitivement présenté le
musicien, compositeur, arrangeur et orchestrateur aux ressources infinies, aux
idées futuristes et aux visions inédites.
Dans ce premier opus (qui est son second album studio) l’impression générale
est l’admiration d’un puzzle inventé par un génie kaléidoscopique.
De nombreuses facettes comme ces moments free générés par le studio et le
premier titre « Crisis », déroutant. Ce qui le fut également pour les
musiciens auxquels il n’envoyait au casque que des bribes (une technique à la
Bowie-Eno), enregistrant leurs réactions musicales afin d’obtenir un cocktail
musical improvisé totalement interactif. Mais aussi de formidables titres
orchestraux, purement Big Band (« Liberty City »), tout comme
véritablement symphoniques, prouvant là désormais que Jaco Pastorius était
passé légende et mythe musical.
Les deux Twins, rappelant maintenant ces tours du 11 Septembre, furent
enregistrés lors de l’Aurex Festival. Cette fois Jaco a constitué un Big Band
augmenté d’un ensemble à vents plus ample. Une touche de couleur très originale
et inhabituelle est l’insert du steel drums qui officie sur l’échelle de la
fonction de pianiste.
Pas de guitare – juste basse batterie et percussions et une fonction harmonique
qui sera déterminée par les vents et les espaces limpides et arpégés par le
steel drum.
Ces deux albums (ce concert) sont saisissants de nouveauté et d’originalité.
Jaco y a orchestré l’ensemble de ses compositions, y compris certaines issues
du répertoire de Weather Report, ce qui s’avère captivant.
Le Big Band rock (il ne faut pas oublier que Jaco a fait partie de BS&T),
funky, côtoie ainsi le jazz d’avant-garde, celui d’une certaine fusion, mais
également on pourra noter une très forte influence de Stravinsky dans nombre de
teintes orchestrales, un peu comme le revendique Sebesky.
Alors on sera certes tenté par les titres plus « faciles » tels que
cet « Invitation » dont la ligne de basse va définitivement coller à
ce standard pour être désormais quasi sa référence. Et il en va de même pour
« The Chicken » qu’on lui attribue presque, du fait là aussi de cette
ligne de basse obligatoire désormais, alors que bien avant, par exemple, un
certain David Liebman jouait ce titre en mode smoothy…
En fait, non seulement Jaco propose là une réelle avancée dans l’écriture
musicale d’un genre qu’il va restructurer et faire définitivement évoluer, mais
qui plus est, il va poser une telle empreinte personnelle dans les titres que
ceux-ci ne seront plus désormais envisagés autrement que par son spectre.
Je ne vais pas m’étendre plus sur ces trois albums précieux, essentiels si l’on
veut comprendre comment la grande formation en jazz a pu évoluer.
Ils sont les pierres angulaires de cette évolution.
Car, après cela, les choses ont réellement changé et sont apparus de nouveaux
grands arrangeurs et compositeurs du genre, comme, présent ici et participant activement
à l’affaire, Mr Bob Mintzer éminemment influencé et même peut être bien suiveur
de ce bouleversement tant comportemental que musical et patrimonial.
Jaco
Pastorius Big Band - "Twins I & II: Live in Japan 1982" - YouTube
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05 – MICHEL LEGRAND : « Big Band » - Decca Universal - Do Dièse
1995
Michel Legrand : piano, arrangements, compositions – Marc Michel Le
Bevillon : contrebasse – Umberto Pagnini : batterie – Claudio De
Queroz, François Theberge, Guillaume Naturel, Hervé Meschinet, Jean Pierre
Solves, Lionel Belmondo, Michel Goldberg :
saxes – Christian Guizien, Denis Leloup, Jacques Bolognesi, Maurice
Cevrero : trombones – Christian Martinez, Claude Egea, Jean Claude
Verstraete, Philippe Slominsky, Stephane Belmondo : trompettes.
D’abord en écrivant les noms des musiciens, j’ai eu une pensée très émue envers
mon ami Jean Claude Verstraete avec qui j’ai eu l’immense honneur de partager
la scène les dernières années de sa vie lors de quelques occasions pour
lesquelles nous ne manquions pas de nous inviter mutuellement. Un grand
artiste, un musicien intègre et un trompettiste hors pair.
Cet album, c’est justement un ami trompettiste qui me l’a offert avec le
sous-titre « voilà le big band qui te plaira ».
Dès son entrée en platine je l’ai instantanément adopté.
Pourtant je n’étais pas un fan, comme certains, de Michel Legrand, loin de là.
Certains de ses systématismes de composition eurent vite fait de me lasser de
même que son romantisme jazz en mélodies récitatives, bref, on catalogue trop
vite les gens et je n’échappe pas à la règle. Mais les règles c’est fait pour
être bougées et avec un tel album j’ai aussitôt révisé ma copie, d’autant que
Jean Claude m’avait beaucoup parlé de ces sessions…
Alors la fascination s’est emparée de moi et j’ai écouté, décrypté et même
repiqué ce foisonnement d’énergie sonore, de mises en place imparables,
d’écritures et accepté le chant langoureux – un choix à admettre – du leader
quand il prend le micro.
Et nombre de ces standards jazz français made in Legrand, bien souvent insérés
dans les real books américains ont commencé à me titiller les doigts.
C’est un album de plaisir, un feu d’artifice où l’on agit, spectateurs que l’on
est en moults « Ah », « Oh », « Pff… » pour
applaudir croyant à chaque fois qu’il s’agit du bouquet final.
Michel Legrand s’est entouré du must des musiciens de jazz français et ceux-ci,
au service de sa musique très virtuose et à l’écriture dépassant l’axiome
d’exigence, souvent en rapport avec son jeu pianistique foisonnant et
fourmillant d’idées et de virtuosité d’aisance, se donnent ici à fond, habités
par le caractère puissant et trempé de sa musique.
Quelques titres du Dingo de Miles viennent pimenter la sauce funky
(« Dingo Rock »), rappelant que Michel Legrand est aussi une
référence outre atlantique et pas des moindres, ayant collaboré, dans sa
carrière, avec les plus renommés de ce jazz qui ne l’a jamais lâché.
La France a toujours eu de phénoménaux Big Bands, cet album est à placer parmi
les exemples de cet adage.
Et il éclaire la musique de Michel Legrand sous son meilleur angle.
Michel
Legrand - Big Band (Full Album) - YouTube
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06 – LALO SCHIFRIN : « The New Continent of Gillespiana ! » -
Limelight 1965 / « Lalo Schfrin presents Gillespiana in Cologne
featuring Jon Faddis and the WDR Big Band » - Aleph Records 1997.
Il s’est éteint.
Ils partent tous, progressivement, finalement, logiquement.
Le média disque puis CD les a fait émerger, les a propulsé sur la planète et
leur musique s’est déployée, inondant toutes les couches et strates sociales.
Pour des compositeurs comme Lalo, génial faiseur d’ambiances et d’images
sonores, le film et sa B.O ont été qui plus est des détonateurs de carrière.
Il n’y a qu’à voir les hommages rendus…
Mannix à trois temps, Mission Impossible, lui à cinq temps…
Trop nombreux ceux qui résument sa carrière à ce si peu gigantesque.
Et pourtant faire des tubes instrumentaux avec des mesures changeant nos
habitudes de cadre 4/4, ce n’est pas donné à tout le monde, juste à lui,
probablement.
Lalo a aussi œuvré pour les grands orchestres, généralement de jazz.
Partenaire de Quincy, de Jimmy Smith puis et surtout de Dizzy Gillespie qui a
trouvé en lui l’arrangeur idéal pour son concept à tendance latin jazz avec un
autre tube, « Manteca » où il pouvait sur une véritable armée de
cuivres balancer ses suraigus légendaires et gonfler ainsi ses joues, toutes
facéties dehors.
Et voici, parmi les albums de cette très brillante et cuivrée collaboration la
suite orchestrale (ou du moins organisée comme tel, en digne prolongation de
Duke et agissant ici comme un concerto à multiples mouvements) qu’il a composé
et dédié à Dizz : « Gillespiana ».
Une perle rare dans son impressionnant catalogue musical qui, contrairement à
ce que l’on imaginerait de débauche dégingandée du grand Dizz, faisant hurler
de bonheur et d’aigus sa trompette coudée (ce créé pour passer au-dessus la
masse orchestrale) est d’une formidable subtilité musicale et permet au soliste
de déployer ainsi sa palette la plus large et parfois inattendue.
Un premier album, celui-ci, l’original, au son plus âpre mais pour l’époque –
1965 – on est admiratifs tant du concept, de l’interprétation des multiples
musiciens invités à collaborer au projet que de la tenue musicale des pièces
présentées cherchant la couleur (les flûtes !) plus que l’énergie brute
souvent axiome représentatif de Dizz.
Le second album est, à l’identique, mais Dizz n’est plus là et c’est son
disciple, Jon Faddis qui s’y colle. Le maestro Lalo est au piano, remarquable
d’ailleurs.
Tout cela avec le WDR Big Band, l’un des plus fantastiques ensembles du genre
actuellement sur la scène internationale, aux projets d’envergure et
récurrents, qui plus est, en prestation live.
Entre les deux mon cœur n’a pas balancé, je n’ai cherché la
« comparaison » qu’en m’amusant à écouter un titre, l’original, puis
l’autre en live. Certes le son de la version du WDR avec Faddis emporte par sa
production et sa présence sonore mais celle de Dizz et Lalo en tant que version
originale est chargée d’une émotion palpable.
Un peu comme quand l’on s’amuse à comparer un Stravinsky dirigeant Stravinsky
puis une approche Boulez, puis tant d’autres.
La musique du compositeur ne lui appartenant plus et devenant de plus en plus
publique, elle prend, son « envol ».
Il n’en reste pas moins que cette œuvre de Lalo Shifrin, jazz et affiliations,
mais conçue comme une suite classique fera découvrir l’immense compositeur et
orchestrateur sous un angle certes moins populaire qu’avec ses célèbres thèmes,
mais tout aussi intéressant.
Et Faddis comme Dizz, quels virtuoses ! … (« Panamericana »)
Dizzy
Gillespie – Gillespiana (1960) – Lalo Schifrin – Studio Album - YouTube
Gillespiana
- Lalo Schifrin Full Album - YouTube
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07 – PATRICE CARATINI : « Endeka» - Label Bleu 1981.
Patrice Caratini : Contrebasse – André Ceccarelli : Batterie – Marc
Fosset : Guitare – Hamid Belhocine, Jacques Bolognesi : Trombones –
Eric Lelann, Tony Russo : Trompettes & Bugles – Marc Steckar :
Trombone Basse et Tuba – Patrick Bourgoin, Alain Hatot : saxophones,
flutes – Michel Delaporte : Percussions.
Les albums du Onzetet de Caratini sont désormais réunis sous l’intitulé
« Hard Scores ».
Mais j’ai choisi le vinyle « Endeka », premier de la série, qui m’a
accompagné dans de nombreuses écoutes pour cibler des subtilités
d’arrangements.
Car des subtilités, ici, il y en a…
Une écriture certes, parfois austère, ou disons qui demande une attention
particulière.
Caratini aurait pu avec ce concept largement postuler pour l’ONJ…
Sa « vision » musicale véritablement française, non éloignée de celle
par exemple du Big Band de Martial Solal, sans en avoir son extrême complexité
eut été bien représentative de cette « façon » bien française
d’écrire le jazz.
Est-ce l’absence de piano, compensé par les volutes de la guitare qui impose
cette couleur impressionniste ? Possible. En tout cas, ça y participe et
le propos s’en voit plus souple, moins « tourné » vers l’instrument
harmonique dominant et souvent au centre de l’arrangement puisque point de
« réduction ».
Presque chambriste, cet ensemble de onze musiciens et pas des moindres avec
seulement sept soufflants respire l’originalité, la flexibilité musicale et
permet un jeu plus intimiste et nuancé.
L’écriture est dense en texture mais jamais pesante ni envahissante.
Comme toujours André Ceccarelli – quelque part notre Gadd national tant il est
multiple et capable de tout jouer avec le même bonheur – est le centre du
sujet. Il insuffle, nuance, colorise et pulse avec conviction (« Maria
Alm »).
Avec Caratini ils forment LE tandem idéal.
Fosset peut ainsi sortir quand il le souhaite du spectre exclusivement de
section rythmique pour y revenir à loisir.
Que dire des compositions tant elles sont finalement belles (je sais que c’est
un poncif, mais je me permets d’en user ici, car on appelle les choses par ce
qu’elles procurent en sensations).
Ces onze-là ratissent large, offrent une qualité musicale d’ensemble comme de
solistes (chacun est un régal à distinguer) et de vision stylistique qui en
1981 m’a, personnellement en tout cas, permis de considérer l’écriture quel que
soit l’effectif et les instruments, comme étant d’originalité et de densité
possibles.
Commencez par celui-ci puis engouffrez-vous dans les suivants.
Vous en ressortirez autres.
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Voilà, c’était le dernier article avant quelques vacances pour le blog.
Chaleur, musique, écoutes nouvelles et diverses vont accompagner mon été afin
de vous proposer dès Septembre d’autres musiques.
En attendant, je vous souhaite à toutes et tous de belles vacances,
chaleureuses il va de soi.
Enthousiasmez-vous de musique live, tant qu’elle existe.
Il y a ici encore de nombreux article dans lesquels vous trouverez certainement
de quoi satisfaire vos appétits musicaux.
Pour moi, la pause d’écriture s’impose et mes doigts vont se consacrer à
d’autres claviers que celui de l’ordinateur, des claviers d’où sortent des
sonorités musicales bien réelles.
Bel été à vous toutes et tous et merci de suivre ainsi ces pérégrinations
musicales, ici.
Bien à vous.
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