BILLY VALENTINE, ERIC REED, KATIE MELUA, THIBAULT CAUVIN…

 BILLY VALENTINE, ERIC REED, KATIE MELUA, THIBAULT CAUVIN…

Sortons nous la tête de la mac(r)onnerie, essayons un peu l’oubli, l’évasion, la sortie de route tracée BFM/TF1 et cons-orts…
Mars, pré printanier offre de belles échappées musicales.
Partons en visites.

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BILLY VALENTINE AND THE UNIVERSAL TRUTH – Label Acid Jazz UK – Mars 2023

L’accroche immédiate, voilà un album qui a de l’âme.
La voix soul de Billy, pas vraiment retraité de la musique et à la belle carrière, un vétéran du genre.
Joli CV, un artiste qui connait son affaire et qui est « représentatif » tant culturellement que politiquement (« protest-soul ») et bien entendu, musicalement.
Un son d’une formidable présence, roots, à fleur de peau, production Bob Thiele Jr, des musiciens de luxe ou de rêve, au choix, si ce n’est les deux.
Larry Goldings aux claviers, comme toujours pile dedans. Choix des textures, pertinence des voicings, limpidité et « réalité » des solos (« Wade in the Water »), imaginatif, créatif, maitre d’ouvrage…
Joel Ross au vibraphone qui étoffe de limpidité un sujet dense et intensément engagé.
Immanuel Wilkins est au saxophone et surfe, ambiance ou soloïse, libre (« the creator has a master plan »), sur ces rythmiques qui foisonnent de groove.
Pino Palladino et Linda May Han Oh se partagent des basses aux lignes absolument irrésistibles, d’une grande profondeur rythmique, d’une formidable direction, d’une richesse bienfaisante.
Theo Croker crache des solos de trompette qui prennent au corps et à l’esprit (« Sign O the Times »).
Jeff Parker est aux guitares, il augmente l’espace, il ouvre le champ d’action (« The World is a Ghetto »), il lie la sauce.
Abe Rounds, à la batterie est implacable, subtil tant que rentre dedans quand la nécessité l’impose, un son naturel, plein, de bois et de métal, de peau et de cliquetis.
Des « standards » de Gil Scott Heron, de Curtis Mayfield, de Leon Thomas, de Prince (« Sign O the Times »)…
La forte empreinte rythm’n’blues, soul, gospel (« Wade in the Water »), groove-funk… la plongée la plus torride et cependant des titres en retenue permanente pour mieux faire exploser cette pulse addictive, implacable, attractive et impérieuse qui émane de chaque instant, au sortir de chaque fragment de cette musique irrésistible.
S’il en est un ce mois-ci… il faudra passer par celui-ci.

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ERIC REED « Black, Brown, and Blue » / Label :  Smoke Sessions 2023.

Rappel direct de l’une des plus grandes et emblématiques suites de Duke Ellington que ce titre dont le style pianistique est immédiatement mis en hommage, ce, d’entrée, laissant directement l’auditeur s’embarquer vers des contrées trempées d’histoire.
Luca Alemanno est à la contrebasse et Reggie Quinerly à la batterie et ce trio va, sous la houlette du pianiste aux multiples références (Wynton Marsalis, Freddie Hubbard, Joe Henderson, Diane Reeves…) et à la carrière solo très conséquente nous offrir un bain de jouvence séculaire, empreint de tradition.
Eric Reed chante aussi comme ce  « Lean on Me » de Bill Withers auquel il va donner une énergie solo absolument renversante.
Le trio entre en action avec « I Got it Bad (and that ain’t good) », épuré au maximum, dépouillé de tout subterfuge, minimal à souhait et tellement poignant.
L’album va ainsi défiler avec des musiciens qui nous « parlent » au creux de l’oreille, nous expriment leur plus profonds sentiments, nous racontent… des histoires inscrites dans leurs gènes, dans leur éducation, leur importante culture.
Rien ici n’est « de trop », juste ce qu’il faut de puissance expressive afin d’installer le frisson et l’émotion.
Je me suis forcément arrêté sur « Infant Eyes », ce thème si peu joué de Wayne Shorter qui a sonné là comme un urgent rappel et dont l’exposition thématique au fond d’un temps qui semble se retenir afin de ne laisser Wayne partir ne peut qu’être bouleversante.
Je n’ai pu éviter « Along Came Betty » cet autre thème que j’ai joué il y a fort trop longtemps et qui va ici chalouper gracieusement, mailloché en toute finesse.
La curiosité m’aura obligatoirement amené à jeter l’ouïe intéressée vers le « Pastime Paradise » de Stevie, juste voix piano, purement et simplement jouissif de feeling et de soul.

Je ne connaissais que fort peu cet artiste, ce pianiste, si ce n’est au détour de ses participations et collaborations, j’entre donc ici de plein pied dans sa carrière solo et cette porte d’entrée m’a laissé augurer de bien beaux moments.
Eric Reed est un nom qui va désormais faire partie de ma longue liste de pianistes à chérir.

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KATIE MELUA « Love & Money » - BMG Right Management 2023.

Chouette ! Un nouveau Katie Melua !
Va-t-il, comme son N°8, m’inviter à l’écouter, encore et encore ?
Dès  « Golden Record », ça semble bien parti pour…
Ce son spatial, ces programmations diaphanes, cette voix toujours si aérienne…
Allez c’est parti, j’embarque !
« Quiet Moves » c’est pop, envoutant, ça oblige. La mélodie est immédiate, les grattes insistent, le beat basse/drums inéluctable, oui, c’est bon, je crois bien que ça y est, l’empreinte addictive s’est déjà inscrite.
« 14 Windows » ne va pas vraiment changer la donne, cette voix, ces chœurs si délicats…
cette prise de son drums si naturellement épaisse. Et les arrangements, du pointillisme …
« Lie in the Heat » syncope léger, envahit de guitares tout azimut, pianote léger… le champ est ouvert pour une guitare en mode soliste respons. Pas d’omniprésence soliste, là encore la parcimonie, la douceur et la délicatesse et pourtant le beat rythmique est insistant. Savoir… faire prendre la sauce…
« Darling Star » et son plan pianistique absolument, à priori, impossible à coller avec le groove basse et drums, mais voilà… et c’est ainsi qu’on va arriver à ce pont « unis » paradisiaque. Et quelle ligne de basse…
« Reefs » flirte rock, sature sans trop, le son s’est noirci, alourdi, c’est intense et compact et tellement aérien en même temps que ce chant naturellement réverbéré, qui flotte au-dessus de ces éléments solides.
Wha… je pensais prendre une pause, mais non, je crois que ma curiosité va m’amener au bout…
« First Date »… cette fraicheur et cette optimisme juvénilement pop sont juste dans le titre… Je penche l’oreille vers ce piano électrique si cristallin.
« Pick me up », un petit environnement électro, une mélodie qui impose l’acoustique aux guitares. Là encore le mélange et l’art de réaliser la saveur avec des ingrédients de tous bords comme ce piano vraiment oldies qui apporte sa touche intemporelle.
« Those sweet days » hésite à installer sa pulse valsée et puis ça va s’ouvrir gospel-isant, grandiloquent, chargé d’émotion vocale. Superbe !
« Love & Money » va conclure tout en acoustique, pop-folk sera l’idée que l’on retiendrait… C’est épuré, conclusif en suspension, le violon est un paysage de fond avant de prendre place sur l’avant-scène.
Je sais déjà que cet album va obligatoirement m’être indispensable.
Il a les qualités musicales, artistiques les plus subtiles et fines qui soient.
Il est la féminité la plus représentative possible.

Katie Melua a un nouveau compagnon, elle a donné naissance à un fils (elle était enceinte lors de l’enregistrement de cet album), elle parle ici d’amour, de bonheur, de plaisir simple de la vie et de « ciel bleu » …
Un album qui par les temps qui courent fait oublier le quotidien et va apaiser les esprits de ses auditeurs.
Un album réellement connoté pop-folk, épuré de tout effet, tellement « naturel », ce qui semble être finalement, dans l’air du temps et c’est tant mieux.

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THIBAULT CAUVIN « Bach » - Sony Classical 2023.

Avant de parler de l’album je m’ouvre une parenthèse.
La seule personne à laquelle je prête attention sur la télé de télématin qui s’occasionne parfois chez nous, c’est Alex Jaffray.
J’ai fait une overdose et une insupportable indigestion de ce petit club initié par l’imbuvable Leymergie, absent mais dont l’état d’esprit reste malgré tout trop bien présent.
Ce club de « potes » qui vient blaguer, déblatérer, t’inviter à participer à leurs ébats/débats auréolés de rires et ricanements, d’opinions choquées et surtout circonstanciées. Ces trois « stupides » qui chantent l’actu sur tubes ringards, ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder un vase de rejet déjà largement rempli.
Mais…
car il y a toujours un mais…
Il y a ce gars, Alex.
Un petit plaisantin troublions à la culture incroyable, à la pédagogie remarquable avec cet art de la vulgarisation sans pour autant être démago, à l’humour que les musicos connaissent bien car il l’est aussi le bougre et pas des moindres. Le genre qui moi, me fait hurler de rire à chaque fois qu’il en balance une, car chez lui y’a pas que la forme, y’a aussi… le fond.
Et le fond c’est qu’il connait grave son sujet, moi il me scotche à chaque fois.
Genre il te balance un tube et va te chercher un arbre généalogique de celui-ci en te dégottant le truc qui en était à l’origine soit la version prémium dont personne ne connait vraiment l’existence, soit le titre qui aura fait déclic et inspiré ledit morceau.
Il va te décrypter par extraits – par exemple car là il m’a vraiment épaté – les musiques de Star Wars et te faire des comparatifs avec Prokofiev, Stravinsky et tant d’autres à un point excessivement bluffant…
Bref Alex, c’est vraiment une mine d’or de connaissance musicale, j’ai même pensé lorsque je donnais mes cours de culture musicale/Fm à exploiter carrément ses passages vidéo pour m’en servir de matière avec les ados car sa « proposition » est tant ludique que fondamentalement captivante, ce même pour ma pomme. En tout cas sans avoir pu aller jusque là, son lexique culturel m'a largement été utile en de nombreuses circonstances et je l'en remercie d'ailleurs.

Donc l’autre jour Alex débarque avec le dernier Thibault Cauvin.
Bach…
Bon, si tu suis l’actu des sorties classique il aura été difficile d’y échapper à cet album et en plus le orange, en pochette gueularde forcément ça attise l’œil.
Bon je l’ai donc mis dès sa sortie en « favoris » afin de l’écouter… un jour… peut être… ou jamais.
J’ai malheureusement la mauvaise éducation culturelle pour le classique de la musique à l’écriture d’origine, alors, par exemple la toccata qui t’en met plein la tronche aux grandes orgues, la voir là, à la guitare…
Et puis le voilà qui te vend le truc.

Je pense alors à mon ami Jean Marc (avec qui on a répété ce matin puis partagé un bon repas ainsi qu'un excellent whisky) qui adapte tout ce qu’il est possible d’adapter (Jean Marc je sais que tu me lis et finalement tu devrais lui en envoyer de tes arrangements à Thibault… je suis sûr qu’il t’en prendrait pour son prochain album…) et je me décide car Bach, Alex te le remet en haut de la pile avec tout le lexique adéquat…
Et je me dis que, comme je me suis fait y’a pas longtemps toutes ses Passions ainsi que ses Messes, ça vaut certainement le détour.

Et là !
Purée ! que ça le vaut !
Et au sortir les pièces, qu’elles soient issues de leur jus ou détournées reprennent leur seule et simple expression et Bach ressort encore grand gagnant de l’histoire de la musique (avec Mozart…).
Beauté, pureté, lecture parfaite qui permet d’écouter l’œuvre sous un angle différent sans pour autant en perdre sa profonde substance…
La prise de son est absolument merveilleuse, l’expression est à chaque recoin de cette musique qui de toute façon a franchi les âges pour éternellement « toucher » l’auditeur.
Bon, bref, Bach ainsi épuré, à la guitare (mais rappelons-nous que le luth a été un instrument pour lequel il composa) et sous les doigts précis tant que délicatement expressifs de Thibault Cauvin c’est un voyage que m’a initié Alex et que je vous invite à faire.
S’il est un album « classique » à mettre pour votre bien être et à se procurer ou installer dans vos listes de streaming ce sera celui-ci.
voilà, c’est dit.
Merci Alex et continue à me faire marrer le matin car heureusement que t’es là (et c’est pas uniquement parce que, forcément, tu parles de musique)… il faudrait plus de mecs comme toi sur les plages horaires de « grande écoute » (entre guillemets car on n’écoute plus rien – on regarde hébétés…)

Allez, pour aujourd’hui, c’est fini…
à très vite pour de nouvelles aventures musicales (et peut être autres car en ce moment, y’a de quoi rugir !).





Commentaires

  1. Ha ha, bien fait pour toi, j'écoutais gentiment Katie, tout en téléchargeant Billy... tranquille. Je lis le papier de Thierry et je suis intrigué par Alex... je cherche et je tombe sur ses chroniques de 2 minutes (celles de TELEMATIN semblent ne pas rester longtemps accessibles en replay?) et du coup ... j'ai arrêté de te lire, j'ai coupé Katie (Billy se charge sans moi) et j'avoue être enthousiasmé par le ton. J'ai bien fait de passer. Mais je vais reviendre, Billy m'intrigue et Katie que j'écoute peu va me permettre d'éviter la critique habituelle qui se plaint de la redite. A bientôt

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    1. C'est ça le but, on va, on vient, on part, on revient, après tout pas de ligne tracée...
      Alex... J'ai toujours aimé effectivement "le ton" du bonhomme, il est enthousiasmant et présente la musique autrement que par ces interviews branlette intello et même quand il en fait une c'est avec une box à samples, de façon toujours très "musicien"... et avec respect et cet humour...
      Billy tu vas devenir amoureux du truc.
      Katie Melua et la "critique" de redite... m'étonne pas, les gens ne savent pas savourer le temps, ils zappent, ne savent plus s'arrêter, apprécier, comprendre l'univers d'un(e) artiste, non faut que ça soit instantané et immédiat. K Melua, c'est tout le contraire, y'a effectivement une identité (mais encore heureux) et une pâte distincte, de là à penser redite... non c'est juste sa vie par des chansons d'une infinie qualité.
      Quand à Bach...
      Allez à plus.

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  2. Tu parles d'albums que je ne vois passer nulle part ailleurs, c'est bien et du coup je ne connais rien à part Katie Melua mais ce sont des souvenirs du 1er album..je la pensais plus evoluer dans le jazz ? Je l'ai vu à la TV l'autre jour et c'était plutôt folk, j'irai écouter ça de plus près...
    Jeff Parker c'est le même que dans Tortoise ?

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    1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    2. Bonjour Chris,
      C'est vrai que K.Melua a été étiquetée jazz mais - et c'est bien ce qui me fait marrer quand on parle de redite rapport à cet album - elle a pris un cap délibérément plus pop, voir folk ce qui n'est pas pour me déplaire et semble, sans autre comparaison, un parcours similairement américain à celui de Joni Mitchell, par exemple.
      Jeff Parker tu le retrouves dans plein de prods soul, funk, groove, je ne pense pas qu'il s'agisse de ce J.Parker là.
      En tout cas j'aurais pensé que ces albums, on parlait un peu plus, je fouille, j'écoute et je ne me pose pas plus de questions, juste je parle de ce qui me plait ou m'interpelle, comme d'hab... mais Qobuz est un super espace de découvertes...
      Donc c'est cool...
      Merci de ton passage.
      à +

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