« L’ OPERA » - Série OCS.

 « L’ OPERA » - Série OCS.


La « maison »…

Autour de la vie du corps de ballet, telle qu’elle est aujourd’hui, les épisodes racontent, se succèdent de façon captivante et véritablement addictive.
Tout pour l’art, la beauté, le patrimoine mais aussi l’audace, la création.
Il y a là tellement d’axes mis en avant que c’en est étourdissant de réalisme.
Une telle série permettra à quiconque de « découvrir » réellement un milieu qui s’il est élitiste et semble n’être que cela, reste avant tout humain et artistique avec une mise en avant d’un métier, de son engagement et de la pression qu’il exige.

L’opéra de Paris (Garnier) est emblématique.
Il semble intouchable, séculaire et « réservé ».
Il soigne une certaine opacité dont la seule surface visible se révèle sur la scène magnifique, magique et légendaire.
Il a pourtant été le centre de bien des audaces, de bien des créations, de bien des scandales aussi.
L’audace, le modernisme y côtoient la tradition avec tout ce qu’elle implique tant en pédagogie qu’en cadre, au quotidien.

L’opéra n’est pas qu’un lieu de spectacles exemplaires – c’est aussi une école.
C’est du personnel, des salariés qu’ils soient techniciens, administratifs, professeurs, musiciens ou danseuses/danseurs de toute « catégorie ».
C’est aussi de la politique culturelle, budgétaire.
Des choix, des options, un comité, des responsables.
Une micro société, une véritable entreprise, finalement, dans laquelle vivent et évoluent au quotidien tous ces acteurs de la vie artistique, mus par l’art, passionnés par leurs choix devenus vocation.

Dans cette série aux multiples rebondissements, tout cela s’enchevêtre au fil de 2 saisons (entendons la, programmation – car habilement les saisons du petit écran sont agencées sur les saisons d’une programmation) et de personnages parfaitement caractérisés. Ils évoluent au fil d’intrigues liées à la réalité de la vie et à l’actualité sociale (et pas que culturelle ce jusqu’à une cabale digne de celles qui inondent l’actualité syndicale dans de grandes entreprises – on réalisera alors que l’opéra est d’ailleurs une « grande entreprise »).
On apprend, on découvre, on casse des idées pré reçues, on s’interroge, on prend part, on comprend et forcément la surface s’efface au profit d’un quotidien pas toujours joli-joli… juste… équivalent à celui de tant d’entre nous, vous…

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- Il y a là la danseuse étoile qu’on veut virer, qui est en plein marasme existentiel. Elle reste glorieuse, mais ses excès et sa réputation devenue médiatiquement sulfureuse détonnent pour l’aura de la grande maison. Elle fera intervenir les rouages syndicaux, la politique, les soutiens… finalement une situation de harcèlement bien commune. Dénigrée, mise au placard, se reprenant et bossant comme une damnée afin de revenir en force, elle est au centre des intrigues puis subira en saison deux, un évènement dramatique. Elle s’appelle Zoé et elle force l’admiration de a jusqu’à z.

- Il y a là la petite afro venue des cités. Débarquée là par la pure démagogie politique d’un directeur de la danse (Sébastien) en mal de carriérisme, elle se rendra très vite compte que sa couleur de peau et son milieu social vont être de puissants freins à la réalisation de ce qui au départ semblait un « rêve ».
Elle va se battre, en chier, s’imposer tant auprès de ses camarades que de tout ce qui l’encadre (professeurs, administration ce jusqu’à sa famille). Il y a là cette vérité et cette réalité, tellement bien exprimée au grand jour. C’est Flora, second personnage central.

- Il y a là la prof qui arrive pour reprendre du service. C’est la « faiseuse » d’étoiles…
Une autocrate qui aime bien et surtout châtie bien. Accrochée à un mode séculaire d’exigence, réellement tant que faussement maternelle envers celles et ceux qu’elle estime capables de sortir du lot. Elle campe l’archétype du détestable. Elle ne connait que le résultat, son résultat… qui doit être parfait et pour cela l’humiliation auréolée de suffisance et de prétention, de quant à soi, est l’un de ses moteurs et leviers « pédagogiques » principaux.
C’est Diane.
Ses prérequis vont être mis à mal et elle finira dans le doute.

- Il y a là la secrétaire de direction, qui cavale du matin au soir, ne dort pas, ou si peu, ne part jamais en vacances...
Elle se démène avec les directives d’une hiérarchie tant politique qu’artistique que patrimoniale (ce jusqu’au mobilier). Elle doit aménager les incongruités de ces mondes opposés.
Elle passe sa vie dans les chiffres, les tableaux Excel, les délibérations, les arrêtés...
Si la « maison » tourne, c’est en fait, grâce à elle.
Elle est sous pression permanente et pour sûr elle ne vivra pas longtemps à ce rythme-là.
Elle est capable de solutions inédites, inespérées et salutaires, toujours pour le bien de « la maison » et de son prestige.
Elle est fondamentalement humaine.
C’est Tiphaine.

- On trouvera également la « directrice » des opéras, chargée par un ministère d’une culture à la française bien trop véritablement décrite. Magouilles, fausseté, courbettes envers les investisseurs/subventionneurs, regard soi-disant intègre, tout y passe… mais elle reste garante d’une certaine image médiatique, elle est l’un des pivots qui fait réaliser à quel point la politique et l’art sont incompatibles et démontre que, pourtant, l’un ne survivrait apparemment pas… sans les magouilles de l’autre.
Avec elle le florilège de chefs de cabinets (Raphael), de directeurs artistiques, de riches sponsors, d’éminences politiques en mal de lisibilité d’intérêt culturel…
L’autre aspect et pas vraiment le plus reluisant…
C’est Nadia.

- Il y a là tous ces jeunes qui ont intégré l’école de ballet.
Souvent issus de milieux sociaux aisés mais pas que..., ils naviguent dans cet espace immense, de studio de danse en coulisses, de répétitions en scène. Ils aspirent à gravir les échelons.
De concours en examens, de questionnements en investissement, d’épuisement en motivation énergique, leur vie c’est d’abord la danse.
Mais leur vie passe aussi par Insta, Facebook, la fête et les beuveries, la baise ou un semblant d’amour. L’amitié a du mal à prendre sa place - ce milieu est cruel et la jalousie, la concurrence, le travail sont omniprésents, avec une pression de tout instant – mais quand elle s’installe elle porte avec elle son lot de profondeur forcément liée à l’adage artistique.
Aurore et Valentin, sœur et frère sont les têtes émergeantes de ce lot à l’effectif coloré, représentatif, sorte de carte postale identitaire à multiple facettes. Aurore va progressivement se placer au centre de l’action, comme son frère d’ailleurs.

- Alec va traverser de façon détestable puis attachante ce milieu de la danse. Premier violon il va, par souci professionnel se confronter, s’abîmer puis se passionner avec et pour ce microcosme. Il est l’un des rares représentants de cette « caste » qu’est le milieu des musiciens dans l’opéra.

- Autour d’Idir gravite toute l’équipe de la technique. Ils sont pros jusqu’auboutisme. Ils gèrent, s’adaptent, innovent, créent et imaginent. Grace et avec eux, la scène devient magie et transcende la seule expression de la danse en féérie. Mais en cas de bavure, ils sont au centre des responsabilités…

- Il y a plusieurs étoiles au sommet de la pyramide illustrée par Zoé. Femmes ou hommes, réellement sportives et sportifs de très haut niveau, la vie les rattrape. Leur reconversion professionnelle et leurs vies privées surgissent dans les épisodes et ramènent à la réalité.

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L’opéra se regarde comme toute série.

Mais il laisse non entrevoir mais bel et bien voir de quoi il en retourne dans le milieu artistique français. La maison prestigieuse est organisée depuis des lustres en société bien huilée et comme toute entreprise elle est face à son passé et devant son futur. La société est passée par là et l’émergence habituelle de la jeunesse impose son actualité sociale, culturelle, éducative et mouvante.
Il faudra combiner avec cela, oser un « Sacre » encore nouveau face à un archétype séculaire, penser collectif là où la pyramide amène vers la starification. Collectif et solidarité vont progressivement devenir contre-pouvoir. C’est aussi l’une des leçons à prendre en compte une fois que tout cela s’achève.
Alors on reste, comme souvent, en suspens. La seconde saison s’achève et on désire déjà la troisième.
Mais ça, avec le mode série… on a l’habitude.
Sauf que, ici, enfin on a changé d’angle thématique. La vie s’est invitée dans un espace inédit, intouchable et opaque et le rideau s’y lève d’épisodes en rebondissements.
 

Commentaires

  1. Très bien raconté, nous en sommes à la première saison pas encore commencé la deuxième. Ma frustration - égocentrique que je suis - fut de voir davantage aborder la danse/ballet que le chant. Mais en fait c'est une bele initiation à un genre que je connais mal. Pour le reste j'aime ton optimisme et j'espère qu'il sera de bonne augure: la vie s'invite dans ce milieu élitiste. En tout cas je le mets en haut de ma liste (EUPHORIA dans un tout autre genre est aussi une belle présentation, autre angle, d'un sujet qui m'a touché deux fois: Adolescent puis Parent et cette belle chanson de Lana Del Rey "Watercolor Eyes")

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    1. C'est rare que je pense télé ici, mais ça m'a semblé sympa de parler de cette série qui change à la fois de thématique (plutôt inédit que d'entrer ainsi à l'opéra) et d'angle (la danse classique et contemporaine, assez méconnues du "grand public")
      Bon, la saison 2 je te laisse la découvrir et moi perso, j'attends déjà la 3.
      En attendant, House of Dragons (précédent Game of Thrones) satisfait largement à remplir ma passion pour cet autre "genre"... j'y associe volontiers d'ailleurs le métal prog et forcément, le prog (le côté épique, pugnace... ou... Meat Loaf) ou encore certains poèmes symphoniques.
      Merci d'être passé.
      Bonne saison d'automne et d'opéra.

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  2. Coucou je vais essayer de rattraper mon retard ici comme ailleurs...
    Et flûte je n'ai plus OCS... ils ont souvent de bonnes séries...
    Il y a quelques années il y en avait eu une sur France 2 sur un orchestre symphonique à Paris, il n'y a eu qu'une saison mais c'était pas mal pourtant, ça donnait aussi à voir un peu tout ce qui se passe hors scène, mais je n'ai plus le titre en tête....

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    1. Bonjour Chris,
      Merci de ton passage, je vais me renseigner sur cette série également.
      C'est pas mal que la vie artistique s'invite sur le petit écran. Bon parfois c'est carrément juste argumentaire (une série avec un patron de jazz club sur netflix... pas d'un grand intérêt sur l'aspect de la réalité mais en mode fiction polar...).
      Du retard ?...
      On fait comme on peut, tu sais ce que j'en pense.
      Ca doit rester fun et libre que tout ça - c'est juste du plaisir.
      J'espère que tu vas bien.
      à +

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    2. Pour te dire de mon retard, je suis avec Carla Bley "Trios" 2013 et je rame à contre courant .. comme les livres d'ailleurs (j'ai attaqué la bio de Brel par Olivier Todd et le pavé sur le label 4AD de Martin Aston.. c'est pour dire). Tellement je voulais réagir sur tes billets ECM. Bref je pense souvent à toi pour plein de choses. Et ce billet "opéra". Comment réagir à ça en tant que cancre et bredouille. Des parents, classique maternel, jazz paternel..je m'oriente plus jazz, pas faute d'avoir tout essayé. Je laisse les émotions me guider..
      Ces jours derniers, je revisite tout Santana (CdR mp3 dans ma vieille bagnole) et puis le Seb Martel que tu vas apprécier je pense.
      Merci pour ton indulgence, je flotte un peu ;D
      Biz

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    3. Seb Martel, mais oui...
      Bon bref, la vie et la cavalcade habituelles - pour moi aussi t'inquiètes.
      Curieux, j'ai un peu décroché de ECM ces derniers mois, besoin d'autres ambiances, surement... Et j'ai bcp écouté de classique, la logique des retours en voiture où tu as joué jazz, pop etc pendant qq heures, alors il te faut "autre chose".
      On a pas mal joué Santana cet été (et encore puisqu'on a encore qq dates en duo) - le titre Moonflower, Samba pa ti... etc...
      J'adore Santana, directement addictif.
      Impossible de choisir un album plus qu'un autre - j'entre dedans direct et ça ne lâche pas. Tiens, je vais m'en prendre un pour la voiture...
      Mon père, classique et jazz...
      Jean Marc vient de m'offrir le pavé "Les arrangeurs de la Chanson Française" - de quoi lire des heures... là aussi tellement de retard.
      L'opéra... si t'as l'occas'.
      Et quelle indulgence ? - c'est la vie.
      Biz

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    4. Ahh :) je suis anonyme aussi chez toi.. désolé..mais tu m'as débusqué

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    5. Ah ..anonyme aussi chez toi..mais tu m'as débusqué. De Santana..je redécouvre ses albums moyens pour moi à l'époque (années 80)..mais qui prennent tout leur sens maintenant.. va savoir pourquoi. Mais on s'éloigne de l'opéra. Mais pas du jazz. D'ailleurs ..je suis sur Barney Wilen en ce moment .. merde, encore hors sujet ;D Biz; Charlu

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    6. Oui je savais bien que c'était toi...
      Barney Wilen - l'album de ballades, un joyaux.
      Santana années 80, effectivement on a mis de côté car attachés au son seventies, mais sa carrière est captivante - c'est de là que je suis devenu un suiveur de Journey, par exemple, car ils sont issus de là. Idem avec Gino Vannelli qui embauchait Mike Schrieve.
      bref, pas mal de ramifications...
      Et c'est aussi pour ça que perso j'ai l'orgue CX3 qui était le fétiche des backgrounds du guitariste.
      Tout un son, une légende, une pâte.

      L'opéra.
      Ici pas de chant mais juste le corps de ballet un sujet tellement rarement traité que ça en vaut la peine.
      Et tant de musiques dédiées à la danse, de Stravinsky à John Surman...

      Allez, bonne journée, anonyme.

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