CHUCK MANGIONE (29-11-1940 Rochester / 22-07-2025 Rochester) – « Children of Sanchez »
CHUCK MANGIONE (29-11-1940 Rochester / 22-07-2025 Rochester) – « Children of Sanchez ».
Petite entorse aux vacances du blog, mais parfois l'actualité nécessite d'en faire...
« Children of Sanchez » - A&M 1978.
Chuck Mangione s’est éteint ce 22 Juillet.
Il est représentatif d’un instrument et de sa sonorité : le bugle.
Nourri au et venu du jazz, Chuck Mangione a cependant fait une carrière tout
autre, ou du moins pas spécifiquement « enfermée » dans le jazz.
Ce sont ses débuts au sein des célèbres Jazz Messengers – cette école de la
scène légendaire – menés tambours battants par Art Blakey qui ont installé
cette étiquette sur lui.
Mais très vite, il va conquérir d’autres contrées, principalement symphoniques,
épiques, héroïques où sa verve de compositeur typiquement Epic américain sera à
l’honneur.
Je veux simplement, parmi un grand nombre de ses albums de toute sorte (une
trentaine environ), lui rendre un hommage posthume en m’attardant sur celui-ci :
« Children of Sanchez ».
C’est la B.O d’un film américano-mexicain de Hall Bartlett, inspiré du livre d’Oscar
Lewis.
La pauvreté, l’autorité paternelle, le désir de liberté d’une jeune fille sont
la toile de fond de cette fresque qui est illuminée par la présence en tant qu’acteur
principal, du grand Anthony Queen.
A ses côtés, Lupita Ferrer, dans le rôle de sa fille.
La musique de Chuck Mangione va soutenir, accompagner et magnifier ce film.
Et comme B.O, nul n’est besoin du film, ou de même l’avoir vu, pour en
apprécier toute la qualité créative et l’immense musicalité.
Forcément empreinte de couleurs hispanisantes plus que latinisantes, cette
toile de fond stylistique va s’épancher tout au long d’un album, double
vinylique.
Un album que j’aime à écouter – à y bien réfléchir – souvent.
Chuck s’y avère un performer, au bugle, d’une grande sensibilité et d’une
technique sur l’instrument qui, sans être démonstrative, laisse tout de même
admiratif.
Mais c’est la pluralité de l’inventivité tant de matériau composé que d’orchestration
qui rend cet album attachant et admirable, évocateur bien réel de ce Mexique sous
tension et de son peuple, pauvre, fier, authentique, ancestral et rural.
Le bugle est ici l’acteur principal de cette musique taillée sur mesure et c’est
tout son attrait qui n’est pas des moindres.
Entre Carmen, De Falla et Chick Corea … de fandangos en flamencos, de habaneras
en cruels pasos, de ballades douceâtres sur fond de guitares solitaires en
chants poignants, en chœurs murmurés, Chuck Mangione ratisse toute la panoplie
de l’émotion musicale pour l’image.
De somptueux moments de violoncelle solo, de flambantes timbales orchestrales,
de délicates guitares aux cordes nylon, de paradisiaques chants et contre-chants
de flûtes, de cordes emplissant les horizons en cuivres intensifiant les
paysages et les actions, il plante un décor musical qui, au fil des titres
égrène son propre film, son propre défilement d’images.
A chaque titre, le rideau se lève et laisse apparaitre un décor imaginaire,
changeant au gré des ambiances proposées, des instrumentations utilisées, des
teintes musicales suggérées et c’est ainsi que l’on parcours ces quatre faces
vinyliques sans heurts, sans envie de rupture.
C’est si rare qu’une B.O puisse procurer un tel sentiment et que les titres puissent
se suffire à eux-mêmes. Trop souvent, détachés de leur vie à l’image - ce
encore actuellement où même lors de concerts de tel ou tel compositeur de
musique de film, le support de l’image inonde le propos musical, en faisant
souvent oublier non sa pauvreté, mais son manque total d’autonomie rapport à celle-ci
– les titres d’une B.O sont propices au zapping pour finalement n’en retenir
que quelques ambiances sans véritables lendemains et bien entendu le thème
principal.
C’est aussi peut être bien pour cela que désormais, les B.O sont constituées
essentiellement de titres originaux puisés çà et là chez moulte artistes, et
que seul le « générique », souvent court pour s’inscrire en mémoire,
est destiné à être remarqué.
Aussi, de telles B.O sont bien trop rares (la face B est à elle seule un
véritable bijou de pureté musicale) d’autant qu’en ce cas présent, celle-ci est
l’œuvre d’un musicien à l’étiquette jazz collée aux baskets et au bugle.
Certes, il semblerait que Chuck ait remodelé le sujet initial pour en faire,
justement cet album construit comme une fresque, une suite et cela s’avère tant
intimiste que magistral.
L’album s’empoigne du sujet pour le sublimer et en faire resplendir les
contours, décors et atmosphères qui suintent à chaque passage de sillon.
Tout cela est interprété par une équipe de musiciens qui portent le projet et
le thème principal (car il en faut toujours un, c’est la règle) avec une
qualité tant de jeu que d’interprétation.
Une rythmique solide et souple à la fois (James Bradley Jr – batterie, Charles Meeks
– basse, Chuck Mangione se réservant également les claviers), un complice aux
saxes, anches et flûtes (dont l’alto – « Echano »), en la personne de
Chris Vadala et aux guitares en tous genres, Grant Geissman.
La guitare étant, avec le violoncelle solo (« Death Scene »), l’élément
central de l’atmosphère de l’album.
Don Potter ainsi que Phyllis Hyman prêtent leurs voix.
C’est Chuck Mangione qui dirige tout ce beau monde.
Il porte donc le projet à tous les degrés possibles, instrumentiste à fonctions
multiples, compositeur, orchestrateur et chef d’orchestre.
Il s’offrira tout de même une petite joute amicale funky, avec un autre
trompettiste, Jeff Tkazyik (« Medley »).
Comme toute B.O, un thème principal sert de sujet à variations et on le
repèrera très vite et le savourera à chacune de ses déclinaisons, fil
conducteur de l’œuvre, leitmotiv brillant, dramatique ou sentimental selon les
situations.
Et autour de cela va s’organiser un véritable festin orchestral.
Alors, si, je crois, il est un album de ce grand musicien qu’il faut
(re)découvrir afin de réaliser sa pluralité créatrice au-delà de son axe
instrumental, au bugle, qu’il a véritablement magnifié, c’est bien sur ce « Children
of Sanchez », aux couleurs chatoyantes et sud-américaines, qu’il serait
intéressant de se pencher.
R.I.P Mr Mangione, votre musique reste et restera pour moi, un enchantement de
tous les instants.
J'ai toujours adoré le son du bugle, son velouté, qui détonnait dans les agressives batailles sonores des bigs band ... je me souviens avoir chercher avant wiki dans le dico les différences entre les vents ...
RépondreSupprimerJe connais pas Chuck Mangione, mais le morceau introductif est une merveille.
Demain sur le blog, dédicace spéciale pour toi.
Beaucoup de mes amis trompettistes adorent sortir leur bugle, c'est une sorte de consécration musicale que de jouer, en Big Band, en Harmonie etc. cet instrument.
SupprimerIl est vrai que sa sonorité veloutée permet une richesse de couleurs et donc de possibilités d'interprétation que la trompette, plus brillante, permet moins (sauf si tu t'appelles Chet ou Miles ...).
En tout cas, côté pupitres trompettes, dès qu'ils en ont l'occasion ils adorent le faire apparaitre.
En gros, c'est comme un clairon (oui t'as bien lu), avec les pistons.
Et Chuck Mangione lui a quelque part donné ses lettres de noblesse sur un répertoire plus récent et actuel, en le sortant du jazz pur et dur et en l'intégrant dans l'écriture orchestrale à la fois comme soliste mais aussi comme appartenance à la texture orchestrale.
Demain ?
Je me mets un rappel (merci bcp).
Et merci d'être passé commenter - oui, avec cet album tu vas véritablement avoir un plaisir d'écoute.